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Orpheos


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Ce crétin de la taverne… Il avait été bien impoli de le mettre à la porte, alors qu’Orpheos venait de lui déballer son histoire ; chose qu’il n’aurait jamais fait en étant sobre. Mais puisqu’il ne l’était pas, et puisqu’il zigzaguait dans les rues vides de la citadelle, plongées dans la pénombre… il se retrouva bientôt à s’effondrer, puis à s’endormir sur le seuil d’une maison qu’il ne connaissait pas.


Puis, dès l’aube, un cri terrorisé, suivi des vociférations déchainées d’une vieille bique lui tombèrent dans l’oreille. C’était la dame qui habitait la maison devant laquelle il avait passé le reste de la nuit. Amplifiés par sa gueule de bois, les hurlements de la vieille folle le firent bondir de son lit improvisé -qui n’était autre que le paillasson- et décamper à toute vitesse vers une autre rue. La gentille dame avait bien failli lui lancer un de ses chats à la figure.

Un coq se mit ensuite à chanter, et à mesure que le soleil s’éleva dans les cieux azurs, la citadelle reprit vie. Les fenêtres s’ouvraient, les boutiques également, et la place du marché regagna ses habituels badauds, ou autres acheteurs devant les stands. La rumeur habituelle de la foule emplissait désormais l’air, et c’était bien ce qu’Orpheos voulait fuir en se réfugiant au fond d’une impasse obscure : le bruit et la foule. Chaque son lui cinglait violemment les tympans, et la lumière l’aveuglait. Sans compter la nausée qui lui pesait sur l’estomac.

Néanmoins, il avait maintenant repris le contrôle de lui-même, et se rendait compte de ce qu’il avait fait à la taverne. Il avait déballé tout son passé à un parfait inconnu, et par la même occasion, dévoilé la plupart des choses qu’il gardait normalement secrètes.
Orpheos se tapa le front d’une main.

-Espèce d’abruti…

Il savait pourquoi il s’était ainsi livré, mais il n’osait pas vraiment se l’avouer : c’était tout simplement parce qu’il n’avait plus parlé à quelqu’un depuis longtemps, trop longtemps, et que cela lui avait soudainement manqué.

Au moment même où Orpheos avait remis les pieds à Hyrule, il avait su qu’il se retrouverait dans cette citadelle, et c’était bien ce qui s’était passé la nuit précédente. En fait, il estimait que s’il devait revenir séjourner dans ce pays, il devait d’abord faire une visite de courtoisie à sa dirigeante actuelle… la princesse Zelda.
Orpheos ne l’avait pas revue depuis qu’il s’était évaporé dans la nature. Comment allait-elle depuis ? Etait-elle toujours cette même petite fille riche qui ne parvenait pas à atteindre cette liberté qu’elle désirait tant, toute contrainte par ses obligations ? Il se demanda même s’il ne lui avait pas manqué, ne serait-ce qu’un peu.

Le vagabond se reprit, au lieu d’admettre qu’il avait toujours ressenti un certain attachement pour Zelda. Attachement qui expliquait sans doute le fait qu’il ait accepté une place à la cour royale… avant de s’en défaire en disparaissant du jour au lendemain, en laissant la princesse dans le mystère le plus obscur sur les raisons de son départ, sans aucun adieu. Elle avait dû s’inquiéter, avait même du finir par se dire qu’il était mort quelque part dans un fossé, et Orpheos avait conscience que s’il devait la revoir, les excuses seraient inévitables.

Le musicien se releva lentement, en s’appuyant d’une main contre le mur crasseux du fond de l’impasse. Heureusement, pour sa fierté, que personne n’était en train de le regarder. Et d’ailleurs, il comptait bien emprunter les chemins où il ne serait pas vu, avant d’aller au château. Car oui, il allait se rendre au château… cette décision lui semblait logique. Il devait retrouver Zelda et lui montrer qu’il était vivant. Orpheos avait beau savoir parfaitement se détacher d’autrui, il n’aimait pas l’idée que l’on puisse être attaché à lui, et s’inquiéter pour lui. Il n’était pas non plus fier de l’irrespect dont il avait fait preuve en s’exilant de la sorte.
Cela dit, la princesse pouvait l’avoir vite oublié, et s’était peut-être moqué de son sort pendant tout ce temps… On ne savait jamais, après tout. Il espérait quand même que ce ne soit pas le cas… mais au moins, il saurait à quoi s’en tenir avec elle.

