Le jeu de la liberté

PV Luka/Sheik

Milieu de l'hiver - 2 mois avant (voir la timeline)

Luka

Le Changelin

Inventaire

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(vide)

Cela faisait quelques heures déjà que Luka avait lancé sa dernière activité. Autour de sa petite scène provisoire, il avait réussi à rassembler plusieurs femmes qui revenaient du lavoir, quelques étudiantes et étudiants qui flânaient par petits groupes non loin de la place du marché, et une à deux travailleuses du sexe qu'il connaissait déjà et dont il avait la chance d'être l'ami. Sur scène, avec lui, se trouvait une jeune femme timide, visiblement de bonne famille, dont la coiffe dissimulait les cheveux. Après l'avoir mise en confiance, le comédien avait réussi à lui faire confier ses craintes concernant son fiancé. A partir de cette discussion, ils s'étaient mis à faire ce que Luka avait nommé "le théâtre de l'émancipation", à savoir jouer une petite scène où il interprèterait ce fameux fiancé, et où sa cliente pourrait le confronter en toute confiance. Cela faisait déjà deux fois qu'ils rejouaient la scène, et le public était invité à participer pour donner des suggestions de formulation.

"Qu'est-ce que tu voulais me dire, Selma ?" Répéta Luka pour la seconde fois, d'un air encourageant.

"Vas-y ma belle," lui lança une jeune fille dans le public. "Tu peux lui dire !"

"J-Je voulais te dire que..." hésita la concernée. "Ca fait si longtemps qu'on est fiancés, et... Je suis plus très sûre que ce soit une bonne idée."

"Et voilà, tu te plains," la coupa tout de suite le comédien. Jouant le jeu, il la foudroya d'un regard méchant. Elle lui avait expliqué que son fiancé pouvait être un peu difficile. Ce qui suggérait qu'il était sans doute un peu un connard. "C'est toujours comme ça avec toi. T'es libre de faire tout ce que tu veux la journée pendant que moi, je trime au boulot comme une bête, et quand je rentre, tu râles. T'es jamais contente. On n'est même pas mariés je te signale, mais grâce à moi, t'as un toit sur la tête et de quoi te nourrir tous les jours. Tu devrais me remercier pour tout ce que je fais pour toi."

Evidemment, la jeune femme paniqua. "Mais je sais ! C'est très gentil de ta part, je te remercie. C'est juste..."

"Elle ne veut plus de toi, goujat !" S'exclama une dame d'un certain âge, depuis la dernière rangée. 

Cela eut l'air de donner un peu de courage à la jeune femme, qui reprit avec plus d'assurance : "Ecoute, je t'ai jamais demandé de te tuer au travail. Je te suis reconnaissante pour tout ce que tu fais pour moi, mais moi, ça me va plus. Je te quitte, Roman."

Luka amorça un mouvement très lent pour pouvoir saisir le poignet de la jeune femme. Ils en avaient discuté auparavant, tout acte de violence serait joué au ralenti, afin de laisser le temps au public et à l'actrice d'agir selon qui leur paraissait être la meilleure solution. Et tandis que sa main se referma sur le bras de la participante, deux femmes montèrent sur l'estrade pour s'interposer entre eux deux. Elles repoussèrent Luka sans difficulté, et elles se placèrent en position de protection devant Selma, qui observait la scène avec un certain émoi.

Le comédien leur décocha un sourire lumineux. "Bah voilà, tu sais comment t'y prendre maintenant ! Et comme tu as pu le remarquer, il vaut mieux y aller accompagnée. Soit par tes amies, soit par ta famille. On ne sait jamais, Monsieur peut devenir dangereux. Les amies, c'était Selma, applaudissez-la bien fort !"

Selma le remercia profusément, et Luka la fit saluer avec lui tandis que son public restreint applaudissait généreusement la participation de la jeune femme. Elle retourna à son siège, un peu remuée par cet entraînement. D'un oeil aguerri par des années de pratique, le Changelin passa en revue la petite foule qui commençait à se rassembler autour de l'estrade. 

