Posté le 13/10/2014 23:08
Aalis flânait dans les rues de la Citadelle, s’amusant à regarder son ombre, qui en cette heure tardive s’allongeait, s’allongeait sur les pavés. Il était bien rare qu’elle soit seule, sans son ami Luka, mais ce soir, lorsque Jennia l’avait entrainé avec elle pour une course, elle n’avait pas eu envie de partir avec eux. Quelques fois, il était reposant de se trouver un peu seule avec soi-même, même lorsqu’on aimait de tout cœur ses compagnons…
Mais que faire ? A quoi donc occuper sa soirée ? Elle n’avait même pas pensé à prendre son luth avec elle, pour récolter quelques rubis en jouant dans les tavernes de la capitale. Dans sa poche, ce qui restait des recettes de leur dernière représentation, sûrement de quoi se payer une choppe ou de donner quelques choses aux artistes itinérants, si elle peinait à se trouver une distraction. Aalis se dit que décidemment, elle n’était plus vraiment habituée à la solitude.
« Hé m’dame, m’dame, pardon ! »
Un gamin la bouscula sur son passage, en se faisant courir après par un marchand vociférant. Elle fit un pas de côté, pour éviter de se faire renverser par l’homme qui le suivait, tout en ne pouvant pas s’empêcher de sourire un peu. Elle porta toutefois la main à sa bourse : elle avait eu cet âge, elle avait grandi dans les mêmes conditions, et elle savait qu’une bousculade était rarement innocente. La forme des pierres sous ses doigts la rassura : pris dans sa course, le petit voleur n’avait pas eu le temps de dépouiller une nouvelle victime. Elle regarda autour d’elle. Il est vrai qu’à cette heure, les rues de la Citadelle s’ouvraient aux fêtards du soir, et la place était animée comme jamais. Un lieu propice aux petits rapts de ce genre… Elle se demanda si c’était le genre d’animation qu’elle avait envie de partager, ce soir : toute seule, c’était pas si drôle que ça.
Elle se dirigea alors vers une ruelle qui débouchait sur la place. Dans ce genre de rues, beaucoup de tavernes et petits commerces bordaient le chemin… Elle trouverait bien quelques braves gars avec qui sympathiser autour d’une bonne tablée. De la tablée qu’elle pourrait se payer. Ayant pris cette décision, sa mélancolie se dissipa quelque peu. Depuis quand, elle, la grande Aalis, se trouvait à ce point dépendante d’une seule personne ? Elle n’avait besoin de personne, personne pour s’amuser ! Ce fut presque en chantonnant, un sourire satisfait aux lèvres, qu’elle s’aventura dans la ruelle…
… Et s’arrêta net, après quelque pas. Devant elle, une mégère et un pauvre type se balançaient des insultes à qui mieux mieux, et c’était à qui avait la plus grosse voix et les joues les plus rouges. Elle ne comprit pas tout de suite l’objet de la dispute, mais l’ambiance avait l’air de s’échauffer à une vitesse folle, et les deux protagonistes semblaient à deux doigts d’en venir aux mains. Autour d’eux, des vautours tournoyaient, l’air ravis, et s’échangeaient des paris en souriant d’un air couillon. Pour la bonne ambiance, on repassera… Bah. Y’avait bien moyen de passer derrière l’attroupement, pour voir ce qu’elle pourrait trouver plus loin, non ? Non. Déjà la femme, tous crocs dehors, se jetait sur l’homme, sous les hourras joyeux de la foule en délire. Certains commençaient à chanter, apostropher les combattants, voire à donner un petit coup par ci, par là pour avantager leur favori. Elle ferait mieux de faire demi-tour, si elle ne voulait pas se trouver impliquée dans une bagarre stupide.
Sa mauvaise humeur était revenue, mais c’était plus de l’agacement que de la tristesse, à présent. Elle sortit de la ruelle, en maugréant et en trainant les pieds, lorsqu’une jeune femme passa d’un air pressé à côté d’elle, s’apprêtant à emprunter ladite ruelle. Mauvaise idée. Le groupe prenait la largeur du passage, et il était impossible de passer sans se prendre un gnon au passage. Elle la prit par le bras pour l’interrompre dans sa route.
« Je serais vous, je ne passerais pas par là. Y’a une scène de ménage en cours. »