Ce fut donc en passant par les petites ruelles, contournant la place du marché, que l’ancien chancelier retrouva la route du château. Seulement, une fois devant le portail surmonté de l’arche de pierre, ce chancelier déchu se heurta aux gardes qui ne le connaissaient pas. Le jugeant suspect dû à sa dégaine, puisqu’il portait toujours son pantalon tacheté de sang, ainsi que la grande chemise que lui avait donnée le patron de la taverne, ils lui refusèrent le passage.


Vous n’êtes que deux idiots qui viennent d’arriver ici,
fustigea Orpheos en serrant sa lyre entre ses doigts. Si vous étiez plus anciens, vous auriez l’intelligence de me laisser entrer.
-Ouais mais on ne vous connait pas, fit le premier garde, alors on ne vous dira qu’une chose : dégagez le passage.
-Et retentez votre chance avec une gueule de bois moins sévère, ajouta son collègue.

Les gardes ricanèrent. Les yeux vitreux et décorés de cernes, la peau blafarde, ajouté à une blessure qu’il portait toujours à son ventre gracile, il était vrai qu’Orpheos avait déjà été beaucoup plus beau à voir. Un musicien dans un si triste état, c’était moche, pensa le premier garde.
Cependant, Orpheos tenta encore une fois sa chance, en espérant que ce duo d’andouilles ferait appel à un de leurs camarades du château pour l’identifier. Quelqu’un devait forcément savoir le reconnaître encore…

Lui, l’exilé, l’errant qui revenait d’une nuit d’errance, voulait simplement rentrer au bercail.


Luka

Le Changelin

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(vide)

L'heure de sa patrouille n'allait pas tarder. Habitué, Abigaïl s'empressa d'achever son point de couture avant de ranger toute trace de son activité domestique. La chambre d'auberge était spacieuse et nimbée de lumière, mais elle n'était en rien comparable à sa propre demeure. Que pouvait-il faire ? Il suivait ce que son devoir lui dictait, et celui-ci l'avait sommé de se tenir prêt à tout. La place du marché avait déjà subi de lourdes pertes l'année passée, lorsqu'il n'était qu'un mioche effronté incapable de se battre... Il ne pouvait laisser un autre affront se produire ainsi. Ce château qu'il avait autrefois considéré comme étant un rempart face au danger était devenu la possible cible finale du Seigneur du Malin. Il voulait, il devait le défendre, et pour cela devait rester près de lui, paré à toute éventualité.

Le déménagement s'était déroulé plus rapidement que prévu : il n'avait emporté que le strict nécessaire. Quant aux clés de sa maison, il avait voulu les confier à son colocataire... qui rejeta avec courtoisie sa proposition. En effet, cet imbécile s'était monté à la tête l'idée absurde de le suivre. Et ce pour quoi, je vous prie ? Pour la simple et bonne raison que monsieur ne survivrait pas sans sa protection juridique. Le garde l'avait presque oublié, son compagnon possédait en effet un casier judiciaire des plus intéressants. Ils étaient liés par engagement ; il ne pouvait pas le lâcher.

Il l'entendait justement qui se retournait dans son lit, dans la pièce d'à côté. En voilà un qui ne semblait pas se préoccuper par les aléas de la vie et les sinistres présages de guerre... Il n'allait pas le blâmer pour cela : l'Autre restait un vagabond, un sans-famille et sans-patrie. Du genre à s'enfuir la queue entre les jambes à la moindre annonce de danger conséquent. Laissons-le dormir un peu. La place du marché restait, pour la plupart des habitants, un lieu relativement sûr. Même si, en tant que garde - et en tant que survivant de l'attaque du château de l'année passée - l'hylien savait qu'il ne fallait pas compter sur cette protection apparente...


