Il est des gens que l'on ne fait attendre

Suite Royale ; Versant sud (Troisième étage)

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Ses doigts se liaient fiévreusement. Son dos voûté, ses genoux comme brisés sur le sol de pierre, l'homme ressemblait davantage à un vieillard que n'importe quel mendiant charrié par les âges et les siècles qui errait, perdu dans les rues. Perdu entre ombre et lumière. Ses lèvres sèches et arides semblaient plus ténues encore que celles de la Sombre de Cocorico. Et la bure qui le recouvrait tout entier, baignée d'une douce obscurité, lui faisait une deuxième peau. Comme celle d'un cadavre brûlé et rongé par les flammes d'un feu triste et malsain. Ses longues mains osseuses se séparèrent un instant, pour mieux se rejoindre ensuite, à mesure que sa bouche se faisait le premier outil de sa transe. Les lamentations et les psalmodies qui venaient le secouer de la tête au pied, et balayaient ses épaules comme de vulgaires fétus de pailles étaient bien trop faibles pour qu'aucun autre homme ne puisse en jouir comme il le faisait. Pour qu'aucun autre vivant ne puisse les entendre. Car c'était bien aux Immortels qu'il s'adressait.

Il vint embrasser les dalles gelées par un Hiver des plus rudes, avant de plonger ses yeux dans le brasier qui s'animait encore, dans le foyer. Il soupira, avant de reprendre ses prières. Car bientôt Hyrule serait sauve ; et plus saine que jamais. Quand les Dieux se pencheraient à sa bouche, pour que ses murmures voguent jusqu'à leurs saintes oreilles. Il le savait. Il savait qu'il lui fallait attendre. Attendre, et prier.

Les lourds battants sonnèrent comme les cloches du triomphe de sa foi, contre l'armature de fer noir de cette vieille porte de bois, sans doute aussi vieille que les murs entre lesquels se tenaient la Nef du Castel. Les carillons résonnaient et battaient ses tempes. Elles le firent une fois. Une deuxième, et frère Dehan acheva de reprendre ses esprits. . « Patience ! Patience ! » Souffla-t-il alors, de sa voix si frêle qui avait décidé le Seigneur son père à faire de lui un homme de toile et de foi plus qu'un homme d'acier et de fourrure, et-ce en dépit de son droit d'aînesse. Aussi prestement qu'il n'avait su prendre son temps pour adresser les louanges qu'il fallait aux êtres qu'il vénérait, il passa la manche de sa robe ingrate sur les quelques cierges qu'il avait pris la peine d'allumer. Immédiatement ensuite, il en prit un dans chaque main. Le beffroi qu'était cette antique porte sonna encore, et il sentit la sueur glisser de sa tempe nue jusque dans son cou. Il se pressa plus encore. Le jeune homme — tout juste vingt-et-trois printemps ; manqua de s'effondrer en se redressant. Il savait son altesse Zelda clémente, comme il savait que l'Etranger qu'elle avait fait Général n'avait aucune forme d'affection pour les hommes de son genre et moins encore pour ceux de sa confession. « Je viens ! J'arrive ! » Les bougies lui échappèrent des mains. Et alors que tintaient les bourdons, le timbre plus léger de la cire qui se déchire et qui se brise vinrent se joindre à l'écho. Une seconde fois, il lui sembla qu'il allait tomber, mais il savait qu'il était soutenu. Et qu'il pourrait tout affronter. S'il lui fallait aller au devant de toute la Cathédrale, il le ferait.

