Et mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou...

Premier post pour Keith

[ Hors timeline ]

Aalis


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(vide)

« On va vous laisser là, mam’zelle ! Nous, on continue pas plus loin sur cette route. »

Assise à l’arrière de la charrette, Aalis tourna la tête vers le couple qui tenait les rênes, à l’avant. Des fermiers qui remontaient vers les villages voisins pour vendre leurs produits, et qui avaient eu la gentillesse d’accepter de la caser quelque part entre les sacs de grains et la récolte de légumes. Elle avait eu de la chance de les avoir croisés. Ils lui avaient épargné un bon bout de route, éprouvant à parcourir à pieds. La femme lui lança un regard compatissant.

« Ça ira ? La nuit va tomber tantôt, on voudrait pas que… »

« Non, laissez. C’est bien gentil à vous d’m’avoir raccourci le chemin. »

Elle leur adressa un sourire sincère. Tout ce qui pouvait lui permettre d’aller plus vite était bienvenu. Dès que les bruits du raid mené sur Cocorico par les troupes de Ganondorf étaient parvenus aux oreilles des citadins, la jeune femme s’était empressée d’essayer de joindre son frère vivant au fief par tous les moyens : pigeons, coursiers, elle avait été jusqu’à dépenser ses derniers rubis dans quelques charmes que lui vendit une sorcière de pacotille sur la place du Marché. Aucune nouvelle. Alors, elle avait enfilé ses bottes, avait embrassé son ami Luka, en s’assurant qu’il ne fasse pas trop de bêtises en son absence, et avait pris la route. Et même si, au cours de sa route, elle avait eu vent de la victoire des soldats de la Reine, on disait que les pertes et les dégâts avaient été terribles. Elle eut alors une pensée pour l’ami de son frère, Abigaïl, dont elle n’avait pas plus reçu de signe de vie. Son cœur se serra. Par les Trois. Pitié, qu’ils aillent bien.

Elle descendit de son carrosse improvisé, son maigre bagage chargé sur son dos, et se confondit encore une fois en remerciements et en salutations, tandis que le couple s’en allait, la laissant derrière eux. Elle regarda la petite carriole s’éloigner sur la route, et regretta un instant son cahot tranquille et confortable. Elle inspira. Courage, ma fille. Elle n’était plus très loin. En coupant hors de la grande route, elle pourrait gagner quelques heures de marche. Et puis, quelque part, la grande route pour une femme seule, c’était offrir une proie facile aux brigands. Et elle devait trouver un endroit tranquille où installer son campement. La fermière avait raison. La nuit commençait à tomber. Elle serra fermement la manche de sa lame, accrochée à sa ceinture, pour se donner du courage. Elle tourna les talons, et partit s’aventurer dans la plaine.

Enfin. Elle faisait la maline, mais elle n’était pas si rassurée que ça, à s’aventurer seule dans un environnement qu’elle n’avait que rarement parcouru, et toujours de jour ou accompagnée. Foutre-Din, gamine ! T’avais déjà connu bien pire ! Courage ! Mais… Mais il y avait cette légende qui disait que des Stalfos sortaient de terre pour attaquer les badauds, à la nuit tombée… Bon sang. Il fallait qu’elle reprenne son sang-froid. Etait-elle une pauvre couarde ? Elle pensa à son frère, à sa petite boutique d’apothicaire sur la place centrale de son petit village, et s’en sentit revigorée. Il fallait qu’elle sache, il fallait qu’elle en ait le cœur net : est-ce que la petite boutique, est-ce que l’apothicaire étaient encore là où ils devraient être, tandis qu’elle jouait les enfants à avoir peur du noir ? Ad’…

Elle marcha, longtemps, en n’ayant pour seule indication que la petite boussole qu’Hemma lui avait donnée avant son départ. Vers l’Est. Ne souhaitant pas être surprise par la nuit, elle entreprit de ramasser de quoi faire un feu avant qu’il ne fasse trop sombre pour qu’elle puisse y voir. Elle avisa bientôt un coin tranquille, près de quelques rochers, où elle serait suffisamment à l’abri du vent et où elle pourrait se cacher. Toujours pas de Stalfos, constata-t-elle avec satisfaction. Satanés légendes.

Elle entreprit d’allumer son feu, et une fois les flammes hautes dans le ciel elle s’intalla, satisfaite. Ca serait peut-être suffisant pour décourager les bêtes sauvages. Elle déballa ses maigres provisions, un peu dépitée : il lui restait quelques biscuits et une ration de viande séchée. Elle espérait que ça ferait l’affaire. Elle se serra le plus près possible de son petit feu de camp. Elle avait froid, et il fallait avouer que cette solitude subie, au milieu d’un environnement inconnu, ne lui plaisait pas. Elle pensa encore une fois à son frère.

En espérant que quelqu’un, demain, acceptera encore de la prendre en route.

Elle s'étendit à même le sol, son petit baluchon en guise d'oreiller. La pensée lui vint, soudainement, que son feu pourrait attirer tous les coupes-jarrets du coin. Tant pis. Elle avait peur dans le noir. Puis la nuit était fraîche. Elle plaça son arme à portée de main. Au cas où. Puis, elle s'autorisa enfin à fermer les yeux, lasse de ce long voyage, de l'inquiétude qu'elle ressentait, de son ventre à peine satisfait. Un peu de repos, enfin.

Un bruit. Un infime bruit, craquement de brindille peut-être, là-bas sous l'ombre obscure de dessous les arbres. Par les mamelles de Din, elle avait fait ce foutu feu pour éloigner les bêtes, pas pour les attirer ! Ça ne pouvait être que... Oh. Misère. Elle se redressa, la main sur le manche de sa dague. La voix un peu tremblante, elle se risqua à déclarer :


« Je préviens. J'ai rien à voler. »


Keith Lyne


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(vide)

Keith hésita en voyant le soleil descendre à l'horizon. Le bon sens voulait qu'elle fasse arrêt pour la nuit mais puisque la fatigue ne suivait pas, la tentation était grande de continuer à marcher. Une nuit de plus avant d'arriver ne changerait rien pour elle, mais à Cocorico en était-il de même ?

En réalité elle ne savait pas exactement ce qui s'y était passé. Des récits les plus pragmatiques aux plus fantasques qui évoquaient l'apparition d'un dragon, elle avait tout entendu. Difficile dès lors de juger de la situation sans avoir assisté aux événements. Ce qui était certain c'était qu'elle avait croisé bien plus de gens quittant le village que de villageois souhaitant s'y rendre. À l'origine elle avait juste fait route vers Cocorico par hasard pour y vendre le fruit de sa chasse. Ensuite elle avait vu des convois et la garde circuler vers le village et croisé des familles effrayées, pressées de déménager, fatiguées de reconstruire. Deux choix s'étaient alors offerts à elle : éviter la zone sinistrée et chercher un endroit où ses marchandises pourraient se vendre à meilleur prix ou continuer et risquer de tomber sur des acheteurs presque ruinés. Elle avait continué.