« Allez. Au château, maint'nant. »

Prestement, le garde enfila sa tunique de fonction et s'équipa minutieusement. Les temps étaient de plus en plus instables, autant ne pas prendre de risque... Il ne sortait jamais désarmé, à présent, même s'il souhaitait seulement se promener.
Il salua avec réserve le gérant de l'auberge qu'il croisa au milieu de l'escalier. Celui-ci voulut s'enquérir des dernières nouvelles mais, n'ayant absolument aucune envie de s'étaler sur des propos inutilement inquiétants - et ne voulant tout simplement pas discuter de cela avec le premier venu - il parvint à écarter toute tentative de conversation en prétextant un retard. D'un pas ferme et régulier, il emprunta l'allée principale pour rejoindre la place du marché. Il arborait une expression pensive et nonchalante... En réalité, il était tout simplement concentré sur ce qu'il voyait, ce qu'il sentait - avec d'autant plus de précaution lorsque la population affluait de toute part. De nature extrêmement méfiante, il prêtait attention à des détails intrigants : un stand qui n'était pas là la veille, un homme portant sans cesse la main à sa hanche (dissimulait-il une bourse ou une arme ?), une mendiante qui semblait racoler en pleine journée... Son tour de garde n'avait pas même commencé qu'il semblait déjà l'effectuer.

Il se fraya tant bien que mal un chemin à travers la foule afin de remonter en direction du château. Ses jambes le guidèrent par automatisme, lui laissant alors le loisir de scruter les environs. Les passants se faisaient de plus en plus rares, au fur et à mesure de son avancée, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus personne. D'aucun n'était assez fou pour rôder près du portail du château ; les contrôles se faisaient de plus en plus fréquents, et il n'était jamais bien agréable de se faire interpeler de cette manière. L'ensemble de la garde royale était en effervescence : la tension montait et rendait certains membres plus durs, plus agressifs.


« ...tentez votre chance avec une gueule de bois moins sévère ! »

Abigaïl releva la tête, reconnaissant la voix d'un de ses collègues œuvrant dans le guet royal. N'était-ce pas Damon et Orcas ? Ils semblaient en pleine altercation avec un individu assez douteux. Le jeune homme pressa le pas, tout en détaillant l'inconnu. Dans l'état pitoyable où il se trouvait, le garde s'étonna qu'il ne fût en train de cuver son vin la tête dans un caniveau. Non, celui-ci semblait avoir eu la force et la volonté de parvenir jusqu'aux grilles du château. Enfin, si c'était pour se faire rejeter à l'entrée... L'hylien l'aurait presque pris en pitié s'il n'avait pas remarqué les taches de sang qui avaient trouvé refuge sur son pantalon rapiécé.
Tiens donc. Bien que la lyre qu'il transportait lui attribuait un statut de musicien itinérant, ce dernier ne semblait pas pour le moment en état de porter un tel titre. Pourtant, lorsqu'il tourna la tête en sa direction, le garde crut déceler dans son regard vague une lueur furieuse d'autorité déchue, une indignation profonde réclamant justice. Bah. Cela ne voulait rien dire.


« Qu'est-c'qui s'passe ici ? Et vous, qu'est-c'que vous voulez ? J'peux savoir qui vous êtes ? »

Il ne voulait pas paraître discourtois mais, restant rapide et efficace, il ne s'embarrassa pas de balivernes ni de jolies tournures. Il n'avait pas vraiment de temps à perdre ; il était, certes, encore en avance par rapport à son tour de garde - ayant pour habitude d'arriver une bonne demi-heure avant le reste de la patrouille pour des petits problèmes de ce genre - il ne souhaitait nullement perdre trop de temps à régler cette affaire. Ses supérieurs pouvaient tout à fait lui en confier d'autres une fois arrivé au château.

