Posté le 07/08/2012 23:12
Sheik se radoucit légèrement, au moment d’entendre le récit du Chancelier. Si d’après ce qu’il avait vu, ainsi que ses souvenirs partagés avec la souveraine, ce dernier n’avait jamais été un modèle d’humilité, il sentait bien malgré tout qu’il tenait à la Princesse, et c’est pourquoi le Sheikah en conclut qu’il pouvait compter sur lui. Ils étaient précieux en ces temps sombres ces véritables amis qui pouvaient donner l’espoir à Zelda … Comme le lui reprendre d’ailleurs. Mais le risque était à prendre, jamais elle ne tiendrait seule, et il s’estimait capable de reconnaître l’amitié quand il la croisait.
Il haussa toutefois les sourcils pendant qu’Orpheos lui racontait ce qui était arrivé. Ce dernier avait tout bonnement vendu son âme. Il était toujours délicat de passer un marché avec des entités peu recommandables, encore plus quand on ne sait pas ce qu’on engage sur la table ! Loin de lui l’idée d’accabler de reproches le jeune homme, mais il avait du mal à ne pas tiquer en entendant son histoire.
« Chancelier, si j’ai un jour un commerce à tenir je viendrai faire affaire avec vous. Vous me semblez bien généreux au jeu des négociations ! »
Son âme, une liberté dont la mesure était encore difficile à mesurer pleinement… Qu’aurait-il bien pu offrir de plus à ces Ombres en peine ? Mais le musicien se reprit, il fallait avouer qu’à situation désespérée, mesures désespérées… Il n’était pas présent ce jour-là dans le Désert, et donc bien en mal de juger les choix de l’homme qui se trouvait face à lui. En outre il comprenait d’autant mieux certaines réactions violentes d’Orpheos. Si la Princesse avait été très touchée par cette trahison, que dire pour un ami qui avait été jusqu’à mettre en jeu sa propre vie et s’offrir à une magie qui le dépassait … Tout ça pour …
« Pardonnez-moi. Tout cela est préoccupant, mais je n’ai aucun droit de juger votre choix. Je n’ai pas vécu tout cela. Je n’étais pas présent... Toutefois, avec le recul, je pense que le Seigneur Ganondorf, savait lui mieux que quiconque ce qu’il faisait, et que ce n’était guère une bonne idée que de leur offrir plus qu’il n’avait daigné leur céder. »
En fait, il n’y avait nulle garantie que ces Ombres soient fidèles, elles avaient même déjà prouvé l’inverse en changeant de maître. Qui plus est, nulle preuve non plus qu’elles ne pourraient être néfastes, tout autant avec leur nouvelle victime à tourmenter qu’avec son entourage. Sheik devait malgré tout avouer qu’il ne connaissait aucun moyen de libérer le Chancelier de cet attachement et de rompre le contrat. Ce qui était scellé lors d’un tel pacte ne pouvait être défait si facilement.
« Bien… Ce qui est fait, est fait… Il serait effectivement judicieux d’en parler à la Princesse. Elle en sera informée si tôt qu’il sera possible, ce n’est d’ailleurs pas négociable. Il est des choses que je ne peux lui cacher. Peut-être connaît-elle certaines méthodes pour communiquer avec les Ombres… Elles sont sans doute légions, et ne figurent sans doute pas dans sa magie de prédilection, mais elle a passé beaucoup – trop – de temps à se documenter récemment, allant au delà de son champ de pratique habituelle. Bien qu’ayant à contrario trop peu laissé de place au sommeil, son esprit a quand même su garder en mémoire les informations qu’elle a lues. Il faudra la consulter. Mais en attendant… Je connais peut-être un moyen… »
Lentement, les doigts du Sheikah avaient repris une course légère sur l’instrument qu’il avait quelque peu délaissé jusque là, reprenant sa mélodie achevée un peu plus tôt. Il avait pris une décision, mais avant d’aller plus loin, cette musique l’apaiserait et le conforterait dans la direction choisie, alors que, sans plus prêter attention aux réactions du Chancelier, il lui expliquait ce qui allait suivre.
« Nous savons tout deux Cher Ami, qu’il est une langue connue de tous, que chaque oreille reconnaîtra sans peine. Une langue qui a tant de visages, qu’elle a pour chaque une interprétation propre. Tant de mots, de sons, de silences, d’expressions et de couleurs… Nul ne sait ce qui la rend si simple et si complexe. Elle est à la fois personnelle et universelle. Peut-être vous ouvrira-t-elle à vos Sombres Hôtes. Entendez et apprenez… Le Nocturne de l’Ombre… »
Il se tut ensuite, ses doigts se détachèrent plutôt abruptement de la lyre, et le silence fut. Tout autour d’eux, seul le léger bruit du vent, une branche qui craque doucement au loin sous son souffle, et un oiseau qui s’en envole en criaillant. Tant de bruits, invisibles le reste du temps, dont tous n’étaient même pas identifiables. Le silence n’était-il pas ce calme harmonieux plus qu’un réel vide ? Et doucement, comme il venait de l’annoncer, la musique reprit. Elle ne brisait pas le silence, elle le comblait et se mêlait à la nuit. Une note après l’autre, avec calme et minutie, avec doigté et spontanéité, le musicien joua l’air qui jadis avait conduit son plus fidèle ami aujourd’hui disparu dans un lieu des plus sombres et dangereux, et qui encore aujourd’hui, résonnait aux oreilles du Peuple de l’Obscur. Alors qu’il jouait, il lui sembla que l’obscurité se faisait plus épaisse autour d’eux, et qu’un froid léger les encerclait, mais qu’importe ? Lui aussi avait une part d’ombre. Il s’en méfiait mais ne les craignait pas pour autant.
Il se passa un instant ainsi, où la musique emplit l’espace autour d’eux, les coupant presque du monde extérieur, mais toute mélodie a une fin, et ses doigts finirent par ralentir et quitter doucement les cordes. En un sens, il avait la désagréable impression d’avoir accompli la volonté des Ombres. Quel hasard avait pu conduire jusqu’à lui le jeune homme à qui il venait d’enseigner ce morceau ? La peste soit ces esprits. C’était le seul moyen d’établir le contact qu’il connaissait avec eux. Et il valait mieux qu’Orpheos ait un moyen de communiquer, car après tout, le dialogue, c’était un premier pas vers le contrôle. En espérant que ce dernier n’aille pas en sens inverse de ce qu’il espérait. Qui savait qui posséderait le mieux l’autre ? Elles devaient être diablement douées à ce jeu, malheureux celui qui ne parviendrait pas à imposer sa volonté.
« Chancelier, prenez garde, cet air vous plongera dans les Ténèbres Abyssales… »
Une mise en garde, une seule. Il allait sans dire qu’il garderait un œil sur l’homme tant qu’il serait à proximité du château, parce qu’il n’aurait jamais une confiance totale en ses nouvelles « partenaires ». Il avait néanmoins choisi de le laisser maître de son Destin, à lui seul le choix d’utiliser ou non cet air, lui seul se sauverait ou se condamnerait, cette responsabilité-là, Sheik ne la porterait pas.