« On peut parce que l'on croit pouvoir. »

[Entrée]

[ Hors timeline ]

Llanistar van Rusadir


Inventaire

0,00


(vide)

Quatre jours déjà. Quatre jours que Llanistar avait passé ce serment à genoux devant la princesse Zelda. Quatre jours qu'il avait lancé son appel. La recherche d'Orpheos puis leurs retrouvailles avaient précédé une des nuits les plus mémorables de toute sa vie, passée avec le beau chancelier. Même la mésaventure de la mort de son cheval n'avait pas altéré son euphorie et il avait traversé la moitié de l'immense plaine pour s'en trouver un autre. Le nordique pouffa en réalisant que les lieux avaient passé comme un torrent dévale d'une montagne, vite et avec légèreté. En quelques semaines il était passé d'une épave de ce qu'il avait été, buvant et vomissant du mauvais alcool en maudissant le monde entier à un général déjà respecté et...apprécié d'un homme qui eût pu bien être demi dieu tant sa beauté était envoûtante. Bien sur, il avait perdu une main dans les combats de la citadelle mais cela lui avait redonné un but, l'avait sortit du trou obscur où il se complaisait pour le ramener en pleine lumière, encore aveuglé mais droit et fier.
Anthem s'agita légèrement tandis qu'un cavalier monté sur une jeune jument les dépassait, galopant à vive allure. Llanistar, lui, avançait au trot sur la route séparant le ranch du bourg d'Hyrule. Il devait s'avouer ne pas être impatient à l'idée de retrouver le vacarme et l'agitation de la ville. Ces derniers jours l'avaient tant bousculé qu'il se sentait encore dans les nuages, loin de la dure réalité qui touchaient les Hyliens. Ces derniers avaient toutes les raisons de craindre pour l'avenir, pas lui. Tous devaient douter de ses capacités, aucun n'osait placer trop d'espoir en lui, sans doute. Attitude compréhensible quand on vient de se faire abandonner par celui sensé être le dernier à trahir. Mais Llanistar connaissait l'étendue de ses capacités. Il avait vu son armée devenir la première force militaire du pays, lors qu'il était encore général d'Artensyr. D'un amas comprenant les débris des plus vieilles légions et les moins prometteuses des nouvelles recrues, il avait su tiré le meilleur et jamais il n'avait perdu une bataille. La tâche serait ardue à Hyrule mais pas insurmontable. Il se rappela la devise de son père, l'un des rares traits d'esprits que ce dernier ait jamais fait :


"Celui qui sait commander trouve ceux qui savent obéir."

Tranquille, il parcouru le reste du chemin sans doute plus vite qu'il ne l'aurait voulu mais, une fois arrivé devant les portes, ne se débina pas. La situation exigeait qu'il agisse rapidement et le peuple avait besoin de le voir à l'oeuvre, à présent qu'il avait apprit son existence et lu ses exploits. A dire vrai, le nordique aurait préféré ne pas apparaître dans ce journal mais il n'avait aucun moyen ni envie de contraindre ses écrivains. Ces derniers faisaient sans doute de leur mieux. Toujours était il que Llanistar n'aimait plus la célébrité depuis longtemps et lui préférait la discrétion du sens du devoir désintéressé.
Le temps était radieux ce jour là et les douze coups de midi ne tarderaient pas à être sonnés par le temple du temps, autant dire que la place serait bondée et qu'il ne pourrait pas passer inaperçu. Le nordique prit un instant pour s'observer dans son reflet sur l'eau des douves. Il ne s'était plus vu aussi rayonnant depuis bien longtemps. Son bonheur semblait l'entourer comme une aura ajoutant à son charisme. Vêtu avec élégance mais sobriété et monté sur une bête comme Anthem, il avait fier allure. Il se surprit à apprécier ce qu'il voyait sur l'eau. Depuis combien de temps ne s'était il plus aimé ? Sans doute trop. Beaucoup trop.


"Et bien, Anthem, il est temps de faire notre entrée sur scène."

Llanistar lança son cheval au trot en direction de la place qui débordait effectivement d'activité. Chacun s'affairait à ses affaires, les marchants hurlaient la qualité de leur produit à des mégères à l'air expertes tandis que leurs enfants se couraient après en riant innocemment. Des couples déambulaient, affichant sans vergogne leur amour aux yeux de tous tandis que des vieux les regardaient passer avec un air mélancolique. Difficile de retrouver l'ambiance terrifiante du retour de la citadelle. Au final, la vie continuait. Comme toujours.
Néanmoins, il ne fallut que quelques instants avant qu'un premier regard écarquillé ne se pose sur lui et que le premier cri d'exclamation ne retentisse. Une femme le montrait du doigt en n'arrivant pas à prononcer un simple mot. En revanche, nombre de voix en murmuraient déjà un, surement capital dans leurs esprits :


"Le général."

Il y eut un blanc, quelques secondes où la place devint plus silencieuse qu'un cimetière, instant presque surréaliste où le monde avait cessé de tourner. Puis une première exclamation s'éleva.

"Béni soyez vous monseigneur !"

Et ce fut l'avalanche. Nombre des passants se précipitèrent vers Llanistar, permettant à peine à son cheval de se faire un chemin au milieu d'eux. Beaucoup le remerciaient de ses actes à la citadelle, d'autres le bénissaient pour la tâche à accomplir, d'aucuns le remercier de les protéger alors qu'il était étranger et il entendit plusieurs fois des avances peu dissimulées. Souriant, serrant des mains, répondant à quelque uns de ces braves gens, il continuait à avancer vers le château, en vérité peu à l'aise mais jouant à merveille le contraire. Il remarqua également les regards méfiants de certains Hyliens qui quittaient la place. Lui trouvaient ils un défaut ou bien Ganondorf avait il déjà des partisans parmi le peuple ? Difficile à dire et il ne pouvait pas réfléchir à cela et jouer son rôle. Néanmoins, son regard fut attiré par une affiche collée sur le stand de tir. Trop éloigné pour parvenir à tout discerner, il comprit le principal : on avait relayé son appel. Ces affiches invitaient tout adulte courageux et désireux de protéger Hyrule de venir au château le 53 jour du cycle de Din. Il risquait donc de se trouver face à bien plus d'Hyliens qu'il ne l'avait prévu.
Une fois la place dépassé, il accéléra afin de se dégager de la foule et se retourna juste une fois en les saluant de la main. Ne pas paraître froid ni trop proche d'eux. Une savante alchimie à laquelle il s'était entraîné des années durant. Visiblement il était resté trop populaire aux yeux du Kairn, et donc trop dangereux. Cette fois, il ne pensait pas se faire trahir par Zelda mais son but n'était pas d'occulter la souveraine, au contraire ! Le peuple devait prendre conscience des sacrifices de sa reine et Llanistar comptait bien lui ouvrir les yeux.

Dés qu'il arriva à la première grille, le garde lui ouvrit sans rien lui demander. A peine un salut furtif de sa part, tout en retenue. Le nordique ne savait si il était intimidé ou méfiant mais il aurait rapidement l'occasion de le savoir. Si les gardes ne le respectaient pas, ils le montreraient très bientôt. Il parvint alors à la première cour intérieure, après le pont levis et sourit devant le spectacle.
Une foule impressionnante l'attendait, plus encore que sur la place. Des hommes, des femmes, déjà soldats ou non. Certains portaient des vêtements dignes de la noblesse et d'autres des haillons de la plus basse fosse. Mais tous se retournèrent sur son passage et firent silence. Le nordique observa autant de visage que possible. Tous attendaient quelque chose...De lui. Ils savaient pourquoi ils étaient là. Le temps des belles promesses, ils en avaient assez. Le général leur ouvrit son don d'empathe et se nourrit de leurs émotions. De la colère, de l'impatience, de la peur aussi...beaucoup. Mais du courage et...de l'espoir. C'était cela qu'il était : une flamme d'espoir. Tout ce qu'il envisageait reposerait sur lui. Un coup de vent et cette fine flammèche s'évanouirait. Mais si il arrivait à l'attiser, à la nourrir...Alors Hyrule résisterait mieux que la plus massive des montagnes. Ménageant son effet et retardant le moment fatidique, il contourna tous ces volontaires au front si fier et aux poings crispés sous la colère. Ce n'est qu'une fois devant l'entrée de l'enceinte principale qu'il fit se cabrer et se retourner son cheval vers eux. Alors il y eut un instant de doute, le dernier. Llanistar le savait, c'était sa dernière occasion de se défiler. De ne pas s'engoncer dans ce costume si lourd de général, de héros et de rester libre...Mais la liberté signifiait elle qu'il retournerait à ses tourments et qu'il porterait encore leur poids sans ne plus pouvoir s'en sortir ? Non. Il avait choisit ce rôle, en pleine conscience. Il l'assumerait. Il prit une grande inspiration et se redressa. Sa voix s'éleva alors, forte et grave.


"Peuple d'Hyrule ! Hommes et femmes, jeunes et vieux ! Vous êtes ici présents parce que vous avez entendu mon appel. Vous avez su m'écouter et me comprendre. Vous avez les yeux ouverts, vous savez ô combien votre terre va mal ! A vos portes cogne l'envahisseur depuis trop longtemps. Vous ne pouvez plus le supporter...Et moi non plus ! Hyliens ! Je ne suis qu'un étranger, c'est vrai. Loin de chez moi, loin de mon passé mais j'ai fait de ce pays mon foyer et je désire aussi ardemment le défendre ! Je suis parti à la citadelle pour aider une jeune femme. J'en suis revenu décidé à servir une reine, du mieux que je pouvais. Et ce mieux...c'est en vous formant. En faisant de vous tous, volontés inébranlables mais inexpérimentées, une armée digne de la couronne d'Hyrule. Je ne peux pas vous promettre de miracles ! Je ne vous promet que de la sueur et des larmes ! Mais si vous acceptez de me faire confiance, je serais le bouclier que Ganondorf ne percera jamais ! Pour Hyrule ! Pour Zelda !"

