Le vagabond et la Princesse

Suite Royale ; Versant sud (Troisième étage)

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Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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(vide)

La princesse releva la tête, encore ensommeillée. Elle fit l'effort de se lever pour reposer le livre sur l'étagère où elle l'avait emprunté. Si elle avait apprécié de décorer un soldat de Cocorico et ainsi entrevoir l'espoir futur plus que le désastre passé, la journée n'en avait pas moins été longue. Elle avait manqué de s'endormir là au milieu des papiers étalés sur le bureau de la salle d'archives, et si cette nuit le sommeil cessait enfin de la fuir, elle devait en profiter. Elle pourrait toujours reprendre ses recherches le lendemain.

Elle saisit un chandelier éteint et sorti de la pièce emplie de livres avant de laisser disparaître la petite boule de magie lumineuse qui la suivait. Ses doigts approchèrent à la place la mèche d'une des bougies qui s'enflamma bien vite d'une faible lueur, suivie par ses voisines. La lumière était moins forte et plus tremblante que celle qui l'accompagnait auparavant, mais elle était plus naturelle, et les mêmes précautions n'étaient pas nécessaires dans les couloirs.

De toute façon la jeune femme connaissait par cœur cette partie du château, et c'est à peine si elle eut besoin de regarder autour d'elle pour arriver à sa chambre. Habituellement, des gardes en surveillaient l'entrée mais elle les avait congédiés plus tôt dans la soirée, pensant rester jusqu'au matin dans la salle d'archives. Une nuit de repos leur aurait plus apporté qu'une nuit à garder une pièce vide de monde. Mais même si ses plans avaient changés, elle préférait éviter de les faire réveiller. A la place, elle se contenta de poser un sortilège sur la porte, un gardien qui saurait sonder le cœur des gens et la protéger - non sans la réveiller - en cas de danger. Ça suffirait pour cette nuit.

Elle posa le chandelier sur une petite table à côté de son lit, avant de troquer les vêtements qu'elle portait, certes moins riches et parés qu'en audience mais suffisamment pour le cas où elle croisait du monde dans les couloirs, contre une robe de nuit blanche, plus légère. Ceci fait, elle alla ouvrir la fenêtre. Un petit vent froid s'engouffra dans la chambre et elle réalisa qu'elle ne pourrait pas la laisser ouverte toute la nuit, mais quelques minutes feraient déjà grand bien à la chambre. Ses yeux s'attardèrent un instant sur la pénombre en bas, à travers le rideau de pluie qui s'y écrasait. Il faisait tellement sombre qu'elle ne parvenait pas à distinguer les massifs de fleurs du petit jardin en dessous de sa fenêtre.

La fraîcheur la poussa bientôt à aller se réfugier sous les couvertures en attendant que la pièce soit suffisamment aérée. Un petit livre usé attira son regard sur la commode éclairée par le chandelier. Son état ne la surprenait pas, mais elle avait oublié l'avoir posé là. Elle saisit délicatement l'ouvrage intitulé "Le Héros et la Déesse". Des centaines de fois, elle avait réclamé sa lecture à Impa, plus jeune, avant de pouvoir le lire elle-même. Il n'était certes pas très sérieux de s'attacher autant à un ouvrage purement fictionnel, mais il l'avait toujours apaisée. Elle ignorait à quelle Déesse faisait référence l'ouvrage, pour peu que l'auteur en ait eu une en tête, mais ce n'était qu'un détail de l'histoire. De même qu'elle doutait fort que ce Héros ait pu vraiment exister et côtoyer une divinité, mais c'était le propre des légendes de donner vie à l'impossible.

Sans trop réfléchir et en oubliant la fenêtre, bercée par le bruit de la pluie, elle feuilleta le livre. À défaut de pouvoir le lire à la flamme des bougies, ses mains diffusèrent une douce lumière blanche. Ses yeux suivirent avec nostalgie les lignes de texte qu'elle connaissait par cœur. Étrangement, depuis qu'elle avait rencontré Link, elle était encore plus attachée à ce livre.

Sa tête se cala contre l'oreiller alors qu'elle essayait de comprendre pourquoi elle pensait à lui dès qu'elle songeait à ce récit. Peut-être parce qu'ainsi, comparé à celui qui séparait un Homme et une Déesse, l'écart entre leurs deux conditions lui paraissait moins large, et moins insurmontable. C'était son meilleur ami, son confident, plus que tout autre elle se serait dévoilée sans réserve à lui. Elle pouvait être elle-même, sans masque, sans rôle. Pourtant plus elle y réfléchissait et plus elle se sentait insatisfaite. Elle avait le sentiment d'une barrière, de quelque chose qui lui manquait, de quelque chose de plus qu'elle aurait aimé partager avec lui.

Doucement, le livre glissa des mains de la princesse endormie.

[HRP : RP libre mais premier post pour Link, à noter aussi que ce RP se situe un peu avant l'évasion de Swann et Lanre de la prison]


Link

Héros du Temps

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(vide)

La pluie persistait à marteler les carreaux, vitraux anciens ou non. Elle s'insinuait partout, irriguant les ruelles et se mélangeait à la terre rouge, dessinant d'innombrables petites rigoles carmin entre les pavés inégaux de la Citadelle d'Hylia. Il renifla, remontant un peu plus l'étoffe brune sur son visage, et adressa un dernier regard à la scène de verre qu'il n’apercevait de toute façon plus. Mais en observant l'impressionnante façade de la Cathédrale, il lui semblait qu'il rendait un ultime hommage à cette histoire dont il ignorait l'essentiel mais qui l'intriguait tant. Et tandis que les larmes des cieux continuaient à inonder la ville ; elles s'employaient aussi à poisser sa gueule et à battre ses tympans. Ses doigts, bardés d'un cuir trempé, grincèrent doucement quand il ferma un peu plus sa poigne sur la bure, avant de tourner talon et de quitter la Grand-Place. La tempête couvrait le bruit de ses pas, alors qu'il progressait, seul, d'allées en venelles et de venelles en allées. Et si ce n'était guère la première fois qu'il assistait à l'étonnant spectacle qu'offrait aujourd'hui une Capitale d'Hyrule vidée de son essence, il ne put que se laisser surprendre, à nouveau. Il avait si souvent eu l'impression que rien ni personne ne dormait jamais, ici, qu'il avait fini par se faire à l'idée que la Ville-Close était également le théâtre d'une transe inébranlable, continue et éternelle. La ville de tous les éveils, sur qui même la nuit perdait toute emprise. Un petit sourire vint déformer ses lèvres, si souvent austères et scellées, alors q'une certaine bonne humeur l'envahissait : la direction qu'il avait choisi d'emprunter avait de quoi lui alléger l'esprit et lui permettait de s'amuser de si peu. Même si, dans ses rares moments de torpeurs, la Citadelle parvenait tout de même à couvrir le bruit de ses bottes frappant les plus vieilles dalles du Royaume.

Alors qu'il avançait peu à peu vers le sommet de la cité, l'Hylien se prit à laisser ses paumes effleurer la chaux qui recouvrait certains des murs et des bicoques du bourg. Comme chaque fois qu'il venait, il ne pouvait s'empêcher de remarquer l'inégalité qui pouvait exister, architecturalement, entre les quartiers du cœur urbain, politique et économique du pays. Il avait fuit cet endroit bien trop longtemps... — Il le fuyait bien trop souvent pour ne pas essuyer les mêmes gifles à chaque fois. Çà et là, les murs de pierre disparaissaient au profit de vieilles barricades vermoulues, parfois surmontées de planches neuves, parfois pas. La Citadelle regorgeait de contradictions et d'oppositions autant qu'elle ne pouvait sentir l'or — ou la pisse. Il savait que tout ce qui faisait le sel et la vie du « Joyau » venait de cet étrange mélange, de la rencontre improbable de gens qui lui ressemblaient avec des gens qui lui apparaissaient plus semblables à Belle. La ville-derrière-les-murs n'était rien sinon la ville-de-tous-les-possibles... et de toutes les inégalités. Autant de stigmates qu'il peinait encore à accepter, tantôt révolté, tantôt résigné. Autant de marques noire de suie que même les plus fortes pluies n'auraient su délaver. Et les beaux-quartiers vers lesquels il progressait peu à peu ne parvenaient – où se contentaient, il n'aurait su le dire – qu'à les masquer, pour quiconque acceptait de n'ouvrir qu'un seul œil. Le cuir qui bardait ses gants grinça doucement, à peine audible malgré l'orage qui se calmait pourtant. Dans l'ombre son sourire s'effaçait au profit d'une moue plus maussade.

Il passa sous l'imposante arche de pierre de la Grande-Venelle du Nord, accordant juste un bref regard aux sculptures, dénuées depuis longtemps de tout pigment. Il avait toujours trouvé à la roche nue un charme particulier, mais il n'était plus d'humeur à s'émerveiller comme cela lui arrivait si souvent,enfant. Doucement mais sûrement, la tempête qui assaillait la Citadelle se levait, comme une armée de siège battant en retraite. Passant machinalement son bras sur son front, l'Enfant-des-Bois chercha tant bien que mal à s'arracher aux idées et aux évidences qui le frappaient, plus qu'à s'éponger la gueule à proprement parler. « Elle ne peut pas l'ignorer... — », se surprit-il à penser, alors que les créneaux et les mâchicoulis du premier mur d'enceinte projetaient une ombre encore faible et floue, à la lumière de la lune. D'instinct, son regard monta jusqu'aux tours qui perçaient les cieux cherchant bien vainement les étages qui accueillaient les appartements de la Souveraine. Il était encore trop loin pour les distinguer clairement, mais chaque pas le rapprochait un peu plus du Castel ; et des lumières virevoltantes qui en encadraient la route. Son ventre grogna, alors qu'il entamait la montée vers le Fort autour duquel s'était bâtie l'ensemble de la Citée, comme pour lui rappeler qu'il n'avait rien avalé depuis la veille – où l'avant-veille, il ne savait plus très bien – en dehors de quelques racines sèches, un peu de vin chaud et un biscuit au miel. Inconsciemment, ou presque, sa main se glissa sur son estomac, alors qu'à la lueur des lanternes pendues, la ville s'effaçait doucement pour faire place au Palais des Rois. « Halte ! Qui va là ? », s'enquit un soldat, manifestement plus sur le qui-vive que ne l'était le vagabond : en dépit des torches et des bougies, il n'avait pas su distinguer la silhouette qui se détachait pourtant de l'obscurité. Hallebarde baissée, presque menaçante, il fit rapidement un signe à deux de ses compagnons. L'un arma son arc, le deuxième se pressa vers les chemins de ronde.

Ses mains montèrent vite à l'assaut du capuchon de bure qui couvrait grossièrement son visage. L'étoffe, rugueuse et vulgaire, accrocha doucement ses doigts tandis qu'il la ramenait contre ses épaules. « Je suis un ami du Général. » Lança-t-il hésitant et surtout peu désireux d'entrer dans le détail des raisons qui le poussaient à frapper les portes du Castel au beau milieu de la nuit. Il n'y avait d'autre urgence que son désir de revoir une jeune femme qui lui manquait, l'envie de l'entendre parler, de la voir sourire. Sa curiosité également — il savait sa sagesse et n'hésitait jamais à la questionner. Mais rien de tout cela n'aurait pu justifier qu'on fasse réveiller la Reine d'un Royaume en guerre, quelques heures seulement avant le lever du jour. « J'y suis pas né d'la dernière pluie », cracha le soldat, l'air profondément méfiant, pour le peu qu'il lui était donné de voir. L'Hylien soupira, laissant son regard monter le haut des remparts, s'interrogeant silencieusement. Par tous les saints, pourquoi avait-il décider d'emprunter la Grand-Porte ? Chaque tentative ressemblait à la précédente, toujours plus proche d'une véritable menace. « Rent' chez toi ! Faudrait-y pas que la donzelle s'inquiet' ! » Siffla une nouvelle fois le troupier. Il n'aurait su dire pourquoi, mais les joues du vagabond lui semblaient soudainement tièdes, un peu plus chaudes que la nuit humide et glaciale, tandis que ses yeux se perdaient par delà les murailles vers les tours. « Je... — », commença-t-il, avant d'être brusquement coupé par le cliquetis des mailles et le grincement de l'acier : l'homme avait frappé dans le vide. « J'il d'rais pas deux fois, garçon ! Rent' chez ta donzelle, bourre-z-y et dors. S'non, c't'aux cachots qu't'u va pioncer. » Le ton, plus que les propos même, était sans équivoque. Passant la main sur son visage, fatigué et las, il ramena sa capuche de bure sur sa gueule, avant de tourner les talons.

Alors qu'il s'éloignait de l'arche principale, le Sans-Lignage gardait les yeux fixés sur les murs, dont il n'oubliait jamais qu'ils avaient été forcés une fois au moins. Il renifla, passant la main sous son nez, tout en contournant des murailles qui parvenaient à l'impressionner sans jamais le convaincre réellement. A force de parcourir temples, donjons et forteresses, il avait fini par comprendre que les portes n'arrêtaient que ceux qui ne souhaitaient pas les passer. Les hommes derrières les créneaux, eux, formaient un rempart dans lequel il pouvait croire... mais qui ne suffisait pas pour autant à le rassurer. D'un rapide coup d’œil, il s'assura qu'aucun garde ne pouvait le surprendre, avant d'entreprendre sa montée. Quelques minutes, et une bonne suée, plus tard, ses bottes de cuir claquèrent pour la première fois le pavé du chemin de ronde. Çà et là brillaient les lanternes portées par les hommes de Llanistar qui, si elles les éclairaient, les rendaient également plus visibles. Quelques torches fixées aux parois projetaient une faible lumière orangée. Il savait, de mémoire, que les écuries étaient plus au nord et qu'il pourrait passer par les toits pour descendre. Accroupi, le faux-Kokiri progressa aussi discrètement qu'il savait le faire, jonglant avec les ombres comme certains acrobates avec les torches. Peu à peu, il gagna le nord de la Grand-Place du Castel, puis l'appentis qui faisait office de toiture pour le haras. Enjambant les goulets de grès gris, il joua tant bien que mal de sa carrure pour ne pas alerter les bêtes, priant il ne savait trop quoi que cela suffirait. Le bois tangua, craquant légèrement sous son poids. Tâtonnant, il avança un pas avant l'autre, tentant de ne pas faire plus de bruit qu'il n'en avait déjà fait. S'il n'avait pas réveillé les chevaux, il ne fallait pas compter parmi les plus brillants des mages pour savoir que la nuit, les sons se propageaient mieux.

"Hmpf... —" souffla-t-il, en se réceptionnant sur le limon de sable et de gravillon malmené par la pluie. Sans attendre qu'un des hommes en patrouille ne s'empare de lui, il s'engouffra sous le porche le plus proche, puis gagna les entrailles du Palais des Rois. Les couloirs se ressemblaient tous... mais plus qu'aucun des palais enfouis, des basiliques effondrées; des sanctuaires rongés par le temps et la verdure ; plus qu'aucun des bastions et des forts qu'il avait du explorer, le Castel-Réal avait marqué son esprit. L'intérieur de l'Arbre Mojo continuait parfois à l'effrayer, en rêve, de la même façon que la demeure des Rois l'impressionnait et l'écrasait. Il poussa un léger soupir, non sans masser son genou, légèrement douloureux depuis sa descente. « Peste ! — », siffla-t-il tout bas, veillant à ne pas se faire entendre des hommes qui venaient de passer, patrouillant à la lueur de chandeliers. Ils n'avaient pas voulu le laisser entrer et il doutait très sincèrement qu'on le mène jusqu'à Zelda parce qu'il l'aurait demandé, une fois attrapé. Prudemment, mais aussi prestement qu'il le pouvait néanmoins, il progressa le long des allées et des venelles de pierre, jusqu'à gagner l'un des escaliers empruntés par les servants pour desservir les étages supérieurs. Du pied, il foula le tenture vermillon et dorée qui tapissait certaines des galeries les plus riches des lieux. En d'autres temps et d'autres circonstances, sans doute se serait-il amusé d'une situation qui ressemblait presque aux aventures interdites de deux jeunes adolescents. Eviter les gardes pour rejoindre la princesse était un passe-temps qui lui était venu tôt... mais pour l'heure trop de plombs pesaient sur son esprit pour qu'il se réjouisse de ce qui n'avait plus rien d'anodin. Progressant tant bien que mal au sein du labyrinthe du Castel, Link finit par atteindre la suite Royale du deuxième palier. Aucun homme - aucune femme non plus - n'avait été dépêché pour la garder et l'espace d'un instant il s'interrogea, conscient qu'il était tout-à-fait plausible que la Reine ne soit pas présente. Il ignorait tout, après tout, de son agenda et des éventuelles visites diplomatiques qu'elle pouvait être amenée à faire. Soupirant, sans trop espérer, il laissa cependant sa main glisser sur la anse. « Aoutch ! — » Persifla-t-il, retirant brusquement ses doigts légèrement rougis avant de les secouer comme s'il avait été brûlé. « Qu'est-ce que... », commença-t-il, les yeux d'abord rivés sur sa paume, avant qu'ils ne reviennent sur la porte. D'instinct, son autre main s'était emparée de sa lame, sans pour autant la tirer. Tout cela ne lui disait rien de bon.

