Posté le 21/08/2012 21:14
Quatre jours déjà. Quatre jours que Llanistar avait passé ce serment à genoux devant la princesse Zelda. Quatre jours qu'il avait lancé son appel. La recherche d'Orpheos puis leurs retrouvailles avaient précédé une des nuits les plus mémorables de toute sa vie, passée avec le beau chancelier. Même la mésaventure de la mort de son cheval n'avait pas altéré son euphorie et il avait traversé la moitié de l'immense plaine pour s'en trouver un autre. Le nordique pouffa en réalisant que les lieux avaient passé comme un torrent dévale d'une montagne, vite et avec légèreté. En quelques semaines il était passé d'une épave de ce qu'il avait été, buvant et vomissant du mauvais alcool en maudissant le monde entier à un général déjà respecté et...apprécié d'un homme qui eût pu bien être demi dieu tant sa beauté était envoûtante. Bien sur, il avait perdu une main dans les combats de la citadelle mais cela lui avait redonné un but, l'avait sortit du trou obscur où il se complaisait pour le ramener en pleine lumière, encore aveuglé mais droit et fier.
Anthem s'agita légèrement tandis qu'un cavalier monté sur une jeune jument les dépassait, galopant à vive allure. Llanistar, lui, avançait au trot sur la route séparant le ranch du bourg d'Hyrule. Il devait s'avouer ne pas être impatient à l'idée de retrouver le vacarme et l'agitation de la ville. Ces derniers jours l'avaient tant bousculé qu'il se sentait encore dans les nuages, loin de la dure réalité qui touchaient les Hyliens. Ces derniers avaient toutes les raisons de craindre pour l'avenir, pas lui. Tous devaient douter de ses capacités, aucun n'osait placer trop d'espoir en lui, sans doute. Attitude compréhensible quand on vient de se faire abandonner par celui sensé être le dernier à trahir. Mais Llanistar connaissait l'étendue de ses capacités. Il avait vu son armée devenir la première force militaire du pays, lors qu'il était encore général d'Artensyr. D'un amas comprenant les débris des plus vieilles légions et les moins prometteuses des nouvelles recrues, il avait su tiré le meilleur et jamais il n'avait perdu une bataille. La tâche serait ardue à Hyrule mais pas insurmontable. Il se rappela la devise de son père, l'un des rares traits d'esprits que ce dernier ait jamais fait :
"Celui qui sait commander trouve ceux qui savent obéir."
Tranquille, il parcouru le reste du chemin sans doute plus vite qu'il ne l'aurait voulu mais, une fois arrivé devant les portes, ne se débina pas. La situation exigeait qu'il agisse rapidement et le peuple avait besoin de le voir à l'oeuvre, à présent qu'il avait apprit son existence et lu ses exploits. A dire vrai, le nordique aurait préféré ne pas apparaître dans ce journal mais il n'avait aucun moyen ni envie de contraindre ses écrivains. Ces derniers faisaient sans doute de leur mieux. Toujours était il que Llanistar n'aimait plus la célébrité depuis longtemps et lui préférait la discrétion du sens du devoir désintéressé.
Le temps était radieux ce jour là et les douze coups de midi ne tarderaient pas à être sonnés par le temple du temps, autant dire que la place serait bondée et qu'il ne pourrait pas passer inaperçu. Le nordique prit un instant pour s'observer dans son reflet sur l'eau des douves. Il ne s'était plus vu aussi rayonnant depuis bien longtemps. Son bonheur semblait l'entourer comme une aura ajoutant à son charisme. Vêtu avec élégance mais sobriété et monté sur une bête comme Anthem, il avait fier allure. Il se surprit à apprécier ce qu'il voyait sur l'eau. Depuis combien de temps ne s'était il plus aimé ? Sans doute trop. Beaucoup trop.
"Et bien, Anthem, il est temps de faire notre entrée sur scène."