"Vous êtes bien lent, frère Dehan. —" Trancha la voix qu'il redoutait sans doute le plus, et la dernière à laquelle il s'était attendu. Son regard s'arrêta l'espace d'un instant — un long instant. « Et bien insolent de me faire attendre de nouveau. Qu'est-ce donc que cela, mon enfant ? » D'un large geste de la main, le Souverain Pontife balaya l'étendu de la petite chapelle qu'il avait recréé au sein même du cénacle.  « Ce...— » Bégaya-t-il, pris d'une peur incontrôlable. L'unique bâton de cire qui lui restait s'échappa de sa faible poigne et vint s'écraser au sol dans un bruit de pierre fissurée par le givre. Comme si le froid qui émanait du Suzerain sur le trône  des Anciens suffisait à fendre tout son être. « Ce n'est rien, Seigneur-Pontife. » Dit-il alors, en se courbant aussi bas qu'il lui était possible, pour venir baiser les pieds de son maître. « Je m'autorisais simplement un peu de rangement. Certains sont venus prier longuement ces derniers jours, après notre défaite. » Il sentait le dédain du Saint-Homme. Tout son mépris contenu dans une simple mimique de dégoût, un simple regard, un unique sourcil levé. « Levez-vous donc, frère Dehan. Vous avez passé l'âge des flagorneries, je l'espère. Peu m'importe ce que vous faisiez, pourvu que la clochette légère teinte clair. » L'enfant, ou du moins celui qui en redevenait un leva les yeux sans oser s'élever de nouveau. Son dos lui faisait plus mal que jamais, et se tordait comme un arc aurait pu se courber. « Tsssss. » Siffla le Pontife, avant de relever le visage du jeune homme de la pointe de son soulier.« Est-ce ainsi que l'on reçoit l'Eglise des Trois, dans ce palais de brutes et de tourne-casaques ? Relevez-vous donc avant que je ne fasse mander quelques uns de ces gardes pour le faire ! »

Le sacerdoce en charge du Castel se hissa doucement, encore terrorisé. « Enfin. Voilà quelque chose que vous savez faire seul. » Frère Dehan baissa le regard, nourrissant de sombres pensées à l'égard de cet homme d'une exigence cruelle et dure.
« Que puis-je vous offr... —
Rien, gamin prétentieux. Ça n'est évidemment pas vous que je viens voir, pas plus que cette abbaye, tout aussi splendide soit-elle. Je désespère que vous ne l'ayez pas saisi plus tôt. »

Le jeune frère s'arrêta à nouveau, dévisageant cet homme, Anaclet Libère. Ses yeux s'étaient faits véritables billes, tant il lui semblait impensable que le Pontife demande pareille entrevue, au beau milieu de la nuit et à l'improviste. « Mon père... — », Commença-t-il, livide. « Quoi ? Qu'est-il que vous ne sachiez comprendre ? » Rares étaient les instants où quelqu'un lui avait parlé ainsi. Pas même son père, biologique, ne s'y était essayé. Même lorsqu'il lui semblait bon de le congédier comme le dernier domestique. Et, surtout... Jamais son père n'avait osé demander à voir la Princesse dans ces conditions. « Mon père, son Altesse doit dormir à l'heure qu'il est... Ne souhaiteriez-vous pas... —  » A nouveau, le timbre gelé du Pontife trancha le sien, maladroit et timoré. « Eh bien ? Faites la réveiller ! » S'exclama-t-il, le regard aussi sévère et inquisiteur que mauvais.

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Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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(vide)

Une petite flamme s’alluma au bout du doigt de la princesse. La mèche de la bougie visée par le sort s’enflamma rapidement avant que la Zelda n’éloigne sa main et que la lueur ne disparaisse du bout de son index. Elle soupira en éloignant la bougie complètement consumée qui se trouvait à côté et qu’elle venait en réalité de remplacer. Elle n’avait pas pensé travailler si tard, mais ce n’était pas la première fois.

De toute façon, le sommeil la fuyait souvent, et elle n’aurait plus à tarder trop longtemps. Les nouvelles étaient plutôt bonnes, jusque là. Même s’il faudrait un certain temps pour rassembler tout le monde et trouver une date, ses vassaux répondaient à son appel. C’était un premier pas. Le suivant serait de les convaincre. Leur rapidité à répondre aurait pu laisser penser que c’était le sort du royaume qui les préoccupait, elle n’était pas assez naïve pour penser qu’il n’y avait que ça. Elle savait que beaucoup avaient sans doute tiqué en entendant parler d’argent.

Elle venait d’entamer la lecture d’une nouvelle lettre à la lumière de la bougie lorsque des coups retentirent à la porte. Surprise par l’heure tardive, elle ne pouvait s’empêcher de toujours craindre une catastrophe lorsqu’on l’interrompait dans son travail alors que le soleil était déjà couché. Une part de son cœur aussi se demandait si cette visite avait un rapport avec Link, ça n’aurait pas été la première fois.