Il réitéra son geste et cette fois le seuil s'ouvrit à lui sans broncher, pour mieux dévoiler une Zelda visiblement assoupie. Son regard s'attarda un instant sur la silhouette rassurante de son amie, avant qu'il n'entre dans la chambre et ferme la porte derrière lui. Le Fils-de-Personne ne put s'empêcher un demi-sourire en constatant qu'elle n'avait pas pris le temps de fermer la fenêtre, d'éteindre les quelques bougies qu'elle avait portées jusqu'à sa table de nuit ; ou même de fermer l'ouvrage qu'elle commençait à lire. A pas de loup, il s'approcha du mur sud et scella la lucarne, non sans un bref regard vers l'extérieur comme aspiré par l'horizon l'espace d'une seconde. Tout aussi silencieux qu'il en était capable - il était hors de question qu'il la réveille -, il s'approcha ensuite de l'immense lit, ramassant le livre tombé sur la peau d'ours. Par curiosité plus que quoique ce soit d'autres, il le feuilleta brièvement, sans en saisir le sens de près ou de loin. L'Hylien se mordit doucement la lèvre du bas, regrettant de ne pas avoir Navi avec lui : jamais elle ne lui avait fait défaut en ce domaine, et grâce à elle il avait toujours su maintenir l'illusion. Déposant le volume sur le pupitre, il s'accorda un dernier regard à la belle avant de souffler les flammes du chandelier. « Dors bien ~ », murmura-t-il, si bas que lui même s'entendait à peine.


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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(vide)

La petite princesse glissa sa main sur le museau du cheval et fut étonnée de la douceur de son poil. Une légère brise soufflait sur ses joues. Ça lui avait manqué, pas seulement le vent de liberté qui soufflait sur la plaine mais lui aussi. Ses yeux se tournèrent vers la silhouette du jeune garçon qui se tenait juste à côté du cheval, et elle lui sourit. Elle ne savait pas précisément à quand remontait la dernière fois qu'elle l'avait vu, mais elle savait qu'il ne venait pas souvent, pas assez. Elle s'apprêtait à lui dire combien elle était ravie de le voir là mais ce fut lui qui parla le premier. Elle perdit son sourire. Il voulait partir, loin d'elle ? Ils étaient seuls, devant le pont-levis, et elle tournait et retournait dans ses mains l'Ocarina qui ne s'y trouvait pas quelques minutes auparavant. S'il l'emportait, les Déesses le protégeaient. S'il l'emportait, il penserait sans doute un peu à elle.

Quand elle le lui tendit, il ne refusa pas de le prendre. Savait-il qu'il emportait un morceau d'elle ? Que depuis sa plus tendre enfance ses parents lui avaient confié la tâche de veiller sur cet instrument, et qu'à lui, à lui seul, elle le confiait ?

Le feu crépitait dans la cheminée. Au loin, elle entendait des bruits de pas résonner dans les couloirs du château. C'était lui qui s'en allait, elle n'aurait pas su dire comment, mais elle le savait. Elle se leva prestement du fauteuil dans lequel elle était assise, et sans vraiment réfléchir, elle se mit à courir, rattrapant tant bien que mal la distance qui la séparait déjà de lui. Il ne se pressait pas, elle si, ses souliers claquaient contre les pavés. Pourtant, elle avait l'étrange sentiment que le couloir s'étirait, qu'il était trop long, qu'elle ne le rattraperait pas. Elle n'abandonna pas, elle accéléra, élançant son bras en avant, et sentit ses doigts se refermer sur le tissu. Elle sentit, plus réelle que toute autre sensation jusque là, des gouttes d'eau qu'elle ne voyait pas glisser sur sa main. Ses lèvres rémunèrent tout de même.

"Moi je ne veux pas que tu t'en ailles !"

Ses doigts étaient toujours trempés, un peu froids. Ses yeux s'ouvrirent doucement, et alors que sa conscience lui revenait, elle chercha à distinguer quelque chose dans la pénombre. Il y avait quelqu'un près d'elle, et elle n'était pas certaine de ne plus rêver.

"Link... ?"

L'obscurité était sans doute à son avantage finalement, il ne la verrait peut-être pas rougir.

"Tu es vraiment là... ?"

Ses doigts lâchèrent le tissu humide alors qu'elle se redressait légèrement pour atteindre la joue du jeune homme. Sa main, non gantée pour une fois, rencontra délicatement la peau de son ami. Un vrai sourire illumina le visage de la princesse cette fois.

"C'est toi."

Il n'avait pas perdu son habitude de la surprendre sans s'annoncer. Mais comment aurait-elle pu lui en faire le reproche alors que ses visites lui réchauffaient toujours le cœur. Elle ne lui demanda même pas comment il était entré, s'il était passé par la grande porte pour une fois. Ce qui comptait c'était sa présence.

"Tu as l'air trempé jusqu'aux os..."

Soudain inquiète, elle se souvint de la pluie qui tombait juste avant qu'elle ne rejoigne son lit. Elle chercha à distinguer la fenêtre, mais bien qu'elle ne se souvienne pas l'avoir fermée, elle eut l'impression que c'était le cas. Le courant d'air avait cessé.

"N'hésite pas à retirer ça, enfin je veux dire ce qui est trempé, au moins ta cape..."

Pourquoi ne l'avait-il pas encore fait ? Elle espérait qu'il ne soit pas juste de passage, il n'allait tout de même pas repartir si vite par un temps pareil, de nuit, pas pour une fois qu'elle avait enfin l'occasion de le voir ?

"Tu ne comptais pas partir tout de suite... hein... ?"

Comme pour se rassurer, ses mains glissèrent jusqu'à l'attache de la cape de son invité, prête à l'aider à s'en défaire.


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Sous ses doigts, la commode grinça doucement. L'épaisse armoire sur laquelle il s'était appuyé pour mieux quitter les lieux dans l'obscurité ne fut pas, cependant, ce qui l'arrêta. Une seconde, l'Hylien crut qu'il avait accroché quelque chose en sentant l'étoffe de sa pèlerine se tendre. La voix qui s'éleva ne tarda guère à lui donner tort, tandis qu'un demi-sourire presque amusé venait étirer ses lèvres. Sans un mot, il s'arrêta, comme pour ne pas forcer la Suzeraine à tirer plus fort. Quand il lui sembla qu'elle s'éveillait déjà un peu plus, il tourna les talons, les yeux à peine habitués à l'ombre qui régnait sur la pièce, et chercha son regard. La jeune femme était allongée, à l'évidence sur le flanc, emmitouflée dans un lourd édredon de saison. « Shhhhh ~ » Fit-il doucement, en s'agenouillant devant la Princesse. Si la monarque n'était pas aux portes du sommeil, tout juste drapée d'un déshabillée – à en croire le tissu qui couvrait maladroitement ses épaules – et étendue dans son lit, la scène aurait presque pu passer pour chevaleresque. Amusé par cette dimension incongrue, il ne la chassa pas moins de son esprit, alors que Belle glissait délicatement la main sur sa joue, non sans passer sur la cicatrice qui la barrait. Il garda le silence, alors que sa langue à elle se déliait, et ramena sa propre main cernée de cuir sur celle nue de son amie. « Qui veux-tu que cela soit ? ~ », souffla-t-il, d'humeur taquine, quand Zelda commençait à cesser de rêvasser et revenait du monde des Songes. « A une telle heure de la nuit ? », ajouta-t-il ensuite, alors que son regard glissait silencieusement vers la fenêtre qu'il avait refermé et qu'il réalisait combien il était égoïste de sa part de rendre visite à son amie à ce moment précis. Il savait pertinemment les difficultés qu'elle avait à trouver le sommeil ; les responsabilités qui pesaient sur son échine et dont il avait toujours craint qu'elles ne la broient. Son ton n'avait déjà plus ce sourire qui l'illuminait, quelques secondes plus tôt. Alors qu'il s'apprêtait à s'excuser, la dernière Nohansen reprit la parole, visiblement inquiète de son état. Il ne put s'empêcher un soupir, dont il ignorait s'il était soulagé, surpris ou presque agacé d'inquiétude, face à ton de dévotion.

"Ce n'est qu'un peu d'eau, tu sais ?" Siffla-t-il gentiment, laissant les mains royales quitter ses joues pour gagner le petit bouton en os qui maintenait sa cape juste en dessous de sa gorge. L'étoffe était épaisse, rugueuse, et sans doute malodorante après une presque-nuit à absorber les larmes des Déesses. Il crut voir le regard de Zelda fuir vers la fenêtre. « Je... », commença-t-il assez hésitant, comprenant doucement à quel point il s'était immiscé de son propre chef dans l'intimité de la jeune souveraine. La pluie avait cessé depuis un moment quand il avait gagné la chambre, et peut-être avait-elle voulu conserver cette fenêtre ouverte. « J'ai cru que... enfin.. —  » Presque nerveusement, le faux-Kokiri cherchait à se justifier, comme un enfant pris en faute. « Je me suis permis de la fermer.. » Conclut-il finalement, tandis que les doigts de son amie achevaient dégrafer l'attache de son manteau de bure. La lourde cape demeura néanmoins sur ses épaules, bien équilibrée, et l'élue de Nayru poursuivit sans plus se soucier de ce qu'il avait tenté d'expliquer. Elle reprit la parole, sans qu'il ne puisse la voir rougir, mais cela suffit néanmoins à apaiser ses craintes et presque à le faire se sentir stupide de s'être fait du soucis pour quelque chose de si anodin. « C'est que... », commença-t-il, détournant légèrement les yeux du regard céruléen et intense de son amie d'enfance vers la peau d'ours qu'il foulait du pied et du genoux. « Je n'ai pas grand chose d'autre. » Souffla-t-il, comme pour se défendre d'avoir à se défaire de ses maigres possessions. « Et puis... où voudrais-tu que... — » D'une main et sans doute involontairement, la Princesse de la Destinée le coupa. Ses doigts avaient glissé sous la bure, épousaient son épaule et avaient fait tomber l’étoffe dans son dos. «... que je laisse tout ça ? » S'enquit-il néanmoins, probablement plus pour la forme qu'autre chose. Elle venait de répondre à sa question dans un silence presque apaisant.

Inconsciemment, il s'était rapproché de la jeune femme. La forteresse de fourrures et de draps qui l'enveloppaient tout à l'heure semblait désormais malmenée, comme si elle souhaitait qu'il la rejoigne. L'Enfant-des-Bois secoua doucement la tête alors que sa main gauche – celle qui portait jadis le Courage ; et avec lui la destinée que les Trois avaient choisi pour lui – s'accrochait doucement au bord du lit de Zelda. Les mains de cette dernière dans son dos le poussaient presque vers l'avant tandis que ses bras l’entouraient à la manière d'une alcôve. « Belle ? » Lança-t-il doucement, si bas de peur de casser l'équilibre d'un moment qui lui semblait suspendu, en dehors du temps. C'est à cet instant précis, quand elle exprima ses inquiétudes, qu'il sentit pour la première fois son souffle sur ses lèvres. Sans trop savoir ce qui lui pris et en lui laissant tout juste le temps de finir sa question, le Fils-de-Personne s'avança. De tout juste quelques pouces. Ce fut suffisant pour voler à la Reine Hylienne un baiser qu'il n'avait jamais osé lui donner. Pendant quelques secondes, tout au plus, le Héros déchu brisa les murailles qui le séparaient de Zelda et unit leurs lèvres. Quelques secondes seulement, durant lesquels il laissa de côté bien plus qu'un haubert sali et puant le sang, une cape de bure et une tunique trouées et décousues, une épée sacrée et une paire de botte de cuir bouilli. Sans avoir rien retiré, ou presque, de tout cet attirail ; il avait pu se délester d'une grande partie des soucis qui lui pesaient sur le cœur.

Cela ne l'empêcha pas de se reculer.

Sur ses lèvres, il passa brièvement son bras, bien trop conscient de tout ce qui interdisait cette histoire de naître, depuis bien des années déjà. Il était le vagabond, elle la Princesse. Au delà des Efelron, des Dun et consorts, rien ne permettait quoique ce fut entre eux. Le simple fait qu'il lui rende visite de nuit comme il le faisait – quoique de jour, le problème soit probablement resté le même – en disait des longs de toutes les règles, toutes les lois, tout le code du protocole, dont il ne saisissait ni l'utilité, ni l'objectif... pour les seules rares qu'il connaissait. Il ignorait combien d'infractions à la bienséance, au décorum et à l'étiquette il accumulait ce soir. Et puis... même s'il n'aimait guère à se les remémorer, le Traître-Prince et le premier époux de Zelda traduisait un constat clair ; auquel il ne voulait pas penser. « Belle, je... » Une nouvelle fois, il ne trouva pas le courage d'affronter le regard de la Princesse. « Je suis désolé de t'avoir réveillée. » Reprit-il sobrement. Accroupi sans être vraiment à genoux, il dansa brièvement d'une jambe sur l'autre pour faciliter la circulation du sang. De l'extérieur, il n'était pas impossible de penser qu'il ne tarderait plus à se relever. La main qui demeurait, tout à l'heure sur le bois de chêne du riche mobilier gagna sa cuisse, en silence. Il inspira, profondément, avant de soupirer, presque bruyamment. « Je sais que tu manques de sommeil... » Du regard, il chercha après l'ouvrage que lisait Zelda avant de s'assoupir. Il l'attrapa et le feuilleta, sans chercher à comprendre le moindre caractère — il ne souhaitait guère que s'occuper les mains, les yeux, et tachait de ne pas repenser à ce qu'il savait tantôt si proche et pourtant toujours hors-de-portée. « Entrer a été un peu compliqué, mais je ne me sentais pas de loger au Temple du Temps. » Les perles polaires toujours vissés sur le livre, il tâchait tant bien que mal de déceler une illustration dans l'obscurité ambiante. Elle lui semblait étrangement familière, mais il ne parvenait pas à en distinguer plus quelques formes brouillons. Il n'insista pas sur son passage par la Cathédrale : Zelda ne le savait pas très fervent et lui-même n'avait aucune envie de s'attarder sur son incapacité à payer un tenancier, fut-ce pour un repas seulement et non la nuit. Il ne doutait pas, de toute façon, que son estomac se signale assez vite.

Il releva brièvement le regard vers Zelda, succinctement, avant de le laisser glisser vers la fenêtre qu'il avait fermé tout à l'heure ; dont les carreaux brillaient à peine. Tout juste éclairés par la lumière blafarde d'une lune sur la descente, ils ne projetaient qu'une faible lueur, loin derrière la belle Hylienne. « Et puis, je... — » Il n'avait jamais été très à l'aise avec les mots, mais étrangement s'exprimer lui semblait d'autant plus complexe qu'il tâchait d'ignorer ce qu'il avait tenté un instant auparavant. Entre ses doigts, les pages continuaient de défiler irrégulièrement. « J'avais envie de te voir. De te parler. » Ces derniers mots lui étaient venus naturellement, même s'ils ne disaient pas tout de ce qu'il avait envisagé. Entre ses mains, l'ouvrage se referma sans bruit.


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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(vide)

Elle n'eut pas le temps de s'inquiéter plus. Sitôt sa question achevée, elle sentit les lèvres de son ami épouser les siennes. Un doux manteau de chaleur l'enveloppa alors qu'elle en oubliait tout le reste. Pas une seconde le protocole ne lui revint en tête, pas un instant elle ne songea qu'elle goûtait à quelque chose d'interdit. Il n'y avait que lui, et tout ce dont elle prenait enfin conscience. Quand il s'éloigna, bien trop vite d'ailleurs, son cœur battait encore à tout rompre. Un sourire béat sur le visage, elle était incapable de détourner les yeux de lui. Pourtant il lui sembla que tout dans cette pièce attirait l'attention du jeune homme à part elle.
Sans détacher son regard de lui et sans un mot, elle écouta les excuses dont il croyait avoir besoin pour justifier sa présence, se demandant s'il regrettait ce qui venait de se passer. Mais quand enfin il en vint à la vraie raison de sa visite, elle se rassura.

Doucement la jeune femme se dégagea des larges couvertures et laissa glisser ses pieds à terre. Dans un même mouvement ses jambes rejoignirent ensuite le sol, frôlant de ses genoux nus les poils de la peau de bête où était encore accroupi Link. À présent bien réveillée, elle n'avait aucune envie de distance ou de séparation entre eux.

"Tu peux dormir ici. Tu es comme chez toi, toujours."

Sa main se posa sur le livre à présent fermé, comme pour l'écarter, en espérant capter à nouveau son regard.

"La Déesse et le Héros... C'est un vieux conte, je demandais souvent à Impa de me le lire... Ce n'est pas très sérieux, mais j'ai eu envie de le parcourir à nouveau ce soir..."

Récupérant l'ouvrage, elle le reposa sur la petite table puis reporta son attention sur le jeune homme qui lui faisait face. Le couvant du regard, elle glissa tendrement la main dans ses cheveux. Le jeune garçon qui s'était un jour introduit dans les jardins du château était devenu un bien bel homme, et aucune cicatrice ne pourrait gâcher cela à ses yeux.

"Link, je..."

