Posté le 27/01/2012 23:56
L'on dit souvent des Castels qu'ils ont des yeux et des oreilles dans chaque mur. De fait, comme bien d'autres choses que l'on peut dire, font presque parti du folklore. A l'instar de véritables légendes populaires. Toutefois, prétendre d'une forteresse qu'elle a des yeux et des oreilles serait, à mon humble avis, quelque peu éloigné de la vérité. Certes, yeux et oreilles sont bien présents, en nombre et en masse, mais cécité et surdité partielles semblent bien souvent frapper : ils ne voient et elles n'entendent que ce bon leurs semble.
Et comme toujours, rumeurs et racontars virevoltaient un peu partout dans la demeure royale, pour peu que la famille royale eût le dos tournée.
Faux aurait-il été que de prétendre ne trouver que des flagorneurs, que des beaux-parleurs, des obséquieux, des flatteurs ou des menteurs. Faux aurait il été que de prétendre ne trouver que des comploteurs, des ambitieux. Faux aurait-il été que de prétendre ne pas trouver de loyaux, de fidèles, et de grands.
Mais cela n'empêchait nullement les remarques de fuser, dans cette période de faiblesse que connaissait le Royaume, et plus encore ces moments de défaillance de la Princesse. Le masque était tombé une fois, et déjà quelques uns se jetaient dessus.
C'était là le quotidien de chaque dirigeant, et aucun ne pourrait prétendre détenir le pouvoir sans cette contrepartie. Car, c'est bien dans pareil univers que l'on croise les plus gros requins, et bien souvent l'on a pas le choix de se retrouver avec ce genre d'ambitieux comme menace plus ou moins dissimulée.
Derrière la lourde porte de bois massif que s'apprêtaient à pousser l'Élue de Nayru, détentrice de la Sagesse et auguste siège pour la couronne, restaient à moitié endormis quelques uns de ces carnivores.
« Messieurs, je vous saurais gré de bien vouloir faire silence. Cessez donc de jouer les gamins indisciplinés, elle ne saurait tarder, et si elle n'est point parmi nous à cette heure même, c'est très certainement car elle est occupée à quelque affaire urgente.
–Monseigneur, je vous saurais gré de bien vouloir nous comprendre. Pourquoi nous faire patienter si longtemps, alors qu'il s'agit là de questions de la plus haute importance ? J'en suis persuadé, son époux le Prince Dun n'aurait toléré pareille inconvenance ! »
Le vieil homme-lige de la Princesse afficha clairement sa lassitude, soupirant, et laissant ses épaules s'affaisser l'espace de quelques secondes. Il attendait sa maîtresse, non loin du siège qu'elle allait être menée à occuper, face à toute l'assemblée de ces nobliaux pédants et hypocrites. Un combat qui la laisserait presque seule, contre le monde.
Tout vieux seigneur qu'il était, il portait encore l'épée au côté, quand bien même sa présence sur un champ de bataille fusse proscrite. En duel, s'il avait été doué d'une aisance digne de légendes, il ne valait plus rien, alors que la petite vermine rongeait déjà sa santé, et que ses os lui tiraient des grimaces de douleurs. Incapable de courir, tout juste capable de tirer l'épée pour la tenir droite. Un bien piètre soutien à la guerre, principale raison pour laquelle il était resté, à siéger au conseil, en ce sombre jour. Ah..! Loin, qu'ils étaient, les jours où avec le Roi, il partait pour quelques escapades !
Toutefois, bien peu, en dehors de quelques jeunes insolents et trop sur d'eux, osaient encore passer outre son autorité. De part sa seule réputation, il parvenait à aider la fille de feu son meilleur ami, comme si elle avait été la sienne.
« Seigneur Descharyen, je n'aimerais pas avoir à me répéter. Si son altesse fait attendre le conseil, c'est justifié, point à la ligne. Oseriez-vous lui demander des comptes à ce sujet là ? »
Le dit seigneur, fils de quelque grande maison baissa la tête, l'air un peu pataud de l'enfant qui se fait sermonner, tandis que Cerscastel posait la main sur le pommeau de sa lame, offerte – comme la chevalière – par le roi, bien des années de cela. Le silence retomba sur la salle, et il tacha de se détendre un peu. Crispé, il aurait bien du mal à remplir son office.
Enfin, les portes s'ouvrirent, immenses, sur une femme qui ressemblait presque, pendant un instant si court qu'il crût l'avoir rêvé, à une gamine apeurée, et en manque d'aide. Mais c'est en grande Dame, Suzeraine toute puissante et presque irréelle qu'elle franchit celles-ci, pour aller prendre place, là où elle le devait. Cerscastel resta silencieux, et impassible. Elle le connaissait depuis bien assez longtemps pour savoir avec qui il était. Il ferma les yeux, un court moment, alors que retentissait la voix de celle qu'il avait juré de servir et de protéger jusque dans la mort.
« Veuillez excuser mon retard. Je recevais justement les dernières nouvelles concernant l’avancée de nos troupes. Nous pouvons à présent commencer sans plus attendre. Messire Dir Elän, pouvez-nous nous énoncer les points à l’ordre du jour ? »
Dir Elän se leva de son siège, et passa la main sur sa nuque, quelque peu stressé. C'était un jeunot, peu habitué à ce genre de chose, mais son père, en charge de la lecture des ordres du conseil était parti à l'Ouest, vers le Désert, la guerre et sans nul doute la mort. L'héritage qu'il laissait à son aîné comportait donc aussi ses charges et fonctions, et bien qu'âgé de tout juste quinze ans, le garçon était entré au service de la famille royale avec l'enlèvement du Prince Dun, pour qui il nourrissait une forte admiration, à chaque fois que son père lui en avait parlé.
« Je... » Commença-t-il hésitant, évitant le regard de Zelda. « Je suis désolé pour ce qui arrive, Altesse. » Il regarda dès lors ses chausses (admirables, soit dit en passant ! Si certains semblaient crever la faim par dehors, d'autres pouvaient encore s'offrir le luxe de souliers plus chers qu'une armure !) et tourna la langue dans sa bouche. Il avait conscience qu'il allait vraisemblablement une femme qu'il ne connaissait pas, mais c'était-elle qui le lui demandait presque, cherchait-il à se dire, pour rassurer sa conscience. Et puis, était-elle vraiment humaine ? Aussi froide qu'elle pouvait paraître ?
Hélas, oui. Le masque était tombé.
« Aujourd'hui s'est réuni le conseil pour aborder le sujet des guerres et conflits qui ravagent le Royaume. Nous comprenons l'effort financier que vous pouvez demander, néanmoins, nombre d'entre nous ne veulent voir leurs hommes et leurs fils périr pour une bataille si lointaine que le Désert. Et par les temps qui courent, il nous est maintenant impossible de maintenir l'ordre sur nos terres, fautes d'hommes et de budget. »
A nouveau, ses yeux fuirent ceux pourtant si jolis de son Altesse, Zelda Hyrule.
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