Il dégaina son épée et la leva le plus haut possible. Son cri fut reprit en une grande clameur. Il avait gagné la première manche. Un travail immense l'attendait à présent mais il pouvait compter au bas mot sur quelques centaines de recrues supplémentaires, nobles et roturiers. De quoi faire regagner en confiance le peuple tout entier et doter d'Hyrule d'une force de défense conséquente. Le nordique précisa que tout commencerait le lendemain et que les volontaires devaient prendre la nuit pour réfléchir à leur engagement. Il demanda également à un officier posté non loin de le rejoindre et d'organiser dés demain l'engagement écrit de chaque combattant. La moitié d'une solde dés le registre signé et la remise d'une uniforme. Le soldat semblait un peu perdu, sans doute surprit par ce qu'il avait vu mais il acquiesça. Des hommes bons et loyaux. Llanistar lui même se surprenait à envisager les prochaines semaines comme passionnantes. Mais alors qu'il allait rentrer au château pour faire un premier rapport à Zelda, il remarqua que Cerscastel avait observé la scène, de non loin. Le nordique allait devoir se faire à cette présence dans son dos, le surveillant. Mais ca ne pouvait être pire qu'à la cour du Kairn. Et quelque part, il se sentait de la sympathie pour le vieil homme. Un ours grincheux, sans aucun doute mais un ours loyal et compétent dans son domaine.

Après l'avoir rapidement salué, Llanistar se rendit vers l'entrée du château. La nuit sur la plaine avait laissé des traces et il se sentait fatigué. Néanmoins, le devoir n'attendait pas. Enfin, le devoir et...l'envie de retrouver une certaine personne.


Orpheos


Inventaire

0,00


(vide)

-Il arrive !
-Qui ?
-Ce général que la princesse elle-même a nommé, crétin ! Tu devrais le savoir, tout le monde en parle aujourd’hui.

Une agitation avait peu à peu gagnée le château depuis un peu moins de deux heures. Des nobles étaient venus, de la cour ou de la cité, accueillir ce nouveau général dont on parlait tant. Ils grossissaient en fait des rangs déjà remplis par diverses classes, dans le premier jardin intérieur du château, comprenant même des prolétaires vêtus de haillons.
Un véritable engouement s’était prononcé ici, comme si on accueillait Farore en personne sur ses terres. Mais au fond, il s’agissait beaucoup de curiosité mêlée de protocole ; avec peut-être une touche d’espoir nourrie pour cet inconnu… Sauverait-il Hyrule ? On n’en savait rien, on en doutait même, et on ne faisait juste que l’espérer. Mais cet espoir, on se l’accordait malgré tout quand on savait le dévouement de cet homme à la cause du royaume, dont il avait fait preuve à la citadelle noire.

En vertu du motif très officiel de cette visite, Orpheos s’était aussi paré de sa cape blanche de dignitaire royal. Il l’avait fait très volontiers, pour une fois – peut-être parce qu’il souhaitait impressionner un peu l’homme qui venait, à la manière d’un jeune coq.


-Le général Llanistar Van Rusadir ! annonça-t-on sur une courtine.

Tout le monde se tut alors. Soldats et citoyens se rangèrent un peu mieux de part et d’autre de la cour, juste avant que des bruits de sabots ne se fassent entendre. Orpheos, largement resté en retrait de cette petite foule, posté à l’entrée même du château, croisa les bras pour assister sereinement à l’arrivée du général nordique.
Il était superbe, dans un nouvel habit qui semblait avoir été taillé pour lui, et monté sur un magnifique étalon blanc comme la neige, à la crinière noire comme l’ébène. De là où il se trouvait, Orpheos distinguait mal le visage de Llanistar, mais il se doutait que ce dernier était aussi surpris de trouver tant de gens rassemblés pour lui, qu’eux l’étaient de voir ce nouveau général aux oreilles rondes. Llanistar parut hésiter avant de parler, puis sa voix grave et autoritaire tonna par-dessus l’assemblée.


-Peuple d'Hyrule ! Hommes et femmes, jeunes et vieux ! Vous êtes ici présents parce que vous avez entendu mon appel. Vous avez su m'écouter et me comprendre. Vous avez les yeux ouverts, vous savez ô combien votre terre va mal ! A vos portes cogne l'envahisseur depuis trop longtemps. Vous ne pouvez plus le supporter...Et moi non plus !
-En voici un qui prend déjà bien ses aises parmi nous. On devrait pourtant se rappeler qu’il s’agit d’un étranger…

L’un des deux gardes postés à l’entrée du château, derrière Orpheos, échangeait un regard éloquent avec son collègue. Le chancelier faillit leur répondre d’un ton cassant, mais il se ravisa : ce serait inutile. Des gens allaient forcément se méfier de Llanistar, l’étranger qui venait s’installer au château, et c’était pour cette raison précise qu’il comptait le prendre sous son aile dès ce jour.

Au loin, le général dégaina son épée pour la brandir, suivi d’une clameur générale dans la cour intérieure. Visiblement, les hyliens n’avaient que faire de l’origine étrangère du général, tant que l’ennemi Gérudo se faisait abattre par leur soin…
Et puis soudain, le général s’avança sur sa monture vers l’entrée du château. Orpheos décroisa les bras pour les ranger le long de son corps, et fixa franchement le général du nord qui arrivait vers lui. Un sourire faillit passer sur son visage, mais il s’en garda bien – le protocole et les apparences passaient d’abord.


-Llanistar Van Rusadir… déclama le dignitaire alors que le nordique posait pied à terre, vous voici enfin général. La princesse et moi-même sommes ravis de vous accueillir parmi nos plus fidèles alliés.

Le musicien -qui n’avait pas sa lyre aujourd’hui- s’avança à son tour vers l’autre. Il ne savait pas si cela venait de ce rôle militaire nouvellement accordé, mais Orpheos le trouva rayonnant. Son visage apparaissait moins sévère, moins froid, mais n’en gardait pas moins toute la beauté particulière de ses traits compliqués.

-Avant que vous ne preniez possession de vos appartements, ou que vous n’alliez tenir conférence à la princesse, je souhaiterais m'entretenir avec vous en particulier. Suivez-moi.

Le chancelier emmena à ce moment le général avec lui, longeant les murs et regardant par moments l’herbe des jardins, encore humide suite à l’orage violent qui s’était abattu sur le royaume quelques jours auparavant.
Orpheos amena Llanistar dans un coin peu fréquenté par les gardes, derrière le château, et l’invita à s’asseoir sur un banc qui se trouvait là, à l’ombre d’un arbre. Puis, quand il fut assuré qu’ils se trouvaient seuls, il parla après un long silence.


-Je tenais à vous remercier pour l’autre nuit, chez NuttyK, déclara Orpheos d’une voix encore un peu protocolaire. Enfin… pour m’avoir parlé et donné le courage d’affronter la réalité, avant de revenir à ce château, se reprit-il avec plus de maladresse.

Tous les deux durent penser à ce qui s’était passé après la discussion dont il était question. Mais Orpheos aurait tout aussi bien pu le remercier pour cela. Les souvenirs de cette nuit d’orage étaient très clairs, malgré l’alcool qui avait sévi à ce moment, et un frisson parcourut sa nuque quand il revit l’image du général se débarrasser de ses vêtements.


-Je suis ravi de t’avoir à mes côtés, confia Orpheos qui abandonna soudain le ton officiel, mais sans sourire. Car sourire était inutile quand la reconnaissance se lisait dans le regard. Et je veillerai à te protéger des bruits qui perdurent derrière ces murs…

Le Sheikah lança un regard vers le château. Un très bel édifice blanc, dans lequel s’affrontait pourtant l’égo des nobles qui l’habitaient. Zelda elle-même devait se confronter à eux, et Orpheos était bien l’un de ses derniers vrais amis présents. Sheik, son protecteur qu’il avait rencontré la nuit précédente, le savait fort bien et c’était pour cela qu’il avait encouragé le musicien à revenir auprès d’elle. Malgré l’avertissement qu’il lui avait donné, au sujet de son nouveau pouvoir…

-Si ma mémoire m’est fidèle, tu as déjà été général par le passé. Tu dois donc avoir une bonne pratique des usages nobles, ainsi qu’une connaissance de ce qui régit les relations de ces gens. Ne fais confiance à personne ici… Personne, en dehors de Zelda.

Personne, non. Pas même lui, mais Orpheos n’osa pas le dire.
Il se contenta de poser son regard émeraude sur ce visage qu’il put apprécier davantage à la lumière du jour. En dépit des signes de fatigue évidents que Llanistar arborait.


