Posté le 02/07/2014 18:52
Ses doigts se tordaient et se mêlaient les uns aux autres, blanchards. Ils s'epousaillaient, parfois, pour mieux en venir à ce divorce pourtant détesté et banni des Déesses à qui il avait juré amour, fidélité, loyauté et servitude éternelle, il y a de cela bien des années. Ses yeux, faibles et brisés, se refusaient à contempler ceux qui l'observaient et lui glaçait le sang. Car il savait que le regard du Seigneur Anaclète Libère était celui des Trois, Elles-même, et qu'au travers de son œil, c'était celui des Déités de ce monde qui le jugeaient. « Pour l'amour de Nayru, quand cesserez-vous de vous comporter en mulot apeuré, mon enfant ? » Soupira le vieillard, profondément agacé. Les sourcils gris et froncés de l'homme dessinaient tout son mépris, et à Dehan ils n'inspiraient rien sinon la crinière du vieux lion à qui l'âge n'aurait rien fait de plus que le rendre plus dangereux. « Seigneur Pontife... », commença-t-il tandis que ses mains continuaient de se jouer de lui, nerveusement. « Quoi ? » La voix du Saint-Homme était une dague. La dague qui tranchait sa voix sans le moindre mal, qui incisait sa gorge pour venir tuer l'intégralité de ses propos. Et avec eux de tout ce qu'il était. « Je suis persuadé que son altesse sera plus d'humeur à vous écouter demain, aux premières lueurs... », parvint-il à articuler non sans peine. Mais au moins avait-il su prendre son courage à deux mains. Du coin de l’œil, le Suzerain-Pontife le tança, dans un silence époustouflant. Car, avant même qu'il n'ait eu l'occasion de le fendre d'une simple remarque, un jeune domestique arriva, tout de sueur et de peur habillé.
"Sa... Sa majesté Zelda Nohansen Hyrule accepte de vous recevoir, Monseigneur... — " Murmura l'adolescent, alors qu'il ployait le genoux, les tempes poissées, le tissu aussi collant qu'humide. Le Maître du Conclave se leva, sans même lui accorder un regard. « Voyez-vous, frère Dehan... », lança-t-il à l'attention de son précédent interlocuteur qui s'arracha à son fauteuil sitôt que fut prononcé son nom. « Je crois que vous pensez trop, et que vous ne croyez pas assez. Je n'ai à attendre les lueurs de l'étoile du jour quand les Déesses elles-même m'ont prodigué leur lumière. Et c'est de cette lumière que je compte faire profiter la si jeune fille de Roi. »
Son pas était vif. Trop, sans doute, pour le frère qui s'acharnait à le suivre, alors que le Pontife lui expliquait pourquoi il avait tort de penser que la Reine lui ferait l'insulte de ne pas le recevoir immédiatement. Du bout des doigts, il vint effleurer l'amulette – symbole de sa foi – qui pendait sous sa robe de bure, et trônait sur son torse chétif de sacerdoce. Il murmura quelques mots, sans remarquer qu'ils arrivaient déjà au troisième palier. Soit celui qui accueillait les appartements d’été de la Famille Royale, quand celle-ci ne comptait pas encore d'héritier. « Quoi, encore ? » Cracha celui dont la grâce avait été touchée par les Trois. « Ri... Rien, Monseigneur. Je pensais tout haut... » Ses mains tremblaient, moites. Ses doigts reprirent leurs unions là où ils l'avaient laissée. « Vous pensiez, encore. Ne vous-ai-je pourtant pas dit que cela ne vous réussissait pas ? D'ailleurs, que faites-vous encore là ? » Sa langue manqua d'exprimer sa crainte, mais les bégaiements qui furent les siens suffirent à le trahir avant ses mots. « Suzerain-Pontife, j'ai cru que... — » Répondit-il, néanmoins, avant de se taire. « Bien, mon... Père. » Frère Dehan tira sa révérence, non sans s'incliner bien bas. Mais jamais assez.
L'Investit finit par gagner la Suite Royale, à en voir le nombre de gardes qui barraient la porte, de leurs lances croisées. Et bientôt, ces mêmes soldats qui repoussaient l'envahisseur et l'étranger lui ouvrirent les portes de l'intimité des Nohansen Hyrule depuis Pyrame, et déjà avant lui. La Princesse Zelda le salua de sa voix flûtée, tandis que le passage se refermait derrière lui. Il la dévisagea brièvement, avant d'enchaîner, aussi sec que les écailles d'un Dodongo. « J'avais entendu dire que vous étiez belle, à tout heure du jour ou de la nuit. Une fois de plus, les traînes-misères sont habiles au mensonge et doués dans l'erreur. » Son regard cherchait celui de la Souveraine, comme pour mieux le transpercer des éclairs qu'il envoyait.
"Avez-vous vraiment besoin d'autant d'hommes pour garder votre porte à cette heure de la nuit ?" La cloche avait sonné trois heure, lors de son départ du Temple. Et la lune indiquerait bientôt quatre heure, sur les cadrans qui parsemaient parfois les ruelles de la Citadelle. « Après-tout, il est de notoriété commune que les brigands s'aventurent en profondeur dans les palais à la recherche de... » S'il finit par se taire, ou au moins marquer une pause, le regard qu'il lança et qui détailla la jeune femme de la tête aux pieds en disait long. « J'en doute. Mais peut-être n'étiez vous pas au fait de la façon dont vous empêchez ces pauvres garçons, et bien d'autres, de laisser libre-cours à leur foi ? » Reprit-il, soucieux d'amener l'un des nombreux sujets qu'il souhaitait aborder. Et le présenter sous la forme de l'interrogation lui permettrait sans doute de mieux pointer du doigts les carences et les lacunes de la façon dont l'Enfant-de-Souverain gérait le Royaume. « Il est urgent de faire quelque chose à ce sujet, et à bien des égards il est urgent d'agir, tout simplement. Cependant, je crois que le domaine qui vous préoccupe le plus, exception faite de la guerre – parait-il –, c'est cette bague qu'il manque à votre doigt. » Lâcha-t-il, accusateur, et posant sur la table de nouveaux pions, pour de nouvelles sources de sa colère. Il avait tant à dire. Tant, qu'il n'avait pu attendre le matin.
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