Cela devrait aller relativement vite, et l'importance semblait minime. L'individu semblait trop faible pour une quelconque riposte physique. Abigaïl occupait son poste de garde depuis seulement un an, il n'avait jamais connu Orpheos lors de son accession à la cour royale. Et même s'il avait été présent lorsque celui-ci était encore à son poste, il n'aurait jamais pu reconnaître en cet être dépenaillé l'ancien Chancelier, dissimulé sous les haillons.


Orpheos


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Pourquoi fallait-il que ces deux-là se donnent le droit de lui refuser le passage ? A lui ? Alors que Zelda elle-même l’aurait sans doute laissé entrer ? Orpheos se sentit soudain rabaissé. Il ne savait pas vraiment pendant combien de temps il s’était absenté du royaume, mais il avait espéré que les gardes se souviendraient de lui. En voyant que non, il avait l’impression d’être une vieille antiquité sortie par mégarde d’un coffre poussiéreux ; une antiquité dont on ne voulait plus, et que tout le monde avait oublié.

Orpheos n’aurait pas tardé à utiliser la violence -ou du moins essayer- sur Damon et Orcas, si un troisième garde du château n’était pas arrivé ; un grand gaillard aux cheveux roux. Il détourna la tête quand il l’entendit arriver, et à l’instant où leurs regards se croisèrent, Orpheos sut que ce garde-ci serait encore plus inflexible que ses deux comparses. Son visage endurci et son allure sévère le laissaient aisément supposer, mais un autre détail redonna soudain espoir à l’ancien chancelier : l’insigne de la garde royale, épinglée sur sa tunique.
Mais le regard du garde s’attarda un instant sur son pantalon tâché de sang, et Orpheos pensa qu’il serait sans doute ardu de lui faire accorder une audience, avec la princesse.


« Qu'est-c'qui s'passe ici ? Et vous, qu'est-c'que vous voulez ? J'peux savoir qui vous êtes ? »

Qu’est-ce que c’était que cette façon de l’aborder ? Orpheos se sentit d’abord légèrement agressé par cet homme, mais il se rappela que dans son état actuel -la gueule de bois et les vêtements presque en haillons- il était bien normal qu’on lui parle ainsi. Il devait passer pour un clochard égaré… A lui de prouver qui il était.
Orpheos se tourna franchement vers le membre de la garde royale, et planta ses yeux vitreux dans les siens, perçants.


-Il a la tête de son emploi… se dit Orpheos, avant de répondre au garde. Ce qui se passe ? Vos deux collègues me refusent le droit d’entrée, voici ce qui se passe.
Il marqua ensuite une pause de quelques secondes, où il jeta un regard furieux aux deux intéressés. Je suis Orpheos, ancien chancelier de la princesse de la destinée… Vous savez, celle pour qui vous bossez ! poursuivit-il d’un ton devenu soudain abrupt.

Il espérait que son nom rappellerait peut-être des souvenirs au garde qui venait d’arriver, mais à son regard intrigué, Orpheos réalisa qu’il ne le connaissait pas, ou trop peu. Cela était très envisageable : lui-même n’avait jamais vu ce garde aux cheveux roux, du temps où il était chancelier.


-Ecoutez, reprit-il d’une voix plus calme, je ne suis pas un ivrogne égaré ici par le plus complet des hasards. Je suis revenu hier d’un très long voyage, et je dois voir la princesse Zelda au plus tôt. Elle me connaît, et m’ayant jadis accordé l’accès à sa cour, elle m’a donné le droit de loger dans ce château… avant que je ne le quitte, pour des raisons qui ne vous intéressaient pas.

Le garde inconnu était, certainement, quelqu’un qui ne se laissait pas persuader par des vagabonds trop énervés ou débauchés. Orpheos se savait dans un état physique pitoyable, alors il devait paraître le plus lucide et convainquant possible.

-Vous savez que je ne suis pas en état de porter une attaque à la princesse. Et vous savez que même si je le voulais, je serais facilement neutralisé. Alors, croyez-moi sur parole lorsque je vous dis que je suis un ancien membre de la cour, et laissez-moi entrer.

