Posté le 25/06/2011 00:00
L'Hylien avait rejoint le Ranch, particulièrement inquiet. Il s'en faisait plus pour la fille de ferme et Talon que pour les lieux, en soi, mais savait à quel point la jeune Hylienne tenait à ce qui pouvait être assimilé à sa vie. Ce patrimoine, s'il ne représentait que des terres vertes d'herbes, quelques palissades de bois, et quelques bêtes aux yeux du blond, était à la rouquine ce qu'était le Royaume au Héros. Terres qu'elle chérissait ainsi plus que tout, bêtes qu'elle aimait peut être autant que son père. Pâturages adorés, enclos bâtis à la sueur des fronts.
Des générations de travail.
C'est dans cette optique là que le Héros s'était décidé, malgré les recommandations de la Princesse de la Destinée, lui disant d'arpenter Hyrule, à veiller sur le Ranch.
Il était resté aux alentours, des jours durant, sachant rester discret, pour ne pas gêner les garçons de ferme, et les gérants. Mais en cette nuit tiède, Link avait ressenti le besoin de revoir son amie équidé. Aussi s'était-il faufilé assez aisément dans l'enclos, à la nuit tombée, malgré les blessures encore récentes infligées par les Stalfoss de la Forêt.
L'Arbre n'avait su répondre à ses interrogations, mais au moins Link avait-il pu débarrasser le Doyen Sylvestre des créatures malsaines parcourant la demeure du sage parmi les sages.
Sous les mailles qu'il portait, le Champion de Farore était bandé : des tissus venaient enserrer son corps aux endroits où l'acier l'avait mordu. Ainsi, portait-il des morceaux de lin blanc au niveau des hanches -la droite ayant été sévèrement touchée- et de l'épaule opposée -gauche, donc.-.
Dans son dos, un écu simple, orné de l'Aigle Hylien, et des armoiries du Bourg. En acier forgé il s'assurait ainsi une protection efficace aux coups que l'on pourrait lui porter.
Sot eut-été le badaud lambda de ne voir dans l'initiative de Link qu'une simple balade nocturne en compagnie de son animal. Le Héros du Temps savait ce qu'il craignait, pour l'avoir revu après des lustres d'attente. Attente interminable, qui l'avait rongé, et malgré toute la préparation dont il avait fait preuve, le détenteur du Fragment du Courage s'était retrouvé impuissant, le soir du retour.
L'Obscur avait avancé, indéniablement, comme un sordide appel au retour de celui qui s'était uni dans l'Ombre, avec la Flamme. L'Hylien avait alors su repousser Ganondorf, hors du Temple du Temps, devenu véritable Cathédrale profanée, en cette cérémonie maccabre. Et depuis ce jour-là, il s'était promis que jamais plus il ne laisserait l'Abomination ainsi apposer sa marque sur ses terres. Scarification de ce Royaume qu'il avait toujours protégé ! Il était épée, et il était écu d'Hyrule !
Sur ces pensées, son poing se crispa, son visage se tira, dans un rictus désagréable. Jamais plus. Oh non, jamais plus. Par les Déesses, il ne laisserait pas pareille tragédie se renouveler.
"Tout doux, tout doux." Fit-il doucement, caressant gentiment la tête de la jument. Elle aussi semblait inquiète : dans ses yeux se dansait un bal, où les deux protagonistes s'étaient choisit pour noms Peur et Effroi.
Mais l'Hylien ne parvenait pas à réconforter la pauvre bête apeurée. Il n'avait pas les dons de Malon, avec les chevaux. La rouquine aurait sans doute su apaiser l'animal d'un simple clin d'oeil, lui restait perplexe et incapable. Et, cette crainte se répandit comme une traînée de poudre chez les autres animaux. La peur, ou pire épidémie qui soit, quand elle frappe l'ensemble d'une population.
Les animaux commencèrent à s'agiter, et le Héros déjà bien sur ses gardes se fit plus austère, plus sec. Quelques hennissements s'élevèrent, dans l'enclos bien peu peuplé, alors qu'au loin semblait retentir le spectre d'une voix, portée par un vent surnaturel.
Il arqua le sourcil, conscient qu'il ne s'agissait peut être que de son imagination, lui jouant encore des tours. Mais mieux valait prévenir que guérir, et il préféra rester sur ses gardes. L’inquiétude des animaux était bien présente, si ce soupçon de voix pouvait être tiré de son subconscient. L'homme de vert ne pouvait tout simplement pas les ignorer.
Link se détacha d'Epona, qui rua. Un petit bond en arrière lui évita un désagréable coup de sabot dans le visage, qu'il avait déjà balafré, suite à ce malheureux affrontement contre les guerriers squelettes.
Plus silencieusement, il s'éloigna des frêles enceintes de l'enclos, sans rien voir qu'une vague ombre informe, filant droit sur le Ranch.
Damné sombre jour. Ou plutôt nuit.
Le porteur de l'Épée légendaire pesta. Si beaucoup se seraient laissé prendre au piège de la nuit, lui savait que ce mouvement était tout sauf anodin. A l'Ouest, rien de nouveau, mais à l'Est nul ne pouvait nier qu'il se passait quelque chose.
Sans doute était-il trop tard pour faire quoique ce soit : déjà les premières vagues retentissaient, hurlantes et impies dans les pauvres clôtures du Domaine Lonlon. Vif comme l'éclair l’Élu tira sa lame -Excalibur- et effectua quelques moulinets, s'échauffant le poignet aussi vite qu'il l'eu pu.
Chance dans cette malchance, juste après ces quelques mouvements se dessinèrent les contours floutés par une nuit sans lune d'une silhouette qu'il ne connaissait que trop bien.
Dragmir Ganondorf, dans toute sa grandeur d’Ébène se découpait, encre de chine de cette nuit de jais. Ses cheveux d'un roux flamboyant formaient un casque de guerre impressionnant autour de son faciès grisonnant. Sa barbe lui mangeait le visage ajoutant encore à cette impression de stratège, véritable génie militaire, alors que dans ses yeux brillants, Folie se faisait toute puissante. Lueur ambre et violente dansant un ballet mortel.
"Te revoila.."
Link souffla ces mots, sans pour autant n'y insuffler que la crainte que lui inspirait le Cavalier du Désert. Tout Elu du Courage qu'il était, tout brave guerrier qu'il puisse être, il restait humain. Humain, avant tout. Et le courage ne s'était jamais avéré être le suicide. Combattre ses peurs et les vaincre est autrement plus difficile et plus courageux que de n'avoir peur de rien.
Et pourtant, le Héros des Déesses parvint à jeter avec ses deux mots toute la haine qu'il nourrissait à l'égard du paria et du voleur.