Llanistar van Rusadir


Inventaire

0,00


(vide)

Le nordique eut du mal à restreindre son sourire en apercevant Orpheos à l'entrée du château. Depuis combien de temps était il là ? Llanistar l'ignorait. Son attention avait été trop vite happé par la foule pour qu'il ne remarque le chancelier alors assez loin de lui. Les deux hommes ne s'étaient pas revu depuis le matin suivant la nuit passée dans le même lit à l'auberge du village mais le général n'avait jamais craint pour son nouvel ami et amant. Ce dernier l'avait quitté bien plus serein qu'il ne l'était la veille, l'esprit et le corps tous deux apaisés. Au final, ces moments partagés les avaient tous deux fait renaître, selon Llanistar. Il ne perdit pas de temps pour démonter. Un garçon d'écurie vint s'occuper d'Anthem et le nordique put s'avancer vers son ami. Celui ci ne contrevenait pas au protocole, se montrant un minimum distant mais le général ne s'y trompait pas, les signes de leur rapprochement étaient aussi nombreux que discret.

- Llanistar Van Rusadir… Vous voici enfin général. La princesse et moi-même sommes ravis de vous accueillir parmi nos plus fidèles alliés.

Cette fois le nordique sourit franchement. Effectivement, il pouvait bien avoir prêté serment trois jours auparavant, c'était ce serment fait devant le peuple Hylien qui faisait véritablement de lui un général aux yeux de tous et qui faisait de lui un véritable défenseur d'Hyrule, au même titre que Cerscastel ou Orpheos. Llanistar ne manqua pas de noter que ce dernier lui signifiait son affection d'une manière assez subtile, dans une formule du protocole assez banale...Mais qui prenait tout son sens pour eux deux.

- Il semble bien en effet que Hyrule ne doive me supporter à présent !

Le ton était clairement à l'humour. Il se sentait trop bien pour contenir sa bonne humeur, il s'y refusait même. La morosité appartenait au passé, aux tavernes boueuses et à l'alcool trop fort. A présent qu'il se trouvait en si bonne compagnie et qu'il s'était lui même retrouvé, il ne laisserait pas son sourire s'évanouir de sitôt. Néanmoins, sa sérénité s'éclipsa rapidement lorsqu'Orpheos le rejoignit et lui déclara :

-Avant que vous ne preniez possession de vos appartements, ou que vous n’alliez tenir conférence à la princesse, je souhaiterais m'entretenir avec vous en particulier. Suivez-moi.

Le coeur du nordique se mit à battre de plus en plus vite dans sa poitrine. Non pas qu'il fut inquiété par cet entretien privé mais il ressentait déjà les premières formes d'excitation que faisait naître l'attente d'un moment intime partagé avec son amant. Sans dire mot et tentant à tout prix de cacher son trouble, il suivit le chancelier dans les jardins, profitant du calme du lieu pour essayer de regagner le sien. Tâche difficile, puisqu'Orpheos avançait devant lui, la démarche souple et légère, sa tenue élégante soulignant parfaitement ses formes. Plusieurs fois, Llanistar se força à regarder le sol ou le ciel pour ne pas se faire remarquer. Des gardes circulaient et le nordique savait qu'il ne pourrait avouer officiellement sa liaison. La religion primait ici et aucune religion n'encourageait cette forme d'amour.
Une fois parvenus dans un coin isolé et tranquille, le chancelier l'invita à s'asseoir sur un banc, intelligemment placé à l'ombre d'un grand chêne. Le vent y soufflait, apaisant le nordique qui souffrait de la chaleur de l'été hylien. Il s'assit et ferma les yeux un instant, se berçant de la douce musique de la brise fraîche. Quand il les rouvrit, il remarqua que quelques buissons devant lui avaient visiblement souffert de la chute d'un maladroit. Tandis que le reste était parfaitement taillé, ceux là semblaient avoir été écrasé. Alors, Orpheos rompit le silence.


-Je tenais à vous remercier pour l’autre nuit, chez NuttyK. Enfin… pour m’avoir parlé et donné le courage d’affronter la réalité, avant de revenir à ce château.

Llanistar allait craquer si Orpheos continuait ainsi.
Cette manière qu'il avait d'être de moins en moins solennel à mesure qu'il s'autorisait de plus en plus de proximité avec le nordique...Ce dernier adorait ça. Néanmoins, malgré le fait que le général se considérait tout autant redevable du chancelier ne ce dernier envers lui, il respecta le besoin d'Orpheos de lui exprimer cela. Certains mots étaient pensés pour sortir d'une bouche. Surtout que le nordique avait vécu cette situation et qu'il avait fallu que Saad lui explique, à lui aussi, que même dans le plus grand malheur, la vie continuait.


-Je suis ravi de t’avoir à mes côtés. Et je veillerai à te protéger des bruits qui perdurent derrière ces murs…

Llanistar n'y tint plus et sans même vérifier que quelqu'un ne regardait, il plaqua ses lèvres contre celles d'Orpheos, qui lui rendit son baiser. Cette confiance que le chancelier lui donnait, le nordique n'y était plus habitué et il se sentait pousser un élan d'affection irréfrénable pour lui. Ainsi en dehors du monde, dans leur univers, les deux hommes pouvaient s'aimer sereinement...Mais le nordique savait bien que ca ne serait pas toujours le cas. La Cour. Voilà ce qui les attendait. Ce qui l'attendait, lui. Il frissonna à cette idée et son regard se perdit dans le vague, une expression inquiète sur le visage. Depuis le premier mois passé au palais du Kairn, il savait qu'il détestait ce monde de courtisant, de nobles orgueilleux, de secrets, de trahisons et de complots. Il haïssait tout cela...Et voilà qu'il devait s'y replonger. Il prit la main d'Orpheos et la serra. Sa voix se tordit presque lorsqu'il lui avoua.

-Je...J'aurais besoin de toi. La méfiance, le mensonge, je ne sais manier de telles armes parce qu'elles me répugnent. Je n'ai jamais aimé ça. Et...quand bien même j'ai déjà vécu dans ce monde, je n'y retourne pas par plaisir. Il se retourna vers Orpheos et le regarda dans les yeux. Ces yeux d'émeraude, magnifiques. Aide moi. Et jamais plus tu ne seras seul.


Orpheos


Inventaire

0,00


(vide)

Le baiser de Llanistar surprit Orpheos, mais celui-ci n’attendit pas longtemps avant de le lui rendre. La main du Sheikah s’aventura même dans le dos du nordique, afin de le rapprocher un peu plus de lui.
Mais la réalité rattrapa très vite le chancelier, et un bruit lointain vint percer la bulle dans lequel il venait à peine de s’enfermer avec le beau général. Ses lèvres se séparèrent abruptement des siennes, et son regard fouilla partout autour de lui. Il ne s’agissait en fait que d’une fenêtre qu’on avait ouvert, non loin de là.

Llanistar, lui, paraissait s’être perdu dans ses pensées. Au contraire d’Orpheos qui restait alerte. Mais tous les deux pensaient encore à la même chose, au même obstacle : le château qui leur faisait face. Se laisser aller à de tels rapprochements serait très dangereux, au sein de la cour, si jamais on les surprenait.


-Je... J'aurais besoin de toi, avoua Llanistar en lui serrant la main. La méfiance, le mensonge, je ne sais manier de telles armes parce qu'elles me répugnent. Je n'ai jamais aimé ça. Et...quand bien même j'ai déjà vécu dans ce monde, je n'y retourne pas par plaisir. Aide-moi. Et jamais plus tu ne seras seul.

De la même manière qu’au jour où il s’était réveillé face à lui, à leur retour du désert hanté, Orpheos plongea son regard dans celui du militaire. Il avait l’impression d’y lire de la crainte, ou de l’appréhension.

-Je suis quelqu’un qui aime être seul…
dit Orpheos avec lenteur.

La solitude était le refuge du chancelier, là où il n’était déçu par personne. Llanistar le décevrait-il ? Il en avait peut-être un peu peur, et la tendresse qu’il voyait dans son regard gris l’effrayait autant. Ce genre de regard signifiait qu’une attache était en train de naître, et Orpheos avait peur des attaches ; peur de leur capacité à blesser lors d’une déception. Il l’avait récemment testé une nouvelle fois, avec Dun.
Mais de toute évidence, le musicien avait lui aussi commencé à s’attacher à l’autre. Pour preuve, il lui accordait déjà une bonne partie de sa confiance et de sa protection à la cour. Le regard de Llanistar lui portait déjà beaucoup d’estime, et rien que pour cela, cet homme méritait qu’Orpheos le laisse continuer à se rapprocher. Il reprit alors la parole, après un long silence.


-Mais j’admets que la solitude pèse parfois très lourd sur mes épaules. Elle est à la fois ce qui me fait le plus grand bien, et le plus grand mal… Alors si je peux avoir quelqu’un comme toi à mes côtés pour la rendre plus supportable, j’accepte de t’aider.

Un sourire discret au visage, Orpheos se releva et fit signe à Llanistar de l’accompagner. Puis, au milieu des jardins, ils poursuivirent leur conversation.

-La cour est une véritable fosse aux serpents. Quand elle n’affronte pas le seigneur du désert, la princesse Zelda bataille sans relâche face aux conseillers et autres nobles qui ont établi résidence ici. Mais elle, au moins, leur fait face directement lors des conseils ; tandis que moi et Cerscastel, ses principaux soutiens, avons affaire à des tentatives de tromperies aussi lâches que leurs auteurs.

Les deux hommes retournaient peu à peu vers le château.

-Mais si nous restons en place à notre poste, c’est parce que l’on use d’une meilleure arme que la tricherie : la discrétion. Cerscastel est un chevalier aussi taiseux qu’expérimenté, et moi -malgré mon poste qui me porte parfois à la lumière- un homme de l’ombre. Si tu sais rester discret, lorsque tu te trouves dans cette cité, tu t’en tireras à merveille sans ma protection. Même si je garderai un œil sur toi,
ajouta-t-il, complice.