À la vue de ses lèvres ce fut à son tour de rougir et de baisser les yeux un instant, essayant de calmer les battements de son cœur.

"Tu es la plus belle surprise que je puisse espérer trouver à mon réveil."

Instinctivement elle se rapprocha, glissant les bras autour de ses épaules. Peu lui importait que ses vêtements soient sales ou trempés, ça ne l'empêcherait pas de se blottir contre lui.

La tête glissée dans le creux de son cou, elle sentit une nouvelle vague de chaleur et ne put se retenir d'y glisser un baiser, puis un autre, et bien vite de lui dévorer le cou. Ses mains glissèrent jusqu'aux lacets de sa tunique, pour tenter de les détacher. Ses mains sentirent le haubert dessous et elle se demanda comment elle allait pouvoir lui enlever tout ça. Elle n'avait pas idée de par où elle devait commencer. De vagues souvenirs lui revinrent de son éducation militaire, enfant. Elle avait alors aidé des soldats à enfiler ou retirer diverses armures. Tout ça lui paraissait si loin à présent... Sans doute aurait-elle été plus attentive si elle avait su que l'exercice pourrait lui servir un jour. Elle ne put retenir un petit rire tout en revenant au niveau de son visage, coller son front au sien.

"Je me sens tellement maladroite, je n'ai aucune idée de comment on retire tout ça. Il faudra m'aider..."

Son ton était à la fois complice et espiègle. Cette fois elle ne détourna pas les yeux. Timidement elle unit à nouveau ses lèvres aux siennes, logée dans ses bras cette fois.


Link

Héros du Temps

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(vide)

Le rouge lui chauffait encore les joues quand la jeune femme se glissa doucement en dehors du lit. Il n'avait pu s'empêcher de fuir son regard, tout du long de ses brèves explications, regrettant presque l'audace qui l'avait saisi — qu'il n'avait pas su taire une nouvelle fois. Il avait senti sur lui, sur ses lèvres, sur son âme presque, les yeux de Zelda, qui le scrutaient ; et plus que jamais il avait pris peur de l'avoir brusquée, elle qui avait toujours tant compté. De honte, mais aussi de crainte, son visage s'était paré d'un rose cerise invisible dans la nuit. Du moins l'espérait-il... Et pourtant, quand les jambes nues de la Princesse quittèrent l'édredon pour rejoindre la fourrure, il ne put s'empêcher un regard. Ses yeux s'attardèrent, remontant le long des cuisses gracieuses et galbées de son amie, jusqu'à ce qu'il réalise ce qu'il était en train de faire. Une nouvelle fois, ses joues le piquèrent plus qu'il n'osait l'avouer.

"Belle, je .. —", commença-t-il, avant de s'interrompre. Les billes de glaces dans celles, céruléennes, de Zelda, il esquissa le même petit sourire timide qu'elle lui avait tiré, la première fois. Il l'avait toujours trouvée belle, et ses yeux n'avaient cessé de l’envoûter. Elle le coupa avant qu'il n'ai l'occasion de faire le clair dans ses pensées. Tant le ton que le regard de la jeune femme le rassurent assez pour qu'il se laisse aller front contre front. « C'est gentil ~ », souffla-t-il simplement, pour toute réponse. « Je tâcherais d'y penser plus souvent ~ », ajouta l'Hylien, soudainement plus joueur. Le livre entre ses doigts demeurait toutefois son échappatoire, malgré le demi-sourire qui tirait maintenant ses traits. Son regard quitta ses yeux, descendant brièvement le long de la gorge de la souveraine, jusqu'à leurs mains. Les siennes toujours fermés sur l'ouvrage, celles de Zelda les superposant.

Il ne dit pas un mot quand elle récupéra son bien, ni quand elle lui expliqua vaguement – et bien involontairement, sans doute – son contenu. La légende dont il était question ne pouvait que l'intriguer, surtout ce soir-là, mais la Princesse de la Destinée l'avait toujours cru en mesure de lire. Pour rien au monde il n'aurait changé cette impression qu'elle pouvait avoir de lui. Il préférait mille fois qu'elle le croit lettré : c'était une façon, vraisemblablement, de s'immiscer un peu dans un monde qui lui était, du reste, totalement interdit. « Tu... — », s'essaya-t-il simplement, quand elle lui retira le recueil de conte des mains, sans pour autant l'intention de la couper. « Vas-y ~ », glissa-t-il alors, pour l'inciter à reprendre. Ses mains maintenant libres, il laissa ses doigts jouer doucement avec ceux de la jeune femme, empli d'une tendresse infinie, ou presque. Autrement plus serein qu'un instant auparavant, l'Enfant-des-Bois avait l'agréable sentiment d'un cocon qui l'entourait, tiède et protecteur. Son amie ne tarda d'ailleurs pas à personnifier son impression, refermant ses bras autour de ses épaules et se pressant à lui. D'instinct, ses mains grimpèrent dans le dos de Zelda, jusqu'à gagner le creux entre ses omoplates, la serrant davantage contre lui. Lui, trempé couvert d'une tunique et d'un haubert puant le sang autant que la sueur ; elle tout juste drapée d'un négligé blanc.

La chaleur de l'étreinte l'envahit avec autant de facilité qu'elle n'avait déjà conquis la princesse Hylienne. Les lèvres de la jeune femme trouvèrent rapidement son cou, et ses doigts glissèrent doucement le long de l'échine de son amie. Laissant sa main courir le long de la ligne de son dos, de haut-en-bas, puis de bas-en-haut, il ne réalisa pas vraiment que, naturellement, son autre paume était venue épouser la hanche de sa partenaire. Rapidement, elle exposa un peu plus, délaçant le col de sa tunique, qu'il ne nouait que quand le temps l'y forçait. Il ne chercha pas à l'arrêter, allant même jusqu'à glisser son nez contre le sien, sans trop savoir ce qui le prenait. Cette soudaine proximité suffisait à l'enivrer.

Une nouvelle fois, son front épousa celui de la suzeraine, tandis que ses doigts fins venaient tâter la chemise de maille, qu'il portait parfois sous sa tunique, plaquant l'alliage mouillé contre son torse. L'aveux de son amie lui tira un petit soupir amusé. « Je te montrerais ~ », glissa-t-il dans un souffle à l'oreille de sa Princesse. Sur un ton taquin et amusé, il enchaîna. « Ça n'a rien de bien sorcier, tu sais ~ », et pour cause. Le haubert qu'il avait enfilé la dernière fois qu'il avait eu l'occasion de s'armer et de prendre avec lui un semblant d'armure n'était ni une broigne, ni une lamellaire, et moins encore une armure de plaques. Des hommes comme Llanistar, ou comme certains chevaliers qu'il avait parfois pu croiser ; dans les couloirs du Castel ou errants sur les routes de terre battue. « Ça peut même s'ôter seul ~ », ajouta-t-il sur la même intonation, le front toujours contre celui de l'Enfant de la Destinée.

Avant qu'il n'ajoute quoique ce soit, Belle vint chercher un baiser qu'il n'avait aucune envie de lui refuser. Une nouvelle fois elle se pressa contre lui et une nouvelle fois encore, une vague de chaleur l'envahit. Le cocon protecteur de ses bras l’apaisait, usuellement. Ce soir, c'était différent. Sa deuxième main gagna rapidement la hanche de Zelda, tirant presque inconsciemment son bassin contre le sien. Il sentait bien – comment ne pas le sentir ? – comment l'étreinte glissait en l'un de ces instants qu'il n'avait plus savouré depuis déjà des lustres. Tendrement, il mur un terme à l'embrassade, s'éloignant juste assez pour pouvoir garder son front sur celui de son amie.

Quand ses lèvres retrouvèrent leurs liberté, il haletait. S'accordant une petite seconde pour respirer, il laissa ses yeux se noyer dans ceux de la Princesse. « Tu crois que — », commença-t-il assez hésitant avant de reprendre, « J'ai l'impression de n'avaler que des racines depuis que je suis né et ça fait une éternité que je n'en ai pas mangé... » En vérité, s'il avait effectivement faim – et son ventre aurait tôt fait de le lui rappeler – la scène avait surtout un petit côté intimidant, qu'il n'aurait su expliquer. Avant que son amie ne puisse répondre quoique ce soit, il l'attira contre lui, désireux de ne pas perdre cette proximité qui, pourtant, l'effrayait doucement. Plus que jamais, il avait envie d'elle, de son cœur, de ses lèvres, de son regard, de sa gorge ou de ses jambes. Il aimait sentir ses baisers monter le long de son cou, ses doigts effleurer son visage et souligner le trait qui lui marquait la joue. Il espérait deviner à nouveau la respiration de sa Princesse s'accélérer, découvrir son poing fermé sur l'une des étoffes qui lui alourdissait le dos, où sur les poils de la fourrure sous leurs genoux... et pourtant, il ne s'y sentait pas tout à fait prêt. Pas dans l'immédiat. Cette inquiétude le rongeait doucement, tant et si bien qu'il serra la jeune femme plus fort contre lui, de peur de la perdre. Une fois de plus. « Promets-moi, s'enquit-il désormais un peu soucieux, promets-moi que tu seras toujours là... — »

L'espace d'un instant, il laissa le silence s'installer. Sans doute avaient-ils tout deux besoin d'un moment, encore hors-du-temps, avant d'en revenir à un monde qu'ils savaient autrement plus trivial, autrement dur, cruel et froid. Après quelques minutes d'étreintes, il finit par s'arracher – non sans difficulté – aux bras de Zelda. Se relevant doucement, il couvrit son ventre de ses mains quand celui-ci grogna avec une insistance qu'il préférait ignorer. Gêné, il esquissa un petit sourire timide a l'attention de sa Princesse avant de s'enquérir d'une question primordiale. « On ne peut pas vraiment y aller ainsi, si ? » Son regard embrassa la souveraine, dont le déshabillé était presque aussi trempé que sa tunique et ses mailles. Ses yeux ne purent s'empêcher de l'envelopper, une seconde, dans un cocon de tendresse et de désir. Une minute de plus, ils se laissèrent aller à contempler la chute de sa gorge. Par endroit le tissu devenait presque transparent. Manifestement trop épais pour vraiment dévoiler quoique ce soit, cela n'en demeurait pas moins une tenue peu appropriée pour arpenter les couloirs et les allées du Palais des Rois. Quant à lui... il avait l'impression de ne pas avoir retiré ces mailles et cette tunique depuis des siècles, sinon des années. Le tissu, imbibé de sang, de sueur, d'alcool – parfois – avait été déchiré, repris, rapiécé, tâché, abîmé ou brûlé si souvent qu'il en avait perdu le compte. Il poussa un profond soupir alors que son esprit vagabondait, subitement, vers une envie qu'il refréna néanmoins. En vérité, plus qu'un repas, c'était sans doute d'un bain chaud qu'il voulait le plus. Fermant les yeux, il repensa aux herbes des Bois Perdus que Saria aimait à cultiver, quand il était enfant. Il avait toujours eu l'habitude – quand cela lui était possible – d'en lâcher une poignée dans la jale. Il leur prêtait des vertus apaisantes et elles lavaient les plaies bénignes ; en plus d'aromatiser l'eau. Le parfum n'avait rien de fort, ou de durable, mais il évoquait sa Forêt. « Dit, siffla-t-il doucement, l'esprit encore ailleurs et les yeux toujours fermés, ce conte, sur la Déesse et le Héros, tu me le raconterais ? » La question tenait plus du murmure que de la vraie conversation, mais le sujet l'intriguait particulièrement. Il n'avait pas oublié son intention de passer par les archives du Castel, avant de quitter les lieux...


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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(vide)

Voilà longtemps qu'elle n'avait pas ressenti une si douce chaleur. Elle haletait encore quand leurs lèvres se séparèrent. Le regard plongé dans le sien, le pouls plus rapide que jamais, elle attendait fébrilement la demande du jeune homme.

"Oui.... ?"

La suite lui fit l'effet d'une douche froide. Non pas qu'elle ne se préoccupe pas de l'état de son ami, encore moins que sa demande d'un repas ne soit pas légitime. Au contraire, elle s'inquiétait souvent de savoir s'il était bien nourri et logé au cours de ses absences, et insistait quand elle le pouvait pour qu'il emporte de quoi manger lors de ses passages au château. C'était plutôt qu'elle avait l'esprit à autre chose, et s'était attendue à une demande d'un genre différent. Pour peu, elle aurait pu prendre la demande comme une esquive ou un manque d'intérêt, et le doute faisait petit à petit son chemin dans son esprit.

Avant qu'elle ait eu le temps de répondre, le jeune homme la serra à nouveau contre lui. Elle ignorait s'il avait senti ses peurs, ou s'il avait juste aussi peu envie qu'elle de se soustraire à leur étreinte mais elle accueillit avec soulagement cette prolongation. La chaleur et les mots de son ami l'apaisèrent. Blottie contre lui, tout lui semblait simple, évident.

"C'est promis Link, je serai toujours là."

Il n'imaginait sans doute pas tout ce à quoi elle était prête pour lui. Mais elle fit taire ses pensées, profitant encore quelques instants de la douceur de ses bras. Elle attendit qu'il rompe l'étreinte et se relève pour en faire de même.
En entendant grogner son ventre elle se sentit idiote de ne pas avoir deviné plus tôt qu'il avait sans doute manqué de confort ces derniers jours.


"Pardonne-moi, j'aurais dû y penser..."

Il était plutôt rare qu'elle écoute ses propres envies, et cette fois elles avaient totalement occulté son rôle d'hôte. À la question du jeune homme elle suivit son regard et baissa les yeux sur l'état de sa propre tenue avant de jeter un coup d’œil plus détaillé à celle de son ami. Elle n'avait pas besoin d'être devin pour s'apercevoir qu'il avait dû dormir plusieurs nuits de suite à la belle étoile et que s'il avait pris un bain ou changé de tenue, la boue, la pluie et les combats en avaient sans doute ruiné l'effet depuis.

La princesse se dirigea vers l'une des grandes armoires qui parsemaient sa chambre. Bien vite, elle trouva une autre robe de nuit, plus propre, qui se substituerait sans mal à celle qu'elle portait, ainsi qu'une robe plus épaisse et plus habillée qu'elle passerait par dessus avant d'arpenter les couloirs. Alors qu'elle les entassaient sur son bras, Link la questionna sur le conte qu'elle avait lu avant de s'endormir.

"Pourquoi pas..."

Le rouge lui était monté aux joues. D'une certaine façon, l'idée de lui raconter un conte qui la faisait particulièrement et depuis si longtemps penser à lui était un peu intimidante, mais elle était plaisante aussi.

"C'est juste un conte, une de ces vieilles histoires qu'on racontait aux enfants il y a bien longtemps, qu'ils transmettaient ensuite à leurs enfants avec leurs propres mots et que quelqu'un a un jour portée à l'écrit. Il n'y a sans doute rien d'exact là-dedans, mais... Je l'aime bien."

Petite, alors qu'elle usait le livre à force de le parcourir, ses professeurs n'avaient cessé de la mettre en garde sur ce point. Même si on y trouvait parfois les bases de faits réels ou des morales bien tangibles, les histoires déformées par le temps et embellies pour ravir les petits n'avaient rien de fiable en terme d'Histoire.

"Tout commence il y a très très longtemps. Quand les Déesses rendaient encore visite aux humains, et que la vie était un combat de tous les instants. En ces temps où des hordes de monstres écumaient les plaines fertiles, bien plus qu'on n'en croise encore aujourd'hui en voyageant."

Elle posa délicatement sur le lit les vêtements qu'elle avait sélectionnés, tout en continuant à résumer le conte favori de son enfance.

"Il y avait à cette époque un petit village qui subissait des assauts particulièrement nombreux et meurtriers. Ils l'ignoraient, mais la richesse de leurs terres n'en était pas la seule raison. C'était aussi là que les Déesses, après avoir créé toute vie et avant de repartir dans les Cieux, avaient laissé leur trésor sacré. Sa puissance irradiait du village, et si elle apportait abondance et prospérité, elle attirait aussi les convoitises de ceux qui ressentaient ce pouvoir, qu'ils en connaissent ou non la source."

Ses yeux s'attardèrent un instant sur le symbole au dos de sa main. Que le conte soit vrai ou non, la Triforce continuait d'attirer les convoitises.

"Dans ce village, vivait un jeune homme au cœur pur. Il avait perdu ses parents très jeune, et s'il semblait, lui aussi, attirer les monstres qui rodaient près du village, il avait dû s'adapter et apprendre à se défendre pour survive. Doué au maniement de l'épée, il était finalement passé de simple fermier à milicien en intégrant la troupe de villageois qui défendaient leurs terres."

Sans un regard en arrière pour vérifier si Link l'observait toujours, Zelda se mit à détacher les attaches de la robe de nuit qu'elle portait. Cette dernière glissa bientôt jusqu'à ses pieds, révélant les détails qu'elle cachait jusque là.

"Un jour où il était parti dans les bois en mission de reconnaissance, il fit une découverte surprenante. Une jeune femme, à la beauté surnaturelle, qui semblait perdue. Ses longs cheveux blonds brillaient comme de l'or, sa peau paraissait plus douce que le plus riche des velours. Le tissu dont elle s'était parée lui semblait plus précieux que tout ceux qu'ils avaient jamais pu toucher."