« Entrez. »

Elle se releva sans attendre de savoir de quoi il s’agissait. De toute évidence si on venait la trouver à pareille heure, c’était qu’on avait besoin d’une réaction de sa part et non juste de lui transmettre quelques informations. Et puisque de toute façon elle ne dormait pas… C’est un serviteur à l’air assez hésitant qui fit son apparition. Elle fronça les sourcils, se demandant pourquoi il semblait si gêné de venir la trouver.

« Votre Altesse, le Pontife vient d’arriver au château et vous demande. C’est… Nous lui avons dit qu’à cette heure… Mais il insistait, et puisqu’il y avait encore de la lumière dans votre bureau… »

S’il ne s’agissait pas de la catastrophe qu’elle avait crainte, il ne s’agissait pas non plus d’une nouvelle qu’elle aurait pu espérer. Si proche qu’elle soit des Déesses, et si croyante qu’elle puisse être, elle n’avait jamais eu beaucoup d’affinités avec le Pontife, et n’était pas particulièrement réjouie de sa visite. Elle soupçonnait sa visite de n’être pas juste malencontreusement tardive, mais plutôt un manque de respect flagrant et assumé. Un instant elle fut tentée de refuser son entrevue et de le faire patienter jusqu’au matin, mais elle savait qu’elle aurait passé une mauvaise nuit à se demander ce qu’il voulait d’elle. Autant régler cette affaire au plus vite.

« Faites-le venir ici, je vais le recevoir. Malgré l’heure. »

Elle s’en voulu de garder un ton dur et de voir le serviteur s’éloigner tout aussi penaud, mais la perspective de cette audience avait assombri son humeur. Elle ne prit pas la peine de ranger les lettres, elle espérait pouvoir reprendre au plus tôt son travail. Pour la même raison, elle préférait ne pas faire réveiller tout un tas de serviteurs pour préparer la salle d’audience, autant le recevoir sur place. Vu l’heure, il ne s’agissait pas d’une entrevue à l’aspect très officiel.

Elle eut tout de même le temps de passer devant un miroir pour effacer au mieux les traces de fatigues qui marquaient son visage, et s’assurer d’être présentable. Quelle que soit son opinion sur l’homme, elle préférait le recevoir dans les meilleures formes pour ne pas lui laisser l’occasion d’une remarque déplaisante. Quand il arriva, elle était prête à l’accueillir.

« Seigneur-Pontife, vous voilà donc. Je suis surprise de vous voir ici à cette heure. J’en déduis que vous avez des nouvelles de la plus haute importance, je propose donc que nous ne perdions pas de temps. »


Ses doigts se tordaient et se mêlaient les uns aux autres, blanchards. Ils s'epousaillaient, parfois, pour mieux en venir à ce divorce pourtant détesté et banni des Déesses à qui il avait juré amour, fidélité, loyauté et servitude éternelle, il y a de cela bien des années. Ses yeux, faibles et brisés, se refusaient à contempler ceux qui l'observaient et lui glaçait le sang. Car il savait que le regard du Seigneur Anaclète Libère était celui des Trois, Elles-même, et qu'au travers de son œil, c'était celui des Déités de ce monde qui le jugeaient. « Pour l'amour de Nayru, quand cesserez-vous de vous comporter en mulot apeuré, mon enfant ? » Soupira le vieillard, profondément agacé. Les sourcils gris et froncés de l'homme dessinaient tout son mépris, et à Dehan ils n'inspiraient rien sinon la crinière du vieux lion à qui l'âge n'aurait rien fait de plus que le rendre plus dangereux. « Seigneur Pontife... », commença-t-il tandis que ses mains continuaient de se jouer de lui, nerveusement. « Quoi ? » La voix du Saint-Homme était une dague. La dague qui tranchait sa voix sans le moindre mal, qui incisait sa gorge pour venir tuer l'intégralité de ses propos. Et avec eux de tout ce qu'il était. « Je suis persuadé que son altesse sera plus d'humeur à vous écouter demain, aux premières lueurs... », parvint-il à articuler non sans peine. Mais au moins avait-il su prendre son courage à deux mains. Du coin de l’œil, le Suzerain-Pontife le tança, dans un silence époustouflant. Car, avant même qu'il n'ait eu l'occasion de le fendre d'une simple remarque, un jeune domestique arriva, tout de sueur et de peur habillé.