Alors elle pouvait bien marcher quelques heures après la tombée de la nuit avant de prendre un peu de repos. Elle ne craignait pas l'obscurité. Même sans être louve, ses sens étaient aiguisés. Moins que sous cette forme, mais toujours plus que la moyenne humaine. Si elle croisait des bandits, elle aurait toujours cet avantage sur eux. En outre elle avait une revanche à prendre. Elle n'avait toujours pas reçu de nouvelles de la part d'Aedelrik. Peut-être avait-il d'autres chats à fouetter qu'organiser une rencontre entre elle et son voleur après l'offensive Dragmire, pour peu qu'il en ait été impacté. Toujours était-il qu'en attendant si des malfrats avaient le malheur de s'en prendre à elle ils paieraient à la place de l'homme qu'elle n'avait toujours pas retrouvé, qu'ils le connaissent ou non.

Mais alors qu'elle s'efforçait de se calmer et de desserrer le poing qui tenait par dessus elle un bâton couvert de perdrix et lapins prêt à passer à la casserole, ses yeux se posèrent sur une petite lueur à l'écart de la route. Prudente, elle décida d'aller jeter un coup d'oeil. La lueur rappelait celle d'un feu, et s'il y avait un campement de brigands non loin, elle préférait les trouver avant que ce ne soit eux qui lui tombent dessus.

Elle s'avança donc prudemment, mais plus elle se rapprochait et plus le-dit "campement" lui semblait petit. Au final, il n'y avait qu'un feu, et une silhouette endormie à côté. Plus curieuse qu'inquiète à présent, elle planta en terre le bâton chargé de victuailles sous le couvert des arbres et s'avança à nouveau, à découvert.
De toute évidence, soit elle s'approcha trop rapidement, soit cette personne endormie avait le sommeil léger, mais elle vit la silhouette se redresser rapidement avant de lui lancer un avertissement. Du moins un avertissement ou une supplication, elle ne savait pas trop, mais la piste des brigands était définitivement écartée.


"Ça tombe très bien, je ne veux rien te voler."

Ne souhaitant pas effrayer outre mesure la jeune femme, si elle en croyait la voix, qui avait choisi de dormir à la belle étoile, elle avait levé les bras pour lui montrer qu'elle ne comptait pas attaquer. Ce faisait, elle s'était encore un peu avancée, cherchant à distinguer les trains de l'inconnue malgré l'obscurité, aidée aussi du feu qui continuait à crépiter à côté.

"Tu me dis quelque chose..."

Elle avait déjà croisé cette femme. Mais où ? Une des marchandes avec qui elle faisait affaire ? Non. La fille ou la compagne d'un de ses amis ? Non. Une conquête de taverne ? Non plus. Une aventurière croisée au détour d'un chemin... ?

"J'y suis ! L'enfer de glace ! Dis donc, rien qu'en y repensant je suis contente que tu aies allumé ce feu. Contente de voir que tu te portes bien, mais ce n'est pas le coin le plus sûr pour faire une petite escapade. Tu permets que je me réchauffe un instant avant de continuer ma route ?"

Sans attendre la réponse, elle s'installa à côté du feu. La nuit était un peu fraîche et si elle ne se plaignait pas du froid, elle avait tout de même toujours préféré la chaleur mordante des flammes. Quelques minutes de confort et de repos ne faisaient jamais de mal et ne la retarderaient pas outre mesure.

"Encore plus dangereux maintenant, d'ailleurs... Avec ce qui s'est passé à Cocorico, les gens doivent être encore plus désespérés, et ceux qui s'essayent au brigandage aussi... Je suppose que tu en as entendu parler, difficile d'ignorer qu'il y a eu du grabuge là-bas..."


Aalis


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Une silhouette féminine s’avança vers elle, les mains en l’air, dans une posture rassurante. Les battements de son cœur ralentirent alors : elle n’était pas là pour la voler, ou pour l’agresser. Apparemment. Tandis que l’inconnue marchait vers elle, ses traits se firent un peu plus visibles, et elle se surprit à plisser les yeux. Elle connaissait ce visage. Une jeune femme rousse, aux yeux verts, habillée de peaux et de fourrures, le visage orné de peintures qu’elle supposait guerrières.  Elle l’avait déjà rencontrée, elle en était sûre.  Avait-elle fait partie de la troupe, par le passé ? Ils en avaient vu passer tellement, des comédiens d’un jour… hmm… non. Vu sa dégaine de chasseuse…

« J’y suis ! L’enfer de glace ! »

C’était donc ça ! Oui, elle s’en souvenait, à présent. La rouquine emmitouflée dans ses fourrures, et qui tirait bien à l’arc, et qui avait l’air bien digne avec le héros ! Face à ce souvenir, la fraîcheur de la nuit lui sembla tout de suite plus relative. Dans ce contexte-ci, seule, au milieu de la nuit, à s’installer près de son feu de camp, la nouvelle venue avait l’air tout de suite plus abordable, et il fallait avouer que notre voyageuse était bien soulagée de ne plus être seule au milieu de cette nuit d’un noir d’encre. Sentiment de soulagement accentué quand elle prenait en considération le fait que celle qui l’avait rejointe était manifestement une brave donzelle qui semblait savoir se défendre, et avoir les outils pour, à en juger par les armes dont elle était équipée. Le visage d’Aalis s’orna d’un large sourire.

« Bah ça ! Je m’attendais sûrement pas à croiser l’un des gars de chez les Zoras. Tu t’appelles comment, déjà ? Excuse-moi, j’ai oublié. Moi, c’est Aalis, pour rappeler. »

Elle se poussa un peu, pour lui laisser de la place. Elle l’écouta, pensive, en regardant les flammes.