Orpheos n’ajouterait pas de "s’il vous plait" ou de "je vous en prie". Il avait encore une certaine fierté qui l’empêchait de s’abaisser à ces politesses : si ces trois soldats lui refusaient définitivement le passage, il trouverait plus tard une autre façon d’entrer. Mais il espérait qu’Abigaïl serait moins borné que les deux autres, qui souriaient toujours de sa gueule de bois.


Luka

Le Changelin

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(vide)

[ HRP : Je... suis désolée de la taille de mon post. Il faut croire que je suis bavarde, ce soir. '__' ]

Cet homme possédait un culot assez remarquable. Telle fut la première constatation d'Abigaïl. Ne serait-ce que dans la posture de son corps, ou dans ce regard fixe qu'il dépose sur lui, qui le contraint à l'écouter, il sentait la détermination de l'individu comme étant une force, et non pas de l'insolence gratuite. Il y avait quelque chose dans ses yeux vagues qui, pour la seconde fois, attira l'attention du garde royal. Il n'arrivait simplement pas à déchiffrer cette lueur franche, bien qu'il puisse percevoir sa cause - l'indignation que l'autre ressentait face à cette situation pourtant logique.

« Ce qui se passe ? Vos deux collègues me refusent le droit d’entrée, voici ce qui se passe. »

Le garde haussa un sourcil, peu impressionné par le ton véhément de cet être en haillons qui se présentait ainsi devant eux. Soit. Cela, il l'avait deviné aisément, et le contraire ne l'aurait pas seulement étonné : l'entrée dans l'enceinte même du château n'était pas aisée, surtout ces derniers temps... Enfin. Un peu plus, et cet homme là passait pour l'un de ces aristocrates hautains que le roux croisait parfois dans les couloirs du château, les rares fois où il s'aventurait du côté de la cour royale... Autant dire que la comparaison n'était pas flatteuse, dans son esprit d'homme du peuple.
Suivant le regard rageur de l'inconnu, il s'aperçut que les deux autres gaillards les observaient avec un intérêt aiguisé, presque comme s'ils assistaient à une pièce de théâtre des plus burlesques. Hmpf. Quelle belle bande d'abrutis, tout de même. Le visage crispé, il songea à les remettre à leur place. Ils ont été postés là pour surveiller, pas pour sourire comme des cons, tout de même ! Cependant, le mendiant reprenait et Abigaïl n'eut le cœur de le couper dans sa phrase.


« Je suis Orpheos, ancien chancelier de la princesse de la destinée… Vous savez, celle pour qui vous bossez ! »

Allons donc. Était-il encore soûl ? L'oeil avisé du garde détailla une nouvelle fois Orpheos, se concentrant cette fois sur le visage - surtout les yeux. Non. Les pupilles n'étaient pas dilatées. Et ces deux crétins, qui se mettaient à pouffer, ils devaient se croire discrets, à foutre leurs mains sur leurs bouches... C'était pourtant un peu gros, comme excuse, de se faire passer pour un ancien membre de la cour royale. Il aurait pu trouver mieux.
D'autant plus que l'agressivité de son ton ne l'aidait pas vraiment. Niveau crédibilité, cela ne passait pas auprès d'Abigaïl... et il l'aurait chassé sans plus de procès si les traits de son visage ne s'étaient pas soudainement radoucis. Le garde leva les yeux au ciel : au moins récupérait-il son calme.


« Écoutez, je ne suis pas un ivrogne égaré ici par le plus complet des hasards. Je suis revenu hier d’un très long voyage, et je dois voir la princesse Zelda au plus tôt. Elle me connaît, et m’ayant jadis accordé l’accès à sa cour, elle m’a donné le droit de loger dans ce château… avant que je ne le quitte, pour des raisons qui ne vous intéressaient pas. »

Même si son visage ne démontrait aucune émotion visible, le garde était intrigué par le ton assuré de ce pseudo ex-chancelier. Il savait utiliser ses mots à bon escient, ce qui était pour lui un point positif... mais l'hylien ne pouvait se laisser berner par de jolies tournures de phrase : son colocataire lui-même était réputé pour être beau parleur, et n'avait pourtant été qu'un enfant des rues. Cela s'apprenait, aisément même, si seulement la personne le souhaitait réellement.
Il ne le croyait pas. Mais l'histoire était agréable. Il aurait dû y rajouter plus de dramatisme, sa femme qui meurt, ou quelque chose dans le même registre. Cela aurait au moins eu le mérite de l'avoir fait rire.


