Posté le 12/07/2011 00:05
[ HRP : Je... suis désolée de la taille de mon post. Il faut croire que je suis bavarde, ce soir. '__' ]
Cet homme possédait un culot assez remarquable. Telle fut la première constatation d'Abigaïl. Ne serait-ce que dans la posture de son corps, ou dans ce regard fixe qu'il dépose sur lui, qui le contraint à l'écouter, il sentait la détermination de l'individu comme étant une force, et non pas de l'insolence gratuite. Il y avait quelque chose dans ses yeux vagues qui, pour la seconde fois, attira l'attention du garde royal. Il n'arrivait simplement pas à déchiffrer cette lueur franche, bien qu'il puisse percevoir sa cause - l'indignation que l'autre ressentait face à cette situation pourtant logique.
« Ce qui se passe ? Vos deux collègues me refusent le droit d’entrée, voici ce qui se passe. »
Le garde haussa un sourcil, peu impressionné par le ton véhément de cet être en haillons qui se présentait ainsi devant eux. Soit. Cela, il l'avait deviné aisément, et le contraire ne l'aurait pas seulement étonné : l'entrée dans l'enceinte même du château n'était pas aisée, surtout ces derniers temps... Enfin. Un peu plus, et cet homme là passait pour l'un de ces aristocrates hautains que le roux croisait parfois dans les couloirs du château, les rares fois où il s'aventurait du côté de la cour royale... Autant dire que la comparaison n'était pas flatteuse, dans son esprit d'homme du peuple.
Suivant le regard rageur de l'inconnu, il s'aperçut que les deux autres gaillards les observaient avec un intérêt aiguisé, presque comme s'ils assistaient à une pièce de théâtre des plus burlesques. Hmpf. Quelle belle bande d'abrutis, tout de même. Le visage crispé, il songea à les remettre à leur place. Ils ont été postés là pour surveiller, pas pour sourire comme des cons, tout de même ! Cependant, le mendiant reprenait et Abigaïl n'eut le cœur de le couper dans sa phrase.
« Je suis Orpheos, ancien chancelier de la princesse de la destinée… Vous savez, celle pour qui vous bossez ! »
Allons donc. Était-il encore soûl ? L'oeil avisé du garde détailla une nouvelle fois Orpheos, se concentrant cette fois sur le visage - surtout les yeux. Non. Les pupilles n'étaient pas dilatées. Et ces deux crétins, qui se mettaient à pouffer, ils devaient se croire discrets, à foutre leurs mains sur leurs bouches... C'était pourtant un peu gros, comme excuse, de se faire passer pour un ancien membre de la cour royale. Il aurait pu trouver mieux.
D'autant plus que l'agressivité de son ton ne l'aidait pas vraiment. Niveau crédibilité, cela ne passait pas auprès d'Abigaïl... et il l'aurait chassé sans plus de procès si les traits de son visage ne s'étaient pas soudainement radoucis. Le garde leva les yeux au ciel : au moins récupérait-il son calme.
« Écoutez, je ne suis pas un ivrogne égaré ici par le plus complet des hasards. Je suis revenu hier d’un très long voyage, et je dois voir la princesse Zelda au plus tôt. Elle me connaît, et m’ayant jadis accordé l’accès à sa cour, elle m’a donné le droit de loger dans ce château… avant que je ne le quitte, pour des raisons qui ne vous intéressaient pas. »
Même si son visage ne démontrait aucune émotion visible, le garde était intrigué par le ton assuré de ce pseudo ex-chancelier. Il savait utiliser ses mots à bon escient, ce qui était pour lui un point positif... mais l'hylien ne pouvait se laisser berner par de jolies tournures de phrase : son colocataire lui-même était réputé pour être beau parleur, et n'avait pourtant été qu'un enfant des rues. Cela s'apprenait, aisément même, si seulement la personne le souhaitait réellement.
Il ne le croyait pas. Mais l'histoire était agréable. Il aurait dû y rajouter plus de dramatisme, sa femme qui meurt, ou quelque chose dans le même registre. Cela aurait au moins eu le mérite de l'avoir fait rire.