En-dehors des quelques places assises qu'il avait installé, il y avait pas mal de badauds qui s'étaient arrêtés sur le côté, intrigués mais encore un peu timides à l'idée de s'approcher davantage. C'était eux qu'il voulait viser. Aussi, il scanna les visages jusqu'à croiser par inadvertance le regard de l'un d'entre eux. 

Une paire d'yeux magnifiques, plissés comme ceux d'un chat, et d'un rouge-ocre profond. Il avait la peau basanée et une ravissante chevelure d'or. Un Sheikah ! C'était si rare d'en croiser un. Ravi de sa trouvaille, le comédien pointa du doigt l'inconnu qui se tenait un peu à l'écart de la foule, mais qui observait ce qui se passait avec curiosité. "Toi, là ! Le beau jeune homme aux yeux rouges. Oui, c'est de toi dont je parle. C'est ton tour, viens !" 

Il saisit une chaise qui traînait dans le fond de l'estrade, pour pouvoir poser celle-ci en avant-scène. Il la tapota gentiment, comme pour proposer à son invité de s'y installer. "Bienvenue dans mon humble royaume. Installe-toi confortablement."

Un peu pris sur le fait, le jeune homme s'était avancé. Il n'était pas très grand et il gardait une partie de son visage dissimulé, mais il était encore plus beau garçon de près que ce que Luka avait imaginé. Très content d'avoir réussi à faire monter sur scène une telle beauté (ça va leur rameuter plus de public, c'est sûr), il lui expliqua sur un ton encourageant : "Ici, on vient parler de nos problèmes. Ca peut être n'importe quoi, une peine de coeur par exemple, une dispute avec un ami, une rupture avec un proche, des soucis avec ton argent. Tu peux nous partager ce que tu veux, avec des faux noms si tu préfères. Ensuite, on va pouvoir essayer de trouver une solution tous ensemble." 

Il lui adressa un clin d'oeil complice. "Moi c'est Luka, enchanté de te rencontrer. Et toi, comment tu t'appelles ?"


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

Inventaire

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(vide)

Sheik flânait sur la place du marché quand son attention fut attirée par un petit attroupement autour d'une modeste scène. Jusque là il ne cherchait rien de précis, laissant ses oreilles traîner en faisant mine de s'intéresser à un étal puis un autre. Le calme qui s'était répandu dans le royaume était comme un don des Déesses, mais il semblait aussi trop beau pour ne pas être méfiant. Il serait plus tranquille s'il pouvait apprendre quoique ce soit sur ce qu'il était advenu des Dragmire… Il aurait aimé croire que les terres d'Hyrule étaient libérées de toute menace, mais les rêves de plus en plus sombres qui hantaient les nuits de la princesse n'aidaient en rien.

Toutefois le Sheikah devait avouer qu'il n'avait toujours aucune piste alors il s'accorda une petite pause et tout en restant en retrait, il se mit à écouter avec intérêt la séance qui se jouait devant lui. La jeune noble au centre de l'action lui était inconnue mais il prit soin de graver son visage dans sa mémoire au cas où il pourrait l'aider d'une quelconque manière. Alors qu'ils arrivaient doucement au terme de la représentation, la demoiselle semblait motivée à prendre la situation en main mais il restait un pas à franchir pour mettre à exécution les conseils de la foule. Si Zelda croisait sa route d'ici-là, peut-être pourrait-elle lui simplifier la tâche en toute discrétion.