"Sa... Sa majesté Zelda Nohansen Hyrule accepte de vous recevoir, Monseigneur... — " Murmura l'adolescent, alors qu'il ployait le genoux, les tempes poissées, le tissu aussi collant qu'humide. Le Maître du Conclave se leva, sans même lui accorder un regard. « Voyez-vous, frère Dehan... », lança-t-il à l'attention de son précédent interlocuteur qui s'arracha à son fauteuil sitôt que fut prononcé son nom. « Je crois que vous pensez trop, et que vous ne croyez pas assez. Je n'ai à attendre les lueurs de l'étoile du jour quand les Déesses elles-même m'ont prodigué leur lumière. Et c'est de cette lumière que je compte faire profiter la si jeune fille de Roi. »

Son pas était vif. Trop, sans doute, pour le frère qui s'acharnait à le suivre, alors que le Pontife lui expliquait pourquoi il avait tort de penser que la Reine lui ferait l'insulte de ne pas le recevoir immédiatement. Du bout des doigts, il vint effleurer l'amulette – symbole de sa foi – qui pendait sous sa robe de bure, et trônait sur son torse chétif de sacerdoce. Il murmura quelques mots, sans remarquer qu'ils arrivaient déjà au troisième palier. Soit celui qui accueillait les appartements d’été de la Famille Royale, quand celle-ci ne comptait pas encore d'héritier. « Quoi, encore ? » Cracha celui dont la grâce avait été touchée par les Trois. « Ri... Rien, Monseigneur. Je pensais tout haut... » Ses mains tremblaient, moites. Ses doigts reprirent leurs unions là où ils l'avaient laissée. « Vous pensiez, encore. Ne vous-ai-je pourtant pas dit que cela ne vous réussissait pas ? D'ailleurs, que faites-vous encore là ? » Sa langue manqua d'exprimer sa crainte, mais les bégaiements qui furent les siens suffirent à le trahir avant ses mots. « Suzerain-Pontife, j'ai cru que... — » Répondit-il, néanmoins, avant de se taire. « Bien, mon... Père. » Frère Dehan tira sa révérence, non sans s'incliner bien bas. Mais jamais assez.

L'Investit finit par gagner la Suite Royale, à en voir le nombre de gardes qui barraient la porte, de leurs lances croisées. Et bientôt, ces mêmes soldats qui repoussaient l'envahisseur et l'étranger lui ouvrirent les portes de l'intimité des Nohansen Hyrule depuis Pyrame, et déjà avant lui. La Princesse Zelda le salua de sa voix flûtée, tandis que le passage se refermait derrière lui. Il la dévisagea brièvement, avant d'enchaîner, aussi sec que les écailles d'un Dodongo. « J'avais entendu dire que vous étiez belle, à tout heure du jour ou de la nuit. Une fois de plus, les traînes-misères sont habiles au mensonge et doués dans l'erreur. » Son regard cherchait celui de la Souveraine, comme pour mieux le transpercer des éclairs qu'il envoyait.

"Avez-vous vraiment besoin d'autant d'hommes pour garder votre porte à cette heure de la nuit ?" La cloche avait sonné trois heure, lors de son départ du Temple. Et la lune indiquerait bientôt quatre heure, sur les cadrans qui parsemaient parfois les ruelles de la Citadelle. « Après-tout, il est de notoriété commune que les brigands s'aventurent en profondeur dans les palais à la recherche de... » S'il finit par se taire, ou au moins marquer une pause, le regard qu'il lança et qui détailla la jeune femme de la tête aux pieds en disait long. « J'en doute. Mais peut-être n'étiez vous pas au fait de la façon dont vous empêchez ces pauvres garçons, et bien d'autres, de laisser libre-cours à leur foi ? » Reprit-il, soucieux d'amener l'un des nombreux sujets qu'il souhaitait aborder. Et le présenter sous la forme de l'interrogation lui permettrait sans doute de mieux pointer du doigts les carences et les lacunes de la façon dont l'Enfant-de-Souverain gérait le Royaume. « Il est urgent de faire quelque chose à ce sujet, et à bien des égards il est urgent d'agir, tout simplement. Cependant, je crois que le domaine qui vous préoccupe le plus, exception faite de la guerre – parait-il –, c'est cette bague qu'il manque à votre doigt. » Lâcha-t-il, accusateur, et posant sur la table de nouveaux pions, pour de nouvelles sources de sa colère. Il avait tant à dire. Tant, qu'il n'avait pu attendre le matin.