Et sur ce, fuyant les jardins ensoleillés pour retourner à l’ombre, Orpheos passa avec Llanistar une petite porte dérobée -derrière de hauts buissons- qui les fit entrer dans un escalier de bois étroit, un peu sombre, seulement éclairé par des torches accrochées aux murs de pierre. Seuls quelques gardes empruntaient ce passage.
Sans mot dire, le dignitaire emmena son acolyte dans les étages du château, jusqu’à repasser une porte qui les fit entrer au fond d’un petit couloir désert. Puis, après quelques allées dans les méandres du château sans croiser personne, le Sheikah fit entrer Llanistar dans sa chambre. Ni vus, ni connus. Ils étaient comme deux gamins en train de faire une bêtise.


-Illustration parfaite de ce qu’est la discrétion, sourit Orpheos avant de verrouiller sa porte.

Il s’avança ensuite vers Llanistar, leva ses mains pour s’emparer de son visage avec la plus grande délicatesse, et posa ses lèvres sur les siennes.


-Je ne sais pas ce que je fais avec toi,
murmura-t-il. Je sais juste qu’en ta compagnie, je ne me suis plus senti aussi bien depuis un lustre.

Et il recommença à l’embrasser, avant de le pousser en douceur vers le lit à baldaquin, où tous les deux finirent par s’allonger…
Au dehors, le soleil continua de briller.


Llanistar van Rusadir


Inventaire

0,00


(vide)

Llanistar avait toujours eu du mal à soutenir le regard de quelqu'un. Lorsqu'il était un enfant, échanger un regard avec son père ou son frère ainé était pour eux une provocation et cela lui valait toujours des coups. Des années durant, il s'était habitué à se tenir face à ses interlocuteurs, le regard légèrement au dessus de leur épaule ou vers leur nuque. Il ne s'était jamais véritablement débarrassé de cette peur profondément ancrée en lui, excepté face à trois personnes. Saad, tout d'abord, qui le forçait à plonger dans ses prunelles émeraudes. Puis Aeldis, qui prenait comme un signe de rejet sa manière de le regarder, et enfin...Orpheos. Le chancelier dont les yeux verts fascinaient le nordique, au point qu'il s'y noyait complètement, oubliant ses souvenirs les plus douloureux pour ne plus faire rien d'autre qu'admirer ces joyaux uniques au monde. En cet instant, il ne parvenait pas à s'en détacher...Et cela l'effrayait. Ce pouvait il qu'il se soit attaché à ce point à cet homme qu'il connaissait depuis si peu de temps ? Avait il donc perdu toute prudence ? Une partie de lui s'en voulait de se dévoiler trop vite devant le chancelier mais...Une partie de lui désirait tant détruire la peur qui l'habitait...qui l'avait toujours habité. Auprès d'Orpheos, il se sentait bien. Il n'avait pas besoin de se justifier auprès de lui même d'avantage. Un homme ne peut vivre constamment dans la terreur et la méfiance.

-Je suis quelqu’un qui aime être seul…Mais j’admets que la solitude pèse parfois très lourd sur mes épaules. Elle est à la fois ce qui me fait le plus grand bien, et le plus grand mal… Alors si je peux avoir quelqu’un comme toi à mes côtés pour la rendre plus supportable, j’accepte de t’aider.

Llanistar le comprenait tellement. Des années passées sans avoir d'autre ami qu'un loup sauvage l'avaient rapproché des livres et des arbres, compagnons silencieux auprès desquels la solitude devenait presque une réalité palpable. Etre seul devenait une libération lorsque le monde entier vous voulait du mal. Et puis...être seul signifiait aussi ne pas laisser les spectres du passé approcher. Peu de temps auparavant, le nordique se servait de l'alcool pour faire fuir les fantômes et les hommes. La douleur des souvenirs s'effaçait presque lorsque le temps s'arrêtait, que le monde devenait flou et que les mots n'évanouissait dans les vapeurs du vin. Mais ça n'était pas une vie. Une existence de mort vivant, à peine. Pas ce pour quoi les hommes étaient fait. Malgré tout ce qu'il avait vécu et enduré, Llanistar conservait un espoir : celui que les hommes sauraient un jour vivre ensemble en paix et avec joie. Idéaliste, il le restait, malgré tout. Mais chaque homme possède la liberté d'agir, à sa manière, pour rendre le monde meilleur. Son action à lui passait par le rejet de la solitude et le rôle de guide qu'il s'imposait. Et la tentation de cet isolement, il comptait bien l'affronter avec son amant. Ce dernier se leva et lui fit signe de le suivre. Lentement ils se redirigèrent vers le château et Orpheos s'employa à expliquer clairement au nordique ce qu'était ce lieu et ce à quoi il pouvait s'attendre.

- Si tu sais rester discret, lorsque tu te trouves dans cette cité, tu t’en tireras à merveille sans ma protection. Même si je garderai un œil sur toi !

Le ton complice d'Orpheos ne lui échappa pas et ils échangèrent un regard digne de deux enfants chapardeurs. La cour pouvait bien être mortel à qui ne savait éviter les morsures de serpents, Llanistar ne la craindrait pas tant qu'il aurait le chancelier à ses côtés, il en était à présent persuadé. Ce dernier l'attira alors vers un recoin obscur d'un bosquet où il lui dévoila une porte discrète. Un passage secret. Le nordique savait que le palais du Kairn en était truffé mais il n'en aurait pas soupçonné un instant l'existence dans le château d'Hyrule. Cela leur permit d'entrer dans l'édifice et d'y passer quelques couloirs sans croiser personne. On devait déjà s'étonner de ne plus le trouver...Si quelqu'un les trouvait main dans le main, les rumeurs ne tarderaient pas à fuser. Jusque là, ils avaient su l'éviter. Visiblement personne n'avait vraiment remarqué leur nuit commune à l'auberge...C'était déjà une très bonne chose.
Soudain, Orpheos ouvrit une porte et le fit entrer dans ce qui devait être sa chambre. Plutôt confortable mais rien d'étonnant vu son rang. On ne donnait pas un placard à balais à un chancelier. Llanistar observa la vue que donnait l'une des fenêtre des appartements. Magnifique et orientée vers l'ouest. A cette heure là, le soleil brillait fortement et éclairait la pièce de sa clarté d'été. Le général sentit Orpheos s'approcher de lui et il se retourna.


- Illustration parfaite de ce qu’est la discrétion...

Il prit le visage de Llanistar entre ses mains et approcha ses lèvres. Celui ci sentait les battements de son coeur s'accélérer. Il respirait plus fort, ressentait avec un frisson de plaisir la caresse du soleil et de la peau douce du chancelier sur son corps. Lorsque le chancelier fut contre lui, il se sentit comme électrisé. Ce dernier lui murmura,

- Je ne sais pas ce que je fais avec toi. Je sais juste qu’en ta compagnie, je ne me suis plus senti aussi bien depuis un lustre.

Llanistar ne répondit pas. Il plaqua ses lèvres sur celles d'Orpheos et l'embrassa avec une passion qu'il pensait avoir oublié. Lentement, il se laissa pousser jusqu'au lit sur lequel il s'allongèrent. Avec douceur, le général décrocha la cape immaculée et brodée de fils d'or du chancelier. Puis il défit le nœud qui ceinturait la tunique blanche de son amant et la retira également. Avec autant d'attention, Orphéos le déshabilla et ils s'aimèrent, une seconde fois. Avec d'autant plus de plaisir qu'ils commençaient à se connaître. Dehors le soleil brillait.
***

Llanistar était allongé sur le lit, serein. Dehors, l'astre du jour commençait à décliner et le soir ne tarderait plus, bien que la nuit ne fusse véritablement présente que tard, en cette période de l'année. La chaleur faisait place à une brise plus clémente, néanmoins, et le nordique commençait à respirer. Malgré plusieurs mois passés à Markand, il ne s'était jamais fait aux climats chauds. Dans ses montagnes natales, on ne connaissait jamais pareilles chaleurs. Tendrement, il se pressa contre Orpheos, à ses côtés et passa un bras autour de lui tandis qu'il embrassait son cou. Puis il se pétrifia, tandis qu'il sentait le contact de son bras contre la peau du chancelier. Depuis la paume de sa main jusqu'au milieu de son avant bras courrait une cicatrice d'aspect assez impressionnant. Il voulut retirer son bras mais réalisa qu'Orpheos devait déjà l'avoir remarqué. Il murmura alors, un peu gêné :

- Pas vraiment séduisant, n'es-ce pas.


Orpheos


Inventaire

0,00


(vide)

Depuis combien de temps ? Depuis quand ne l’avait-on pas traité avec respect dans l’intimité ? Hormis l’autre nuit à Cocorico, il y’avait bien longtemps qu’Orpheos s’était perdu dans la dégradation de sa propre estime. A la cour ou lors de son exil, on l’avait toujours rabaissé quand il s’offrait. Toujours dans l’avilissement, la déconsidération de soi.
Llanistar était le premier partenaire, depuis fort longtemps, à ne pas l’avoir frappé ou insulté.

Mais si c’était ça, se sentir respecté, il allait très vite s’y faire. Orpheos s’était blotti dans les bras fermes du général, tous deux laissant retomber la chaleur, quand le jour tombait à l’extérieur. Le général, d’ailleurs, se pressait avec tendresse contre lui. Les choses se passaient très vite, le Sheikah en avait conscience, mais pouvait-il lutter contre ce type de lois de l’attraction ? Il était bien avec lui, et la réflexion s’arrêtait là. Orpheos était fatigué de trop réfléchir.

