Posté le 16/04/2011 22:43
Le soleil se pointait à peine qu'Abigaïl se présentait à la salle de garde, vêtu de sa tunique de fonction. Quelques soldats s'étaient attablés sans empressement avant la patrouille matinale, dont l'hylien ne faisait toutefois pas partie. Il ne s'attarda pas au réfectoire, préférant privilégier le travail avant tout - d'autant plus qu'il avait déjà englouti son repas chez lui avant de partir - et se dirigea sans plus tarder vers le tableau d'affichage où était inscrit toutes les tâches à effectuer dans la journée. Quelques avis de recherche, qu'il balaya du regard sans grande conviction : son tour de garde avait lieu à quatorze heures, il n'aurait pas le temps pour une affaire aussi conséquente en une seule matinée... Il fit quelques pas de côté pour pouvoir déchiffrer les notes plus minimes. Alors qu'il étudiait attentivement le problème de nationalité d'une immigrante tout à fait légitime, son nom lui parvint subitement aux oreilles.
« Abigaïl, c'est toi qui as déposé la demande d'audience d'un certain Fol ? »
Le concerné se tourna vers son collègue, ne cherchant pas à dissimuler son expression ennuyée. Il se doutait bien que la nouvelle allait arriver sous peu : la demande avait été faite la veille et la communication entre la Garde et sa Majesté se portait à merveille - surtout en ces temps de tension non négligeables, où les informations devaient circuler rapidement. Il croisa les bras sur son torse, haussant un sourcil en attente du verdict.
« Oui. Alors ?
- Il l'a. Il est prévu que la Princesse le reçoive avant midi. Ordre des supérieurs, va le cueillir et amène-le jusqu'à son Altesse Royale. »
Au moins savait-il enfin ce qu'il allait faire de sa matinée. Ce n'était pas comme s'ils lui laissaient le choix. Son visage se renfrogne, sans pour autant s'assombrir ; au moins était-ce une bonne nouvelle pour l'individu saugrenu qu'était le Fou. Il tendit la main à son collègue, qui ne tarda pas à lui remettre les lourdes clés du portail d'entrée - accompagné d'un justificatif si les gardes postés devant se montraient réticents quant à la véracité de ses propos. Tournant sans tarder les talons, il se dirigea avec empressement en direction de la porte principale tandis que l'autre garde lui lançait d'une voix d'où perçait un léger amusement :
« Dépêche avant qu'il ne rameute tout le bourg avec ses farces ! »
Le roux lâcha un juron bien senti avant d'accélérer la cadence, sa marche se faisant quasi-militaire tant son dos était tendu. Bon sang, il ne voulait décidément pas savoir ce que l'imbécile de bouffon faisait en ce moment là. Certainement à se pâmer de désespoir devant les grilles du château, en attirant les regards de la populace locale.
Il dévala d'une traite la route sinueuse qui le menait jusqu'à la sortie du domaine royal, sentant à chaque pas effectué les clés métalliques claquer contre sa jambe. Le portail entrait déjà dans son champ de vision, ainsi que l'étrange chose blanchâtre qui secouait le grillage tel un taulard forcené.
« ...Je veux une audience ! »
Au moins, cela avait le mérite d'être clair. Levant les yeux au ciel d'un air exaspéré - devait-il vraiment se tenir ainsi aux barreaux, des larmes perlant à ses yeux blêmes ? - il fit un signe de la main aux gardes en faction avant de décrocher de sa ceinture le trousseau de clés. Il n'oublia pas de tendre aux sentinelles le document officiel avant d'entreprendre une approche du portail.
Il ne perdit pas de temps à toiser le burlesque personnage, préférant calmer ses crises et satisfaire ses attentes par la parole :
« C'bon, Fou, 'rrête de gueuler. Tu l'as, ton audience. »
Les dents serrées, il ne chercha pas à prêter l'oreille aux babillages agiles du bouffon. Qu'importe, qu'il le remerciât, ou qu'il le louât en lui donnant du "Sire". Il faisait son travail.
Il tourna la clé appropriée dans la serrure, avant de lancer sévèrement :
« Bouge d'là, tu gènes l'passage. »
Il n'attendit même pas que le Fou soit entièrement hors de portée pour pousser les lourdes grilles, les laissant grincer sur leurs battants. Ce n'était plus l'individu singulier à la langue bien pendue qui se tenait devant lui à présent, il en avait conscience : le bouffon devenait invité de Ses Majestés, tout du moins jusqu'à la fin de son entrevue avec eux ; nul doute qu'il parviendrait à se faire engager par la cour royale, bavard comme il était.
Le garde ne laissa pas sa méfiance transparaître, arborant plutôt une expression neutre tandis qu'il s'inclinait en direction de l'homme blafard.
« C'moi qui suis chargé d'vous mener à la salle d'audience. J'vous prie d'me suivre. »