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Voilà bien trop longtemps, même si le temps lui avait paru trop court, qu'elle côtoyait les nobles de la Cour et qu'elle n'avait plus reçu de nouvelles du Pontife, aussi ne s'était-elle pas du tout attendue à ce qui suivi. Elle s'était bien préparée à une remarque, mais pas aussi directe. Au moins les nobles, s'ils étaient loin de tous l'apprécier, avaient-ils la décence - ou la prudence ? - de cacher leur mépris derrière de l'hypocrisie ou de déguiser leurs critiques. Ça n'avait jamais été le cas du Pontife. Depuis qu'elle était montée sur le Trône pour succéder à son père elle avait toujours eu l'impression qu'elle était loin de correspondre à ce qu'il avait pu espérer pour le Royaume. Il n'avait bien entendu rien à dire sur la question mais il avait tout de même veillé à le lui faire comprendre.

De toute évidence les quelques minutes passées devant le miroir avant son arrivée n'avaient servi à rien. Non pas qu'elle tienne à lui plaire, il était loin d'être l'opinion qui la préoccupait le plus dans ce domaine, mais sa remarque remettait en doute l'image que d'autres pourraient en avoir. Elle était fatiguée certes, elle dormait peu, et elle prenait à peine le temps de s'occuper d'elle. Son entourage plus proche l'avait-il remarqué aussi ? Qu'en aurait pensé Link qui avait l'habitude de passer lui rendre visite en pleine nuit ?

Elle fut heureuse d'avoir appris à si bien cacher ses émotions, et si sa surprise et sa blessure suite à la remarque furent perceptibles, ce ne fut que l'instant d'une seconde, avant qu'elle ne reprenne ses esprits et que la colère ne les remplace au fur et à mesure que l'homme de foi avançait dans son discours.

"Une bague...? Le Royaume est en guerre et vous m'avez fait mander à cette heure de la nuit prétextant un sujet de la plus grande urgence pour m'insulter, me parler d'une bague et de ma façon de gérer le personnel du château...? Prenez garde Seigneur Pontife, j'ignore si la patience des Déesses est infinie mais la mienne ne l'est pas."

La princesse laissa de côté le Pontife pour se déplacer jusqu'à une petite commode. Après avoir ouvert un tiroir, sa main y farfouilla quelques instants avant d'en sortir une bague qu'elle reposa sur le haut du meuble.

"La voilà si sa vue peut un tant soit peu vous rassurer. Vous avez raison sur un point même si vous semblez en douter : la guerre me préoccupe, mais cette bague non, ni ce qu'elle représentait et le tort que cela a pu causer. C'est du passé et si j'en tire de bonnes leçons, j'ai plus urgent à gérer dans l'immédiat."

La princesse abandonna là l'anneau pour revenir vers le Pontife, décidée à en finir au plus tôt avec cette entrevue qu'elle sentait déjà épuisante.

"J'espère que vous avez réellement un sujet important à porter à mes oreilles et que vous saurez mieux tenir votre langue en me l'exposant, sinon ces gardes dont vous avez si bien remarqué la présence auront tout le temps de vous faire visiter les prisons du château d'ici au lever du jour. Vous pourrez vérifier si ce que les gens disent de leur confort est vrai ou non."

Si sa patience était plus grande qu'elle ne l'avait laissé entendre, elle savait aussi ce qui se passerait si elle laissait le Pontife n'en faire qu'à sa tête. Il continuerait, sûr d'être à l'abri de toute répercussion, sûr qu'il pouvait manquer de respect envers la souveraine en toute impunité et sans nul doute d'autres lui emboîteraient le pas. Elle avait déjà été très tolérante par la passé, et elle était disposée à discuter et débattre avec lui sans quoi elle ne l'aurait pas reçu si prestement, mais plus que jamais en ces temps troublés elle ne pouvait pas abandonner sa place et son autorité sous peine de voir s'effriter tout ce qu'elle s'était échinée à mettre en place depuis la mort de son père, et dont il s'était occupé avant elle. Et ce, quand bien même elle connaissait les risques d'un bras de fer avec le Pontife et son influence au sein de l'Eglise.