« Vous savez que je ne suis pas en état de porter une attaque à la princesse. Et vous savez que même si je le voulais, je serais facilement neutralisé. Alors, croyez-moi sur parole lorsque je vous dis que je suis un ancien membre de la cour, et laissez-moi entrer. »

Abigaïl voulut dire quelque chose, vraiment. Ne serait-ce que répliquer face au ton autoritaire de ce gueux. Mais lorsqu'il ouvrit la bouche, tous les mots qui s'étaient formés dans son esprit s'étaient évaporés. Un énorme doute le saisissait ; il venait de se rappeler l'une des salles du château, dans l'aile réservée à la royauté. Il y avait été, une seule fois, lors d'une audience auprès de sa Majesté après l'attaque de la place du marché. Cela faisait un an, les détails commençaient à s'effacer, mais... il y avait quelque chose... un vitrail. Un vitrail commémorant les chanceliers d'autrefois, ceux qui avaient soutenu la Princesse de la Destinée puis qui, un par un, avaient fini par quitter la cour, par contrainte ou dépit, forcé par le temps ou par une volonté propre.
Il y en avait un... Il devait y en avoir un aux longs cheveux noirs. Il peinait à se souvenir.
L'incertitude subsistait, elle enflait en son esprit et ne le lâchait plus. Et s'il disait vrai ? Commettre une faute professionnelle ne le troublait pas, il ne craignait pas les punitions si celles-ci étaient méritées. Cependant, faillir à son devoir...
Les deux guets ricanaient, Abigaïl ne les entendait même plus. Songeur, il examinait une nouvelle fois Orpheos, le jugeant du regard, testant cette lucidité de ses yeux sévères.


« ...Même si c'est c'que vous êtes vraiment, m'sieur, j'peux pas vous laisser rentrer comm' ça. On est en guerre, vous savez. Déjà qu'l'accès au château était pas facile, là j'peux vous dire qu'on surveille encore plus. Pas vrai, les gars ? »

Son ton s'était fait mordant, alors qu'il tournait la tête en direction de Damon et Orcas. Ceux-ci s'empressèrent de ravaler leurs expressions goguenards. Si ce n'était pas le regard assassin que leur lançait leur camarade, l'insigne de garde royal qu'il arborait était amplement suffisant ; ils avaient tout intérêt à se concentrer dans leur travail devant lui. Satisfait, le garde claqua de la langue et posa brièvement ses yeux sur la silhouette immense du château qui s'étendait devant eux. Il resta silencieux pendant un long moment, plongé dans sa réflexion.

« Orcas. Ouvre le portail. »

Le concerné écarquilla des yeux, tandis que Damon s'exclamait d'un air consterné. Abigaïl fronça les sourcils, une expression autoritaire se figeant sur son visage anguleux.

« T'as bien entendu. T'ouvre. J'vais l'escorter jusqu'au château. Quoi, t'aurais pas confiance, c'est ça ? J'te jure, si c'est un sbire du Malin, tu diras qu'c'est d'ma faute. Qu'c'est moi qui t'ai dit d'ouvrir. C'est vrai en plus, d'façon. Allez, ouvre maint'nant. »

Bien que l'hésitation prédominait dans la carrure d'Orcas, celui-ci finit par s'exécuter. Il se pencha tout de même vers le garde royal pour lui soutirer une promesse, mais celui-ci se contenta de rouler des yeux d'un air exaspéré. La vie d'Abigaïl était basée sur des engagements. Il avait fait le pari de croire ce que lui disait cet homme vêtu si pauvrement : s'il s'avérait être un menteur, il le placerait en prison et l'affaire se terminerait ici. Quant au tour de garde qu'il allait manquer à coup sûr, il assumerait. Tout était aussi simple que cela.
Une fois le portail ouvert, l'hylien se tourna vers le prétendu chancelier et l'invita d'un geste courtois - quoiqu'un peu raide - du bras à pénétrer l'enceinte du château. Son regard ne le quitta pas, comme pour le jauger d'après sa réaction.