Durant un baiser sur sa nuque, un bras de Llanistar s’enroula autour de lui… un bras qui glaça brièvement le sang du chancelier. Une cicatrice aux proportions spectaculaires s’étalait de la paume jusqu’à l’avant-bras du nordique. Orpheos se contracta très légèrement : il sentit l’envie de Llanistar de retirer ce bras, mais tous deux surent en silence qu’il était trop tard.


-Pas vraiment séduisant, n'est-ce pas,
murmura Llanistar avec gêne.
-Tes mains ne sont décidément guère chanceuses… répondit Orpheos, en référence à l’autre main qui manquait à son partenaire. Où, ou plutôt comment as-tu pu avoir pareille blessure ?

Le chancelier s’écarta du corps si réconfortant de Llanistar pour se tourner face à lui. La lumière du crépuscule s’abattait avec douceur sur sa peau claire et sur les draps immaculés, quoique défaits. Son regard gris laissait transparaître toute la gêne de la situation ; alors, Orpheos souhaita le rassurer.

-Ne te formalise pas de mon jugement, tu n’as pas à en être gêné. J’ai connu, de manière proche, un homme qui portait deux cicatrices s’entrecroisant à la joue… Elles sont légions parmi les hommes de guerre.

Orpheos repensa à l’homme en question… Efelron, le prince au visage balafré. Son ancien amour.
Mais en regardant Llanistar, le souvenir de ce visage princier fut un peu moins douloureux que de coutume. Peut-être plus diffus, aussi. Malgré tout, si le chancelier ne portait aucune cicatrice sur le corps, c’était son âme qui en recélait grand nombre.


Llanistar van Rusadir


Inventaire

0,00


(vide)

-Tes mains ne sont décidément guère chanceuses… Llanistar pouffa. Effectivement, Orpheos pouvait bien l'affirmer. Peu d'hommes appréciaient à la véritable valeur leurs mains mais depuis son amputation, le nordique  en avait prit conscience. Depuis sa naissance, où il tenait un caillot de sang dans son poing jusqu'à la citadelle où son épée avait tranché en deux des armures maléfiques, il les avait bien malmené. A bien y réfléchir, il avait plutôt malmené son corps entier.
Où, ou plutôt comment as-tu pu avoir pareille blessure ?

Le général déglutit difficilement. Les souvenirs l'envahissaient déjà. Son passé, empli d'épreuves durement franchies s'imposa à son esprit, quand bien même cela lui faisait mal. Llanistar parlait rarement de ce qu'avait été sa vie auparavant, et pourtant il en avait souvent envie. Jamais sa mémoire ne cessait vraiment de le tourmenter et ses nuits étaient envahies de cauchemars des différentes époques de malheur de son existence. Longtemps il avait été silencieux, taciturne mais depuis l'incendie de Waundel, il s'était découvert une aisance avec les mots et un besoin vital de parler.
Alors, il prit doucement la main d'Orpheos et l'amena sur sa cuisse, où courrait une seconde cicatrice, plus petite et étroite. Il susurra à l'oreille de son amant avec malice.


- Celles là sont soeurs. Elles m'ont toutes deux été faites à la bataille des Marches de Markand. J'affrontais l'armée rebelle d'une province du Sud de mon pays. J'ai réussit à atteindre le chef ennemi et je l'ai défié en duel. Notre combat a duré à peine une minute. Il m'a coupé deux fois, une fois à la cuisse. Il insista avec complicité sur le dernier mot tandis qu'il invitait la main du chancelier à la caresser. Et l'autre fois sur tout l'avant bras. Je n'ai eu besoin que d'un coup. Je lui ai tranché la main droite... Belle ironie n'es-ce pas ?

Il pouffa une nouvelle fois. Jamais depuis sa perte, Llanistar n'avait fait le rapprochement entre Al Nehazim et lui même. Pourtant il devait avouer se sentir assez proche de cet homme qui n'avait voulu que libérer son peuple d'un tyran. Le même tyran dont le nordique désirait à présent la mort. Au fond d'eux même, ils n'avaient jamais réussit à se détester...Problème complexe pour des généraux ennemis. Il amena ensuite la main d'Orpheos sur son coeur. Une cicatrice, profonde et large, lui barrait la poitrine de gauche à droite. Le sourire s'évanouit du visage du nordique.

- Celle ci...est la marque de la trahison. Elle m'a été infligé alors que je rentrais au pays pour obtenir des explications de mon roi au sujet de l'ordre d'arrestation qu'il avait lancé contre moi. Je me suis arrêté au Castel du Rhein pour une nuit, un fort non loin de la capitale. Si son seigneur ne m'avait pas apprécié, je serais mort. Il a reçu l'ordre d'ouvrir ses portes et de laisser quiconque rentrer...Des assassins sont arrivés. Le seigneur De Rhein n'a pas supporté de me laisser mourir. Il a massacré les tueurs alors que j'étais sur le point de mourir et que l'un d'eux m'avait déjà lourdement entaillé au coeur. Ce fut cette nuit là que je compris que je ne pourrais plus m'en tirer en suivant la loi. Aux yeux des puissants, je devais mourir. Aux yeux même de mon roi...Et je n'étais pas le seul concerné.

A la pensée de Aeldis, et de son corps froid qu'il avait descendu de la croix, les yeux de Llanistar s'emplirent de larmes. Il ne put y résister et fut secoué par quelques sanglots. Suffisant pour montrer sa faiblesse, mais il n'en avait cure. Si une personne au monde pouvait le voir dans cet état, c'était bien Orpheos. Il se pressa contre le chancelier. Et il sentit la haine succéder à la peine, son souffle se fit plus profond et sa voix, plus grave.

- Ils me l'ont pris...Ils payeront. Un jour, lorsque le moment sera venu."


Orpheos


Inventaire

0,00


(vide)

C’était comme si Orpheos voyait un défilé d’émotions dans les yeux de son partenaire, tant elles s’y succédaient avec vitesse. A ce seul regard, et même si Llanistar ne lui aurait rien dit de lui chez NuttyK, il aurait pu affirmer sans se tromper que son passé était semé de très nombreuses épreuves. Des batailles sur les champs, certes, mais surtout des combats cruels et personnels qui étaient toujours ceux de la vie.
Il ne fallait pas non plus trop longtemps pour réaliser ô combien le caractère du général était taciturne, et Orpheos se sentit honoré de la confidence qu’il lui fit.


-Celles-là sont sœurs,
murmura malicieusement Llanistar à son oreille, amenant sa main sur sa cuisse d’un air entendu. Sa peau portait là aussi des marques. Elles m'ont toutes deux été faites à la bataille des Marches de Markand. J'affrontais l'armée rebelle d'une province du Sud de mon pays. J'ai réussi à atteindre le chef ennemi et je l'ai défié en duel. Notre combat a duré à peine une minute. Il m'a coupé deux fois, une fois à la cuisse. Et l'autre fois sur tout l'avant-bras. Je n'ai eu besoin que d'un coup. Je lui ai tranché la main droite... Belle ironie n'es-ce pas ?

Llanistar eut un étrange rire, pendant qu’Orpheos caressait sa cuisse du pouce, d’un mouvement en arc-de-cercle, avant que le nordique ne lui prenne la main pour la poser sur son torse. Là encore, sa peau se décorait d’une très large balafre.

-Celle-ci...est la marque de la trahison, dit Llanistar qui avait perdu tout sourire et toute légèreté. Elle m'a été infligée alors que je rentrais au pays pour obtenir des explications de mon roi au sujet de l'ordre d'arrestation qu'il avait lancé contre moi. Je me suis arrêté au Castel du Rhein pour une nuit, un fort non loin de la capitale. Si son seigneur ne m'avait pas apprécié, je serais mort. Il a reçu l'ordre d'ouvrir ses portes et de laisser quiconque rentrer...Des assassins sont arrivés. Le seigneur De Rhein n'a pas supporté de me laisser mourir. Il a massacré les tueurs alors que j'étais sur le point de mourir et que l'un d'eux m'avait déjà lourdement entaillé au cœur. Ce fut cette nuit-là que je compris que je ne pourrais plus m'en tirer en suivant la loi. Aux yeux des puissants, je devais mourir. Aux yeux même de mon roi...Et je n'étais pas le seul concerné.

Orpheos eut le sentiment qu’il parlait de cette fameuse âme sœur que Llanistar avait trop aimée. Horrifié, il vit le beau général lâcher prise contre la douleur par les larmes, et l’invita aussitôt à se presser contre lui. La main posée sur son dos, il perçut sa respiration se faire plus profonde, et n’eut aucun besoin de voir son visage pour savoir de quel sentiment il était en train de se peindre.

-Ils me l'ont pris... Ils payeront. Un jour, lorsque le moment sera venu.

Plus que la déclaration elle-même, c’était le ton de sa voix qui témoignait d’à quel point Llanistar pouvait haïr les tyrans de son pays.

-Tu ne dois certainement pas oublier cette vengeance que tu te dois d’exécuter… mais tu ne doit pas vivre uniquement pour elle, dit Orpheos avec sagesse. Comme tu l’as dit, ils payeront un jour. Nous payons toujours le tribut de nos actes, un jour ou l’autre.