Les yeux de Zelda se perdirent dans le vide, et les commentaires du Pontife lorsqu'il s'était invité au château en pleine nuit lui revinrent. Link pensait-il la même chose ? Avait-elle l'air fatiguée, peu apprêtée ? Elle tâcha de mettre de côté ces inquiétudes et d'ignorer la tentation de se retourner pour voir s'il avait détourné les yeux ou non.

"Intimidé, le jeune homme pense un instant à reprendre sa route, mais l'idée que la jeune femme soit perdue et livrée à elle-même, ainsi que le regard pénétrant qu'elle porte sur lui, le décident à lui adresser la parole. Il interroge la jeune femme, et si celle-ci ignorait jusque là le nom de son village, elle insiste quand même pour s'y rendre, prétextant avoir trouvé exactement ce qu'elle cherchait."

La nouvelle robe de nuit glissa sur ses épaules, cachant ce qu'elle aurait pris soin de ne pas dévoiler s'ils n'avaient pas été seuls.

"Le jeune homme décide de ramener l'inconnue chez lui. Si elle a l'air attentive lors de leur arrivée au village, elle parle peu, et semble ne pas se préoccuper des autres habitants et des regards surpris qu'ils échangent. Elle parait chercher quelque chose, mais ignore les questions."

Zelda passa la robe de chambre autour d'elle, tout en se retournant vers Link, un sourire aux lèvres en surprenant son regard.

"Les jours passent, alors qu'il héberge la magnifique jeune femme. Il se rend vite compte que quelque chose, chez elle, semble différent. Elle ne cille pas, lorsqu'un crieur annonce la perte de jeunes enfants imprudents aventurés trop loin du village. Elle ne tremble pas, en entendant des éclaireurs annoncer des attroupements de monstres encore plus nombreux qu'à l'habitude. Il n'assiste à aucune démonstration de joie, ni de tristesse, comme si elle n'en ressentait pas. Elle semble se contenter d'observer, d'analyser."

La princesse rangea les vêtements sales dans un panier avant de venir saisir la main de Link pour l’entraîner doucement hors de la chambre.

"Le jeune homme ne peut s'empêcher de se demander qui elle est, d'où elle vient, et si elle attend quelque chose. Mais à défaut d'avoir des réponses à ses questions, et puisqu'elle ne semble pas avoir d'occupations particulières pour remplir ses journées, il se met en tête de lui faire découvrir la région. Il lui montre alors les forêts et leurs sols tachetés d'ombre et de lumière, la fait naviguer sur la rivière où il a appris à nager enfant. Il lui fait visiter le moindre recoin du village, depuis les étables jusqu'au sommet du moulin. La nuit, il lui nomme les étoiles, lui indique les plus brillantes qui peuvent la guider dans l'obscurité."

Zelda s'arrêta un instant dans un couloir en apercevant un garde qui fait sa ronde. Elle prit un instant congé de Link pour aller lui donner des instructions. À leur retour dans la chambre, elle espérait pouvoir offrir à son ami l'occasion d'un bain et de vêtements propres, mais en attendant elle avait choisi de le mener aux cuisines. Elle reprit le récit en revenant à ses côtés.

"C'est beau. C'est ce qu'elle lui dit, simplement, en contemplant les étoiles. Et il sourit dans le noir. Petit à petit, au fil des visites, il l'avait sentie plus expressive, plus humaine, son impression se confirme. Il est tout de même surpris quand il la sent se blottir contre lui, mais il la laisse faire.

Les jours passent, et si la jeune femme reste discrète sur ses origines, sa froideur a laissé place à plus de chaleur, plus d'émotions. Elle prend part à la vie du village, parle avec leurs voisins. Il lui arrive à présent, de sourire, de rire, et parfois même de regarder le ciel d'un air triste, sans qu'il ne comprenne pourquoi."


Ils arrivèrent enfin à la cuisine, et Zelda jeta un regard aux alentours. La pièce était vide, comme elle s'y attendait. Les domestiques se lèveraient sans doute tôt, mais il faisait toujours nuit noire, et la pièce resterait encore calme un moment.

"Un matin, après une nuit particulièrement douce et chaude, le jeune homme se réveille seul. Il trouve la jeune femme postée devant la fenêtre, l'air préoccupée. Alors qu'il s'apprête à lui demander ce qui se passe, la cloche du village se met à retentir. La cloche qui annonce une attaque. Elle l'arrête avant qu'il n'ait pu se précipiter sur la porte."

La princesse ouvrit quelques armoires qu'elle savait remplies de vivres, laissant à Link le soin de choisir ce qui lui faisait envie.

"Elle lui dit qu'il ne s'agit pas d'une attaque ordinaire, que cette fois, le village ne s'en sortira pas. Et devant son air surpris, et sceptique, elle lui avoue ce qu'elle n'a pas encore voulu, ou osé, lui dire. Elle est une Déesse, venue protéger le trésor caché sur ses terres, et son peuple par la même occasion. Mais elle n'y arrivera pas seule, elle l'a senti : lui seul pourra manier convenablement l'épée forgée par les Déesses. Lui seul pourra tenir tête au monstre qui a pris la tête des autres. Et même si une Déesse ne peut pas utiliser le trésor convoité par leurs assaillants, elle peut le mettre en lieu sûr, ainsi que les habitants, tant qu'il la couvre."

Zelda ne put retenir un regard vers Link. Son Héros. À chaque fois qu'elle lisait cette histoire, et même si les circonstances n'étaient pas identiques, et qu'il ne s'agissait que d'un conte, elle ne pouvait pas s'empêcher de se sentir coupable du poids qui pesait sur ses épaules.

"Bien sûr, il est surpris, et soupçonneux. Mais beaucoup de choses s'expliqueraient à la lumière des détails qu'elle lui donne, et l'épée qu'elle a fait apparaître devant lui a l'air de particulièrement bonne facture, il ne perd rien à s'en servir. Il choisit de lui faire confiance, et de suivre ses recommandations. Il verra vite si elle remplit sa part du plan qu'elle propose. Lorsqu'il quitte la pièce, il ne peut pas voir les larmes dans les yeux de la jeune femme, ni entendre les encouragements qui meurent sur ses lèvres."

La princesse posa sur la table la plus proche les couverts qu'elle avait pu trouver. Elle arrivait doucement à la fin de son récit.

"Elle n'a pas menti et tient parole. Alors que l'Elu des Déesses retient le monstre particulièrement puissant et dévastateur qui a pris le commandement des autres, la Déesse profite du délai offert pour mettre en lieu sûr le trésor sacré des Déesses, et avec lui l'ensemble du village et de ses habitants. Elle les fait grimper là-haut, tout là-haut dans le ciel, hors de portée des hordes de créatures qui l'assaillaient.

Elle se presse au secours de son Héros, qui a déjà suffisamment affaibli le monstre qu'il affrontait pour lui permettre de l'enfermer dans un sceau magique et l'empêcher de faire plus de dégâts. Mais lui aussi a subi de gros dommages, et quand elle arrive à ses côtés, il est déjà mourant, elle ne peut plus rien pour lui."


La princesse fit une petite pause. La fin de l'histoire n'était pas particulièrement heureuse, et sans doute rejoignait-elle plusieurs de ses propres craintes.

"Il est trop tard. La Déesse peut tout juste serrer contre elle le corps du jeune homme dont la vie vacille comme une flamme. Ses larmes coulent en le sentant s'éteindre lentement. Elle murmure à son oreille. Des excuses, pour une fin qu'elle connaissait à l'avance mais ne pouvait empêcher. Des promesses, de retrouvailles. Après avoir ramené son corps auprès des siens, elle choisit d'abandonner sa condition de Déesse, pour se réincarner en humaine. Ainsi, peut-être qu'un jour, au détour d'une autre vie, elle aura l'occasion de le croiser à nouveau."

Zelda tira une chaise pour s'asseoir à table avec Link. Elle resta un instant silence avant de reprendre.

"C'est ainsi que ça se termine. Sur une note de tristesse et d'espoir."


Link

Héros du Temps

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Ses doigts craquèrent dans un presque silence tandis que la jeune femme s'éloignait de lui pour gagner l'une des deux larges armoires qui meublait les murs de sa suite. Malgré la lumière de la lune, il peinait à en distinguer le bois sculpté, les motifs et les arabesques. Toute sa vie durant, il était resté admiratif de ces artisans, capables de créer de véritables merveilles à partir d'un bloc de glaise, d'une plaque de bois, d'un carré de roche. Ces ouvrages, il les respectait et les enviait souvent : lui savait manier l'épée, mais pas tanner et traiter le cuir. Il savait blesser, mais certainement pas soigner. Il savait combattre mais difficilement s'affranchir de l'acier pour mettre un terme aux fléaux qui rongeait le Royaume. Sans mauvais sentiment, il jalousait l'inventivité, la détermination et la créativité de ceux qui produisaient. Les artisans, certes, mais aussi les faiseurs de paix, ceux dont la flamme lui semblait ne pas vaciller, même au cœur de la guerre. Son regard revint doucement sur Zelda, épousant sa nuque et ses omoplates et il ne put masquer un demi sourire. Depuis tout jeune, la princesse avait cherché – comme lui, à plus d'un égard – à faire le bien autour d'elle. Jamais, lui semblait-il, elle n'avait eu besoin de recourir à ses méthodes et pour cela il l'admirait aussi. Timidement, conscient qu'il la fixait peut-être trop intensément, l'Enfant-des-Bois ramena ses yeux sur un pli de sa tunique qu'il entreprit d'effacer à mesure qu'elle récupérait de quoi se couvrir. Sans se retourner son amie accepta de lui narrer le récit qui l'avait fait rêver toute son enfance. Lui avait appris à se méfier des légendes ; à faire confiance à la longueur et à la force de son bras. Les mythes inspiraient peut être les hommes mais ne l'avaient jamais sauvé jusqu'à présent. Pour autant, et en dépit de petites incursions alors qu'ils étaient enfants, il n'avait jamais réussi à pénétrer le monde de la Princesse dont le dos avait su capter à nouveau les billes de givre de ses yeux. Elle lui offrait une occasion de découvrir sa vie, son univers, ses craintes et surtout ses espoirs, qu'il n'entendait pas refuser. Il la laissa commencer, l'avertissant quant à la portée historique du conte et il ne put s'empêcher une petite moue amusée. Sans faire partie du cercle fermé des lettrés et des alphabètes, il savait précisément la valeur de ces histoires. Imaginer Zelda y croire, même petite, avait quelque chose de naïf et d'absurde. Elle lui semblait toujours si sage qu'il oubliait parfois que le savoir ne lui était pas inné. 

Les premiers mots de la souveraine le firent tiquer, mais il n'en dit rien tandis qu'elle déposait de nouvelles parures sur le lit. À son goût les plaines étaient déjà suffisamment dangereuses, même sans la rage des conflits – et toutes les espèces de nécrophages qu'ils attiraient. Les espèces hostiles, qu'il voyait finalement plus comme des créatures ou des animaux, n'étaient certainement pas les seuls monstres qui rodaient par delà les murs de la Citadelle ou les remparts du Castel. En vérité, il était persuadé que les créneaux imposants et les fines meurtrières ne protégeaient pas vraiment le monde de la monstruosité, de la cruauté ou de la ruse. Dun Loireag n'en était qu'un exemple parmi tant d'autres. Un des exemples les plus visibles, un peu comme une vilaine cicatrice en travers d'une gueule d'ange. D'autres attendaient probablement encore dans l'ombre. Le cuir de ses gantelets grinça tandis qu'il refermait le poing. Tout cela n'était, certes, que le récit d'un conte, mais il lui semblait qu'il minimisait les risques que prenaient les quelques uns qui se battaient pour tous les autres. Le Faux-Kokiri souffla doucement, baissant les yeux vers ses bottes dont le cuir usé par le temps se décolorait. Il savait à quel point les mondes pouvaient différer, d'un côté ou de l'autre du mur. Mais il ignorait quels bêtes Zelda avait à affronter. Du peu qu'il avait pu en voir, elle lui semblait probablement plus dangereuses que celles contre lesquelles il bataillait. Sans un mot, il laissa la jeune reine reprendre son récit, s'attardant sur un village en particulier. Son index et son majeur vinrent caresser l'olivier marqueté qui ornait une sorte de commode ou de bureau, couvert ça et là de chandeliers. Doucement, la narration progressa jusqu'au pouvoir des Déesses, le même que celui qui ornait le dos de sa main. A l'inverse de son amie, il n'y accorda pas le moindre coup d’œil, trop absorbé par les questions qui lui brûlaient les lèvres mais mourraient sur sa langue. Il n'avait jamais compris qui avait besoin d'une telle puissance, dans les faits, ni pour poursuivre quels objectifs. A ses yeux, laisser un tel pouvoir à portée de mains, accessible, constituait une erreur qui dépassait l'entendement. Néanmoins, il laissa la princesse poursuivre.

Doucement mais sûrement, la petite fable prenait forme. Il ne l’interprétait probablement pas de la même façon que l’Élue de Nayru, mais ils avaient toujours eu une vision très différente de la spiritualité, des divinités, du destin. Il lui semblait qu'il s'était toujours, ou presque, dressé contre les Déesses. Il refusait tant que faire se pouvait le fardeau qu'elles tentaient de lui imposer. Souvent encore, il essayait de se convaincre qu'il ne levait pas l'épée pour servir l'histoire avec laquelle elles semblaient jouer mais bien pour servir ses propres intérêts : ceux qu'il estimait dignes d'un combat. La protection du Royaume de Belle – et plus encore Belle elle même – l'avait motivé avant même qu'il ne sache véritablement ce que représentaient les Trois. Et si le Fils-de-Personne se prenait parfois à les mépriser plus qu'à les détester, il savait l'importance qu'elles avaient pour sa Reine. Plus que jamais, il n'avait pas l'envie d'en débattre. Soupirant en silence, il s'approcha d'un pas avant de réaliser que la robe de nuit glissait sur ses hanches. C'est à peu près à ce moment qu'il commença à perdre le fil du récit. Il se mordit la lèvre soudainement, manquant de rappeler à Belle qu'elle n'était pas seule... ce qui revenait à concéder qu'il n'avait pas détourné les yeux. Une douce chaleur vint lui picoter les joues à mesure qu'il contemplait le dos de son amie, épris d'une espèce de plaisir coupable. Une fois de plus, il ne put s'empêcher de remarquer à quel point elle n'avait pas volé son surnom. Ce qu'il ne remarquait pas, en fait, c'était le petit sourire timide qui étirait ses lèvres.

Peu attentif à l'avancée du conte il finit toutefois par détourner le regard, mais trop tard pour ne pas attraper celui de la Princesse. « Belle, je... — », commença-t-il hésitant, cherchant comment se justifier. Elle ne lui en laissa pas l'occasion, enchaînant derechef sur comment le milicien et la jeune étrangère entamaient la vie en communauté, mais son esprit se focalisa davantage sur la mimique qu'elle arborait, visiblement amusée. Sans perdre davantage de temps, elle enfila une robe de plus par dessus celle qu'elle venait de mettre et le prit par la main pour arpenter les couloirs. En temps normal, tout cela ne l'aurait sans doute pas tant intimidé que ce n'était le cas à présent, mais la jeune femme avait quelque chose de spécial, qu'il peinait à cerner et qu'il n'était pas sûr de vouloir comprendre dans l'immédiat. Il avait déjà vu des femmes nues, des plus entreprenantes, et pourtant il lui semblait qu'avec Zelda, il redevenait celui qu'il était avant son premier baiser, sa première nuit. Un léger frisson secoua son échine tandis qu'il essayait de rester aussi neutre que possible, sans vraiment y parvenir. Les doigts de la jeune femme dans les siens, il la suivit au dehors. Après quelques pas, elle s'interrompit et s'excusa, sans qu'il ne réagisse. Brièvement, elle s'éloigna de lui pour gagner un garde avec qui elle échangea quelques phrases trop bas pour qu'il n'en saisisse le propos. En l'attendant, l'Hylien s'adossa contre le mur de pierre, écoutant distraitement la pluie marteler à nouveau les vitraux. La tranquillité des lieux l’apaisait, lui laissait le temps de réfléchir. Jamais il ne s'était senti aussi désarçonné que ça n'était le cas avec la souveraine. Il craignait déjà de savoir pourquoi mais refusait à faire lumière sur les détails. Elle le guida ensuite jusqu'aux cuisines, terminant peu à peu un conte dont, finalement, il ne savait trop quoi en penser. Plus d'un aspects soulignaient, à son sens, l'irresponsabilité de Déesses qu'il supportaient peu, pour ne pas dire pas, tandis que d'autres éveillaient indéniablement sa curiosité. Zelda s'avança vers quelques étagères à la recherche d'un peu de pitance et il s'aventura vers l'ouest de la pièce.

