Posté le 03/12/2017 19:17
Ses doigts palmés cessèrent de jouer avec la hampe froide de sa lance alors qu'il observait la future Mère arriver doucement dans la salle du Conseil. Nije soupira de soulagement, heureux de voir la Princesse de retour, après de si longs mois passés en dehors du domaine. Ainsi que l'exigeait le protocole, il baissa le regard pour ne pas croiser celui de sa souveraine. Ramenant son poing contre son thorax, il s'inclina, achevant sa révérence, comme tous ses paires. Devant lui, les trois Doyens se levèrent de leurs sièges et passèrent devant le tribunal. « Bienvenue, Altesse. » Lança Opes Avo de sa voix à la fois lourde et sereine. Ses lèvres s'étirèrent en un petit sourire sincère, puis les Sages la saluèrent tous ensembles, s'inclinant respectueusement. « Nous sommes heureux et rassurés de vous savoir parmi nous, votre Majesté » commença Taja Napen alors que les trois Zoras reprenaient place derrière la lourde table de nacre bordée d'aigue-marine. « Nous savons l'importance que revêt ce jour à vos yeux et ne souhaitons pas vous retenir plus longtemps que nécessaire. Le Domaine tout entier vous attend pour débuter la fête », rappela le sage, déployant devant lui quelques tablettes d'argiles échancrées et scellées dans des bordures de bois brun. Après un bref regard sur les nombreux sièges vides, il poursuivit. « Comme vous pouvez le constater, tout le Conseil n'est pas présent. Plusieurs d'entre nous participent à l'organisation des festivités. » Son œil unique épousa un instant la Princesse, avant de revenir à ses notes. « Néanmoins, il est de nombreux sujets qui requièrent votre attention la plus immédiate, Majesté. » Son ton, grave et froid, était à l'image de sa perception de la situation. Le Doyen releva le regard sur Opes Avo, puis sur Malem. Les deux anciens gardaient encore le silence, mais partageaient son avis, il ne le savait que trop bien. Taja Napen ouvrit la première des tablettes qui contenait l'ordre du jour. « Hátign... », commença-t-il, sans trop savoir comment formuler son message. Tous savaient à quel point la nouvelle allaient déplaire à la Princesse. « ... Nous nous sommes entretenus avec sa Majesté votre père pendant votre absence. Nous sommes tombés d'accords sur un sujet essentiel : vous ne pouvez plus quitter le Domaine comme vous l'avez fait. » Un instant, le silence retomba sur le Tribunal des Doyens. Ils ignoraient si Ruto était trop abasourdie pour répondre où si son silence cachait sa rancœur. « Le Domaine est l'endroit le plus sûr pour une personne de votre rang. Votre sécurité est la première de nos préoccupations, Hátign » précisa Malem, cherchant du regard les yeux de sa suzeraine.
De la pulpe du doigt, Opes Avo dessina une esquisse de carte sur un petit angle de la table de Conseil. Les traits prirent vie sur la surface de nacre, précisant les contours du Domaine et de tout le territoire qu'occupaient les Zoras. L'amont du Gyorg, par delà la cascade et l'aval de la rivière, glissant vers les multiples plaines du royaume. Les doigts de l'ancien brillèrent brièvement d'une lueur bleue et le canevas grandit, de façon à être visible par tous les membres du Conseil. « La guerre qui ravage les landes pourrait vous tuer, Altesse. Nous ne laisserons pas un tel drame se produire. » Chacun des membres du Conseil nourrissait pour Ruto une affection et une estime inébranlable. Ils l'avaient vu naître, grandir, mûrir. Ils l'avaient éduquée, chérie, protégée. Mais au delà même de cet amour qu'ils lui portaient, la mort de la Princesse-Mère signifiait la mort de toute la colonie. « C'est auprès de votre peuple que vous devez être, Hátign, nulle part ailleurs. Quand vous partez, les plus jeunes pleurent et les plus âgés se laissent dépérir. Le sort du Domaine tout entier repose sur vos épaules. »Dans un éclat de toux surfait, Opes Avo invita son confrère à se taire, un instant au moins. Malem n'avait jamais été connu pour son tact et quand bien même ses opinions étaient souvent avisés, le Conseil n'avait pas l'autorité suffisante pour ordonner quoique ce soit à la jeune suzeraine. « Ce que Malem cherche à dire, Altesse, c'est que nous avons besoin de vous. Vous serez bientôt en âge de devenir la nouvelle Mère de la colonie et à ce titre, risquer votre vie revient à mettre en jeu tout l'avenir de notre civilisation. » Dans une ébauche de sourire gênée, Opes chercha à rassurer la jeune femme. « Vous comprendrez donc que d'ici à une évolution de la situation extérieure, le Roi souhaite vous préserver du moindre risque. C'est dans ces conditions qu'il a décidé de nous nommer garants de votre intégrité et donc décisionnaires de vos éventuelles sorties au-delà des défenses du Domaine. » Posant le poing sur la table, Taja Napen décida d'intervenir de nouveau. L'ancien général n'avait jamais aimé les discussions trop longues et partageait davantage la philosophie de Malem. « Sachez, Hátign, que ce point ne souffrira d'aucune contradiction. Dorénavant, vous ne pourrez plus quitter vos appartements sans notre aval. » Par réflexe, sa main gauche s'était refermée sur la fusée de la lame qui ne quittait plus jamais sa hanche. Tous trois savaient le Roi derrière eux dans cette bataille et était conscients qu'ils l'avaient gagné avant même le retour de la Princesse.