Et lui, que payerait-il pour s’être mis sous l’égide de puissances telles que celles rencontrées chez Ganondorf ? Orpheos ne pouvait s’empêcher d’y repenser, encore une fois. Et Dun, que payerait-il pour sa trahison ? Sa vie ? Orpheos, malgré tout, ne l’espérait pas.
Même si ce serait à coup sûr le cas.


-Le gouvernement de ton pays est vraisemblablement corrompu. Un homme de ta trempe était forcément gênant pour ces hommes puissants, et ceux-ci auraient ordonné tôt ou tard ton exécution. Si un jour tu souhaites repartir là-bas pour sauver Artensyr de cette corruption, après toute cette bataille menée contre Ganondorf, Zelda ne t’en empêchera pas.

Orpheos caressait la chevelure noire de Llanistar, parlant dans un doux murmure, afin de l’apaiser dans sa brève mais profonde détresse.

-En attendant, sache que le gouvernement dont lequel je fais partie -et toi aussi désormais- ne suivra pas l’exemple de celui d’Artensyr. Hyrule est une terre pacifique. Tu en as eu la preuve avec la faible armée dont nous disposons. Je crois n’être jamais allé dans un royaume plus paisible et refermé sur lui que celui-là, d’ailleurs. Ce qui n’empêche pas certains de la convoiter…

Parce qu’elle était la terre de la Triforce. C’était peut-être pour cela qu’Hyrule était si calme, et si autarcique. Retirée du monde, elle était assurée qu’aucune personne qui lui soit étrangère ne viendrait y faire couler le sang… Excepté, bien sûr, le seigneur du désert voisin.
Orpheos se plaça derrière Llanistar et apposa quelques baisers, tout en douceur, sur sa peau marquée par le fer. Un bras passé autour de lui, il préféra contempler le crépuscule en silence par la fenêtre, plutôt que d’infliger toute gêne à Llanistar en observant sa douleur s’exprimer.


Llanistar van Rusadir


Inventaire

0,00


(vide)

Ses larmes coulaient encore lorsqu'il sentit qu'Orpheos répondait à son étreinte. Llanistar aurait voulu ne jamais quitter cette chambre, ce lit. Le monde entier l'effrayait, empli de haine et de terreur, sa surface ensoleillée mais ses racines profondément en prise à de sombres ténèbres. A force il ne savait plus si la mort le suivait de prés ou si elle se trouvait partout sur cette Terre qu'il parcourait depuis des années. Partout, elle avait frappé sans relâche. Sa mère, son père et son frère aîné, son mentor à la cour, nombres de ses hommes dans les guerres qu'il avait mené, son plus grand amour... Sa colère commença à s'évanouir. Tous ces longs mois de désespoir, dans une solitude confortable et destructrice à la fois, il s'était caché derrière sa haine comme un bouclier. Une seule obsession, un seul but : le Kairn payerait. Qu'importe comment mais il mourrait. Et Alvar avec lui. Mais à présent que le nordique pressait son corps contre celui de son amant en une union physique, douce et chaude, la haine lui semblait dérisoire, inutile. Il passa sa main dans la crinière d'Orpheos, entortillant un doigt dans une mèche. Et comme un échos à ses pensées, l'Hylien lui répondit.

- Tu ne dois certainement pas oublier cette vengeance que tu te dois d’exécuter… mais tu ne doit pas vivre uniquement pour elle.

Lorsqu'il entendit les derniers mots, Llanistar fut parcouru d'un curieux frisson. Orpheos avait parlé mais deux voix lui étaient parvenues. Le souvenir de Saad avait envahit la réalité et la voix de l'Emir avait résonné à ses oreilles presque aussi clairement que celle, bien réelle, du chancelier. Deux hommes, deux amants et toujours le même conseil. Celui de ne pas se laisser dévorer par cette haine, ce désir de vengeance. A cet instant précis, le nordique en comprenait la nécessité. Il ne pouvait retourner dans son pays, abandonner Hyrule, tuer le Tyran et laisser le chaos envahir Artensyr. La monarchie du Kairn était jeune, si il mourrait, les grands nobles se déchireraient et la guerre qui en résulterait serait digne des âges sombres.

- Le gouvernement de ton pays est vraisemblablement corrompu. Un homme de ta trempe était forcément gênant pour ces hommes puissants, et ceux-ci auraient ordonné tôt ou tard ton exécution. Si un jour tu souhaites repartir là-bas pour sauver Artensyr de cette corruption, après toute cette bataille menée contre Ganondorf, Zelda ne t’en empêchera pas.

Llanistar pensa que, de toute façon, Zelda ne l'empêcherait sans doute jamais de partir. Ca n'était pas l'image que le général avait de sa nouvelle suzeraine. Mais il avait prêté serment. Devant elle, pour elle et pour son peuple. La promesse solennelle de les aider dans l'épreuve qu'ils devaient affronter. Au fond, peu lui importait de savoir si Ganondorf était un tyran ou non...Après tout, son propre grand père avait été un rebelle avant de renverser le pouvoir. Ce qu'il voulait, c'était permettre à Hyrule d'en finir avec cette guerre et donc d'abattre celui qui l'avait déclenché et à cause de qui elle perdurait. Le roi gérudo mort, la paix reviendrait. Que ferait il après ?

Le nordique resserra son étreinte avec l'Hylien. Pour la première fois depuis son départ de Markand, il hésitait. Sa conviction de revenir libérer Artensyr était assaillit par un doute profond. Après tout, le peuple l'appréciait bien...Avant son procès pour sodomie, parricide, fratricide et haute trahison. A présent qu'il avait disparu sans apporter la vérité, que restait il de lui ? N'était il pas détesté et craint comme la pire des pestes ? Ses propres hommes lui étaient ils restés fidèles ? La majorité d'entre eux avaient surement laissé derrière eux la période de leur vie où il les commandait. Il ne pouvait leur en vouloir. La politique leur était mystérieuse et opaque. Ils méritaient une retraite tranquille auprès de leur famille, pas une guerre civile meurtrière. Oui, mais le tyran ne permettrait jamais à son peuple de vivre paisiblement. Artensyr connaissait en permanence la guerre avec ses voisins et des révoltes en son sein, réprimées dans le sang. Les nobles étaient bafoués, les petites gens accablés de taxes pour permettre à quelques élus de vivre dans l'opulence à la capitale. Celui que les autres rois voyaient comme un modèle à suivre, un "Roi Soleil" n'était qu'un égoïste orgueilleux et belliqueux. Artensyr méritait mieux. Seulement...Partir signifiait quitter Orpheos. Et en cet instant, Llanistar ne parvenait pas à seulement l'envisager. L'homme à qui il s'était si vite attaché lui paraissait aussi vital que l'air qu'il respirait.
Ce dernier lui caressait d'ailleurs les cheveux, faisant frissonner le nordique. Il lui promettait qu'Hyrule était différent d'Artensyr et Llanistar le croyait volontiers. Il n'y avait rien de commun entre les deux pays, à commencer par le bonheur relatif mais bien présent que connaissait la terre sacrée. Le nordique se retourna et embrassa son amant.


- Tu sais...Quand j'ai entendu pour la première fois qu'Hyrule était la terre des dieux, j'ai cru à une rumeur vantarde de la part de l'Hylien qui me l'avait dit. Mais plus j'en apprends sur ce pays, plus j'y crois. Hyrule n'a rien de commun...Et ses habitants également."

Il l'embrassa à nouveau, l'air complice. Il pouvait lire dans le regard vert d'Orpheos le même amusement de cette situation enfantine où tous deux se cachaient du monde entier pour faire ce que ce monde considérait comme une bêtise. Cela apaisait Llanistar de pouvoir évoquer leurs problèmes les plus noirs en gardant une certaine légèreté entre eux.

- Je n'abandonnerais pas Hyrule...Mais surtout je ne te laisserais pas. Je...je tiens déjà beaucoup à toi.

Il n'avait pas prononcé ces mots à la légère mais ils lui semblaient importants. Il percevait chez son amant que ce dernier n'en était pas à sa première relation réprouvée par la religion mais il désirait être plus pour lui qu'un simple coup à tirer de temps en temps pour s'amuser. Il prit le visage d'Orpheos dans sa main, sentant la douceur de sa peau. Un corps si beau, si pur, presque divin. Pas de ces laides cicatrices qui marquaient Llanistar. Et pourtant, des blessures, le chancelier semblait bien avoir eut subi son lot d'homme.

- Au village, lorsque nous buvions, tu m'as affirmé avoir traversé de lourds tourments. J'aimerais en savoir plus...Serais tu prêt à en parler ?

Si Orpheos voulait garder le silence, il respecterait sa décision. Mais la curiosité l'emportait, pour l'instant.


Orpheos


Inventaire

0,00


(vide)

Hyrule, une terre des dieux ? La terre des dieux ? Sûrement… Mais puisque c’était en ce royaume qu’Orpheos avait noué ses liens les plus étroits, et qu’il y gardait parmi ses souvenirs les plus intenses, il resterait forcément attaché à cet endroit jusqu’à la fin de ses jours.
Le chancelier embrassa encore le général, toujours en le fixant, mais avec la même complicité qui s’était naturellement construite entre eux. Orpheos n’avait vraiment pas le souvenir d’avoir lié si vite avec quelqu’un, mais ce qu’il percevait en Llanistar lui promettait de belles choses à partager avec lui.


-Je n'abandonnerais pas Hyrule...Mais surtout je ne te laisserais pas. Je...je tiens déjà beaucoup à toi.