« Pour les brigands, je m’en doute… V’là bien longtemps que j’ai pas pris les routes par moi-même, comme ça. Mais… »

Elle soupira. Elle pensa, une fois encore, à son frère et à son ami. Elle avait croisé des fuyards apeurés, mais n’avait pas pu apprendre grand-chose, sinon qu’il y avait eu du grabuge, et, il fallait l’avouer, n’avoir rencontré en route ni Ad’, ni Abigail, ne la rassurait pas. Pourtant, beaucoup des gens de Cocorico partaient vers la Citadelle…

« Enfin. Je me rends à Cocorico, justement. J’ai entendu dire que la bataille était terminée et… je connais des gens, là-bas. Je me suis dit que je ferais mieux d’aller aux nouvelles, vu que c’est un peu compliqué d’y envoyer des pigeons ou des coursiers. C’était peut-être pas la meilleure idée de ma vie de m’y rendre seule. »

Elle lâcha un rire un peu désabusé. Ça lui faisait bizarre, d’évoquer ça à voix haute. A tous les voyageurs qu’elle avait croisés sur sa route, elle avait évité d’expliquer clairement le but de son voyage. Quelque chose lui disait qu’elle n’aurait pas supporté les moues de pitié et les regards compatissants. Peut-être que la nuit, l’obscurité, et le soulagement d’avoir trouvé un peu de compagnie en une personne auprès de laquelle elle avait combattu des golems de glace la poussaient un peu plus à la conversation. Elle jeta quelques brindilles dans les flammes. Elle pensa un instant avec regret qu’elle n’avait pas grand-chose d’autre à lui offrir qu’un peu de feu… Aalis, ma grande, tu manques aux règles de l’hospitalité. Elle lui adressa un sourire d’excuse.

« Bref. Excuse les épanchements. Et toi, tu te rends où, dis-moi ? Tu parles de danger, mais il semble bien qu’on emprunte le même chemin. Et t’as l’air d’être encore moins équipée que moi. »[/color] fit-elle, désignant du menton l’absence manifeste de bagage, ou de rations de voyage.


Keith Lyne


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Heureuse que la jeune femme se souvienne également d'elle et de trouver bon accueil, Keith lui rappela son nom avant de la mettre en garde contre les bandits de grand chemin.

"Keith, ravie de te revoir Aalis."

Toutefois ses mises en garde ne semblaient pas pouvoir décourager la jeune femme qui avait pris la route en toute connaissance de cause. Avant que la chasseresse n'ait le temps de l'interroger sur ses raisons, elle les lui exposa. Ainsi donc elle avait des proches à Cocorico. Sans doute Keith aurait-elle pu chercher à la rassurer, à lui dire que tout irait bien, que ses proches étaient sans doute en vie, en sécurité, mais elle l'ignorait tout autant que son ancienne partenaire et elles savaient toutes deux que les nouvelles étaient mauvaises.

"Peut-être pas la meilleure idée... Mais la plus efficace si tu arrives à bon port. Au milieu de toutes ces histoires fantasques de dragons tombés de la montagne, on peut au moins être sûrs qu'il y a des survivants et qu'ils ne seront pas contre un petit coup de main."

Keith tendit ses mains pour profiter de la chaleur du feu. Maintenant qu'elle sentait les flammes crépitantes elle réalisait à quel point il faisait froid autour d'elles. Ou peut-être était-ce parce qu'elle avait cessé de bouger ?

"Je vais aussi à Cocorico, ce n'est pas un hasard si nous sommes sur la même route. J'y vais pour faire un peu de commerce. Enfin, plus ou moins, la situation n'est plus vraiment idéale pour ça. Mais crois-moi, j'ai tout ce qu'il faut pour le voyage. D'ici il reste au bas mot une demi-journée de marche, moins en avançant de nuit, et si quelqu'un a la mauvaise idée de se mettre en travers de ma route il le regrettera."

Elle avait l'habitude de toujours voyager léger, avec de maigres rations, chassant au fur et à mesure de son avancée, et même si elle n'allait pas l'avouer à la jeune femme, la possibilité de prendre la forme d'une louve réglait bien des soucis si pour une raison ou l'autre les événements tournaient mal. Le petit sac accroché à sa taille contenait quelques possessions et outils essentiels à sa vie en extérieur, même si elle n'avait pas pris le temps de monter un camp elle-même cette nuit. Quant aux bandits, l'arc dans son dos et les petits couteaux à sa ceinture suffiraient à la sortir d'un mauvais pas. Sans compter la prudence, et ses sens aiguisés.

"Attends, j'ai une petite surprise !"

Se levant précipitamment, elle alla rechercher les bâtons couverts de victuailles qu'elle avait laissés à l'orée de la forêt pour les replanter près du feu.

"Qu'est-ce qui te tente, perdrix ou lapin ? ~"

Elle ignorait si la jeune femme avait terminé ses provisions tout récemment ou depuis un bon moment, mais un repas digne de ce nom ne ferait de mal à aucune des deux. Laissant le temps à son amie de choisir, son regard parcourut les alentours à la recherche de branchages adaptés, sachant qu'elle était la plus à même d'en repérer les traces malgré l'obscurité.

"Par là, je pense qu'il doit y avoir du bois pas trop épais... Il faudrait de quoi installer ce festin au dessus du feu, attends-moi un instant."

Keith s'absenta un instant, non loin, le temps de ramasser quelques branches assez robustes avant de revenir auprès du feu. Là elle entreprit de disposer le bois de façon à avoir un support pour la viande. Il ne resterait plus ensuite qu'à poser la viande choisie et attendre.

"Tu sais, c'est marrant comme on se retrouve. En plus j'ai entendu dire que la Prêtresse avait été aperçue à Cocorico, entre autres. Le blondinet aussi. Je ne serais pas contre le croiser à nouveau ce Héros. Ce ne sont peut-être que des racontars évidemment, et même dans le cas contraire ils ne seront peut-être plus là quand on arrivera, mais je trouvais ça amusant."

Elle aurait pu parler de destin ou de coïncidence étrange, mais au fond nulle surprise à se retrouver là où les événements cruciaux se jouaient. Et c'était bien souvent à Cocorico ces derniers temps. Sans doute trop pour ses habitants.

"En revanche, je n'ai pas de nouvelles de la Zora... Ni du petit gars qui t'accompagnait, c'était quoi son nom encore ? À la place, pour passer le temps, je partagerais bien ce que j'ai entendu sur les récents événements mais... dans le cas présent je suppose que tu as hâte d'arriver et de constater par toi-même, plutôt que de récits parfois inquiétants..."


Aalis


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Le visage d’Aalis s’éclaira lorsqu’elle vit la perdrix bien grasse pendre sur le bâton. Elle avait parfois vu ces bêtes rôtir dans les foyers des gens riches qui embauchaient du personnel temporaire pour compléter leurs équipes de domestiques pendant les périodes de fêtes, mais généralement, les gens comme elle n’avaient que peu l’occasion de goûter un tel gibier. Et puis, en plus, il fallait bien avouer qu’elle avait faim. A son grand dam, elle était du genre à avoir grand appétit, et tant pis pour sa bourse continuellement vide. Elle pointa l’oiseau du doigt.

