Posté le 17/09/2015 22:01
Le lin ne tarda pas à se fendre d'un beau sourire, comme le beurre sous l'assaut d'un couteau à pain. La peau mat de la Dragmire se dévoilait timidement, avant que sa propre lame n'en sauve le teint et la couleur. D'un mouvement nerveux, la brune repoussa son épée, non sans un sourire moqueur, puis une raillerie. Sans se perdre dans une réponse, l'Hylien ne put s'empêcher de remarquer une autre similarité avec le Roi des Voleurs : l'un comme l'autre semblaient prendre la confrontation comme un jeu. Et si le Patriarche en avait durement payé le prix, il persistait dans cette forme d'insouciance. Grinçant des dents, le blond recentra son attention sur l'affrontement qu'il avait à mener. À la différence des quelques Enfants-du-Gérudo avec lesquels il avait croisé le fer, il ne se laissait pas mener par l'arrogance. Il savait combien elle était meurtrière et combien sa propre suffisance avait pu faucher des vies, briser des destins.
Si elle avait su imposer le rythme lors des premières passes, il avait ensuite renversé la balance, la forçant à reculer. Sous ses talons, les tuiles s'enfonçaient doucement. « Peste... — » Siffla-t-il pour lui même, réalisant que le toit ne tardera pas à s'effondrer s'ils continuaient ainsi. Stabilisant ses appuis, il laissa son pied glisser de quelques centimètres : de quoi s'assurer qu'il ne sombrerait pas dans le trou béant d'une toiture malmenée, mais aussi de quoi s'autoriser des réactions plus vivaces. Au vu de l'agressivité et de l'agilité dont faisait preuve le Cygne, il en aurait définitivement besoin. Ses genoux se fléchirent, ses pieds s'écartèrent tandis qu'il se courbait à la manière d'un loup prêt à bondir. L'estoc de sa lame dardait une Swann en pleine chute – elle s'était laissée tomber, à en croire les acrobaties qu'elle avait démontré auparavant – alors que sa main droite reposait face à son coeur. Une protection plus symbolique que réelle, mais pour laquelle il optait parfois. Si son poing fermé n'arrêterait pas une flèche ou un carreau, il lui offrait au moins une possibilité (infime, certes) de manoeuvrer contre une épée ou une lance. Ses doigts se refermèrent un peu plus sur la fusée de sa lame, jusqu'à en blanchir les phalanges. S'il était tendu, il n'en montrait rien... ou si peu. — Ça n'était pas un combat qu'il prendrait à la légère, loin de là. C'était une question de vie ou de mort.
Sitôt que les mains de Swann épousèrent la charpente de la bicoque, il réagit. Sans véritablement comprendre le mouvement que la jeune femme amorçait, l'Enfant-des-Bois enfonça plus encore son pied gauche, avant de pivoter légèrement. Le poing qu'il avait posé sur son coeur s'était élevé à la rencontre de la botte qui cherchait à faucher son crâne. Grinçant des dents, l'Hylien tenta de dévier l'assaut de la Danseuse, sans y parvenir véritablement. Le cuir qui bardait la jambe de la Belle de Villarreal percuta lourdement son poignet. « Hmpf... — » Grimaça-t-il, tandis que la douleur infusait tout le long de son avant-bras. Sans être un mastodonte à la manière des Haches-Viandes, l'oiseau qu'il affrontait maîtrisait bien assez la vitesse et menait des assauts assez fulgurants pour secouer ce qu'elle ne brisait pas. Il se contenta de la suivre du regard alors qu'elle se réceptionnait, avec une certaine grâce, tandis que de son côté il ramenait sa main gauche sur son poignet meurtri. Il lui semblait que tous les os de son bras vibraient de concert, accompagnant douloureusement le grognement qu'il n'avait su retenir. Fidèle à elle même, le Cygne Noir repartait déjà en guerre. Le regard vilain, elle arma son bras avant de frapper une nouvelle fois d'estoc en visant sa cuisse. Il s'élança également, épée au poing.