Que Nayru lui pardonne si elle devait en arriver là. Au moins espérait-elle qu'il était tout aussi conscient des conséquences et qu'elles ne lui étaient pas plus favorables qu'à elle. Elle était croyante, et même si elle restait un minimum méfiante vis à vis de ceux qui se faisaient les porte-parole des déesses, elle n'excluait pas qu'il puisse être de bon conseil et ne remettait pas plus sa place de chef de l'Eglise en doute. Mais elle n'exigeait pas moins de respect venant de lui que d'un autre.[/i]


Ses yeux de lynx affrontèrent sans trembler le regard de l'enfant capricieuse qui lui faisait face. Le silence était revenu sur les appartements de feu Daphnès, Roy d'Hyrule, mais il le trancha plus durement qu'aucune épée n'aurait été capable de faire. De la main, il n'avait tardé à rabattre les deux pans du même livre et le papier si vieux qu'il était, gardait un bruit presque malsain. Un instant, il s'interrogea : si sa main avait heurté la joue de cette pauvre gamine gâtée, quel aurait été le son ? Aurait-il été semblable à celui d'un ouvrage qui claque ? «Je n'en attendais pas plus de votre bien triste personne, Majesté. » Cracha-t-il, aussi sec que la pierre de sable qu'il avait pu apercevoir à l'occasion de quelques pèlerinages dans sa tendre jeunesse, quand le père de cette idiote était encore trop jeune pour prendre épouse. «C'est sûrement cela qui vous sied le mieux : cette indifférence aussi sinistre que morbide à l'égard du sort de ceux que vous appelez, bien prétentieusement par-ailleurs, vos gens. » Son ton n'était fondamentalement pas si éloigné de celui du serpent. Sifflant, agressif, menaçant. Et chaque pas qu'il faisait vers elle lui donnait l'allure de ces bêtes crachant flammes et volant au dans les nuages. Tantôt sacrées, tantôt haïs, mais toujours l'instrument des Déesses.

"Qui êtes-vous, Zelda, sinon celle qui est sensée être Notre-Dame ?" S'enquit-il, froid, cassant et tranchant comme l'acier. Bientôt, il fut suffisamment proche de la Souveraine pour pouvoir l'atteindre en tendant simplement le bras. «Ce sont-là de bien dérisoires soucis, il vous semble, n'est-ce pas ? C'est véridique. » Il fit un pas de plus. Son coeur brûlait d'une haine immatérielle mais violente. Infernale, peut-être. Son regard fiché dans les yeux de la Princesse ne tarda guère à descendre le long du visage, pour suivre le cou, et toiser l'ensemble de la silhouette de l'enfant.  «Après tout, ceux-là ne concernent pas ce que vous avez estimé important ! Et pourtant, il vous est apparu urgent de vous séparer de ceci... » Tout en parlant, il s'était à nouveau éloignée de la royale personne et était allé chercher l'alliance qui, jadis, la liait à Dun Loireag. Un paria, sans nulle doute, mais jamais il n'avait douté de la cécité de coeur de la petite Nohansen. «Je conçois tout à fait, commença-t-il en montant l'anneau jusqu'à leurs yeux, qu'il soit autrement plus plaisant d'écarter les cuisses sans si insignifiante bague d'argent gravé. Je le conçois, votre altesse, et je comprends complètement qu'en tant que femme que vous êtes, il est nécessaire que vous trouviez sources de chaleur pour votre lit... » Si elle n'entendait pas le pluriel qu'il insinuait, elle le devinerait sûrement. Des perles bleues qu'il possédait, il détaillait la pièce d’orfèvrerie sous tous les angles. «Savez-vous ce qu'est cet objet si inintéressant, Zelda ? » S'enquit-il, gardant le ton doucereux qu'il avait depuis qu'il s'était saisi de la chevalière. «Je suppose que non. Il est évident que vous l'ignorez. » Conclut-il sans même lui laisser le temps de répondre.