La pièce prit fin sur quelques derniers conseils, et le comédien qui avait mené l'action salua en entraînant avec lui sa partenaire improvisée. Sheik applaudit avec la foule, bien qu'un peu loin pour rivaliser avec le bruit ambiant. Il se préparait à reprendre ses recherches quand l'attention se dirigea soudainement sur lui. Il porta un regard calme mais étonné sur le jeune homme qui venait de le héler devant toute l'assemblée. Une seconde, il hésita. Non pas qu'il soit incapable de jouer un rôle au contraire mais c'était la princesse qui avait l'habitude de s'exprimer face à une large foule. Lui, malgré son attrait pour les arts, préférait l'anonymat aux lumières de la scène. Du moins c'était ce qu'il avait fait ces dernières années et ce dont il s'était convaincu lorsqu'il était nécessaire pour lui de passer inaperçu. Tout bien considéré, ils étaient les facettes d'une même personne – complexe, pleine de paradoxes – et sa curiosité l'emporta. Ses pieds se mirent spontanément en marche pour le porter jusqu'à l'étranger qui l'invitait désormais à s'asseoir, ce qu'il fit.

Oubliant un instant le public, ses yeux scrutèrent calmement le jeune homme qui lui expliquait ce qu'il attendait de lui. C'était probablement son gagne-pain, ce qui n'empêchait pas l'exercice d'être une initiative louable à ses yeux et de le lui rendre sympathique. Il n'avait pas l'intention de saboter la représentation, au contraire. La question était de savoir ce qu'il pouvait révéler ou non de sa vie plutôt compliquée pour dire le moins. Resté muet jusque là, il répondit d'abord sobrement aux salutations "Sheik." Un sourire caché creusa les rides autour de ses yeux alors qu'il ajoutait "En voilà une invitation surprenante." Il ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui avait motivé ce choix. Malgré les flatteries, il misait sur son allure atypique et s'il fallait de la surprise et du mystère pour plaire à son hôte, il était sans doute capable d'en offrir.

Il s'accorda un court instant de réflexion. Il aurait pu inventer, ce n'était pas l'imagination qui lui faisait défaut. Mais n'était-ce pas de la vérité que naissaient les plus belles histoires ? En outre, il avait vu combien le public s'était impliqué dans l'histoire de Selma et il se serait senti coupable de les mobiliser pour une cause malhonnête. Il se heurtait pourtant à un obstacle de taille : il était compliqué d'expliquer que son quotidien était rempli de problèmes de gouvernance qui étaient autant les siens que ceux de la souveraine d'Hyrule. Que quand sa vie n'était pas celle d'une ombre, c'était celle d'une dirigeante aux épaules écrasées sous les responsabilités. Quand bien même, il y avait aussi des secrets qu'il ne pouvait pas dévoiler, et certains trop évidents pour être étouffés par quelques faux noms. L'idée d'entendre cette foule remettre à sa place le Pontife qui avait débarqué en pleine nuit dans la chambre de la souveraine était séduisante, mais enfin, c'était difficile à justifier sans dévoiler les rôles des protagonistes. Il lui fallait quelque chose de plus innocent, plus commun, mais vrai et une explication plausible pour dissimuler les véritables concernés.

Il prit un air songeur avant de reprendre la parole d'un ton amusé. "Mes problèmes, dis-tu. J'aimerais presque disposer du temps pour en avoir. Seulement, la famille royale m'a mis au service de nobles dames, et leurs problèmes sont devenus les miens." Prenant plus de plaisir qu'il ne l'aurait pensé à se donner en spectacle, son regard se promena sur la foule en ajoutant d'un ton chargé de sous-entendus "Vous imaginez à peine combien la vie d'une jeune femme à la cour peut être compliquée." Son ton se mua en inquiétude alors qu'il reprenait. "Il y en a bien une qui me tracasse plus que les autres. Mais je ne sais pas si je peux prendre le risque de dévoiler ses secrets…" Il acheva ainsi, sur une pause, conscient du suspense que son interruption pouvait provoquer. Ses yeux rouges redevenus souriants contrastaient avec son ton hésitant quand ils revinrent vers Luka. "J'imagine que ce serait pourtant plus constructif que de vous demander si quelqu'un ici connaît un remède efficace aux insomnies…" Son regard complice laissait entendre qu'il avait besoin d'un peu plus d'insistance pour laisser échapper pareille information. Il ne pourrait pas parler des cauchemars, ni des affaires du royaume. Mais il savait aussi bien que Zelda quel autre sujet plus personnel les tourmentait en ce moment.


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