« Vous savez que je ne suis pas en état de porter une attaque à la princesse. Et vous savez que même si je le voulais, je serais facilement neutralisé. Alors, croyez-moi sur parole lorsque je vous dis que je suis un ancien membre de la cour, et laissez-moi entrer. »
Abigaïl voulut dire quelque chose, vraiment. Ne serait-ce que répliquer face au ton autoritaire de ce gueux. Mais lorsqu'il ouvrit la bouche, tous les mots qui s'étaient formés dans son esprit s'étaient évaporés. Un énorme doute le saisissait ; il venait de se rappeler l'une des salles du château, dans l'aile réservée à la royauté. Il y avait été, une seule fois, lors d'une audience auprès de sa Majesté après l'attaque de la place du marché. Cela faisait un an, les détails commençaient à s'effacer, mais... il y avait quelque chose... un vitrail. Un vitrail commémorant les chanceliers d'autrefois, ceux qui avaient soutenu la Princesse de la Destinée puis qui, un par un, avaient fini par quitter la cour, par contrainte ou dépit, forcé par le temps ou par une volonté propre.
Il y en avait un... Il devait y en avoir un aux longs cheveux noirs. Il peinait à se souvenir.
L'incertitude subsistait, elle enflait en son esprit et ne le lâchait plus. Et s'il disait vrai ? Commettre une faute professionnelle ne le troublait pas, il ne craignait pas les punitions si celles-ci étaient méritées. Cependant, faillir à son devoir...
Les deux guets ricanaient, Abigaïl ne les entendait même plus. Songeur, il examinait une nouvelle fois Orpheos, le jugeant du regard, testant cette lucidité de ses yeux sévères.
« ...Même si c'est c'que vous êtes vraiment, m'sieur, j'peux pas vous laisser rentrer comm' ça. On est en guerre, vous savez. Déjà qu'l'accès au château était pas facile, là j'peux vous dire qu'on surveille encore plus. Pas vrai, les gars ? »
Son ton s'était fait mordant, alors qu'il tournait la tête en direction de Damon et Orcas. Ceux-ci s'empressèrent de ravaler leurs expressions goguenards. Si ce n'était pas le regard assassin que leur lançait leur camarade, l'insigne de garde royal qu'il arborait était amplement suffisant ; ils avaient tout intérêt à se concentrer dans leur travail devant lui. Satisfait, le garde claqua de la langue et posa brièvement ses yeux sur la silhouette immense du château qui s'étendait devant eux. Il resta silencieux pendant un long moment, plongé dans sa réflexion.
« Orcas. Ouvre le portail. »
Le concerné écarquilla des yeux, tandis que Damon s'exclamait d'un air consterné. Abigaïl fronça les sourcils, une expression autoritaire se figeant sur son visage anguleux.
« T'as bien entendu. T'ouvre. J'vais l'escorter jusqu'au château. Quoi, t'aurais pas confiance, c'est ça ? J'te jure, si c'est un sbire du Malin, tu diras qu'c'est d'ma faute. Qu'c'est moi qui t'ai dit d'ouvrir. C'est vrai en plus, d'façon. Allez, ouvre maint'nant. »
Bien que l'hésitation prédominait dans la carrure d'Orcas, celui-ci finit par s'exécuter. Il se pencha tout de même vers le garde royal pour lui soutirer une promesse, mais celui-ci se contenta de rouler des yeux d'un air exaspéré. La vie d'Abigaïl était basée sur des engagements. Il avait fait le pari de croire ce que lui disait cet homme vêtu si pauvrement : s'il s'avérait être un menteur, il le placerait en prison et l'affaire se terminerait ici. Quant au tour de garde qu'il allait manquer à coup sûr, il assumerait. Tout était aussi simple que cela.
Une fois le portail ouvert, l'hylien se tourna vers le prétendu chancelier et l'invita d'un geste courtois - quoiqu'un peu raide - du bras à pénétrer l'enceinte du château. Son regard ne le quitta pas, comme pour le jauger d'après sa réaction.
« Après vous, m'sieur. »