La paume de sa main, de cuir protégée, vint épouser les antiques roches qui composaient la Cathédrale. Aussi loin qu'il lui était possible de se souvenir, le Temple du Temps s'était toujours dressé comme sanctuaire au sein même de la Citadelle. Ses doigts parcouraient la pierre, noircie par endroit. Il ferma les yeux, le coeur alourdi par une tristesse nostalgique tandis qu'il lui semblait qu'il remontait le temps, plongeant dans des souvenirs et des images qui ne lui appartenaient pas. Bientôt, les plus grands bâtiments s'effacèrent au profit d'arbres centenaires, et la cité se creusa jusqu'à laisser place à un gouffre qui lui paraissait sans fond. L'Hylien retira sa main de la paroi du Temple, pour réaliser qu'à la place des morsures de flammes dormait la vigne vierge des Bois Perdus. Ses yeux glissèrent jusque ses mains et revinrent à la Nef, qui n'avait plus rien de semblable avec celle qu'il avait connu. Parsemée de lierre, ça et là, une Grande-Arche en forme de demi lune tombait en ruine, mais maintenait deux lourds battants d'une pierre ouvragée, sombre et lisse à la fois.
L'Enfant-des-Bois resta muet, un instant, avant de reculer plus encore – comme pour jouir d'un panorama et contempler un tableau qu'il aurait perdu. Jusqu'à ce que le vide le rappelle à la réalité : dans son dos, la ravine qui s'était ouvert tout à l'heure. Le givre de ses yeux l'emmena tout en bas, pour quelques secondes, attiré par le piédestal qui sommeillait entre les insignes tribaux.
« Ici sommeillent les légendes sanglantes d'Hyrules... Faites de haine et de cupidité. — »
Le presque va-nu-pied se retourna, brusquement, avec la désagréable impression qu'un Esprit sournois se jouait de lui. Sa main gauche gagna son épaule droite, dont la température semblait monter aussi soudainement qu'il n'avait réagit. Ses yeux scrutaient la porte du Temple, tandis qu'au fond de son crâne se bousculaient des interrogations, des inquiétudes, des regrets. Mais de tous, perçait la curiosité et le sentiment d'effleurer un but jusqu'à présent intouchable. — Inimaginable et inconcevable.
« Avance, guerrier, avance. Mais là où tu souhaites t'aventurer, l'épée ne saurait être d'aucune utilité. Seul le gardien de l'Oeil de Vérité pourra scruter... — »
Sous son regard, une vielle femme semblait prendre forme. Assise en tailleurs et cachée sous un immense drap rouge. Pour autant, elle ne semblait pas mystérieuse... Ni hostile.
« Avance, guerrier, avance. Mais là où tu souhaites t'aventurer, l'épée ne saurait être d'aucune utilité. Seul le gardien de l'Oeil de Vérité pourra... » Reprit-elle, avant d'être coupée. Aussi subitement que tout s'était produit, ce nouveau monde qu'il foulait du pied s'effondra sur lui même quand revenaient les pavés, les odeurs et les bruits de la Ville-Close. «
... Messire ! » Lâcha une dernière fois l'adolescent qui accompagnait son amie. «
Pardon...— » S'excusa simplement l'Hylien, laissant Flora del Carmen se saisir de son bras et sourire en réalisant qu'il était venu la retrouver. «
Tu te sens mieux ...? » Glissa-t-il à la jeune demoiselle, encore inquiet, quand son guide se fut éloigné. Et puis, dans un demi-sourire, il se souvint d'une des confidences qu'elle lui avait fait, à mesure que son regard ne glissait sur les épaules nues de la Prêtresse. «
Viens avec moi. » Souffla-t-il ensuite en attrapant sa main.
*
Il mit pied-à-terre, et inspira longuement. Il y a quelques temps, déjà, la fille-de-foi lui avait fait savoir son désir de "voir" le Lac Hylia. Aussi, sur un coup de tête, il avait décidé d'exaucer son souhait. Devant eux mourrait lentement l'écume sur les berges aussi fragiles et chatoyantes sous le coucher de soleil qu'elles n'étaient fières. L'eau bruissait doucement et le vent faisait agréablement chanter les feuilles. Les lieux lui semblaient être si loin de ce qu'ils avaient été les dernières fois qu'il s'était aventuré par delà le courroux des tréfonds et des abysses. Cette fois-ci, pas d'Araknons enragés, ni d'Esprit-Loup gigantesque. Pas plus qu'un chancelier à sauver. « Jeune dame, c'est l'heure de descendre ! » Souffla-t-il à la sacerdoce, non sans l'attraper par la taille, conscient qu'elle ne pourrait pas le faire seule. Le voyage avait été suffisamment long pour qu'il ne l'ennuie pas en plus avec cela.
Et s'il se doutait qu'elle savait où ils étaient – le vent l'avait sûrement trahi, salé mais humide qu'il était – il prit néanmoins la peine de se saisir de sa main. La jeune femme s'apprêta à dire quelque chose, mais il la coupa. « Attends-une seconde, tu veux ? ~ » Lui intima-t-il gentiment, avant de la mener jusqu'au bordures du Lac, et de lui tremper le bout des doigts dans l'eau calme, sereine. « Tu peux parler.. » Lanca-t-il alors, dans un demi-sourire, soulagé de la savoir en bonne santé... Non sans regretter ne pouvoir partager plus de moment de la sorte avec Belle également.