« Je veux bien ça. Je n’en ai jamais mangé. »

Elle hésita un instant lorsqu’elle la vit partir chercher du bois. Devait-elle aller lui prêter main forte ou valait-il mieux qu’elle reste à côté des affaires, au cas où une quelconque bête voulait leur voler leur festin ? Alors qu’elle peinait à se décider, la jeune femme repris la parole. Elle lui répondit, le ton taquin.

« Ouais, c’est vrai que j’me souviens que t’avais l’air de bien l’apprécier, le Héros. C’était fichtrement drôle, comme aventure, quand même… J’aurais jamais pensé que quelqu’un comme moi et Luka côtoieraient un jour des gens comme le Héros ou la Princesse. Pas vraiment du même monde, on va dire. »

Bon, puisque Keith avait l’air de très bien avancer toute seule dans sa tâche, Aalis décida de rester à sa place. Elle se sentait tout de même un peu inutile.

« Et oui, il s’appelle Luka, en fait. Je l’ai laissé à la Citadelle. Je n’aime pas trop le laisser seul, comme ça, j’ai toujours l’impression que sans moi il fait n’importe quoi mais… » Elle soupire. « Je suppose qu’on n’a pas le choix pour certaines choses. Merci, en fait. Pour la viande et… la compagnie. »

Elle avait assez à s’inquiéter comme ça, pas la peine d’imaginer son petit livré à lui-même dans la Citadelle. Elle soupira, et se décida enfin à s’occuper les mains. Autant être efficace. Elle détacha la viande du bâton, sortit son poignard et entreprit de la nettoyer. Elle se sentait beaucoup moins seule que quelques instants auparavant. Elle sourit à elle-même. Il lui semblait bien que Keith était une chouette fille.

« Je sais qu’il y a eu un raid, et qu’il y a eu pas mal de dégâts. Paraît que le Malin lui-même s’est pointé. Je sais pas trop quoi démêler du vrai et des rumeurs, mais j’en ai entendu des belles. Paraît même que le Roi Dodongo s’est pointé et que ça a brûlé et écrabouillé de partout. Ça a été un beau bordel, tout ça. Y’a un type qu’a réussi à le battre, qu’on m’a dit, mais ils ont bien dû morfler. C’est vraiment une saloperie, cette guerre… »

Ses gestes étaient un peu nerveux. Elle pensa encore une fois à son beau-frère, qui bossait dans l’armée de la Reine. En première ligne, donc. Elle respira un bon coup. Peut-être était-ce ce dont elle avait besoin, un travail répétitif et demandant peu de concentration, comme le plumage d’une perdrix au cœur d’une forêt en pleine nuit.

« Enfin bref, du coup je sais pas si t’arriveras à vendre grand-chose. Ils doivent plus avoir des masses de ressources, là-bas. Mais c’est vrai qu’ils doivent avoir pas mal de besoins… Tu vends quoi ? Des fourrures ? T’as l’air d’avoir l’habitude de chasser, tu voyages quand même léger pour une marchande. Tu te fais ta marchandise en route ? Je ne te gêne pas, si je reste avec toi ? »

Elle lâcha un instant son ouvrage et tâta sa fronde, en souriant. « Je peux toujours te prêter main forte, même si je serais sûrement beaucoup moins efficace que toi. »

Elle réalisa subitement qu’elle parlait beaucoup. Peut-être avait-elle besoin que ça sorte, tout ça, finalement. Même dans ses plus jeunes années, elle n’avait eu que rarement l’occasion de voyager seule. Elle pensa à sa fuite de Naos, après que le gouvernement provisoire se fut mis en tête de chasser les chefs de la Révolte un peu trop écoutés à leur goût, et son cœur la serra. Le pays lui manquait. Son frère lui manquait. Ses petits gars de la Citadelle aussi. Bouh ! Ressaisis-toi, ma grande. Avec l’âge, tu deviens beaucoup trop sentimentale.

« Tu voyages souvent seule, dis ? »

Vrai que Keith avait l’air d’être assez indépendante, et d’avoir l’habitude de vagabonder. Puis elle semblait avoir pas mal de talents utiles pour assurer sa subsistance. Aalis se demanda un instant si elle avait affaire à une étrangère, comme elle. Elle n’avait pas l’air d’avoir d’accent.


Keith Lyne


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Un sourire éclairait le visage de Keith, ravie par l'enthousiasme d'Aalis. Manger une perdrix c'était certes plaisant, la voir provoquer tant de joie ça l'était encore plus.

"Tu n'as pas à me remercier pour la nourriture et la compagnie, ça me fait plaisir."

Elle se serait sans doute contentée de sauter le repas si elle n'avait pas croisé la jeune femme, elle lui était donc reconnaissante pour ce petit moment de détente avant de revenir à une réalité plus dure quand elle atteindrait le village Cocorico.

"C'est une bonne idée de m'accompagner. On y sera vite en marchant à un bon pas. Je vais garder ce qu'il me reste de stock jusque là : d'autres perdrix, des lapins. Pour le reste j'ai quelques armes stockées dans une cache sur le chemin, et je pourrai toujours augmenter le stock de viande en cours de route, d'ailleurs tu pourras m'aider avec cette fronde. C'est à force de pratiquer qu'on s'améliore. Et puis effectivement, si ça se trouve, je ne vendrai rien du tout, mais même si je me sépare de mon stock pour des broutilles j'aurai toujours de quoi me débrouiller, moi. C'est bien parce qu'ils manquent de ressources que je dois passer par là. Tu as raison sur ce point : saloperie de guerre..."

Elle avait terminé sa petite construction en bois au dessus du feu sur laquelle Aalis pourrait poser la perdrix qu'elles y feraient cuire. Assise près de la jeune femme qui avait pris en main la suite des opérations, Keith écouta distraitement la question posée par sa camarade.

"Je voyage souvent seule, oui... En même temps c'est la meilleure façon d'être libre de mes mouvements, et c'est reposant, mais je ne suis pas contre un peu de compagnie de temps à autre. Je suis contente d'avoir de tes nouvelles si c'est ce que tu te demandes."

Elle avait beau aimer la solitude et se débrouiller par elle-même, elle n'était pas asociale pour autant. Simplement, elle aimait choisir au jour le jour et selon ses envies où aller, sans avoir à se préoccuper d'un autre avis que le sien.

"Mais bizarrement je ne m'attendais pas à te trouver seule par ici. Toi et .... Luka c'est ça ? Vous avez l'air pas mal collés l'un à l'autre. Mais c'est bien, tu as du cran. Il en faut."

Puisqu'elles avaient de toute façon un moment à attendre avant de manger, elle s'étendit un instant sur l'herbe, pensive.