Le Sans-Lignage se déporta de quelques pouces, pendant son avancée. Le mouvement, imperceptible, n'était vraisemblablement pas suffisant pour alerter son adversaire, mais lui offrirait peut-être l'opportunité de passer outre sa garde. Sans plus se soucier de la lame qui filait vers lui, Link la laissa griffer sa jambe. L'émail déchira aisément le tissu avant de mordre doucement sa chair : s'il ne s'était pas décalé auparavant l'épée aurait pu percer sa jambe mais elle se contenta de rouler sur sa peau, comme une goutte d'eau. L'estoc semblait poursuivi par un fin trait rouge tandis que le sang perlait peu à peu le long de la plaie. Tout autour de la petite escarre, une chaleur malsaine envahissait la jambe de l'Hylien. Grinçant des dents, il ignora le contact froid de la Dent-de-Dragon, continuant à avancer. Bien vite, le genou de la Dragmire s'éleva pour le ralentir et l'épée recula. L'ossature pointue de la jeune femme percuta le bassin du Héros sans parvenir à l'arrêter, en dépit de la garde qu'elle tentait de rétablir. L'assaut manqua de le faire vaciller, mais la jeune femme ne disposait pas d'assez d'élan pour le blesser durablement d'un simple coup de genou. Du coin de l'oeil, il vit qu'elle armait son bras. D'un rude coup d'épaule il repoussa légèrement son ennemie, juste assez pour ramener ses propres bras à l'intérieur du combat. Du gauche, il dévia brutalement le coup de poing qui ciblait sa gorge tandis que du droit, il bloquait la retraite de l'épée d'ivoire. C'est collé contre Swann et sans la moindre compassion qu'il frappa à son tour.
Balançant sa tête en arrière, l'Hylien asséna un violent coup du crâne à la jeune femme, cherchant à lui briser le nez. Si son front parvenait à emboutir ne serait-ce que partiellement le visage de la Dragmire, il aurait gagné. En parallèle, il délivra le bras de son vis-à-vis pour mieux frapper du poing. Visant le foie, il tenta un uppercut susceptible de la plier en deux une seconde fois. À ceci près que cette fois-ci, il saurait ensuite la faucher du tranchant de l'épée.
La jeune femme recula brusquement, dévoilant un carreau qui avait manqué de lui percer la jambe. Dans son dos, il savait les hommes de Llanistar prêts à intervenir. L'ordre, hurlé, leur donna l'occasion de s'illustrer et lui vola celle de mettre un terme à son affrontement. S'éloignant à son tour de la Fille-du-Paria, il essuya un premier assaut. L'épée courte du soldat glissait vers sa gorge, cherchant l'interstice entre son épaule et son coup. Parant de tranche, il repoussa l'acier avant d'appuyer des deux mains sur la cuirasse du garde. « Bon voyage ! » Siffla-t-il ensuite, en poussant aussi fort qu'il le put. Le soldat, à l'équilibre déjà précaire, chuta lourdement sur le dos. Comme il le craignait, la charpente ne supporta pas le poids, ni l'impact. Le vacarme assourdissant les emporta tous les deux. Sous ses pieds et sous le dos du brave homme, le toit s'éventra comme le lièvre qu'on dépèce. L'acier tinta clair, les mailles cliquetèrent, le bois hurla sous la douleur et les deux hommes grimacèrent. La symphonie macabre masqua tous les autres sons comme la poussière qu'ils avaient soulevés en tombant dissimulait le sac qu'ils venaient de commettre dans les combles d'une échoppe de linge et d'autres vêtements. « Funérailles... — » Murmura l'Hylien, en roulant sur lui même, meurtri et fatigué.
Le garde maugréa à son tour, tentant de se relever. L'Enfant-des-Bois peinait à comprendre tout ce qu'il disait, mais il s'agissait à l'évidence de menace. Plus leste et plus agile, il se hissa sur ses pieds, avant de filer sur l'homme. « Ne bougez plus, criminel ! Vous êtes en état d'arrestation ! » Tança le garde qui tentait tant bien que mal de l'imiter. Sans remord, Link frappa du poing, le cognant au visage et le ramenant au sol. « C'est ça. » Souffla-t-il, agacé, en contemplant le garde. Du pied, il vint écraser la main d'épée, avant de poser le genou sur son autre bras, pour l'immobiliser. « Vous finirez bien par répondre de vos méfaits ! La Reine vous jettera aux cachots ou aux loups ! » Beugla-t-il, en essayant de se libérer. La lame qui se glissa sous sa gorge ne semblait guère le calmer. « Mais oui, si tu veux... — » Reprit le Faux-Kokiri, passablement énervé. « Pour l'instant, tu te souviendra surtout que j'aurais pu te tuer et que je n'en ai rien fait. Je t'invite donc à ne plus me suivre. » Siffla-t-il, non sans se saisir de la dague du pauvre homme. Et si, dans les faits, il n'avait jamais prévu de s'en prendre à lui plus que nécessaire (moins encore de le tuer), il espérait parvenir à lui faire suffisamment peur pour pouvoir reprendre son combat sans être de nouveau interrompu.