Son visage remonta vers celui de Zelda. Les sourcils du vieil homme se froncèrent tandis qu'un masque d'austérité, de colère mais également d'appréhension se dessinait sur ses traits. Sans la moindre marque de respect, il envoya l'anneau vers la Suzeraine.  «Ceci, c'est le second engagement que vous prenez devant les Trois. Et le second que vous brisez allègrement pour que le premier vagabond à la jolie épée puisse souiller vos entrailles. » A nouveau, il sifflait de colère. S'il n'avait conservé sa tiare cléricale, il en était sûr, ses cheveux gris se seraient hérissés sur son crâne, comme autant de petites cornes dressées sous le coup de sa fureur. «Votre père, cet idiot, ne vous a-t-il pas enseigné la moindre dignité ? Et qu'en est-il de votre mère ? » S'enquit-il, dûr. Il n'avait pas oublié que la pauvre petite n'avait pas connu sa mère : c'était lui qui avait officié lors de son enterrement et qui avait béni le corps, avant qu'il ne soit emmené au plus profond des cryptes sous le Castel.«Vous reniez les voeux que vous avez prononcé devant les Trois Dames fondatrices du Monde, et vous attendez de moi que je vous laisse faire ? Bafouer notre honneur à tous ? Humilier notre peuple, et le mettre en péril ? Pauvre sotte ! »

Inconsciemment, il avait continué son manège, tant et si bien que la Princesse se trouvait dorénavant sans aucune retraite possible. Il avança encore et leurs visages furent bien trop près pour que cela reste décent. «Vous étiez notre guide, Zelda. Notre-Dame. Les trois avaient d'avantages de projets pour vous que... » Il la regarda avec autant de dégoût que de dédain, mais sa main monta jusqu'au sein rond de la Princesse, qu'il comprima avec force, sans doute espérant lui faire mal. Sans attendre, il glissa sa tête dans le creux du cou de la Reine. Il inspira alors, bruyamment, humant l'odeur, le parfum, de la jeune femme. «Cessez donc d'être la dernière des catins. » Cracha-t-il calmement en se reculant et en délivrant la presque-veuve. Bientôt, il lui tourna les talons. Il s'éloigna alors de quelques pas, sans rien ajouter. Il inspira longuement, alors que le silence s'installait, son regard fuyant l'enfant aux cheveux d'or. «Vous... » Reprit-il, moins assuré qu'usuellement «Vous courroucez les Déesses mon enfant. Et quand vous les courroucez, c'est sur l'intégralité de nos âmes que s’abat leur colère. » En quelques mot, sa voix s'était posée et avait regagné une sérénité presque éternelle. Il se retourna pour lui faire face et continua. «Les signes sont visibles. Quelque chose de mal est à l'oeuvre, et c'est là bien pire menace que la guerre que vous placez si bien sur un piédestal. Ne vous trompez pas d'ennemi, Zelda. Et ne laissez pas le mal pénétrer plus encore votre coeur. » Et le silence retomba, régnant toujours en maître.

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Pas un seul instant le Pontife ne détourna le regard tandis qu'elle s'adressait à lui, et il continua même après qu'elle ait fini. Sans pouvoir prétendre lire ses pensées, elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer la rage qui le brûlait de l'intérieur. Il défiait son autorité, elle en était consciente, et elle clairement répondu à ses provocations. Si elle espérait autant pour lui que pour elle qu'il saurait se contenir, elle ne s'était pas attendue à ce qu'il reste calme.

Il finit enfin par répondre sur un ton sec. Elle ne s'était de toute façon pas attendue à un ton plus sympathique qu'à l'habitude, mais elle n'apprécia pas tellement la façon dont il s'avança vers elle. Pour peu, elle aurait reculé, tant le regard et l'attitude du Pontife n'auguraient rien de bon. Mais elle ne reculerait pas. C'était elle qui donnait les ordres, c'était une nécessité, et il regretterait bien assez tôt s'il nourrissait de mauvaises intentions à son regard. À son soulagement, après un regard qu'elle n'aima pas plus qu'elle ne sut interpréter, il continua finalement son discours en s'éloignant pour aller rechercher l'anneau qu'elle avait abandonné un peu plus loin. Elle n'apprécia guère les accusations qu'il formula alors à son égard, de façon bien trop explicite pour rester convenable.

"Surveillez vos paroles, Pontife. Il est indigne de votre part de proférer de telles accusations sans preuves. Malgré le départ de mon mari, et même si je ne lui reconnais plus ce titre, je n'ai aucunement profité de son absence pour..."