"Tu sais, à propos de la guerre... Je me demande parfois si je ne peux pas y mettre un terme. Pas seule, aider à y mettre un terme je veux dire. Agir, vraiment, pas seulement en venant en aide à ceux qui en ont souffert, mais en étant présente à la source, pour leur éviter tout ça."

Au début elle avait naïvement cru que tout cela ne durerait pas. Ganondorf était un traître à la couronne en cavale, privé de ses biens... Mais à présent qu'il s'était établi au désert et qu'elle avait entendu toutes ces histoires sur les assauts qui avaient été portés à Cocorico... Elle commençait à douter que ce soit si simple, et elle n'appréciait pas de rester spectatrice. Mais comment prévoir où on aurait besoin d'elle ? Elle n'était pas si bien informée.

"C'est juste que... Je crois que l'armée ne me conviendrait pas vraiment... Il ne faudrait sans doute pas longtemps à recevoir des ordres avant que je n'explose..."


Aalis


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Aalis entreprit d’embrocher la bestiole, patiemment, alors que Keith fignolait les derniers détails de sa construction de bois. Son ventre commençait à gargouiller furieusement. Elle salivait d’avance, à l’idée de bientôt planter les crocs dans la viande savoureuse.

« Ouais, je t’aiderais avec plaisir. Déjà que je pioche allègrement dans tes stocks… mieux vaut faire des réserves. Puis ça m’échauffera. »

Elle laissa échapper comme un rire d’excuse.

« J’essayerais de ne pas trop te ralentir. »

Elle plaça la perdrix au-dessus du feu, et regarda les flammes lécher la chair grasse, tournant la broche dans un geste régulier. Il lui semblait, des expériences de campement qu’elle avait pu avoir par le passé, qu’un bon tour de main permettait de rendre les choses meilleures. Ce mouvement simple, monotone, assise dans l’herbe fraiche, dans un silence confortable, contribua à l’apaiser encore un peu. Heureusement qu’elle avait croisé Keith, se dit-elle. A rester à angoisser seule ainsi dans la nuit, elle se serait sûrement remémoré des souvenirs peu plaisants.

« C’est toi qui a du cran. A jouer les loups solitaires dans la nuit, comme ça. Moi je n’aime pas voyager toute seule, c’est vrai… Mais bon. Oui, en parlant de Luka, il est resté à la Citadelle. Il y avait ses affaires, puis c’est de mon frère qu’il s’agit. Je ne vais pas le trimballer partout avec moi le pauvre, c’est pas mon bébé » , ajouta-t-elle en riant, alors qu’une petite pensée s’envola vers ses deux petiots, à la Citadelle.

Un certain instinct lui indiquait que sans elle sur le dos, ces deux têtes de linottes de Luka et Negaï devaient sûrement n’en faire qu’à leur tête. Elle verrait la situation à son retour. Elle espérait juste qu’ils n’allaient pas trop faire de grabuge en son absence. Elle soupira. Peut-être qu’elle les considérait un peu comme ses bébés, depuis le temps, en fait.

Elle continuait à surveiller la viande. Bon sang, ce qu’elle avait faim… Lorsque Keith reprit la parole, cependant, elle fronça les sourcils, soudain rappelée de ses pensées inquiètes.


« Agir ? Y mettre un terme ? Sans l’armée ? »

Mauvaise idée, pensa-t-elle. Très mauvaise idée. Elle ne connaissait pas les détails de la politique d’Hyrule. Mais, comme tout le monde dans ce pays, elle était au courant des grandes lignes de l’histoire. Ganondorf qui avait été emprisonné une fois, puis qui était revenu, puis qui avait réussi à lever des forces dans le désert, et à présent l’attaque à Cocorico… Elle n’était pas totalement stupide, et il fallait l’être pour ne pas comprendre que ce type était dangereux au-delà de toute mesure. Elle concevait très bien ce qui pouvait pousser les gens à se dresser contre lui. Elle avait vu, comme tout le monde, ou au moins entendu parler des horreurs dont il était capable. Elle savait à quel point, à cause de lui, le pays était troublé. Et plus encore, elle était parfaitement consciente de ce que ces troubles pouvaient provoquer dans les esprits de la population civile.

« J’ai plus vraiment confiance en ce genre de chose. C’est dans ces moment-là que les idéaux peuvent vite laisser place à une guerre d’égos, crois-moi… Parce que quoique tu veuilles faire, armée ou pas, tu devras t’trouver un groupe, quelque chose. Donc suivre des ordres, ou les donner. T’as la chance d’avoir des figures, des gens qui s’battent, qui peuvent mener un truc bien, dans ce pays. Genre, le Héros, quoiqu’on en dise. Va pas ramasser les va-t-en-guerre paumés sur ta route, t’en tireras rien de bon, tu peux me faire confiance là-dessus… »

Elle se surprit à entendre l’amertume percer dans sa propre voix. Tout cela ne lui passerait-il donc jamais ? Oui, Keith pouvait lui faire confiance là-dessus. Des va-t-en guerre paumés, elle en avait ramassés, elle… avant. Avant, avant Luka, avant Cocorico. Avant, quand elle était encore à Naos, le pays d’où elle venait.  Quand son mari, son ami, avait fait partie de la clique de meneurs qui avaient lancé le peuple contre la monarchie abusive alors en place. Quand, après qu’il soit tombé au combat, elle avait repris le flambeau, et la tête du mouvement. Puis, quand les choses ont commencé à dégénérer. A gravement dégénérer. Avant.
« Viens. Je pense que c’est cuit. »

Là encore, elle avait laissé ses pensées vagabonder un peu trop longtemps, et était rester à regarder le feu, en silence. Elle ôta la broche du feu, et vint agiter la viande juteuse sous le nez de Keith. Avec un large sourire, elle lui demanda, alors que son ventre glougloutait joyeusement : « L’aile, ou la cuisse ? »


Keith Lyne


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Keith fut tirée de ses pensées par la broche appétissante secouée sous son nez. Comme son hôte elle s'était laissée aller à ses pensées, et elle les laissa s'échapper pour reprendre un ton plus bienveillant.

"L'aile pour moi. Merci beaucoup."

Ce n'était peut-être pas la partie la plus fournie de l'animal, mais des deux elle n'était pas celle qui avait le plus faim. Elle eut beau chercher à se concentrer sur la pitance, sitôt assise les récits entendus sur Cocorico lui revenaient en tête, accompagnés des avertissements de sa compagne de route. Elle ne pouvait pas croire qu'il soit impossible d'agir pour améliorer la situation. Pas simple, sinon ce serait chose faite, mais pas impossible. Ce constat établi, elle était persuadée qu'elle pouvait avoir son rôle à jouer, ne serait-ce que pour améliorer la situation. Rejoindre l'armée, un groupe d'arme, ou en composer un... Voire jouer cavalière seule. Difficile de déterminer quelle était la meilleure solution.