Des mots lourds de sens, prononcés avec beaucoup de légèreté. Le Sheikah pressentait déjà que cette façon d’engager le dialogue reviendrait souvent entre eux, à l’avenir.

-Au village, lorsque nous buvions, tu m'as affirmé avoir traversé de lourds tourments. J'aimerais en savoir plus...Serais tu prêt à en parler ?

Le regard vert du Sheikah s’assombrit soudain, son visage au creux de la main du général. Il n’avait aucun mal à partager les douleurs d’autrui, mais se trouvait en bien plus grande difficulté lorsqu’on venait à parler des siennes. Ainsi était-il.

-Mon passé n’est guère intéressant à raconter…
affirma Orpheos qui fuyait légèrement le regard du nordique. Pas aussi riche que le tien. Mais… il est vrai que j’ai eu mon lot de tourments. Comme bien des gens venus se réfugier à Hyrule.

Orpheos ne venait pas d’une famille royale, n’avait pas connu l’inceste, ni la trahison de son seigneur, ni la direction d’une armée, ni de blessures faites à l’épée. Il n’avait pas eu de frère ou de sœur, venait d’une très modeste lignée Sheikah, et s’était évertué à rester en dehors de tout conflit militaire jusque récemment.

-En revanche… j’ai connu le parricide, ainsi que l’exil…
dit-il à voix basse, autant pour lui-même que pour Llanistar. Comme toi, ajouta-t-il en recentrant cette fois son regard sur le sien.

Certaines images lui revenaient en tête… Mais il n’en pleurerait pas comme Llanistar. Orpheos était trop orgueilleux pour cela, et surtout, des larmes, il en avait déjà assez versées.


-Je cherche à me racheter de ces fautes, auprès de Zelda. Celui que je considérais être mon père aurait voulu me voir à son service, en tant que Sheikah, et je dois rattraper mes nombreuses années d’absence à la cour. Tu es peut-être au courant, mais j’ai quitté Hyrule voici plus d’un lustre… et n’y suis revenu que depuis quelques mois. Considère que je vis par expiation.


Orpheos n’avait pas cillé durant une seule seconde. Après s’être exhibé dans le plus pitoyable des états, l’autre soir chez NuttyK, il cherchait à se montrer sous un jour plus distant et mesuré vis-à-vis de lui-même. Encore par fierté.
Il parvint même à sonder les yeux gris du nordique, inquisiteur, alors qu’il venait d’être celui qui se confiait – quoiqu’il fut peu loquace au sujet de son passé.


-J’ose espérer que ce regard que tu poses sur moi ne changera pas.


Llanistar van Rusadir


Inventaire

0,00


(vide)

L'humeur d'Orpheos venait de changer. Son visage toujours dans la main de Llanistar s'était durci l'espace d'un instant puis une certaine lassitude s'était emparée de lui. Etait ce dont si difficile pour lui de se confier. Le général ne pensait pas que le silence de son amant venait de lui. Alors que les mots quittaient volontiers ses propres lèvres, il sentait une réticence du chancelier à parler de lui même...Sauf pour justifier la haine et le mépris injustes qu'il se portait à lui même. Le nordique voulait le rassurer, lui faire comprendre que le ressentiment ne peut rester tut sans éclater un jour avec violence...Mais il le respectait trop pour le brusquer. Chaque homme choisit de porter sa croix à sa manière et personne ne devrait pouvoir lui ôter cette liberté. Surtout pas ceux qui lui sont proches.

-Mon passé n’est guère intéressant à raconter… Pas aussi riche que le tien. Mais… il est vrai que j’ai eu mon lot de tourments. Comme bien des gens venus se réfugier à Hyrule.

Llanistar n'aimait pas lorsque ces magnifiques yeux le fuyaient mais il ne pouvait forcer Orpheos à soutenir son regard. Il sentait les efforts que ce dernier faisait pour lui rendre la sincérité dont il avait fait preuve juste auparavant. Clairement, se confier restait pénible à l'Hylien mais il osait. L'Artensys retint un sourire lorsque son amant utilisa le terme de "Riche" pour décrire son passé. C'était une manière de voir la chose, en effet. Lui aurait surement été heureux avec un destin plus modeste. De plus haut l'on tombe, plus dure est la chute.

-En revanche… j’ai connu le parricide, ainsi que l’exil… dit-il à voix basse, comme si les murs avaient des oreilles...mais également comme si cela pouvait apaiser la douleur que cela devait soulever en lui. Llanistar se pressa un peu plus contre lui.Comme toi... Je cherche à me racheter de ces fautes, auprès de Zelda. Celui que je considérais être mon père aurait voulu me voir à son service, en tant que Sheikah, et je dois rattraper mes nombreuses années d’absence à la cour. Tu es peut-être au courant, mais j’ai quitté Hyrule voici plus d’un lustre… et n’y suis revenu que depuis quelques mois.
Considère que je vis par expiation.


Llanistar ne savait pas qu'Orpheos n'était que récemment rentré au château. En tant que chancelier, il s'était fait assez discret et le peuple le connaissait peu, comme la plupart des personnalités de la cour. Pour les petites gens, seules comptaient les têtes couronnées...Et les dignitaires couverts de gloire. Le nordique en savait quelque chose ; il avait dû son bannissement à sa popularité auprès du peuple. En revanche, Llanistar comprenait parfaitement l'attitude de son amant. La rédemption était la voie qui menait les âmes en peine au pardon envers elles mêmes. Le temps ne pouvait rien aux blessures les plus profondes. Certaines ne se refermaient qu'en réparant les erreurs commises.
Le regard émeraude de l'Hylien revint vers ses yeux et il y eut un instant d'un silence troublant. Puis, il poursuivit, d'une voix, malgré lui, moins assurée.


-J’ose espérer que ce regard que tu poses sur moi ne changera pas.

Llanistar sourit légèrement. Comment pouvait il penser que son regard changerait ? Si une personne pouvait bien comprendre Orpheos sur cette terre, c'était bien le dernier des Rusadir. Il embrassa à nouveau son amant et passa sa main dans ses cheveux. Au loin, un loup commença son chant d'accueil pour la lune qui débutait sa course dans les cieux. La nuit tombait. Prit d'une soudaine envie d'air frais, le nordique se desserra douloureusement de l'étreinte d'Orpheos et alla ouvrir le volet. Aussitôt une brise fraîche pénétra dans la pièce. Il resta à la fenêtre quelques instants, profitant de la vue imprenable sur le mont du péril. La sérénité de la nuit l'avait toujours apaisé, cette fois plus encore que les autres. Lentement, il se retourna.

-Mon regard ne change pas, Orpheos. Nous nous ressemblons trop pour que tes crimes me troublent. A nous de les expier, à présent... Il revint vers le lit et s'assit sur son bord, caressant le visage de son amant. Tant que je suis avec toi. Si il faut passer ensemble par l'enfer de la cour, je n'hésiterais pas. Pas avec toi à mes côtés. Mais...arriverons nous à porter un tel secret ?

Llanistar avait échoué à ce jeu une première fois, à cause de ce frère, Saion, qu'il avait fait l'erreur de laisser en vie. Cette fois, il ferait tout pour gagner la partie. Mais il ne pouvait s'empêcher d'être nerveux. D'autant qu'il ne connaissait rien de cette cour, en ce pays si particulier.


Orpheos


Inventaire

0,00


(vide)

Dès l’instant où Llanistar l’embrassa de nouveau, Orpheos eut sa réponse avant même que le nordique ne la formule. Non, son regard ne changerait pas. Se pouvait-il que le Sheikah ait réellement trouvé quelqu’un à même de le comprendre ?
Le loup hurla et la lune se leva. La nuit débutait dans le chant des criquets.

Orpheos regarda son amant se décoller de son maigre corps, pour aller ouvrir d’un grand geste sa fenêtre. La fraîcheur s’invita dans la chambre en faisant frissonner le chancelier. Les rideaux volèrent un instant sous l’effet de la brise, tout comme des mèches de sa crinière noire – tant aimée de Rusadir.
Le mont du péril s’offrait à leurs yeux, mais le musicien s’attarda plus sur la vue que lui offrait Llanistar de son corps à découvert. Sa peau portait vraiment des cicatrices sur chaque partie de son corps… Llanistar se tourna lentement vers lui, l’air apaisé. Et Orpheos se dit, juste là, que toutes ces cicatrices qu’il portait ne le rendaient toujours pas moins beau.


-Mon regard ne change pas, Orpheos. Nous nous ressemblons trop pour que tes crimes me troublent. A nous de les expier, à présent...

A nouveau, les yeux du chancelier s’emplirent d’interrogation. Llanistar, lui ressembler ? Et pourquoi pas, en fait. C’était peut-être pour cette raison qu’il l’avait laissé si rapidement approcher.

-Tant que je suis avec toi,
déclara-t-il une fois revenu sur le lit, avec son unique main caressant son visage. Si il faut passer ensemble par l'enfer de la cour, je n'hésiterais pas. Pas avec toi à mes côtés. Mais... arriverons-nous à porter un tel secret ?
-Je suis un Sheikah, rappela Orpheos d’un ton confiant. Le secret étant mon domaine, je n’aurai aucun mal à porter le nôtre ici ou au dehors… Quant à toi, je te pense très apte à le conserver aussi jalousement que moi. C’est un sentiment que j’ai à ton sujet, et je me trompe rarement sur les gens. Enfin, presque…

Un visage et des souvenirs lui revinrent. Celui qui l’avait sauvé, nourri, éduqué… son père d’adoption errait toujours régulièrement dans sa mémoire. Et à chacun de ses passages, le cœur d’Orpheos se serrait.
Le jeune homme se releva du lit un peu trop brutalement. Et au lieu de regarder Llanistar en face, il préféra contempler le mont du péril dont le nuage blanc s’était teint de violet, grâce aux ultimes lueurs du jour mourant. La lune prenait peu à peu possession du ciel.


