La rouquine avait chevauché tôt ce matin, très tôt. Le soleil n’avait même pas dardé ses premiers rayons de soleil sur les landes d’Hyrule. Accompagnée de la lune et des étoiles, Malon avait enjambé Épona – que Link n’avait toujours pas rappelé – comme voilà bien longtemps elle ne l’avait fait. La fermière n’était cependant pas sortie de chez elle, faisant les tours de pistes de l’enclos. La terre battue par le galop rapide de la jument et la fraîche bise matinale lui filant dans les cheveux et caressant ses joues rosées par le froid lui donnait l’impression d’être le vent lui-même. La rouquine se sentait libérée, le temps d’un instant. Et lui faisait oublier qu’elle n’arrivait pas à trouver les bras de Morphée – ou alors était-ce Morphée qui l’avait égarée.
Et cette difficulté à s’assoupir n’était point causé par les jours de pluie et ses muscles endoloris par le travail de la terre, mais bien par ce satané journal qu’elle avait lu. Même lorsque ses paupières semblaient peser autant que le monde, Malon ne faisait que les clore et son imagination fertile se jetait dans des tourbillons chimériques. Et ces moments qui énervaient oh! combien la demoiselle de ferme s’était accentués depuis qu’elle avait osé acheter la gazette officielle du Royaume. Le journal confirmait ses craintes.
La jeune fille aux cheveux de feu avait cru pouvoir apaiser ses inquiétudes vis-à-vis de la guerre, et surtout de Link. Voilà presqu’une demi année qu’elle ne l’avait vu. Malon avait bien tentée de lui écrire, mais sans nouvelle. Ou alors était-ce le jeune homme qui s’occupait de donner les lettres qui était incompétent. La jeune femme aux cheveux rouges en avait plus que plein la tête des rumeurs, et lorsque le document officiel entre ses mains confirma la disparition de Link, elle crut le temps s’effondrer autour d’elle. Il lui fallut peu de temps pour parcourir la distance du bourg à chez elle, où elle s’enferma dans sa chambre, feignant un malaise à la maisonnée. Elle l’avait relut, une, deux, trois fois, avant de le jeter au feu.
Link. Il était pire qu’un maux de cœur pour la rouquine. Il la hantait. Elle l’aimait. De tout son être, de toute son âme, de tout son cœur. Où était-il maintenant ? Était-il perdu ? Allait-elle le revoir un jour ? Est-ce qu’il était seul ? Est-ce qu’il avait peur ? Était-il tout simplement en vie ?
Les premières nuits, elle s’endormait, larmes aux yeux, le bonnet vert décrassé du Héros sous le nez. Tel un doudou, il avait eu cet aspect réconfortant, mais pas pour bien longtemps. C’était les seuls moments où elle s’adonnait aux larmes, ne voulant inquiéter tout ce beau monde autour d’elle. Par la suite, il fut un moment ou son corps semblait si fatigué des larmes qu’elle restait des nuits entière dans son lit, son imagination confirmant les dires de tous alors que son cœur lui, refusait d’y croire. Quelque part, au plus profond de son être, Malon voulait maudire Farore d'avoir fait de cet homme le Héros du Temps. Une bataille épuisante que cet amour que la rouquine ne savait même pas réciproque ou non.
Et la fatigue qui s’accumulait avait semblé alerter une partie des employés du Ranch, mais Malon réfutait. Elle ne parlerait de ses sentiments à personne. Ni même à papa. Talon lui dirait d’oublier et finirait probablement par la marier à un homme plein de moyen au final. Elle attendrait vingt ans, s’il faudrait, qu’il revienne, même si elle espérait – sans le vouloir – que le temps panse son cœur meurtri d’ici là. Mais tant de moment passé avec lui, tant de souvenirs partagés, il lui semblait impossible de l’oublier et de faire une croix dessus. Ou un semblant de deuil. Une chose était sûre : elle ne croyait pas à sa mort si facilement. Elle y croirait en voyant son corps, inerte, glacé, sans vie. Et cette image lui donnait froid dans le dos.
Après la chevauchée, quand les animaux se mirent à s’éveiller au chant du coq, Malon avait fait ses tâches, en chantonnant cet air si particulier. Il lui donnait du courage, aussi idiot cela pouvait-il paraître. Elle avait ensuite monté les escaliers jusqu’à sa chambre, où elle avait entreprit de se laver dans une cuvette de cuivre après l’avoir rempli d’eau chauffé à point. Bien que la journée ne fût qu’à son début, son corps avait réclamé les chaudes vapeurs d’un bain. Elle lava sa longue tignasse sienne et s’offrit des vêtements propres et de lin, en prévision des chaleurs du jour. Une fois séchée, Malon se mérita un bon repas.
À peine avait-elle posé ses fesses sur le tabouret, prête à déguster un gruau à base d’avoine ainsi qu’un lait chaud sucré au miel qu’on cognait à la porte de la demeure.
Elle s’était levée, un peu à contre cœur, ne voulant point crier, son père toujours au lit. Elle pouvait l’entendre ronfler à l’étage. Elle s’attendait à trouver un timide fermier, comme c’était souvent le cas. Malon leur avait mentionné plus d’une fois qu’ils pouvaient y entrer comme bon leur semblait, comme ils le feraient chez eux. Les nouveaux hésitaient souvent à s’inviter chez les propriétaires.
« Vous savez que vous n’êtes pas obligé de … » gloussa la rouquine en ouvrant la porte.
Quelle ne fut sa surprise de découvrir un homme, à la chevelure de jais et aux traits qu’elle avait su attribué aux gens du Nord. Ce Nord éloigné des montagnes des Mangeurs de Pierres. Malon se demandait souvent, ce qui s’y trouvait, la carte d’Hyrule semblant se ficher complètement des contrées avoisinantes. La rouquine avait parfois rêvé de voyager, loin, mais la guerre et le Ranch l’enracinait ici. Un peu contre son gré, mais elle était loin d’être une pauvre malheureuse.
« Pardon. Je vous avais pris pour l’un des fermiers. » enchaîna Malon, rapidement, toujours dans embrasure de la porte.
Un regard rapide par-dessus l’épaule de l’individu lui permit de voir l’attroupement de colons. Ils semblaient tous regarder, ébahit, cet homme au porche de sa maison, comme s’il fut un dieu. Quelqu’un de célèbre ? Probablement, mais Malon ne replaçait pas son visage. Ceux qui perçurent le regard de la rouquine se remirent au travail, avant de subir une quelconque foudre – Malon, faire une foudre ? – de la part de leur employeur.
« Je … peux faire quelque chose pour vous, messire ? » déclara-t-elle alors que ses prunelles bleutées retournaient fixer l’invité. S’il était venu à elle, c’était que les fermiers ne pouvaient lui offrir ce qu’il recherchait. Malon avait d’ailleurs retrouvé rapidement cette humeur chaleureuse – perdue depuis qu’elle était debout – et gratifia l’inconnu d’un sourire.
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