"À choisir, je préfère les donner les ordres..."

Elle réfléchissait à voix haute entre deux bouchées, sans vraiment attendre de réponse. Mais avoir à former des guerriers pourrait vite lui faire perdre patience, et trouver des gens déjà qualifiés et motivés à faire bouger la situation pourrait être compliqué. Plus elle y pensait, et plus elle se rendait compte que la situation restait floue à ses yeux. Entre ces Wyrms ou anciens Dieux que ses parents évoquaient parfois, et ces trois Déesses que la grande majorité des habitants qu'elle avait côtoyés depuis si longtemps priaient, elle n'avait jamais vraiment su à qui se vouer.

"La Triforce, c'est si puissant que ça ? J'ai du mal à croire que des triangles en or puissent faire autant de dégâts..."

C'était peut-être le fond du problème. Elle avait du mal à croire toutes ces histoires, et pourtant elle était forcée de constater les dégâts occasionnés sur le Royaume. Elle vivait à Hyrule depuis le plus jeune âge, du moins aussi longtemps qu'elle s'en souvenait, elle préférait éviter de fouiller trop sa mémoire. Au cours de ces années, elle avait glané plusieurs informations sur la religion des Hyliens, mais elle restait emplie de questions à l'égard de ces croyances.

Ses parents avaient la magie en grippe, mais dès qu'elle les avait quittés elle y avait été confrontée. Difficile de l'ignorer à Hyrule, elle en avait eu plusieurs démonstrations, de la plus modeste à la plus impressionnante. Et même si elle avait du mal à étouffer tout sentiment de culpabilité dans ces moments-là, elle avait consenti à utiliser quelques petites babioles enchantées qui pouvaient lui simplifier la vie. Malgré cela, sans doute parce qu'elle ne l'avait jamais maîtrisée elle-même, le sujet avait beau la rendre curieuse, il restait flou.

"Pourquoi des Déesses les auraient-elles laissés à portée des humains si c'est si dangereux ?"

Elle n'avait jamais questionné son amie sur ses croyances, et elle ignorait si elles rejoignaient celles de la région. Si c'était le cas, elle espérait ne pas la froisser, et dans le cas contraire, la question lui paraissait tout de même intéressante à discuter.


Aalis


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« L’aile pour moi, merci. »

En entendant sa réponse, Lis lui adressa un large sourire. Elle comprenait que son amie lui laissait volontairement la plus grosse part, et elle lui en était foutrement reconnaissante. Elle mourait de faim. A l’aide de son petit couteau de poche, elle découpa soigneusement l’oiseau, donnait les deux ailes à la jeune femme, lui coupant un peu de chair avec. Elle se servit une cuisse, et mordit avec délice dans la chair tendre, cuite juste à point. Un peu de jus lui coula sur le menton.

Elle comprenait les interrogations de Keith. Elle-même s’était déjà laissée prendre au jeu, par le passé. Un pouvoir abusif en place, des injustices à réparer auxquelles personne, autour d’elle, ne semblait se dévouer efficacement. De l’autre côté de la frontière, elle s’était laissée prendre à cet idéal, elle continuait à le suivre aujourd’hui, peut-être, mais elle avait vu à quoi cela pouvait mener certains esprits, moins droits, plus corruptibles… elle pensait connaître, à présent, les dangers d’une telle manœuvre. Elle ne les souhaitait à personne. Elle ne le souhaitait pas à ce royaume.

A la question de Keith, elle haussa les épaules.


« J’sais pas. C’est ce que tout le monde dit en tout cas. Si c’était pas le cas, j’suppose qu’on aurait fini par s’en rendre compte. »

Mais elle continuait à mordiller sa viande, pensive. Pourquoi, au fond, cette Triforce était-elle si importante, si dangereuse ? Pourquoi, comme Keith le faisait judicieusement remarquer, les Déesses se seraient amusées à la transmettre aux humains ? Serait-ce pour le simple plaisir de les voir s’entre-déchirer, tandis qu’elles sont confortablement installées, dans leur palais de lumière, à se choisir des Elus au pif et à honorer des princesses ?

Aalis s’était toujours méfiée des Elus. Et des Princesses. Elle n’avait également que peu de confiance en toutes ces histoires de magie, et de divinité. Elle n’avait que rarement croisé la route de ces concepts, mais à chaque fois, ils l’avaient heurtée et marquée de façon durable…


« C’est une bonne question, en fait. Je sais pas ce qui fout que ces trois types, le Héros, la Princesse et l’autre Roi dans le désert sont plus forts et plus importants que les autres. Je sais pas non plus pourquoi les Déesses se sont amusées à foutre un tel bordel ici bas… »

La famille élue des Déesses. La monarchie de droit divin, dotée de tous les dons, parée de toutes les vertus, désignée pour diriger tous les hommes. Elle avait l’impression de croiser cette famille dans chaque contrée qu’elle avait pu traverser. Par Din, ce qu’elle les haïssait. Cette prétendue supériorité de fait qui octroyait le droit de gouverner l’humanité selon leur propre entendement, que les dirigeants autoproclamés Choisis soient bons, comme ici, ou mauvais, comme chez elle. Ah, ça, la famille royale d’Hyrule était bien plus sympa que celle de Naos. Elle aurait bien aimé échanger leur princesse avec la sienne, même si cette dernière s’était évaporée dans la nature après le Soulèvement… peut-être que tout ce bazar n’aurait pas eu lieu…

« J’avais ça, chez moi. Je veux dire, dans mon pays. Une famille qu’on disait élue des Trois, et qui en profitait pour gouverner comme ils le voulaient. Soi-disant ils le pouvaient, puisqu’ils avaient reçu la bénédiction des Déesses, de Nayru, en particulier. Mais ils s’y prenaient vachement mal, et ça tournait pas très bien, dans mon patelin. Des gens qu’avaient faim, et pas de gagne-pain, et toute la richesse pour la capitale, tout ça. Du coup je me demandais pourquoi les Déesses avaient choisi des brigands pareils comme élus. Ça avait l’air vrai, parce qu’on disait qu’ils avaient de la magie, de la magie très puissante. Qu’ils pouvaient faire du mal à leurs opposants. »

Elle jouait, distraitement, avec l’herbe.