« Après vous, m'sieur. »


Orpheos


Inventaire

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(vide)

[HRP : je clôture ici cette partie du RP. ;) Pour la suite, Zelda va créer un autre topic où on la rejoindra, sauf qu'à cause de l'IRL, il faudra peut-être l’attendre un peu.]

Le garde paraissait ne pas croire un mot à son histoire, et les deux guignols qui pouffaient derrière Orpheos n’arrangeaient pas son affaire. Il détestait cela. Passer pour un gueux et se faire rabaisser de la sorte. Si jamais il revenait à la cour royale, ces deux gardes feraient bien de se méfier de lui, à l’avenir.

Mais il n’était pas encore question de cela pour le moment. Abigail l’avait écouté en silence, avait paru vouloir l’interrompre dans sa tirade, sans doute parce que celle-ci l’ennuyait, mais il avait eu le respect de le laisser terminer. Et puisqu’il avait fini, le garde allait décider de ce qu’il convenait de faire… Durant les longs instants de sa réflexion, tous deux se fixèrent dans les yeux, se jaugeant en silence…


« ...Même si c'est c'que vous êtes vraiment, m'sieur, j'peux pas vous laisser rentrer comm' ça. On est en guerre, vous savez. Déjà qu'l'accès au château était pas facile, là j'peux vous dire qu'on surveille encore plus. Pas vrai, les gars ? »


Le cœur d’Orpheos se resserra sur lui-même, persuadé que le garde allait lui refuser l’entrée, mais au moins ses collègues ravalèrent leurs sourires idiots. Un nouveau moment de silence s’établit ensuite, puis, le garde royal prit tout le monde de court :

« Orcas. Ouvre le portail. »

L’intéressé et son camarade parurent abasourdis ; Orpheos, lui, évita de prendre la même expression. Mais il n’en restait pas moins surpris d’un tel revirement. Qu’est-ce qui avait décidé ce garde à lui ouvrir ? L’avait-il réellement convaincu de son honnêteté ?

« T'as bien entendu. T'ouvre. J'vais l'escorter jusqu'au château. Quoi, t'aurais pas confiance, c'est ça ? J'te jure, si c'est un sbire du Malin, tu diras qu'c'est d'ma faute. Qu'c'est moi qui t'ai dit d'ouvrir. C'est vrai en plus, d'façon. Allez, ouvre maint'nant. »

En d’autres termes : le garde se méfiait toujours de lui. Et il n’était pas le seul : Orcas lui-même hésita à exécuter son ordre, mais l’air impérieux d’Abigail l’empêcha de discuter. Alors, le portail s’ouvrit dans un cliquetis familier à Orpheos, et lui laissa le passage libre.

« Après vous, m'sieur. »

Le garde royal ne le quittait pas des yeux et observait toutes ses réactions faciales. Orpheos le savait. Alors, il se contenta de passer sans même jeter un regard aux deux autres, et de marcher aux côtés de son accompagnateur sans une once visible d’émotion. Ses yeux seuls exprimaient une certaine satisfaction, et se dirigeaient de temps à autres vers le château aux murs blancs. Le garde avait dit qu’ils étaient actuellement en guerre… Orpheos n’était au courant de rien, mais il ne put s’empêcher de penser que si jamais une armée trop puissante venait à prendre la citadelle, le château ne résisterait pas. Il avait été davantage construit pour la résidence que pour la défense.

L’ex-chancelier et le garde royal remontèrent ensembles le chemin qui conduisait aux portes d’entrée du château. A mesure qu’ils s’en rapprochèrent, une question se fit de plus en plus présente dans l’esprit d’Orpheos : comment Zelda allait-il l’accueillir ? Lui, le déserteur ?