Sur sa route, il récupéra une petite assiette de bois à fond creusé, ainsi que quelques tomates-cerises, une grappe de raisins verts ainsi qu'un peu de fromage de brebis, vraisemblablement réalisé en monastère ou en abbaye. Bien vite, le petit récipient fut trop plein pour accueillir davantage de mets et, se saisissant simplement d'un pichet dont il ignorait la contenance, l'Enfant-des-Bois se mit en route vers l'imposante table de bois à laquelle la princesse s'était installée. Déposant son du sur la table, il s'assit en face d'elle et récupéra le saucisson et la planche à découper qu'elle lui tendait. « Très bien... », glissa-t-il distraitement, le regard vissé sur son repas et les doigts occupés à séparer les fruits qu'il avait choisi. « Tu m'as fait une confession... A mon tour de te parler de ce que tu voudrais savoir.  » En son for intérieur, il savait qu'il allait regretter de s'avancer ainsi : s'il gardait ses aventures pour lui c'était autant parce qu'il n'aimait pas se dévoiler que parce qu'il craignait que cela les éloigne, souligne les différences de leurs univers respectifs ou ne l'inquiète. Pourtant, après le récit complet que venait de lui faire la demoiselle, il lui semblait qu'il lui devait au moins cela. Pour une fois. Pendant un temps, la souveraine resta silencieuse, visiblement pensive. Lui évitait son regard, glissant une tomate entre ses lèvres avant de s'attaquer à la pièce de charcuterie qu'elle lui avait apporté. Tirant le coutelas qu'il portait à la ceinture, il découpait sa troisième tranche quand elle reprit la parole. « Il est arrivé plusieurs fois que tu t'absentes et que je n'aie pas de tes nouvelles pendant... Vraiment longtemps, trop longtemps. Où est-ce que tu es allé ? J'ai parfois eu le sentiment que tu avais quitté Hyrule... Tu as vu beaucoup voyagé ? » s'enquit-elle doucement. S'arrêtant en plein geste, l'Hylien s'accorda une seconde pour rassembler ses pensées, ses souvenirs et tâcher de formuler une réponse intelligible. « Je... oui. Oui, assez. » Commença-t-il, prudemment, sans rentrer dans le détail de ce qu'il avait vécu. La question de son amie était à la fois précise – suffisamment pour qu'il apporte une réponse simple – et vague. Bien trop pour qu'un seul mot puisse fournir une réponse concrète. Lentement, il s'enferma dans le mutisme, coupant une nouvelle tranche de saucisson, puis une de fromage. La Suzeraine n'intervenant pas, il comprit qu'il n’échapperait pas à sa curiosité et qu'il devrait s'attarder un peu plus.

"J'ai quitté Hyrule pour la première fois après notre quête." Lança-t-il timidement avant d'avaler un peu de son souper. L'enfer polaire de ses yeux remonta jusqu'à ceux de Zelda, cherchant son regard. « J'ignore si tu t'en souviens, mais à l'époque nous étions encore enfants », ajouta-t-il simplement, fixant toujours son amie. « Tu m'as alors fait cadeau de l'Ocarina de la famille royale, espérant qu'il me porte chance. » Il laissa un petit silence aérer ses précisions alors qu'il se servait un verre du breuvage qu'il avait choisi auparavant, du lait de chèvre agrémenté d'un peu de miel tiède. « A l'époque, je partais en recherche d'une vieille amie. » Il s'arrêta un instant, le regard perdu dans le vide, les pensées revenant à Navi et au service qu'elle rendait à présent à Flora del Carmen. C'est à ce moment qu'il réalisa qu'il n'avait pas revu la Prêtresse depuis l'instant où il l'avait laissée à Cocorico, aux mains des infirmiers royaux. Dès qu'il le pourrait, il lui rendrait visite. « Je ne l'ai pas retrouvée. » Conclut-il sobrement, bien qu'un peu triste, les yeux revenant à ceux de la jeune Nohansen. « Je ne sais pas vraiment ce que j'ai trouvé, en vérité...  » Souffla-t-il, détournant le regard. Le voyage qu'il avait fait à Termina lui semblait tantôt court, tantôt interminable. Parfois, il se demandait même s'il n'avait pas rêvé l'ensemble de son aventure. Certains éléments corroboraient cette impression tandis que d'autres, au contraire, l'infirmaient. « Je suis parti par la Forêt, j'ai gagné les Bois Perdus. Je crois que je m'y suis égaré. » Sa voix trahissait les mauvais souvenirs qu'il conservait de ce pan de son enfance. A l'époque il n'était à la fois plus un môme, sans pour autant être l'adulte qu'il aurait pu être. Les manipulations temporelles, qu'elles soient liées à l'Ocarina ou à l’Épée de Légende l'avaient laissé perturbé. « J'ai fini par trouver une sortie, une sortie très étrange. Une altercation avec un Enfant-perdu s'est mal terminée. » Link décida de taire quelques détails, notamment ceux qui avaient attrait à la malédiction qu'il avait subi. Au lieu de quoi, il reprit un peu de fromage, de charcuterie et quelques tomates. Sans ressentir le véritable besoin d'en parler, il s'était engagé à le faire et tenait ses paroles. « Après avoir trouvé l'aide dont j'avais besoin j'ai été guidé jusqu'à Bourg-Clocher, la plus grande ville des environs. Le pays dans lequel j'ai atterri n'avait ni Roi, ni prince, ni chef de guerre. Il était administré par différents gouverneurs et différents Bourgmestres. » La situation l'avait beaucoup surpris, au début. Et si l'Enfant-sans-Fée avait toujours essayé de se tenir loin de la politique, force était de reconnaître qu'il n'y arrivait finalement qu'à moitié. « Il n'y avait pas non plus de serfs, de chevaliers, de suzerains ou de vassaux. Là-bas, les hommes et les femmes décidaient mutuellement de la politique de la Cité, organisaient de grands débats à l'issue duquel ils votaient pour désigner un dirigeant. Cet homme avait les clefs de la Cité pour un temps donné. » Plus il l'évoquait, plus le vagabond réalisait à quel point un tel système était porteur d'espoir. Lui, du moins, il l'inspirait. Plus qu'aucune monarchie, certainement. Et pourtant... quand bien même il lui semblait plus enviable qu'aucun autre régime, il doutait le voir un jour arriver à Hyrule. Il craignait qu'un tel bouleversement ne nécessite inévitablement le sang et les larmes. Il préféra ne pas insister plus avant sur ce point, ni sur ce qu'il en pensait à titre personnel.

"Je suis arrivé au pire des moments. L'ensemble de la ville était en proie à la panique, ainsi que tous les hameaux aux alentours. Les Gorons de la montagne, les Zoras, tapis sous l'océan, les Mojos dans leurs marais... Tous craignaient pour leurs vies." L'Hylien tâcha de rassembler ses souvenirs. Sous ses yeux défilaient les images de paysages à couper le souffle, qui n'avaient rien à envier aux plus belles vues d'Hyrule. « Ils étaient tous persuadés que la lune allait s'effondrer et anéantir tout ce qu'ils avaient bâti. » Il marqua un temps d'arrêt, réalisant qu'il préférait ne pas trop étayer cette dimension de son voyage. Le visage dont s'était paré l'astre ne l'avait que trop marqué pour qu'il le laisse resurgir. « Peu importe », souffla-t-il alors avant de partir à nouveau en recherche d'un peu de nourriture. Il s'empara de la grappe de raisins. « Tu as déjà vu la mer ? » S'enquit-il doucement, cherchant à nouveau le regard de la jeune femme. « C'était la première fois que je la voyais. » Siffla-t-il doucement avant de gober nonchalamment quelques grains, encore affamé. Il lui restait tant à dire, pour peu qu'il aille dans le détail de chacun de ses périples. La nuit s'annonçait longue.


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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La Princesse suivit des yeux Link alors qu'il remplissait son assiette. Elle ignorait de quoi étaient composés ses repas le reste du temps, et elle ne lui poserait pas la question, persuadée qu'il évitait généralement de lui en dire trop sur ce sujet si la réponse n'était pas rassurante. Pourtant, son ventre vide ne pouvait qu'indiquer à la jeune femme que les-dits repas n'étaient pas toujours copieux. Et si par son silence il laissait planer le doute et lui permettait d'espérer que ce soit occasionnel, elle prenait tout de même plaisir à le voir disposer de ce dont il pouvait avoir envie.

Elle fut d'autant plus surprise lorsqu'une fois installé à table il lui proposa de répondre à une de ses interrogations. Une occasion bien trop rare pour être prise à la légère. Tout en faisant glisser vers Link un saucisson qu'elle lui avait sélectionné peu avant qu'il ne revienne à table, elle plongea dans ses pensées pour mesurer son choix.

Que voulait-elle savoir ? Tant de questions se bousculaient dans sa tête. Elle fit taire rapidement celles qu'elle n'aurait de toute façon jamais osé lui poser en l'instant, et pour lesquelles elle n'était pas sure de vouloir une réponse.

À défaut de l'interroger sur les femmes qu'il avait connues, il lui restait beaucoup d'inconnues à éclaircir sur le quotidien du jeune homme. Plusieurs étaient liées à des moments sombres. Mais voulait-elle vraiment revenir sur les événements récents de Cocorico ou replonger dans de certes plus anciens mais tout aussi douloureux épisodes ? Les plaies laissées étaient vives, pour elle comme pour lui, elle le sentait.

D'autres moments seraient peut-être plus propices à ça. Pour l'heure, elle tenait à ce que l'instant reste léger et choisit plutôt de le questionner sur ses voyages. Les récits d'aventure l'avaient toujours passionnée.

"Il est arrivé plusieurs fois que tu t'absentes et que je n'aie pas de tes nouvelles pendant... Vraiment longtemps, trop longtemps. Où est-ce que tu es allé ? J'ai parfois eu le sentiment que tu avais quitté Hyrule... Tu as beaucoup voyagé ?"

Il lui répondit assez sobrement, puis le silence retomba entre eux. Elle ne dit rien, ne souhaitant pas le brusquer ou le déranger dans son repas, mais un instant elle crut avoir été trop longue à poser sa question. Peut-être avait-il changé d'avis et ne se sentait-il plus prêt à lui faire un récit complet ?

Il reprit toutefois la parole et elle se détendit. Elle acquiesça doucement quand il lui demanda si elle se souvenait de son départ. Comment l'oublier ? Elle n'avait jamais su qui était cette amie pour qui il était parti si loin d'elle, et elle n'osa pas l'interrompre pour le demander.

Sa main glissa jusqu'au bras du jeune homme pour le serrer doucement quelques secondes lorsqu'il releva les yeux vers elle pour annoncer que sa quête avant été vaine. Il lui était arrivé de ressentir une jalousie dont elle n'était pas fière, mais jamais, ô grand jamais, elle n'aurait pu souhaiter qu'il soit malheureux ou perde quelqu'un. Si elle ne prononça pas un mot, ses yeux parlaient pour elle.

Elle le laissa reprendre alors qu'il détournait le regard. Attentive, elle prit soin de ne pas l'interrompre. Elle se rendit vite compte que le royaume dont il parlait lui était inconnu. À défaut d'avoir eu beaucoup d'occasions de passer les frontières d'Hyrule, la jeune femme avait étudié bon nombre de cartes. On avait tenu à lui inculquer aussi toutes les connaissances nécessaires sur les royaumes proches d'Hyrule pour lui éviter tout impair en cas de relations diplomatiques ou de visites officielles. Malgré cela, Bourg-Clocher n'était pas un nom familier, et la description qu'il en fit ne lui rappelait rien de connu ni d'assez proche pour qu'on lui en ai parlé. Elle choisit pourtant de ne rien en dire, parce qu'elle croyait chaque mot prononcé par Link. Où qu'il soit allé exactement, c'était ainsi qu'il l'avait vécu et s'en souvenait.

Elle fut surprise de l'entendre passer si rapidement sur le danger qui faisait frémir les peuples de cet endroit mais elle n'en demanda pas plus. Sans doute parce qu'elle sentait le sujet sensible, mais aussi parce qu'elle était soulagée que sa description de leur système politique soit passée. Le sujet la rendait curieuse et provoquait de nombreuses questions en elle, mais il lui avait aussi semblé entendre de l'enthousiasme dans la voix de Link, là où il déclenchait de la peur chez elle. Tout cela allait à l'encontre de ce qu'on lui avait toujours enseigné. Si elle venait à disparaitre sans successeur, on ne lui avait promis que le chaos. Il y avait nombre d'ambitieux qui verraient là l'occasion de prendre les choses en main. Comment s'en préservaient-ils ? Sans compter qu'il faudrait à chacun la même éducation qu'elle-même avait reçue, pas seulement en termes de connaissances mais aussi de valeurs. Ça lui semblait difficile, effrayant aussi, à appliquer. Un instant elle avait craint que Link ne lui en fasse la demande.

Elle croisa ses yeux et sentit remonter de vieux souvenirs. Non pas de la mer, mais de son engouement plus jeune, en écoutant les histoires qu'on lui racontait.

"Je ne l'ai jamais vue, non..."

Peut-être même ne la verrait-elle jamais, mais elle s'abstint d'en faire la remarque.

"Il parait qu'elle est grande, très grande, qu'elle donne le sentiment d'être infinie."

Profitant de la petite pause dans le récit de Link, elle se leva un instant pour récupérer et remplir un pichet de vin. Elle rapporta aussi deux verres à leur table.

"Petite j'adorais les histoires de marins et de pirates. Impa m'en lisait beaucoup avant que je ne puisse le faire moi-même. Si tu avais vu la tête de mon père le jour où je lui ai annoncé que je voulais devenir pirate ! En grandissant, j'ai continué à être attachée à ces contes, leurs trésors et leurs monstres marins. Dis, c'est vrai que l'eau est salée ? Qu'elle a une forte odeur ? Qu'elle bouge constamment et qu'on attrape le mal de mer ?"

Elle remplit délicatement les deux verres, l'air pensive, avant de s'asseoir à nouveau et porter les lèvres à celui qu'elle avait prévu pour elle.

"C'est sans doute présomptueux, puisque je ne l'ai même jamais vue, mais je crois que j'aurais aimé ça, naviguer. On doit se sentir tellement libre. Avant, je me disais que peut-être qu'un jour, on m'enverrait en mission dans un lointain royaume, et que je m'y rendrais sur un navire. Maintenant, je doute que ce soit un jour le cas. Tu en as eu l'occasion toi, de monter sur un bateau ?"

Ses yeux s'étaient à nouveau plongés dans ceux de Link, impatiente d'entendre la suite de son histoire.


Link

Héros du Temps

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La coupe d'argent effleura ses lèvres et l'alcool glissa brièvement sur sa langue. Ses yeux de givre épousaient doucement la silhouette de la Souveraine tandis que celle-ci réagissait à son récit l'assaillant de toujours plus de questions, lui tirant même un sourire discret, caché par le récipient ciselé. Son enthousiasme perçait dans son intonation, mais aussi dans ses mimiques, ses gestes, son regard céruléen... Et l'espace d'un instant, bien qu'il ne buvait déjà plus, il garda le verre devant lui, la laissant parler, s'interroger, divaguer et se remémorer. La jeune femme avait toujours été plus bavard que lui – ce qui n'était pas bien difficile – et, de tout temps, il s'en était gentiment amusé. L'image d'une Zelda drapée d'une chemise et d'un pantalon de lin, les pieds nus et les cheveux noués, un sabre à la ceinture et accrochée à la proue à la manière d'un des corsaires de mers chaudes constituait l'un de ces petits moments si absurdes qu'ils en devenaient drôles. Il ne dit rien, se contentant de brosser la scène, visualisant la Princesse en pirate-moussaillon battant vents et marées. D'une longue œillade, il détailla son allure, ses courbes et ses contours ; presque inconsciemment. « Ça m'est arrivé, oui », glissa-t-il avant de prendre une seconde gorgée et de reposer la coupe à quelques pouces de sa gamelle dans laquelle trônaient encore plusieurs tomates-cerises, quelques grains de raisin et un peu du fromage de brebis qu'il avait choisi. Non sans se souvenir des langskip, de l'odeur de l'eau, du bruit du vent dans les gréements ou du roulis de la cale, il attrapa le saucisson et s'en coupa six tranches. « C'était à une autre occasion, cela dit. » Reprit-il, sans observer son amie, concentré sur son assiette, assemblant distraitement sa future portion. « A l'époque, j'avais... — » Il laissa un blanc, cherchant à dire quelque chose qu'il ne souhaitait que partiellement dévoiler. « ... J'avais d'autres moyens d'explorer les confins de l'Océan », siffla-t-il doucement, l'esprit inondé de visions, d'émotions et d'expériences passées. Il avait rarement connu davantage de grâce que lorsqu'il revêtait, jadis, la peau d'un Zora et arpentait les abysses. Il ne s'était pas contenté de voir et de constater l'élégance du peuple des eaux. Il l'avait sentie. Il l'avait vécue.