-Zelda elle-même ne doit pas savoir pour nous, précisa Orpheos d’une voix ferme. Ce n’est pas pour moi, mais pour toi : tu dois garder une image propre le plus longtemps possible dans cette cour salie par la corruption. La princesse et son peuple en ont besoin.

Comme Llanistar l’avait fait deux minutes plus tôt, Orpheos se retourna face à lui, juste devant la fenêtre. La visibilité baissait dans la pièce, mais le chancelier voyait encore parfaitement ses magnifiques yeux gris le fixer.

-On se fiche de moi, l’important c’est toi, poursuivit-il en caressant une corde de la harpe placée devant la fenêtre. Moi, j’ai déjà une image de gouvernant douteux. Je suis un chancelier qui s’amuse à errer dans les campagnes, boire chez l’ancien garde-en-chef, et qui reste trop distant du peuple. Et mon parcours personnel n’atteste pas d’une grande valeur humaine… Les rares fois où je me suis trompé sur quelqu’un, je l’ai amèrement regretté. Je le regrette encore…

Son père d’adoption, qu’il avait pris pour un assassin.
Son premier amour, qu’il avait pris pour un sédentaire.
Son déchu de prince, qu’il avait pris pour un ami.
Et lui-même, qu’il avait pris pour quelqu’un de fort.


-Je m’excuse de ne pouvoir en dire plus,
déplora sincèrement Orpheos. Comprends-tu que je ne sois pas prêt à me livrer complètement pour toi ? Nous venons juste de nous rencontrer, mais tu le sens comme moi : un lien était destiné à se créer entre nous. C’est aussi pour préserver un bien si rare, que je refuse d’aller trop vite en besogne.

Orpheos s’avança silencieusement, devant le clair de lune naissant, jusqu’au lit occupé par Llanistar. Là, il s’assit sur le rebord, puis vint chercher sa main avec la sienne…

-Peu importe jusqu’à quand : si tu veux vraiment rester à mes côtés, et si ce n’est pas que pour le confort ou la luxure de m’avoir, donne-moi juste le temps… Le temps de me détacher un peu mieux du passé, avec toi…

Quand sa voix s’évanouit avec douceur dans la pénombre, sa main, elle, serra avec force celle du général venu du nord. Pourrait-il faire confiance à Llanistar et s’abandonner à lui, un jour ?
Quelque part en son cœur, Orpheos en avait déjà envie.

Mais sa prudence -ou sa méfiance- l’en gardait.


Llanistar van Rusadir


Inventaire

0,00


(vide)

-Je suis un Sheikah. Le secret étant mon domaine, je n’aurai aucun mal à porter le nôtre ici ou au dehors… Quant à toi, je te pense très apte à le conserver aussi jalousement que moi. C’est un sentiment que j’ai à ton sujet, et je me trompe rarement sur les gens. Enfin, presque…

Llanistar écarquilla les yeux, surprit de la révélation de son amant. Un Sheikah ? Depuis son arrivée à Hyrule, le nordique avait assez souvent entendu parler de ce peuple étrange, toujours dans l'ombre de la famille royale, oeuvrant à sa gloire. Des combattants mais aussi des érudits, instruits dans beaucoup d'arts, dont certains restaient obscurs à ceux qu'ils servaient. Des légendes, selon tous ceux qui lui en avaient parlé, car ils s'étaient éteint. Et pourtant, il était devenu l'amant d'un d'entre eux...et Orpheos ne collait pas avec la vision surement très romancée que les Hyliens gardaient d'eux.
Le visage du chancelier se referma lorsque les derniers mots quittèrent sa bouche. "Presque" ? Parlait il du traître ? Pas uniquement, visiblement. Ou bien son lien avec ce dernier était suffisamment fort pour le faire se lever sans un regard pour Llanistar et avec une sorte d'empressement fuyant. Il prit la place du nordique à la fenêtre et regarda au dehors tandis que l'Artensys commençait à s'inquiéter sur ce changement d'humeur. Et lorsqu'il parla, il continuait de fixer le paysage avec une sorte de distance que le nordique n'aimait pas.


-Zelda elle-même ne doit pas savoir pour nous, précisa t'il assez sèchement. Ce n’est pas pour moi, mais pour toi : tu dois garder une image propre le plus longtemps possible dans cette cour salie par la corruption. La princesse et son peuple en ont besoin.

Le nordique se figea quand le regard d'émeraude vint se poser sur lui. Un air grave, qu'il ne connaissait pas vraiment chez son amant. Il soupira...Se cacher. Encore une fois. Se dérober aux regards scrutateurs, aux oreilles attentives, aux langues de vipères agiles, comme à la cour du Kairn. Sans doute était ce la croix à porter pour tous ceux qui plaçaient leur amour avant tout. Le devoir, bien sur, restait omniprésent dans l'esprit de Llanistar mais il savait que c'était son affection pour Orpheos qui le rattachait à Hyrule, plus que tout le reste. Néanmoins, il savait que ce dernier avait raison. Sa fonction exigerait de lui une image de chevalier blanc sans reproches de n'importe quelle sorte. En des temps sombres ou la confiance du peuple n'était plus acquise, les plus grands serviteurs de la Couronne ne pouvaient donner mauvaise image. Mais non seulement il devait rester immaculé mais en plus il lui faudrait éliminer la "corruption" de cette cour. La noblesse s'apprécierait surement pas mais le général se sentait les épaules pour lui faire face.

-On se fiche de moi, l’important c’est toi. Orpheos pinça avec douceur une corde de la harpe posée devant la fenêtre. Sans qu'il ne sache pourquoi, cela fit renaître une pointe de désir chez Llanistar. Moi, j’ai déjà une image de gouvernant douteux. Je suis un chancelier qui s’amuse à errer dans les campagnes, boire chez l’ancien garde-en-chef, et qui reste trop distant du peuple. Et mon parcours personnel n’atteste pas d’une grande valeur humaine… Les rares fois où je me suis trompé sur quelqu’un, je l’ai amèrement regretté. Je le regrette encore…

Pendant que d'autres notables complotaient pour s'enrichir, à se cacher aux yeux des collecteurs d'impôts, à satisfaire leurs appétits de toute sorte et songeaient parfois à quitter le camp de Zelda pour faire partie du camp de celui qu'ils voyaient comme le futur vainqueur, Orpheos songeait à vivre et il tirait honte. Comment pouvait il être si aveugle sur sa propre valeur ? Comment pouvait il se mépriser à ce point alors que l'affection que Llanistar lui portait grandissait toujours plus à chaque instant passé ensemble ? Son passé regorgeait il d'horreurs ? Ses magnifiques mains seraient donc si sales ? Le nordique avait perdu depuis longtemps ses préjugés sur le bien et le mal. Nombres de crimes étaient commit au nom de la justice et de la lumière, nombres de criminels pensaient agir pour le mieux.
Orpheos s'avança devant lui, sa silhouette divinement sculptée se découpant dans la lumière d'argent de la lune, chacun de ses mouvements aussi gracieux que de l'eau. Il rejoignit Llanistar sur le bord du lit et s'empara de sa main. Le nordique respirait lourdement, conscient de l'intensité de chaque geste de son amant. La situation n'était simple pour aucun des deux hommes mais elle semblait une torture pour l'Hylien. Sa douce voix sonnait comme un chant aux oreilles du général qui retenait son envie de se presser contre lui.


-Je m’excuse de ne pouvoir en dire plus. Comprends-tu que je ne sois pas prêt à me livrer complètement pour toi ? Nous venons juste de nous rencontrer, mais tu le sens comme moi : un lien était destiné à se créer entre nous. C’est aussi pour préserver un bien si rare, que je refuse d’aller trop vite en besogne.

Le coeur de Llanistar se serra, si fort qu'il lui fut presque impossible de respirer. Il attira Orpheos contre lui, sans dire un mot. Allongés l'un contre l'autre, le nordique étreignant avec émotion son amant, ils écoutèrent le silence résonner. La respiration de l'autre, le chant régulier du loup et de la chouette, la lueur bleutée s'invitant par la fenêtre. Ce fut lorsque sa gorge se desserra que le nordique put enfin répondre à son amant.

-Tu es un joyau parmi les hommes, Orpheos. Ne te tourmente pas, je n'ai pas besoin de connaître les recoins obscurs de ton âme. Souviens toi de ma promesse au village... Je ne t'ai rien promit que je ne respecterais. L'heure des secrets révélés viendra en son temps, et si tu estimes qu'il n'est pas venu, alors ne te force pas. Laissons le temps au temps. Il l'embrassa, longuement. Un jour, la confiance régnera entre nous sans même que nous l'ayons vu s'installer. En attendant, je veux que tu saches une chose : Jamais je ne t'abandonnerais. Et pour cela, je me plierais à tous les jeux de cette cour, à toutes les épreuves de cette guerre, à tous les caprices des dieux. Ce sont des tourments que je connais bien...Et que je n'ai pas peur d'affronter, à tes côtés.

Il se pressa contre lui, sa main dans ses cheveux, et la nuit leur fut douce.