Llanistar lança son cheval au trot en direction de la place qui débordait effectivement d'activité. Chacun s'affairait à ses affaires, les marchants hurlaient la qualité de leur produit à des mégères à l'air expertes tandis que leurs enfants se couraient après en riant innocemment. Des couples déambulaient, affichant sans vergogne leur amour aux yeux de tous tandis que des vieux les regardaient passer avec un air mélancolique. Difficile de retrouver l'ambiance terrifiante du retour de la citadelle. Au final, la vie continuait. Comme toujours.
Néanmoins, il ne fallut que quelques instants avant qu'un premier regard écarquillé ne se pose sur lui et que le premier cri d'exclamation ne retentisse. Une femme le montrait du doigt en n'arrivant pas à prononcer un simple mot. En revanche, nombre de voix en murmuraient déjà un, surement capital dans leurs esprits :
"Le général."
Il y eut un blanc, quelques secondes où la place devint plus silencieuse qu'un cimetière, instant presque surréaliste où le monde avait cessé de tourner. Puis une première exclamation s'éleva.
"Béni soyez vous monseigneur !"
Et ce fut l'avalanche. Nombre des passants se précipitèrent vers Llanistar, permettant à peine à son cheval de se faire un chemin au milieu d'eux. Beaucoup le remerciaient de ses actes à la citadelle, d'autres le bénissaient pour la tâche à accomplir, d'aucuns le remercier de les protéger alors qu'il était étranger et il entendit plusieurs fois des avances peu dissimulées. Souriant, serrant des mains, répondant à quelque uns de ces braves gens, il continuait à avancer vers le château, en vérité peu à l'aise mais jouant à merveille le contraire. Il remarqua également les regards méfiants de certains Hyliens qui quittaient la place. Lui trouvaient ils un défaut ou bien Ganondorf avait il déjà des partisans parmi le peuple ? Difficile à dire et il ne pouvait pas réfléchir à cela et jouer son rôle. Néanmoins, son regard fut attiré par une affiche collée sur le stand de tir. Trop éloigné pour parvenir à tout discerner, il comprit le principal : on avait relayé son appel. Ces affiches invitaient tout adulte courageux et désireux de protéger Hyrule de venir au château le 53 jour du cycle de Din. Il risquait donc de se trouver face à bien plus d'Hyliens qu'il ne l'avait prévu.
Une fois la place dépassé, il accéléra afin de se dégager de la foule et se retourna juste une fois en les saluant de la main. Ne pas paraître froid ni trop proche d'eux. Une savante alchimie à laquelle il s'était entraîné des années durant. Visiblement il était resté trop populaire aux yeux du Kairn, et donc trop dangereux. Cette fois, il ne pensait pas se faire trahir par Zelda mais son but n'était pas d'occulter la souveraine, au contraire ! Le peuple devait prendre conscience des sacrifices de sa reine et Llanistar comptait bien lui ouvrir les yeux.
Dés qu'il arriva à la première grille, le garde lui ouvrit sans rien lui demander. A peine un salut furtif de sa part, tout en retenue. Le nordique ne savait si il était intimidé ou méfiant mais il aurait rapidement l'occasion de le savoir. Si les gardes ne le respectaient pas, ils le montreraient très bientôt. Il parvint alors à la première cour intérieure, après le pont levis et sourit devant le spectacle.