Sans un mot de plus, l'Hylien se décida finalement à avaler quelques tranches de charcuterie ainsi qu'un pan du brebis, dont il appréciait particulièrement la saveur et la texture. « Peu importe », lança-t-il ensuite, relevant les yeux et cherchant le regard de la dernière des Nohansen. « Un jour, quand la guerre sera terminée, je t'emmènerais naviguer sur le Lac. » Sa promesse avait été soufflée à la manière d'un murmure, comme une invitation timide. Attrapant sa chope de lait de chèvre, il s'accorda une seconde pour boire avant d'en dire plus. Déglutissant doucement, il reprit la parole ensuite. « Ça n'est pas exactement la même sensation, mais... » Une fois de plus, le silence termina sa phrase à sa place alors que, de l'ongle, il grattait doucement le bois de sa pinte, désormais presque vide. Un petit moment , qu'il n'aurait en aucun cas su quantifier, s'écoula sans qu'il ne reprenne son histoire. Les yeux perdu dans le vide, il tâchait de ré-assembler l'ensemble des tableaux qu'il avait traversés, les impressions et les perceptions qu'ils lui avaient laissés. « La mer, c'est... », commença-t-il, comme souvent hésitant quand il lui fallait se lancer dans de longues descriptions qu'il maîtrisait mal. Il craignait toujours de ne pas rendre justice au grandiose des choses. « La mer, c'est un peu le miroir du ciel. » Esquissa-t-il d'abord, jouant toujours avec le bock de bois sculpté dont les ornements dépeignaient les hauts-faits de la famille royale. « Elle est tantôt sereine, tantôt orageuse et n'est jamais stoppée que par l'horizon. » Il se retint de soupirer, préférant s'accorder une pause le temps de grignoter quelques tomates-cerises. « Ses fonds abritent autant de trésors que de mystères. Des horreurs, aussi. Et pas seulement des monstres.  » Il se souvenait de quelques uns des naufrages auxquels il avait assistés, il se souvenait également les carcasses déchirées de navires éventrés, les dépouilles pourrissant lentement entre les coraux. Des scènes dont il avait compris qu'elles étaient malheureusement universelles, n'épargnant pas plus la Grande-Baie de Termina que les Fjords froids du Nord. Les raids menés par les Jarls n'aidaient pas les abîmes à rester vierges de tout massacre. « Pourtant, la vie y reprend toujours le dessus », continua-t-il comme pour marquer une note d'espoir. « Sur les épaves poussent de véritables forêts sous-marine, qui accueillent des poissons aux mille-et-une couleurs. » Il esquissa un souvenir prudent à la Suzeraine, regrettant qu'elle n'ai eu l'occasion de voir les hippocampes d'Or qu'il avait croisé lors de son excursion dans les eaux de Termina. « La surface présente un intérêt différent, mais tu as raison... » souffla-t-il tout bas, en s'approchant d'elle malgré la table qui les séparait. « ... En mer, on se sent si libre que c'est parfois angoissant. ~ »

Il se recula doucement, prenant le temps de manger un peu, la commissure des lèvres toujours étirée par un petit rictus amusé. Il préférait ne pas parler des moments qu'il avait eu à passer épée ou hache en main, sur les ponts de navires qu'il abordait ou qu'il défendait. De son passage dans les étendues de glace, de ses désaccords (multiples) avec ses hôtes, il préférait taire les détails. « La mer, c'est une sensation unique, qui varie chez les uns et les autres », reprit-il, revenant à sa description initiale. « Certains ne supportent pas son odeur de sel, d'autres sont pris de maux étranges sitôt le pied sur le bois du pont. J'avais l'impression de toucher du doigt un joyau de la création. Un peu comme si l'infini était à la portée de ma main. » Naturellement, son regard glissa vers l'intérieur de sa main gauche dont il pliait et dépliait les doigts machinalement, comme pour attraper quelque chose. « C'était phénoménal », murmura-t-il, aspiré par un torrent de mémoires dans lequel il replongeait volontiers. « Et dangereux, aussi », précisa-t-il, l'air soudainement plus sévère, en cherchant le regard de la jeune femme, craignant qu'elle ne soit trop emballée par le récit qu'il lui faisait de ses aventures. La Princesse n'avait pas tout à fait tort de parler de monstres. Elle ignorait probablement que les plus meurtriers ne vivaient que rarement sous l'eau. Il laissa le silence s'installer pour mieux prendre le temps de manger et désireux d'aborder un sujet différent. Avalant successivement les quelques tranches de saucisson restantes, les dernières petites tomates ainsi que la fin du raison, il finit reprendre. « A Termina, et ailleurs aussi, j'ai vu des choses très différentes. Des palais construit à même le bois de la Forêt et dirigés par des Mojos ; des déserts et des vallons abandonnés depuis des dizaines d'années sinon plus. J'ai croisé la route de Sorcières, de chef de guerre, de vieux Shamans, d'Esprits anciens... découvert des créatures aussi surprenantes que majestueuses, incomparables à tout ce que l'on trouve ici, à Hyrule. » Il prit une seconde pour retrouver son souffle. Des géants de Termina aux Mammouths des toundras glacées en passant par les Marche-Morts ou les paons au ramage arc-en-ciel il avait vu trop de merveilles et trop d'horreurs pour les oublier.

"Tu savais que, loin à l'Ouest du Désert, il existe toujours des Dragons ?" S'enquit-il, soudainement tout spécialement enthousiaste. A l'occasion de ses voyages, il avait entendu parler de ces créatures mythologiques, désormais pratiquement disparues à Hyrule, à l'exception de quelques races mineures. « Je veux dire, des Dragons différents... — », précisa-t-il en se reprenant brièvement. Il ne doutait pas qu'à la mention de ces Seigneurs des Cieux, Zelda pense initialement aux rares espèces de draconides qui peuplaient encore le Royaume et contre lesquelles il avait parfois affûté son acier. « Je ne parle pas de Dodongos, ou même de Dragons comparables à Volcania... » Sans le réaliser, porté par son récit, l'Enfant-des-Bois venait de se perdre dans ce qu'il s'autorisait ou non à dire. Jusqu'à présent, il avait toujours évité consciencieusement les allusions aux dangers qu'il avait du affronter et tout particulièrement ceux rencontrés durant leur quête originelle : il ne savait que trop bien à quel point la jeune femme s'estimait responsable des choix qu'il avait fait. Et si cette façon de le déposséder de tout libre-arbitre constituait le risque principal de rupture de confiance entre eux, il n'en avait pas conscience. Ce qu'il comprenait, cependant, c'était le risque de l'inquiéter, de la pousser à se juger avec une sévérité illégitime, dénuée de sens. Jamais il n'avait souhaité qu'elle ne se ronge les sang et se rende dépositaire des menaces qu'il affrontait. Moins encore de celles qu'il avait affrontées. « Ces Dragons-là sont ailés. Bien sûr, ils crachent du feu, mais apparemment certains sont doués de magie et leur parole est faite givre ou foudre... » Il fronça les sourcils, avant de se resservir un peu plus de lait de chèvre, peu sûr de ce qu'il devait ou non croire. Les descriptions qu'en faisaient les commerçants itinérants avec qui il avait échangé durant son bref séjour en Artenris lui avaient semblé irréelles, voire complètement délirantes, mais tant de ses convictions s'étaient fracassées face au mur de la réalité. Fut un temps où il croyait la mort absolument définitive. Les Stalfoss, les Spectres et les Effrois s'étaient chargés de le détromper. Durement. « On dit même que certains manipulaient le temps ou pratiquaient cette forme de magie interdite, celle qui est employée pour avoir un contrôle sur les morts... — », souffla-t-il, les yeux dans le vague, avant de repousser légèrement son écuelle et de porter le demi de lait à ses lèvres. Il ne savait pas quoi en penser.


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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Il ne fallut pas longtemps à Zelda pour boire à nouveau les paroles de Link. Elle eut un sourire quand il évoqua le fait d'aller tout deux naviguer sur le Lac Hylia. La fin de la guerre semblait loin, mais elle n'avait pas envie de s'en inquiéter pour l'instant, elle voulait seulement rêver de jours paisibles où son ami serait resté à ses côtés. Quant à sa description de la mer, elle essayait tant bien que mal de se représenter au mieux la scène. Peut-être aurait-elle un jour l'occasion de la voir elle aussi.

Il avait sans doute remarqué ses yeux brillants d'envie quand il termina sa description des étendues maritimes par une mise en garde. Il en fallait bien plus pour lui faire perdre ses envies d'exploration, néanmoins elle acquiesça doucement dans l'espoir de le rassurer et qu'il n'abandonne pas son récit.

Le silence s'installa un instant mais Link reprit finalement la parole, abordant un aspect différent de ses voyages. La princesse n'avait même pas la certitude d'avoir vu tous les paysages ou les créatures qu'il était possible de découvrir à Hyrule, alors elle pouvait à peine imaginer tout ceux qu'il évoquait.

"J'espère que je verrai tout ça un jour..."

Elle avait parlé à voix basse, plus pour elle-même qu'en attendant une réponse, mais elle s'interrompit lorsqu'il se mit à parler des dragons. Elle l'écouta silencieusement, se retenant de faire une remarque sur les monstres qu'il avait pu croiser lui-même. Elle connaissait seulement des Dodongos les récits qu'on lui en avait faits et les illustrations qu'elle avait pu voir dans des livres. Plus jeune, avant de rencontrer Link, elle avait lu les rapports envoyés par Darunia à son Père, qui évoquaient une infestation dans leurs cavernes, sans pouvoir se rendre elle-même sur place. L'occasion d'explorer les tréfonds de la montagne ne s'était plus présentée, elle avait tout juste pu voir les restes de la carcasse du Dodongo qui avait attaqué Cocorico. Quant à Volcania, elle avait pu constater ses ravages sous l'identité de Sheik, dans un autre temps, mais elle n'avait pas pu s'en approcher autant que le Héros qu'elle avait guidé jusqu'à lui. Jamais par la suite il ne lui en avait touché mot.

Ce n'était pourtant pas d'eux qu'il voulait lui parler aujourd'hui. Il évoquait une autre menace, qu'il semblait juger encore plus dangereuse. En tant que magicienne, elle savait combien certaines formes de magie étaient difficiles à maîtriser, et il était étrange d'imaginer des créatures en maitriser les subtilités.

"Tu veux dire que ces dragons sont doués d'intelligence...?"

La princesse était traversée par des émotions contraires. Dans l'immédiat le royaume avait d'autres problèmes à régler. Pourtant une part d'elle s'inquiétait de la menace que pouvait représenter un tel pouvoir, alors que l'autre plus curieuse, était désireuse d'en étudier les possibles applications. En tant qu'alliés ou ennemis de telles créatures pouvaient renverser complètement une situation.

Elle ne manquerait pas de chercher de plus amples renseignements sur le sujet, mais pour l'heure elle était désireuse de profiter de l'instant présent. Observant le jeune homme, elle se rendit compte qu'il avait arrêté de manger.

"Viens, si tu n'as plus faim j'ai une surprise pour toi !"

Rapidement, après avoir débarrassé la table, elle le guida à nouveau à travers les couloirs, pressée de lui montrer ce qu'elle avait prévu. Quand ils arrivèrent dans sa chambre, un baquet d'eau transporté là pour l'occasion les attendait.

"Puisque tu étais trempé et que tu as sans doute fait une longue route... Je me suis dit que ça te ferait du bien..."

Des vêtements de rechange étaient aussi posés non loin. Elle avait demandé à ce qu'on lui apporte tant que faire se pouvait des habits simples, mais elle ignorait ce que les domestiques avaient pu trouver.

"Et si tu passes la nuit ici... C'est toujours le cas, hein ? Ça sera plus confortable..."

Ses yeux glissèrent sur la tunique de son ami, se souvenant des mailles qu'elle avait senties en dessous. Un instant elle pensa à se proposer pour les retirer sous ses instructions, mais le moment d'audace était passé et le rouge lui monta aux joues. Elle se tourna pour laisser au jeune homme l'intimité nécessaire.

"Je te laisse retirer tout ça et profiter de l'eau, j'espère qu'elle est encore chaude."

En attendant, elle retourna vers le lit pour réarranger la couverture. Elle retira aussi la lourde robe de chambre maintenant qu'ils n'étaient plus que tous les deux. Elle sourit en se remémorant un vieux conte où le héros avait pour interdiction de regarder derrière lui. Elle ne comprenait alors pas, quand Impa la lui racontait pour l'endormir le soir, comme la tentation pouvait être grande. Plusieurs fois elle faillit se retourner, mais elle tint bon jusqu'à entendre le bruit de l'eau accueillant le jeune homme.

Ses pas la portèrent alors délicatement jusqu'au bain improvisé. Elle se saisit d'un savon posé non loin et s'agenouilla pour se poser à hauteur de son ami. Elle glissa la tête dans le creux de son cou alors que le savon porté par sa main explorait le torse du jeune homme. Elle aurait voulu lui dire combien elle était heureuse qu'il soit là, à quel point elle aurait voulu que ce genre de moment arrive plus souvent, mais les bons mots ne venaient pas. Alors, à la place, ses lèvres vinrent se poser doucement dans le cou de son ami pour y déposer un baiser.

Elle échangea le savon contre une éponge, avant de revenir caresser la peau du Héros. Son regard s'attarda sur le torse qu'elle venait de savonner et elle ne put manquer de noter les cicatrices qui le barraient à divers endroits. Son pouce glissa le long de l'une d'entre elles avant de suivre l'éponge à nouveau.

"J'aimerais tellement te savoir plus souvent en sécurité, ici, au château..."

Le silence retomba quelques instants, troublé seulement par le bruit de l'eau. À nouveau, ses lèvres glissèrent sur la peau du jeune homme, s'attardant dans son cou, avant qu'elle ne murmure non loin de son oreille.

"Et entre mes bras."

Doucement, sans vraiment qu'elle s'en rende compte elle-même, ses doigts accompagnaient l'éponge de plus en plus bas, plus qu'il n'était décent.


Link

Héros du Temps

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L'Hylien laissa son regard épouser brièvement celui de la princesse avant de redescendre vers la gamelle de bois dans laquelle demeuraient quelques tomates et six grains de raisin. Il attrapa la choppe de lait de chèvre au miel et y porta ses lèvres, laissant à Zelda l'occasion d'intégrer tout ce qu'il venait de lui dire mais aussi de réagir si elle le souhaitait. Il la savait curieuse, souvent trop, et pour une fois il avait décidé de lever le mystère qui entouraient ses voyages. Bien évidemment, de nombreux sujets restaient hors de portée de la dernière des Nohansen... Ceux où il était question de sang, de larmes, de feu ou d'acier, il les ignorait. Sans doute n'en entendrait-elle jamais parler. Reposant la chope, les lèvres encore teintées de son breuvage, il vint jouer doucement avec une des petites tomates de son assiette. Assailli par les secrets qu'il faisait à cette femme pour qui il aurait tout donné, plié par le poids d'un fardeau que personne ne semblait véritablement comprendre, il laissa ses pensées vagabonder. Pourquoi s'interdisait-il de lui raconter les épreuves qu'il vivait ? Pourquoi ne pas dire les horreurs qu'il voyait, qu'il tentait d'empêcher ou qu'il réalisait parfois ? Pourquoi maintenir la princesse dans une cage sertie d'or et de diamants alors que, au fond, il savait précisément qu'elle avait assisté à des scènes de déclin et de désolations ? Il n'ignorait pas combien Hyrule – et elle avec – avait souffert de son abandon. Continuant de jouer avec son fruit, il poussa un profond soupir, empreint d'une lassitude qu'il peinait de plus en plus à affronter. « C'est ce qui se dit, en tout cas... » souffla-t-il sobrement, évitant stratégiquement le regard de son amie. Plus le conflit avançait et ruinait des vies, plus il avait le sentiment que tous ces efforts, les siens comme ceux des autres, étaient vains. La fin de la guerre demeurait lointaine et l'image d'une Hyrule prospère ne l'enhardissait plus autant. Trop de problèmes persisteraient, il en était convaincu. L'Enfant-des-Bois n'avait jamais eu le sentiment qu'il lui fallait s'adapter à l'univers dans lequel il évoluait et tirait sa force de ce sentiment de pouvoir changer le visage du monde. Les voies qui lui semblaient toutes tracées hier étaient désormais floues.

Quand la jeune femme se leva en l'invitant à la suivre, il esquissa un demi-sourire timide, tentant tant bien que mal de cacher sa gêne. Sous ses joues et au bout de ses oreilles, le sang affluait un peu, colorant sa peau légèrement hâlée d'un rosé qu'il arborait rarement. « Une surprise ? » S'enquit-il d'abord, se levant à la suite de Zelda. Prenant exemple sur elle, il récupéra quelques uns des couverts qu'ils avaient utilisés et les déposa sur l'un des plans de travail. « Quel genre de surprise, au juste ? » Demanda-t-il ensuite, revenant chercher d'autres récipients que la souveraine n'avait pas pu prendre. Il croisa son regard puis son son large sourire, seules réponses à ses interrogations, et se décida finalement à la suivre, malgré les remords qui restaient sur sa poitrine. Le toujours-sur-les-routes tâcha de se convaincre qu'un jour prochain, il saurait faire part ses inquiétudes à la jeune suzeraine. Un jour où il ne puerait pas la sueur, le canasson et le sang ; un jour ou les cernes et la barbe ne rongeraient pas sa gueule émaciée par les voyages. « Très bien... — », soupira-t-il doucement après s'être débarrassé des derniers ustensiles. Il glissa sa main bardée de cuir dans celle que lui tendait la Reine. « Je te suis. ~ » Lança-t-il alors, essayant de se laisser prendre au jeu malgré tout ce qui le travaillait. Après tout, il aimait l'entendre rire et n'avait aucune envie de rompre l'état de bonne humeur dans laquelle elle se trouvait.