« Un ami à moi, par exemple, il s’est fait prendre. Et ils l’ont rendu complètement gâteux. » Elle tapota son crâne de son index. « Plus rien dans sa caboche. Tout vide, qu’ils nous l’ont rendu. On pouvait entendre, ça sonnait creux. Alors j’avais un peu peur en arrivant ici, rapport que les salopiauds de chez moi, c’étaient les cousins de Zelda… Mais la vôtre a l’air plus chouette. Peut-être qu’elle, elle a été choisie pour de vrai. »

Elle soupira, et s’allongea dans l’herbe, repue. Elle soupira de contentement. Elle avait le ventre plein, et le feu commençait à couver sous les braises.

« Merci pour ce repas. Ça fait longtemps que j’ai pas aussi bien mangé. »

Elle regardait les étoiles, perçant entre les trous du feuillage des arbres, et se sentait sereine.

Ils étaient là, pris au milieu du courant, parce qu’il fallait bien qu’ils le soient. Les révolutions pouvaient bien éclater, les guerres ravager les villages, les princesses être en fuite et les Rois félons conquérir des royaumes. Les étoiles continuaient, invariablement, à briller au-dessus de leur tête, qu’on soit à cheval au milieu du désert, couchés entre des draps de soie ou allongés dans l’herbe comme des va-nu-pieds, à bouffer des oiseaux.

« Je sais pas pourquoi la Triforce serait aussi puissante, j’avoue. M’est avis que les Déesses, là-haut, elles s’emmerdent un peu, alors faut bien qu’elle s’occupe en foutant le boxon par chez nous. Mais faut avouer que la magie, on est bien placées pour savoir que ça peut faire des dégats. » Elle lui sourit jusqu’aux oreilles. « Tu te souviens de ces fichus golems, dans la caverne de glace ? Foutre Din, qu’est-ce qu’on s’était gelé les miches ! Je faisais pas trop ma maline, à ce moment-là. »

Elle pouffa. Devant elle, les vestiges de la perdrix crépitaient sur le feu qui finissait de mourir.

Elle entendit un craquement derrière elles. Elle se tendit, les sens en alerte. Foutu elle, à s’être perdue dans ses pensées, et à n’avoir pas surveillé le feu. Ses doigts saisirent sa fronde, fébrilement. Elle se retourna, lentement, et vit deux yeux jaunes les observer dans la pénombre.

Par les Trois, se dit-elle, dans la pénombre. Ça avait l’air énorme. Elle pensa au lance-cailloux qui pendait misérablement dans son poing fermé et s’en voulu un instant d’avoir parjuré. Car devant elle s’avançait vers leurs restes de nourritures une énorme bête au poil luisant. Un ours qu’elle aurait, si il ne l’avait pas laissée tétanisée, sûrement qualifié de majestueux, avec son poil bleuté et luisant sous la faible lueur des étoiles.

Aalis coula un regard vers sa compagne, pour lui murmurer, les dents serrées :


« Merde, j’aurais dû surveiller le feu… Viens...»

A pas de loups, elle contourna le feu mourant pour se diriger vers le refuge rassurant des arbres. Elle ne voulait pas exciter la bête par de trop brusques mouvements.


Keith Lyne


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Keith continua à manger, en écoutant les réflexions de son amie sur sa question. Peut-être que si elle recroisait le Héros elle pourrait le questionner là-dessus, d'autant plus qu'il ne lui semblait pas l'avoir vu utiliser de magie.

Elle eut un petit sourire à la mention de leur périple dans la caverne de glace.

"La magie est aussi effrayante qu'intrigante. Elle a beau me simplifier la vie parfois, je ne sais toujours pas s'il s'agit d'une bonne chose..."

Ayant elle-même finit son repas ses yeux glissèrent sur la silhouette de son amie étendue à terre. Assise en tailleur, elle se prit à laisser glisser ses yeux sur les courbes de la jeune femme, du moins ce qu'elle en voyait dans l'ombre.

"C'est vrai qu'ici on a de la chance. Souhaitons juste que tout ne parte pas en morceaux, et que les héritiers ne soient pas comme chez toi."

Ses yeux suivirent ceux de son amie vers le ciel étoilé. Elle savourait le calme et la bonne humeur, quand son oreille se tendit en même temps que celle d'Aalis. Elle flaira le danger et se releva lentement en position accroupie, son regard suivant la même direction que celui de son amie. Elle aussi était  impressionnée par la bête au pelage sombre. Les ours étaient relativement rares dans la région, et celui-là, particulièrement grand. Elle n'en avait encore jamais vu de semblable.

Elle suivit lentement son amie à l'abri des arbres mais son esprit était loin d'être en paix avec l'idée d'une fuite discrète. En arrivant, elle avait laissé à terre tout le fruit de sa chasse. Si elle avait seulement prévu de vendre ses marchandises, elle n'aurait pas eu mal au cœur en les abandonnant là, mais destinées aux sinistrés de Cocorico son voyage perdait du sens sans elles. En outre même si elle savait clairement qu'il lui serait impossible de vaincre l'animal sans s'y être préparée, que les flèches légères qu'elle transportait ne l'achèveraient de toute façon pas avant une méchante riposte, sa fierté était blessée à l'idée de s'en aller la queue entre les jambes.
Et puis, elle n'avait jamais été très prudente.


"Tes possessions, elles sont importantes ? Je vais faire diversion, ramasse-les vite et éloigne-toi. J'ai posé les miennes un peu plus loin en arrivant, si ça te semble jouable."

À la course non plus elle ne gagnerait pas. Cependant elle espérait au moins amadouer ou effrayer l'ours. Et elle trouverait bien un moyen si les choses tournaient mal. Elle se faisait confiance, trop sans doute.

Sans attendre la réponse d'Aalis elle quitta doucement leur cachette improvisée. À pas de loups elle s'approcha de l'ours. Elle ne passait pas inaperçu, ce n'était pas le but, mais elle espérait habituer la bête. Sous les yeux de l'animal elle parcourut presque la distance qui les séparait. Pourtant, loin de reculer, l'ours se dressa sur ses deux pattes arrières, agressif. Peut-être que comme les chevaux qui la fuyaient souvent au premier abord il sentait la louve autant que l'humaine. C'était trop tard pour reculer, lui tourner le dos après l'avoir mis dans cet état était inenvisageable.

Keith se dressa bien sur ses pieds. Cherchant à paraître aussi imposante que possible, elle criait autant qu'elle agitait les bras. Mais l'ours ne semblait pas impressionné, pour un peu elle aurait pu croire qu'il était habitué aux humains et à l'agitation. Et avant qu'elle ne comprenne que son jeu d'intimidation était vain elle fut jetée à terre par la patte de l'animal qui lui griffa la joue. Elle n'aurait sans doute pas ri devant l'ironie de la chose pour peu qu'elle ait pu la saisir, mais elle n'avait décidément pas de chance avec les ours.