Une foule impressionnante l'attendait, plus encore que sur la place. Des hommes, des femmes, déjà soldats ou non. Certains portaient des vêtements dignes de la noblesse et d'autres des haillons de la plus basse fosse. Mais tous se retournèrent sur son passage et firent silence. Le nordique observa autant de visage que possible. Tous attendaient quelque chose...De lui. Ils savaient pourquoi ils étaient là. Le temps des belles promesses, ils en avaient assez. Le général leur ouvrit son don d'empathe et se nourrit de leurs émotions. De la colère, de l'impatience, de la peur aussi...beaucoup. Mais du courage et...de l'espoir. C'était cela qu'il était : une flamme d'espoir. Tout ce qu'il envisageait reposerait sur lui. Un coup de vent et cette fine flammèche s'évanouirait. Mais si il arrivait à l'attiser, à la nourrir...Alors Hyrule résisterait mieux que la plus massive des montagnes. Ménageant son effet et retardant le moment fatidique, il contourna tous ces volontaires au front si fier et aux poings crispés sous la colère. Ce n'est qu'une fois devant l'entrée de l'enceinte principale qu'il fit se cabrer et se retourner son cheval vers eux. Alors il y eut un instant de doute, le dernier. Llanistar le savait, c'était sa dernière occasion de se défiler. De ne pas s'engoncer dans ce costume si lourd de général, de héros et de rester libre...Mais la liberté signifiait elle qu'il retournerait à ses tourments et qu'il porterait encore leur poids sans ne plus pouvoir s'en sortir ? Non. Il avait choisit ce rôle, en pleine conscience. Il l'assumerait. Il prit une grande inspiration et se redressa. Sa voix s'éleva alors, forte et grave.
"Peuple d'Hyrule ! Hommes et femmes, jeunes et vieux ! Vous êtes ici présents parce que vous avez entendu mon appel. Vous avez su m'écouter et me comprendre. Vous avez les yeux ouverts, vous savez ô combien votre terre va mal ! A vos portes cogne l'envahisseur depuis trop longtemps. Vous ne pouvez plus le supporter...Et moi non plus ! Hyliens ! Je ne suis qu'un étranger, c'est vrai. Loin de chez moi, loin de mon passé mais j'ai fait de ce pays mon foyer et je désire aussi ardemment le défendre ! Je suis parti à la citadelle pour aider une jeune femme. J'en suis revenu décidé à servir une reine, du mieux que je pouvais. Et ce mieux...c'est en vous formant. En faisant de vous tous, volontés inébranlables mais inexpérimentées, une armée digne de la couronne d'Hyrule. Je ne peux pas vous promettre de miracles ! Je ne vous promet que de la sueur et des larmes ! Mais si vous acceptez de me faire confiance, je serais le bouclier que Ganondorf ne percera jamais ! Pour Hyrule ! Pour Zelda !"
Il dégaina son épée et la leva le plus haut possible. Son cri fut reprit en une grande clameur. Il avait gagné la première manche. Un travail immense l'attendait à présent mais il pouvait compter au bas mot sur quelques centaines de recrues supplémentaires, nobles et roturiers. De quoi faire regagner en confiance le peuple tout entier et doter d'Hyrule d'une force de défense conséquente. Le nordique précisa que tout commencerait le lendemain et que les volontaires devaient prendre la nuit pour réfléchir à leur engagement. Il demanda également à un officier posté non loin de le rejoindre et d'organiser dés demain l'engagement écrit de chaque combattant. La moitié d'une solde dés le registre signé et la remise d'une uniforme. Le soldat semblait un peu perdu, sans doute surprit par ce qu'il avait vu mais il acquiesça. Des hommes bons et loyaux. Llanistar lui même se surprenait à envisager les prochaines semaines comme passionnantes. Mais alors qu'il allait rentrer au château pour faire un premier rapport à Zelda, il remarqua que Cerscastel avait observé la scène, de non loin. Le nordique allait devoir se faire à cette présence dans son dos, le surveillant. Mais ca ne pouvait être pire qu'à la cour du Kairn. Et quelque part, il se sentait de la sympathie pour le vieil homme. Un ours grincheux, sans aucun doute mais un ours loyal et compétent dans son domaine.
Après l'avoir rapidement salué, Llanistar se rendit vers l'entrée du château. La nuit sur la plaine avait laissé des traces et il se sentait fatigué. Néanmoins, le devoir n'attendait pas. Enfin, le devoir et...l'envie de retrouver une certaine personne.