"D'autres sujets primordiaux requièrent votre attention, Hátign." Sans laisser de répit à Ruto, le vieux soldat reprit. D'un geste de la main rapide il balaya les tablettes, peu désireux de s'en tenir à l'ordre du jour. « Nous savons vos tentatives pour entrer en contact avec Zelda Nohansen Hyrule et, d'une façon générale, le monde des Hyliens. Cela doit cesser. » Le regard dur du borgne épousa celui gracieux de sa future Reine. « La guerre des Hyliens n'est pas celle des Zoras. Les Gérudos ne viendront pas jusqu'à nous : ils n'en ont pas le besoin ni l'intérêt. » A ses yeux, s'impliquer dans ce conflit ne faisait en aucun partie des devoirs de son peuple. Les Hommes s'étaient engagés dans une guerre stérile et meurtrière qui ne les concernaient qu'eux. « Taja Napen a raison. Nous ne devons rien aux Hyliens et n'avons aucune raison de leur rester serviles. Laissons-les s’entre-tuer si bon leur semble. Ils ne nous sont jamais venus en aides mais envahissent nos terres, dépeuplent nos rivières. Ils peuvent bien mourir et nourrir ce monde qu'ils méprisent. » Malem renifla, profondément agacé. Depuis près de deux cent ans, il cherchait à convaincre le Conseil et le Roi de rompre la vassalité qui les liaient au trône d'Hyrule. D'aucuns soupçonnaient qu'il tuait tous les Hyliens qu'il avait l'occasion d'éliminer – et si c'était vrai, cela aurait constitué un motif d'exclusion du Conseil – mais personne n'avait jamais pu le prouver. Souvent, pourtant, les corps de vagabond était retrouvés pourrissants dans la rivière. Les Octoroks n'avaient pas la force de les massacrer ainsi qu'ils l'étaient mais d'autres créatures marines essuyaient le blâme. Cette fois, Opes Avo ne l'interrompit pas. Aucun Zora n'avait de complaisance pour ceux qui foulaient le monde de la surface. Il n'aurait juste pas osé le formuler aussi durement. « Zelda Nohansen Hyrule et Ganondorf Dragmire sont des idiots dont nous devons nous séparer, Hátign. Nous n'avons pas à mourir pour l'un ou pour l'autre. » Opes bégaya, un instant. « La famille royale d'Hyrule règne sur tout le pays... — » commença-t-il, les écailles rendues scintillantes par l'angoisse. « Alors le Domaine ne fera plus partie d'Hyrule. Je suis prêt à partir en guerre pour nous débarrasser de ces chiens ! » Calmement, Taja Napen rappela Malem à l'ordre. « Cette décision reviendra à son Altesse Royale la Princesse Ruto et à son père. Je ne crois pas toutefois, que le conflit soit nécessaire. Nous pourrions nous contenter de fermer les portes du Domaine. » Du regard, il invita la future Mère à prendre la parole. De nombreux sujets devaient encore être abordés, mais de tous il était probablement le plus important et ne pouvait faire l'économie d'un véritable débat. Le reste pouvait attendre. Éventuellement.
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