Sitôt ses doigts entrelacés dans ceux de de son amie, elle se pressa dans les couloirs, le tirant à sa suite. Le pas rapide, elle le guida entre les allées d'un Castel qu'il connaissait si peu et qu'il avait pourtant visité à de nombreuses reprises. Bientôt, ils arrivèrent jusqu'à la suite qu'ils avaient laissé avant d'aller dîner – ou souper, c'est selon – et elle l'emmena dans la troisième pièce de ses appartements. Au travers des fenêtres perçait doucement la lumière de la lune et quelques bougies illuminaient également la nuit. D'un geste de la main, Zelda fit naître une petite sphère d'un blanc pâle, incandescente. L'espace d'un bref instant, l'Hylien eut l'impression qu'elle se nourrissait des éclats de l'astre avant de générer sa propre lueur. « C'est... Impressionnant. — » Dit-il simplement, lâchant les doigts de la Suzeraine pour se rapprocher de la boule de lumière, curieux et admiratif. Il n'était pas vraiment étranger à la magie, mais n'en avait jamais maîtrisé les moindres ressorts. Quand il la voyait en action, elle servait généralement à allumer des brasiers, invoquer la foudre, tordre les armures, déchirer les boyaux. Elle relevait les dépouilles des soldats tombés et les forçaient à se battre contre leurs frères d'armes. Parfois, elle prodiguait des soins mais à chaque fois, elle lui arrachait plus de douleur qu'un sabre logé dans la poitrine. Du doigt, il vint taquiner l'oeuvre de la jeune femme sans parvenir à la toucher. A chaque fois qu'il approchait, elle se dérobait pour reparaître un peu plus loin. Pour une fois, il faisait face à une magie qui n'avait rien d'hostile et elle le laissait profondément intrigué. « Comment fonctio... — », commença-t-il en se retournant vers son hôte avant de distinguer la jale remplie d'eau, un peu plus loin. « Oh », souffla-t-il alors, comprenant de quelle surprise son amie parlait un peu plus tôt. « Merci » la coupa-t-il ensuite alors qu'elle expliquait ses intentions, un petit sourire étirant la commissure de ses lèvres. S'il avait besoin de quelque chose, c'était bien d'un bain. Sans perdre davantage de temps, il dessangla les lanières de ses gantelets alors que son amie s'enquérait de sa présence au sein des murs du Castel pour la nuit. « A priori... » souffla-t-il, faussement hésitant, comme pour jouer avec la demoiselle. « A moins que tu ne préfères que j'arpente les rues ? ~ »

Après les gants, il retira son bonnet puis déboucla sa ceinture. Immédiatement, son haubert appuya sur ses épaules de tout son poids, le ramenant à la réalité. La trentaine de livre pesait sur son échine comme la lassitude alourdissait tout à l'heure son cœur. Plus que jamais, il mourrait d'envie de retirer cette chemise de maille. Il laissa tomber ses effets au sol avant de passer la tête sous sa tunique verte, tâchée par le temps et la pluie. Zelda n'était pas tout à fait sortie quand le tissu tomba par terre, avec le reste de ses affaires. Rapidement, il se sépara de ses mailles, puis de ses bottes et enfin de ses chausses de bure brune ainsi que son pagne. Il soupira, non sans s'étirer un peu, avant de se glisser dans l'eau. Elle l'enroula bien vite comme une couverture, parfumée par quelques sels qu'appréciait sans doute la Princesse en tant normal. « Peu probable qu'elle ai précisé aux gens du Castel que ce bain n'était pas pour elle... » murmura-t-il pour lui même, enrobé de chaleur en repensant au moment ou elle s'était éclipsée alors qu'ils descendaient vers les cuisines. Soupirant de contentement, le Héros du Temps laissa son corps s'enfoncer dans les flots comme un roche attrapée par la vase. Balançant doucement sa nuque en arrière, la reposant contre les rebords de bois drapé d'un linge. Ses bras, qu'il avait d'abord gardé contre lui vinrent rejoindre les arrêtes de la jale comme s'ils s'agissaient d'accoudoirs. Il ferma les yeux, parcourut par un de ces frissons à faire oublier le mal qui demeure, dehors.

Rapidement il se mit à somnoler, doucement. La chaleur et le confort de l'eau consistait un luxe qu'il ne pouvait pas souvent s'offrir. La dernière fois qu'il n'avait pas été obligé de se débarbouiller dans l'eau glacé des rivières et des lacs du royaume remontait déjà à plusieurs mois. C'est à peine s'il distinguait le pas de la princesse alors qu'elle se rapprochait de lui, débarrassée de l'imposante étoffe d'extérieure qu'elle portait précédemment. C'est quand son museau et ses lèvres se glissèrent dans son cou qu'il réalisa qu'elle l'avait rejoint. « Be... Belle ? — » S'enquit-il, hésitant, alors qu'il émergeait peu à peu de son demi-sommeil. Le pouce de son ami vint longer les reliefs de son torse tandis que le rouge colorait une fois de plus ses joues. C'était sans doute la première fois qu'il se retrouvait nu en présence de Zelda. Elle caressa l'une des cicatrices qui barraient son tronc, sans savoir combien d'entre elles n'existaient pas encore la dernière fois qu'ils s'étaient vus. « Ce... C'était à Cocorico.. », commença-t-il maladroitement, non sans se réhisser dans le bain et adopter une posture un peu plus décente. « On t'a parlé de la bataille...? » Demanda-t-il, comme pour détourner le sujet de la conversation, qui tenait plus du monologue. Elle se contenta d'un premier baiser dans son cou. Dans sa nuque, sur ses avant-bras, le long de sa colonne vertébrale, il lui semblait qu'il était parcouru de minuscules sursauts. Les doigts de sa main gauche se refermèrent silencieusement contre le linge humide qui tapissait le fond de la jale. « Tu sais... », débuta-t-il touché par les inquiétudes de son amie. La paume de sa main droite, encore humide, vint retenir un moment le bras de la jeune femme, le temps d'un contact. « Je me débrouille assez dehors ~ » En d'autres instants, il aurait sans doute détaillé, expliqué à quel point il était l'un des chanceux et combien la situation pouvait être difficile, par delà les murs et les créneaux du château. Ce soir, il n'en avait pas le courage. La rassurer serait plus que suffisant.

Il eut un sursaut de surprise quand les doigts de Zelda poursuivirent leur descente et réagit de façon un peu brusque, presque maladroite. Emprunt de tendresse d'affection et de fièvre, il se retourna pour mieux voir son amie qui retirait rapidement sa main, visiblement gênée. Sans la laisser se perdre dans des excuses, alors qu'elle commençait à bredouiller, il esquissa un demi-sourire en coin. Au fond, il avait toujours admiré la stature de la jeune femme et la voir perdre ses moyens en dépit de toutes les responsabilités qu'elle assumaient au quotidien avait quelque chose de désarmant et d'amusant. « Tsss ~ Pas un mot ~ » souffla-t-il en lui faisant face, désormais. La bretelle de la princesse avait nonchalamment glissé de son épaule mais ce fut d'abord vers ses lèvres qu'il porta ses doigts. Link ramena son front contre celui de Zelda, plongeant ses yeux de givres dans ceux de la princesse. Ils brillaient d'une lueur d'audace. « Tu sais... » Lança-t-il en laissant ses mains glisser sur les joues de la jeune souveraine, avant de descendre dans son cou et venir jouer avec la ligne de soie blanche qui recouvrait encore son échine. « J'ai l'impression que toi aussi, tu aurais bien besoin d'un bain ~ » Son pouce et son index abaissèrent la deuxième bretelle sans que ne tombe la robe déjà trempée et partiellement transparente de la belle. Profitant du moment pour s'autoriser un baiser esquimau, le Fils-de-Personne joua de la surprise en attrapant ses hanches. « A l'eau ! » Trancha-t-il pour elle, se levant suffisamment pour la soulever elle aussi. Son torse écrasé contre celui de Zelda, il la plongea doucement dans l'eau avec lui. Le vagabond s'avança alors sur la princesse, joueur et amusé. La jale était assez large pour accueillir deux personnes mais demeuraient assez exiguë, les forçant à une proximité qu'il n'avait aucune envie de refuser. Les lèvres étirées, les yeux pétillants et le visage joyeux, il vint voler un baiser de plus à sa Reine.


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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Sentant Link sursauter, la princesse retira prestement sa main. Elle se sentit rougir, gênée. L'espace d'un instant, elle avait cru... Elle bredouilla, cherchant des explications à sa conduite. Mais avant d'avoir eu le temps de justifier son comportement elle fut interrompue par son ami. Il n'avait pas l'air en colère, même plutôt amusé.

Sans discuter, elle obéit et se contenta d'écouter. Son cœur battait la chamade alors qu'il l'attirait contre lui. Les yeux plongés dans les siens, elle ne comprenait pas comment elle avait pu si longtemps ignorer l'ivresse qui la saisissait en ce moment en présence de son ami ?

Lorsqu'il l'attrapa par les hanches pour la soulever avec lui elle eut un petit cri de surprise avant d'éclater d'un rire franc en se laissant glisser dans la baignoire improvisée. Elle n'avait que faire de sa tenue, à présent complètement trempée.

Elle laissa un Link joueur venir lui ravir de nouveaux baisers. Spontanément ses hanches lui avaient aménagé une place et ses bras s'étaient refermés dans son dos.

Lorsqu'il détacha ses lèvres des siennes, elle chercha à nouveau ses yeux. Son regard chargé de tendresse prit un air de malice.


"Tu n'aurais pas oublié quelque chose ?"

Polissonne elle laissa glisser son doigt jusqu'à la naissance de ses seins où le vêtement trempé collait toujours à sa peau. Lorsque ses doigts entrèrent en contact avec, l'étoffe scintilla brièvement avant de s'évaporer de haut en bas, dévoilant son corps aux yeux du jeune homme, sans tissu pour les séparer.

Elle n'avait pas manqué de remarquer son air émerveillé devant l'orbe de lumière qu'elle avait créée plus tôt pour illuminer la pièce. Usuellement elle utilisait assez peu la magie par simple amusement, plus depuis qu'elle avait l'esprit perpétuellement occupé par les tracas, mais ce soir elle relâchait la pression.

Son doigt entra en contact avec l'eau, créant de petits remous et des formes colorées qui émergèrent à son bout. Les petits poissons multicolores émettant une faible lueur s'élancèrent à l'assaut du bassin. Ils se répandaient et virevoltaient autour des deux jeunes gens, explosant en un petit nuage de fumée lorsqu'ils avaient le malheur de rencontrer un obstacle.

Un vieux rêve revint alors en mémoire à Zelda. Elle l'avait fait quelques fois seulement mais l'avait toujours trouvé apaisant. Il n'avait pas le sentiment d'imminence qu'avaient ses rêves prémonitoires, seulement une sensation de quiétude.

Souhaitant faire partager à son tendre ami le calme et la beauté de la scène qui venait de se rappeler à elle, elle souleva la main, élevant son doigt à quelques centimètres de l'eau. Une petite silhouette fit surface en même temps. D'abord un peu floue, ses traits se précisèrent doucement à mesure que Zelda cherchait dans ses souvenirs oniriques. Elle avait l'allure d'une jeune fille à la taille fine, à quelques détails près. Ses cheveux, mi-longs, semblaient plus rigides que ceux d'une véritable humaine et ses grands yeux, bien que d'apparence vide, avaient quelque chose de plus profond. Plus surprenant, elle n'avait pas de bras. Une cape, qui aurait pu rappeler des ailes, semblait les remplacer.

Avec légèreté la petite silhouette formée d'eau souleva le drap qui aurait pu lui tenir lieu de bras. Prenant de l'élan elle se projeta en avant, glissant à la surface de l'eau, laissant derrière elle des traînées lumineuses qui s'éteignaient quelques secondes après son passage. Comme s'il s'agissait d'une danse, elle virevoltait en différents cercles. Aérienne, elle tournait et patinait avec grâce. Sans trop s'en rendre compte, Zelda murmurait une mélodie en se concentrant sur la trajectoire de sa création.

La scène dura ainsi quelques instants avant que finalement l'eau ne reprenne ses droits et que la danseuse ne s'évanouisse dans le reste du bassin. Le silence retomba. La princesse se releva un peu, se serrant contre Link. Elle aimait le sentir pressé contre elle, encore plus à présent que plus rien ne l'empêchait d'être au contact de sa peau. Elle sentait une douce chaleur qu'elle avait hâte de libérer.


"C'est un rêve. Étrangement, je l'ai souvent fait après tes visites au château. Je l'ai toujours trouvé très beau. Je crois que tu m'apaises."

Zelda resserra ses bras autour du dos de Link tout en déposant un baiser dans son cou. Elle en profita pour murmurer à son oreille.

"L'eau va finir par refroidir, on devrait peut-être aller se réchauffer sous les draps."

Une lueur coquine brillait dans ses yeux quand elle s'écarta et que leurs regards se croisèrent.

La princesse laissa Link quitter le baquet rempli d'eau avant de faire de même. Elle récupéra une des serviettes posées à côté pour la poser sur les épaules de son ami, le tirant au passage délicatement contre elle, et entreprit de le frictionner elle-même un peu partout pour le sécher. Elle le libéra finalement pour s'essuyer à son tour.

Quand elle eut fini, elle aperçut en tournant la tête que Link examinait les vêtements qui avaient été déposés près du bain pour lui. La princesse eut un petit sourire et le tissu tenu par son ami s'éleva doucement pour aller se reposer sur la pile de vêtements comme mu par une volonté propre.


"Pas si vite."

La jeune femme se glissa dans le dos de Link, chuchotant doucement à son oreille, réitérant son sous-entendu.

"Rien ne presse ~"

Elle n'avait aucune envie de s'arrêter là. Tout en douceur, elle guida son invité jusqu'au grand lit qui se trouvait dans la chambre. Elle le fit s'asseoir sur le matelas avant de grimper à cheval sur ses genoux, face à lui. Elle murmura à nouveau avant de se serrer contre lui et goûter une fois encore ses lèvres, brûlante de désir.

"On a la nuit rien que pour nous deux ~"


Link

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Sous la pulpe de ses doigts, la robe de nuit s'évapora, consumée par un feu invisible et bienveillant. Et bien que ses pensées s’étaient égarées loin des dons de son amie, il ne put effacer le sourire amusé qui tirait doucement la commissure de ses lèvres. La Princesse lui lança un regard lourd de sens avant de glisser une phalange sous l’eau tiède. De la pointe de son ongle naquirent une kyrielle de lumières, prenant la forme de petits poissons. Ils se mirent à nager, paradant dans un océan de couleurs tantôt pêchues, tantôt plus discrètes. Puis, manifestement joueuse, son amie anima ensuite une petite silhouette, étrangement familière et pourtant inconnue. Sous ses yeux, le feu follet enchanté commença à danser, glissant sur l’eau comme savaient le faire les patineurs, sur la glace. Sans doute pour maintenir le sortilège elle se mit à fredonner, doucement. Il fallut un moment à l’Hylien pour réaliser qu’il avait cessé d’observer les formes qui virevoltaient dans la jatte : ses regard dévorait Belle, habité par une tendresse un peu naïve, peut-être trop innocente. Il ne pétillait plus vraiment de la même façon — pas comme un instant auparavant. 

Quand elle vint l’enlacer, il l’accueillit à bras ouvert. Les mains de la jeune femme glissèrent dans son dos noueux et nu, rendu humide par l’eau du bain. Elles longèrent ses omoplates, frôlant certaines traces de ses précédents combats sans s’y arrêter. Puis, en silence, alors que la glace de ses pupilles restait vissée dans l’azur céruléen, les paumes de Zelda embrassèrent ses flancs, ses hanches. Sans jamais l’empêcher de se coller à lui, il jeta doucement son nez contre le sien, affectueux. Derrière le givre brillait de nouveau une lueur taquine, un air de défi presque. Un de ceux que la jeune femme brûlait d’envie de relever, à l’évidence. Un de ceux qu’il regrettait de ne pas lui avoir lancé plus tôt, en vérité. Mais il n'avait pas le cœur a égrener le chapelet de ses remords. Pas dans l'immédiat.

D’un sourire, il acquiesça quand la souveraine estima qu’il était plus que temps de quitter le baquet. En se relevant, il déposa un rapide baiser sur son front. La jeune femme ne tarda pas à le suivre, non se saisir de l’une des touailles déposées à cet effet. S’improvisant fille de ferme, elle la fit passer autour de son échine pour mieux le ramener à elle. Il se laissa faire. « C’est à ça que tu veux jouer ? ~ » S’enquit-il, un brin lascif, lui lançant une œillade à la fois perçante et un brin moqueuse, gentiment. Elle le faisait rire comme personne ne l’avait fait depuis des années. Forçant le mouvement, il laissa son torse rallier puis marier les seins de Zelda. Des lèvres il vint grignoter son cou, tandis qu’il abandonnait son bassin et le creux de ses reins, dans son dos, au bout de ses doigts. C’est la respiration un peu rapide que la dernière Nohansen entreprit de laisser courir le linge sur son être, masquant à peine ses caresses. Il l’embrassa une dernière fois avant de la laisser se sécher seule. Sa silhouette en presque sablier accrocha une fois de plus son regard. Plus que jamais, elle lui semblait belle. Rayonnante même. En dépit des marques laissés par sa rencontre avec l’Homme-Bête de la Forteresse Gérudo, de ses autres légères imperfections. Il se prit à sourire bêtement. 