Mais il continua, sans vraiment faire attention à elle lui sembla-t-il, ni lui laisser le temps de répondre à la question qu'il venait de lui poser à la suite. Il jeta l'anneau qu'elle rattrapa au vol comme elle put, scandalisée du manque de respect dont il faisait preuve. Et ses accusations... Vagabond à la jolie épée .. ? Est-ce qu'il voulait parler de.. Mais elle eut à peine le temps de se pencher sur la question que déjà il lui jetait d'autres piques verbales. Il savait très bien qu'elle avait perdu son père, et qu'elle n'avait jamais connu sa mère. Il devait tout à fait deviner la tristesse qu'elle ressentait à cet égard.

Contenant au mieux sa tristesse, elle s'apprêtait à répondre quand le Pontife s'approcha encore, la coinçant presque contre le mur derrière elle. Elle s'était attendue à n'importe quoi sauf à ça, et elle resta comme pétrifiée alors qu'elle sentit sa main venir enserrer son sein. Elle eu un frisson de dégoût en sentant son souffle dans son cou, tellement surprise qu'elle était incapable de réagir. Qu'est-ce qu'il faisait ? Est-ce qu'il s'en rendait seulement compte ? Jamais elle n'aurait imaginé ce genre de contact et elle aurait préféré ne jamais avoir à le faire. Lorsqu'il s'écarta, après un temps qui bien que bref lui avait paru être une éternité, elle était encore choquée. De son côté il repris son discours, calme, comme si rien ne s'était passé, et elle sentit peu à peu ses esprits revenir et la colère monter alors qu'il finissait de parler.

C'en était trop pour qu'elle se contienne, il était allé trop loin, et la main gantée de la princesse vola vers la joue du Pontife jusqu'à s'y écraser avec éclat.

"Ne recommencez jamais... ça."

Elle avait haussé la voix. Son ton était sévère, sec, plus sans doute qu'il ne l'avait jamais été. C'était bien la colère qui l'empêchait de trembler comme une feuille et de quitter la pièce.

"Je vous interdis de porter à nouveau la main sur moi, Pontife. Je démens vos horribles accusations sur la compagnie que vous m'attribuez. Je vous défends de les porter encore à mes oreilles sans preuve pour les étayer. J'ai entendu vos conseils, eussent-ils gagné à être prononcés d'une autre manière, mais je ne tolère en aucun cas ce comportement, je m'étais montrée claire sur ce point. Gardes !!"

Elle n'eut pas à attendre longtemps puisque les gardes se trouvaient derrière la porte.

"Conduisez le Pontife dans une des cellules de la prison du château, il y réfléchira à son comportement jusqu'au matin. Et s'il a encore des conseils à me prodiguer, il demandera une audience en journée."

Cette dernière remarque était principalement faite à l'attention du religieux. Elle estimait ses conseils bien plus qu'il le croyait, pourquoi semblait-il incapable de lui en faire part respectueusement ? Mais ça elle doutait qu'il le comprenne. Sans doute le mettrait-elle encore plus en colère, sans doute la verrait-il encore plus comme une enfant rebelle. Tant pis, il y avait des limites qu'elle devait faire respecter et elle en assumerait les conséquences.

Si tôt qu'il fut parti, elle posa les mains sur une petite table pour s'y appuyer. La colère était tombée, le masque d'assurance qu'elle portait aussi. Lentement sa main passa où celle du Pontife se trouvait plus tôt, et elle regretta de ne pas être capable sans risque d'effacer ce souvenir en particulier.

Elle posa la bague sur la table. Bien entendu qu'elle la porterait en public s'il y avait la moindre chance qu'elle prouve ainsi aux Déesses son engagement envers ses serments et attire la Providence sur Hyrule. Ne pouvait-il simplement commencer par là ? Les Déesses étaient-elles vraiment en colère contre elle ? Elle savait que les accusations qu'il lui avait lancées étaient fausses, y avait-il besoin d'un anneau à son doigt pour le prouver ? Ce n'était pas comme si elle ressentait encore l'envie de se marier, elle avait beau savoir quel était son devoir pour préserver sa Famille et le trône qu'elle laisserait forcément un jour derrière elle, elle avait été suffisamment refroidie. Fatiguée, et un peu perdue, elle se résigna à tenter de dormir et rejoindre son lit. Elle s'y recroquevilla. Elle avait beau savoir que le château était rempli de monde et que des gardes surveillaient sa porte sans faillir... elle aurait voulu que Link soit là.


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