Il se releva, libérant le soldat. Un regard noir parvint à clouer sa proie au sol un instant de plus. Son regard balaya rapidement la pièce, avant de s'arrêter sur une chemise blanche des plus standards. L'une de celles qu'il aurait pu porter si la guerre ne le transformait pas petit à petit en soldat. « Désolé... » Murmura-t-il à l'égard du commerçant qui, à l'évidence, ignorait leur présence. S'aidant de la dague qu'il avait emprunté au garde, il trancha une lanière suffisante avant d'improviser un garrot autour de sa cuisse. La blessure n'était pas des plus graves, pour l'heure, mais un peu de précaution pourrait le protéger plus longtemps. Puis, il s'avança vers la fenêtre. Dans son dos le soldat se hissait douloureusement sur ses jambes. « Rappelle-toi ce que je t'ai dit. » Cracha Link, pour s'assurer que l'homme ne le prendrait pas en chasse. Pas dans l'immédiat, du moins. Et s'il avait peut être réussi à effrayer celui-ci, il doutait que les autres ne reviennent pas à la charge rapidement. Jetant un coup d'oeil au travers de la fenêtre crasseuse, il tâcha de repérer Swann, sans vraiment y parvenir. « 'Chier ! » Maugréa-t-il, avant d'ouvrir la fenêtre et de bondir dans la rue, s'aidant d'une tenture pour ne pas se blesser.
Il se plongea dans la foule, passant aussi inaperçu qu'une outre de vinasse à moitié vide dans les mains d'un ivrogne. Bien vite, il avait disparu. Il suintait pourtant la crasse et ses cheveux, usuellement blonds, avaient pris une teinte de cendre dans les égouts. Progressant dans les ruelles à la recherche du Cygne Noir, il tendait l'oreille, attentif aux quelques mots que s'échangeaient parfois les gardes qu'il pouvait croiser, tout en s'assurant à son tour de ne pas être vu. Les propos faisaient état de deux hors-la-loi en fuite, de quartiers à boucler, mais aussi de morts. Grinçant des dents et serrant des poings, le Fils-de-Personne ne tarda pas à se mettre Din en tête, en se promettant qu'il retrouvait tôt ou tard la responsable. Et bien qu'il reste à l'écoute, il n'entendit rien sur Llanistar, l'une des cibles premières du plan. « Je crois bien qu'on les a perdus, mon capitaine. » Siffla l'un des gardes, tandis qu'il se cachait derrière le porche d'une bâtisse. « Le garçon ? Ou la fille ? » Tonna alors l'officier. « Les deux, j'en ai peur, mon seigneur », reprit le troupier, manifestement inquiet à l'idée du châtiment qu'il pourrait recevoir. « Plusieurs de nos hommes, postés sur les remparts, rapportent la fuite d'un individu. On ignore s'il s'agit de l'un deux, mais... » Le capitaine l'interrompit d'un geste de la main. « Bien, soldat. Cessez les recherches pour ce soir. Le général a disparu depuis un moment déjà et les égouts ont bien failli l'emporter la fois passée. Avec moi ! » Le bruit des mailles et des plaques d'acier marqua la fin de la conversation, tandis que les soldats partaient à la poursuite du Général. S'arrachant à sa cachette, il négocia rapidement une cape, pour mieux s'éclipser à son tour. Pestant contre les hommes qui l'avaient empêché de mener à bien son combat, il resta sur ses gardes, bien que convaincu qu'il lui faudrait en rester là pour l'heure. Puis, il s'enfonça à nouveau dans la foule, dans l'idée d'échapper aux soldats d'Hyrule et à leur arbalètes.