Ramenant sa main contre son visage, comme pour cacher le rouge timide qui colorait doucement ses joues et la pointe de ses oreilles, il se détourna discrètement. Laissant ses sens vagabonder, il ne tarda guère à reporter son attention sur les vêtements qui avaient été entreposés dans la pièce, près d’un vitrail représentant les Trois comme autant de paysannes et d’artisanes façonnant les champs comme la glaise. L’étoffe, elle, arborait un tout autre motif : celui du vide. D’un blanc quasi-immaculé, la tunique était brodée de fils d’or, cernant le col avant de descendre le long du torse. Ils reliaient chacun des boutons, sculptés a l’image de la Triforce. De larges ourlets pesaient sur le bas des manches, décorés de davantage de dorures, composant un lacis artistique mais chargé. D’autres triangles d’airain venaient également les alourdir. Mais avant qu’il ne trouve le temps d’inspecter plus avant l’épaisse ceinture safran, réalisée à partir de chanvre, le pantalon large ou les bottes, le tissu lui échappa, s’envolant devant lui. Pris de court, il fit un pas en arrière. C’est là que la Reine souffla quelques mots, se glissant contre lui. Sa poitrine épousa tendrement son dos. Une douce chaleur les habitait tous les deux. 

Zelda attrapa sa main puis l’entraîna loin de la fenêtre ouvragée, de l’œil des Déesses. Elle le guida à travers sa suite, jusqu’au lit ou il l’avait trouvée, une ou deux heures plus tôt. Sans hésiter une seconde, elle le fit s’asseoir sur l’imposant matelas. Les phalanges caressant le dos de la Princesse de la Destinée, il l’a laissa s’improviser guide de ce qui ressemblait de plus en plus à une seconde première fois. S’il savait pertinemment, il aurait pourtant eu du mal à expliquer précisément ce qui le mettait dans cet état, colorait son visage de rose, nourrissait son brasier – et une certaine forme d’appréhension douce-amère. A plus d’une reprise, déjà, il avait imaginé ce moment, persuadé qu’il demeurerait à jamais une simple vue de l’esprit – un fantasme destiné à s’effacer, charrié par les vagues d’un réel hostile. Et maintenant qu’elle se tenait devant – non, sur lui – il débordait d’une vie et d’une passion nouvelle autant que de la crainte que cet instant lui soit arraché. 

Les doigts de la jeune femme s’écrasèrent doucement sur son pectoral, comme pour le pousser à s’allonger. Ses propres bras se refermèrent sur la muse qui inspirait son bonheur et il l’entraîna dans sa chute. Bientôt, elle fut allongée au dessus de lui. Sa gueule balafrée s’était perdue quelque part entre le creux de son cou et l’orge de sa chevelure. Il inspira longuement, tout en la serrant fort contre lui, sans bouger. L’espace d’une seconde, le Héros envisagea de la garder prisonnière de son étreinte, pour l’éternité. Il ramena sa main caleuse contre l’arrière du crâne de Belle, aussi hésitant qu’elle n’était fébrile. Quelque chose, qu’il gardait depuis des années caché au fond de son torse, ne demandait qu’a sortir. Pourtant, il tût ces quelques mots. Et plutôt que de rester véritablement muet, il glissa un baiser, à la naissance de sa gorge, près de son épaule. 

Link n'aurait su dire combien de temps ils restèrent ainsi, avant qu'elle ne recommence doucement à le dévorer. Ses lèvres s'étirèrent timidement, avant de se séparer franchement, le temps d'un éclat de rire. « Arrête ~ », fit-il affectueusement, flattant délicatement ses cheveux. Ils savaient tous deux que les choses n'avaient pas vocations à s'arrêter là. Il ne le souhaitait pas. Son pouce et son index effleurèrent les courbes de la suzeraine à laquelle il avait jadis prêté allégeance, papillonnèrent jusqu'à sa croupe. Lentement, elle se releva, le dominant de toute sa hauteur. Du bout de l'ongle, elle vint taquiner son abdomen, l'invitant à réchauffer sa couche. L'azur croisa à nouveau le gel alors qu'elle s'élevait, brièvement. Pris de frisson, il expira longuement. Ses paumes accrochèrent le fessier et les hanches de la jeune Hylienne, dressée au dessus de lui. La nuit leur appartenait.


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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La princesse ouvrit doucement les yeux, réveillée par un rayon de soleil qui avait trouvé un chemin à travers les larges tentures qui cachaient la fenêtre. Elle posa un regard tendre sur le jeune homme qui dormait encore collé à elle. Les vêtements qu'elle lui avait rapportés n'avaient finalement pas eu d'utilité cette nuit, et elle non plus n'avait pas pris le temps de ré-enfiler les siens.

Sa main glissa tendrement dans les cheveux du jeune homme endormi, se remémorant le moment où elle l'avait accueilli en elle avec un soupir. Leur première étreinte n'avait pas été longue. Elle l'avait senti gêné et avait tenté de le rassurer à grands renforts de caresses, plus amusée que dérangée. De toute façon ils avaient eu largement l'occasion de jouer les prolongations ensuite. Une pointe de rouge colora ses joues alors qu'elle se faisait la réflexion qu'elle n'avait pas passé une nuit aussi agitée depuis un moment. En avait-elle même déjà vécu une comparable ?

Tout ça lui semblait tellement... naturel. Elle ne comprenait pas comment elle avait pu passer à côté de ses envies aussi longtemps. Sans doute qu'inconsciemment elle avait craint de briser l'amitié qui les liait, déjà si parfaite à ses yeux. Finalement elle n'avait pas l'impression que ce soit le cas, bien au contraire.

Mais quelques coups frappés contre la lourde porte de bois la ramenèrent à la réalité. Ce n'était pas tout de comprendre ce qu'elle voulait, son statut en rendait la mise en pratique plus compliquée. Et le simple fait que le soleil ait pu arriver jusqu'à elle lui indiquait sans mal que l'heure de sa réunion au sujet des récents événements de Cocorico et de ce que le Général avait pu obtenir des prisonniers était déjà dépassée.

"Votre Majesté, est-ce que tout va bien ? Le chancelier de la guerre, le général et leurs officiers s'inquiètent de votre retard, pour le moins inhabituel."

En un fragment de seconde une conscience si prompte à lui gâcher la vie passa en revue tout ce qui lui interdisait de partager cette délicieuse nuit avec le reste du monde. La bienséance pour commencer, mais elle aurait été soulagée si ça n'avait été qu'une question d'apparence.

Les fiançailles de celui qui avait partagé sa couche avec la princesse d'un autre peuple n'étaient pas non plus anecdotiques quand bien même elles ne s'étaient toujours pas concrétisées. Il était de notoriété assez publique que la souveraine des Zoras avait un faible pour le jeune homme, et même si Zelda ignorait comment Link avait géré la situation, il ne lui était pas difficile d'imaginer que les relations diplomatiques pourraient se retrouver tendues par l'annonce d'un rapprochement avec elle.

Son mariage si mal clôturé restait également un sujet délicat, et les mises en garde du Pontife avaient été assez fréquentes pour subsister dans un coin de la tête. Elle se doutait qu'elle devrait batailler pour faire accepter une nouvelle alliance.

Et pour finir, ces chaînes et cette vie de Cour, elle n'aurait pour rien au monde voulu les lui imposer. Elle connaissait suffisamment son ami pour savoir ce qu'il risquait de ne pas apprécier au château. Malheureusement, un rapprochement officiel avec elle n'était pas sans implications.

Une partie d'elle souhaitait de tout cœur trouver une solution à tout ça, mais si elle était certaine d'une chose, c'était que se faire surprendre dans la situation actuelle ne serait pas la meilleure façon d'y arriver. Elle eut un sursaut en voyant la porte s'ouvrir doucement et sa main se tendit, invoquant la magie pour lui opposer une résistance et la claquer à nouveau. Elle aurait dû la verrouiller plus tôt, le sort de protection qu'elle avait posé n'avait aucune raison de refuser l'entrée à des employés du château, mais elle avait eu autre chose en tête avant de sombrer dans le sommeil.

"Tout va bien, je serai prête dans quelques instants !"

Le bruit n'avait pas manqué de réveiller son complice. Elle aurait souhaité lui offrir un réveil plus doux mais il était désormais trop tard. Ses yeux glissèrent dans ceux de Link, sans trop arriver à cacher sa propre panique. Elle chuchota, pour ne pas être entendue de l'extérieur.

"Ce n'est pas... le bon moment, ni la meilleure façon, pour rendre tout ça public..."

Ses bras l'attirèrent contre elle pour le sentir à nouveau contre sa peau alors qu'elle réfléchissait à la meilleure solution sans aucune envie de se séparer de lui si brusquement. Après un court instant de silence, elle s'extirpa finalement de ses bras à contrecœur, alors que ses visiteurs à la porte s'impatientaient sûrement.

"Il faudrait trouver une cachette..."


Link

Héros du Temps

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Les premières lueurs du jour lui picotèrent les paupières bien avant que le vacarme organisé du Castel ne le tire à sa rêverie. Zelda, semblait-il, dormait encore à poings fermés. Couchée sur le flanc, elle lui tournait le dos. Sans trop y réfléchir, l’esprit encore embué par les tendresses de la veille, il laissa son regard longer le corps nu de son amie mais retint sa main : tout aussi attirantes que pouvaient être ses hanches, il savait combien elle avait besoin de repos. Plus que lui, sans aucun doute, sans quoi elle serait déjà éveillée elle aussi. Aussi garda-t-il ses doigts pour lui, quoique à regret. Les caresses de la nuit lui manquaient déjà. Un demi-sourire un peu béat – probablement un peu niais aussi – étirant son visage, il se dit qu’avec un peu de chance, ce ne serait pas la dernière fois. Les doutes, les interrogations et le chagrin viendraient peut-être plus tard mais dans l’immédiat, l’heure n’était à rien d’autre qu’à la passion qui poussait son cœur à marteler l’intérieur de sa poitrine. Sans rien en savoir, à l'évidence, la dernière des Nohansen l’avait lancé dans un galop plus effréné encore que celui des plus rapides chevaux.

Sans mot dire et sans bruit, il enfouit son visage sous les édredons. Paré de son plus simple appareil, lui aussi, et le torse pressé contre le matelas, il ne sût cependant s’interdire un dernier regard, chargé de désir autant que de complicité. Avant de se laisser céder, finalement, aux sirènes du sommeil. Elles l’attirèrent doucement, puis parvinrent à le tirer loin des rivages – pourtant doucereux – du Royaume. S’il avait toujours eu du mal à trouver le poisson qui régnait sur le domaine des Songes, la princesse avait su l’apaiser — d’une façon ou d’une autre.
*

Bien plus tard, un poing qui lui semblait de fer tambourina contre le bois épais de la porte. Habitué ne dormir que d’une oreille, l’Hylien manqua de sauter du lit, cherchant mécaniquement la dague qu’il conservait systématiquement sous ce qui lui servait usuellement d’oreiller. Mais, puisque la pulpe de ses doigts ne rencontrait que le linge et les soies qui habillait le lit, il finit par se rappeler qu’il n’était pas perdu quelque part, en forêt. Les larges rideaux qui bloquaient encore la lumière n’avaient rien à voir avec le sombre lacis qui lui servait parfois de toit. Sans un mot, il leva le voile qui pesait sur le givre de ses yeux et contempla une fois encore la souveraine. Au coucher comme au réveil, elle lui semblait si belle ! Pourtant, il comprit en la voyant lever le bras que leur idylle touchait déjà à sa fin. Derrière les lourds battants de cèdre s’éleva une voix qu’il ne connaissait pas mais qui le renvoyait à une réalité amère, de celles qu’il ne pouvait affronter avec une épée — de celles qu’il ignorait même comment combattre. 

Pire encore ! Il aurait été bien incapable de dire s’il était seulement légitime à se lancer dans pareille bataille : Zelda et lui n’avaient que peu pris le temps de discuter de leur relation. Ce qui lui semblait être la plus tendre des déclarations n'était - peut-être - qu’une douce nuit sans lendemain à ses yeux. Désolé, déjà, par l’idée qui s’ancrait dans son esprit, il s'apprêtait à s’arracher au lit. Les draps étaient encore froissés de la veille. Leur fougue avait aussi fait bouger les lourds brocarts du baldaquin, qui retombaient désormais sans une once de grâce.

La panique dans les yeux de Belle l’attristait plus que de raison. Des années durant, il avait creusé autant que faire se pouvait et enterré les ivresses qu’elle entretenait bien involontairement chez lui — celles là même qui avaient parfois guidé son bras. Il n’était plus sûr de pouvoir enfiler une fois de plus cet armet de gel qu’il avait recouvert, chaque fois qu’elle évoquait Dun Loireag ou Efelron. « Shhhh... — », souffla-t-il doucement, l’attirant dans ses bras. Le torse écrasé contre sa poitrine, il glissa les doigts dans ses cheveux. « Ne sois pas inquiète, princesse. Tout va bien... », le murmure, glissé à l’oreille de la jeune femme, se voulait rassurant. Sentant les bras de son amante se refermer dans son dos, il fit de même et la serra fort contre lui. Sans qu’il ne le souhaite réellement, l’étreinte prit une autre tournure, un instant au moins. Un court moment, il lui sembla que les choses auraient pu déraper une seconde fois. Ses lèvres le brûlaient et il envisagea même de planter sur les siennes un lascif baiser. Les quelques mots qu'elle laissa passer sonnèrent le glas de ces envies. Chagriné plus qu'affligé, il tâcha de s'accrocher à l'espoir qu'il lui restait : d'elle ne venaient pas les obstacles. C'était sa Cour, ses conseillers, le Pontife ou quelqu'autre autorité qui leur interdisait le bonheur. Ça n'était pas elle ! Ça ne pouvait être elle...

Et pourtant, une petite voix susurrait à son oreille quelques verbes à lui glacer le sang. Et si la jeune femme cherchait simplement à le ménager ? Regrettait-elle ce qu'ils venaient de faire ? Avait-elle honte de lui ? Sur le saphir terne de son regard, il jeta deux suaires de chair, incapable d'affronter ses yeux.

« Belle, je... », commença-t-il, le ton hésitant et la mâchoire cassée par le doute. Il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il pouvait lui dire, aussi inhuma-t-il son nez dans le creux du cou de la suzeraine, caché au milieu de l'or de ses cheveux. Plus que quoique ce soit d'autre, il souhaitait sentir ses bras le ramener à elle, sa peau contre la sienne, ses seins pressés sur son thorax. Il se refusait à croire qu'elle puisse lui être arraché une quatrième fois. Pas après  tout ce qu’ils avaient vécu, découvert ensemble — ces plaisirs auxquels ils s’étaient adonnés. Il s’était offert à elle et il ne saurait l’oublier. 

Quand elle lui parla de se cacher, il hocha mollement la tête. Il n’avait sans doute pas une conscience aussi aiguë qu’elle, quand il s’agissait de discerner tous les enjeux diplomatique ou toutes les règles protocolaires qu’ils avaient bravées. « Tu peux me négocier trois minutes ? », s’enquit-il tout de même, décidé à ne pas la mettre dans l’embarras. Le temps n'était visiblement plus aux discussions. Sans attendre de réponse, et sans oser embrasser la Reine, le vagabond quitta rapidement le lit avant de sauter dans sa tunique, laissant la veste de mailles et le bonnet qu’il portait en arrivant. « Garde les pour moi, d’accord ? », souffla-t-il aussi discrètement qu’il lui était possible de le faire. Le bouclier accroché au bras et l’épée lui ceinturant le dos, il lui lança un dernier regard avant de bondir par la fenêtre. 

Il freina sa chute à l’aide d’un peu de vigne vierge qui avait commencé son ascension des murs du Palais des années auparavant. Rapidement, mais sans heurt, le Faux-Kokiri gagna le sol, ses bottes encore jetées sur son épaule droite. Après un rapide coup d’œil en direction de la fenêtre que l'élue de Nayru avait laissé ouverte – visiblement peu désireux d'en quitter l'horizon –, il se glissa dans l'un des larges buissons qui les avaient déjà cachés tous les deux. Achevant de s'y préparer, enfilant le cuir bouilli de ses guêtres, ajustant sa tunique, sa chemise et ses chausses, il laissa son esprit vagabonder. Pourquoi avait-il laissé chez elle son haubert et son couvre-chef ? Certes, ils étaient trempés, mais il avait déjà été surpris par la pluie et savait encore comment sécher ses effets. Quelque chose au fond de lui lui susurrait qu'il avait laissé un peu de ce qui lui appartenait là-haut pour, un jour, pouvoir mieux y revenir. Il ignorait pourquoi mais après l'euphorie de la nuit passé, tout lui semblait dorénavant plus complexe. Comme si ce simple instant d'allégresse partagée pouvait à lui seul réécrire l'intégralité de leur histoire commune...


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