Instinctivement et jouant à présent le tout pour le tout elle saisit son arc, une flèche, la banda sur l'arc... et arrêta son geste en entendant des cris qui firent, à sa grande surprise, aussi tourner la tête de l'ours.

"Arrêtez, arrêtez ! Bourru, calme-toi !"

Aussi étrange que celui lui paraisse, l'ours sembla obéir. Toute courbaturée elle en profita pour se relever, sans lâcher ses armes pour autant. Le jeune homme qui avait crié arrivait à leur hauteur, et l'animal semblait s'apaiser à sa présence.

"Je sais pas pourquoi y vous a attaquées, y a pas plus doux en général !"

"Il a un nom... ?"

La jeune femme n'en revenait pas. Ignorant sa joue en sang, elle se frictionna l'épaule, sûre d'au moins une chose : la bête, qu'elle soit douce ou non, avait une fameuse force.

Mais le jeune homme, sans même répondre à sa question, s'était remis à parler à la bête.

"Et qu'est-ce qui t'a pris de filer ainsi !? Ariana était impossible à calmer !"

En présence du garçon qui les avait rejointes l'ours s'était apaisé et était retourné à la dégustation des restes de viande sans prêter plus d'attention aux reproches. Qu'il ait fini ou se soit rendu compte que ses critiques étaient veines, le jeune homme reporta son attention sur les deux demoiselles.

"Il a rejoint la troupe tout bébé, en général il est habitué aux gens et aux spectacles."

Au moins, la situation était moins dangereuse ainsi. Et même si sa fierté était mise à mal, Keith était curieuse. Elle jeta un regard à Aalis pour s'assurer que tout allait bien pour la jeune femme.


Aalis


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Aalis oublia sa peur à l’instant, en voyant sa compagne attaquée par cette bête sauvage. En poussant un cri, elle fonça vers Keith, venant examiner la blessure qui ornait à présent sa joue. La blessure était peu profonde, mais vilaine, et saignait abondamment. Flûte. Elle ne s’y connaissait rien, en médecine. Elle dirigea toute sa frustration vers l’étranger, et le fusilla d’un regard noir. Foutre Din. Des excuses ? Cet ours aurait pu faire tellement pire !

« Pas plus doux ? Pas plus doux ? Vous vous foutez d’not’ gueule par les déesses ! Vous réalisez ce qui aurait pu se passer ? Non mais on rêve ! Laissez un ours se promener comme ça ! Par les temps qui courent ! »

Par réflexe, elle se posta entre la chasseuse et le saltimbanque. Elle n’avait jamais vraiment vu d’un très bon œil ceux du métier qui utilisaient des animaux. La place des bêtes sauvages n’était pas sur les routes ou sur les planches d’une scène, mais dans le désert, ou dans la forêt, ou dans ce genre de lieux exotiques qu’elle ne connaissait pas bien.

« Et vous allez où, d’ailleurs ? Franchement, ce n’est pas dans le coin, et en ce moment, que vous trouverez de la clientèle. Vous pouvez me croire. »

En voyant l’air contrit du troubadour, elle se calmait peu à peu. Elle fouilla dans sa robe, et y trouva un mouchoir, un peu poussiéreux mais miraculeusement inutilisé, qu’elle tendit à la jeune femme. La route était encore longue. Il fallait garder la forme.

Le reste de la petite troupe ne tarda pas à les rejoindre. Avec un peu de regret, Aalis comprit vite qu’elle et la jolie rousse ne seraient plus seules pendant une partie du voyage au moins. M’enfin. En ces temps troublés, sur des chemins incertains, plus on était de fous… Et avoir Bourru à ses côtés pouvait se révéler être un avantage non négligeable. Ils se séparèrent peu avant leur arrivée à Cocorico.

Et une fois à destination, Aalis pu constater que ses craintes étaient bien en deçà de la réalité. Peu importe qui avait combattu qui, la bataille avait été manifestement été d’une violence qu’elle-même n’avait jamais vue, et c’est le cœur au bord des lèvres et les nerfs proches de l’explosion qu’elle avait retrouvé son frère et sa belle-famille, secoués, sans-domicile, éprouvés, mais par la grâce des Déesses, sains et saufs. La reconstruction fut longue et difficile, mais elle se fut. Dans la nervosité et la confusion des évènements, Aalis perdit la trace de sa compagne de voyage, et laissa bien vite derrière elle les souvenirs d’une nuit mouvementée mais encore pleine de joie et d’espoirs.


****

« Je persiste à penser que c’était une très mauvaise idée, de prendre la route dans cet état. »

Aalis, clopinant sur son cheval vieillissant, leva les yeux au ciel.

« Tu vas pas me donner des leçons de sécurité routière, Princesse. Je t’ai déjà dit que j’écouterai plus jamais tes conseils. »

Luka se renfrogna. Il détestait ce surnom. Elle le savait. Mais elle ne le laisserait jamais, jamais oublier le bazar qu’il a amené dans sa vie avec ses magouilles. C’était il n’y avait pas si longtemps, une poignée d’années, si peu, mais ça lui semblait déjà une éternité. Tant de choses avaient changé… Aalis frôla du bout des doigts son ventre, qui commençait à se tendre d’une vie nouvelle.

« Je vais présenter mon p’tiot à mon neveu. Il sera content d’avoir un copain. »

« Tu aurais pu attendre qu’il soit sorti. »

« J’préfère faire la route avec lui dedans que lui dehors. »

Son regard balayait la plaine et s’arrêta soudain sur un creux d’herbes familier. Aalis fronça les sourcils, songeuse. Puis, le sourire aux lèvres, elle accueillit le souvenir léger d’une nuit d’été, dernières heures avant l’horreur, qu’elle avait partagée avec une sauvageonne à la chevelure de feu et aux idées de conquête et de paix.

« Qu’est-ce qui t’arrive ? »

Aalis fut arrachée à sa rêverie, et comme à contrecoeur, fit repartir son cheval.

« Rien. C’est rien. »

Tant de choses avaient changé. Une guerre, une reconstruction, une retrouvaille, une naissance, le passage des années. Tant de choses.

Et pourtant, là-haut, de leur lueur bienveillante, les étoiles du ciel éclairaient les voyageurs de leur doux frou-frou.




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[HRP: HAPPY BIRTHDAY KEITH <3 pour marquer le coup je me suis dit que ça serait rigolo de clotûrer ce rp. Oui, avec 4 ans de latence, je bas sûrement le record mondial de retard en rp mais... mieux vaut tard que jamais ? :D]