Posté le 03/06/2015 16:06
Cocorico avait fait du bruit bien plus loin que son enceinte. La citadelle elle-même avait subi les retentissements de ce qui s’était passé là-bas, bien que les versions diffèrent d’une bouche à l’autre. Partout, les sentiments déchiraient les foules, et Negaï avait bien du mal à briller par la simple blancheur de ses dents ou la couleur singulière de ses iris.
Profitant de ces temps de calme pour ses activités diurnes et nocturnes tout aussi lubriques les unes que les autres, il avait quitté le plancher poussiéreux sur lequel il avait l’habitude de dormir pour aller au Lac. La distance lui imposait de longues périodes entre chaque visite. Mais chaque fois qu’il avait voyagé jusque là, la chance lui avait souri. Il se cachait souvent dans les chargements de marchands ou de brigands. On trouvait toujours à s’arranger, car même quand on avait du temps, on appréciait toujours d’en gagner.
Le temps était brumeux, près des eaux d’Hylia. Il avait entendu quelques murmures dire qu’il s’agissait des fumées d’un Dodongo ravageur. Lui n’y croyait pas, mais n’était tout de même pas rassuré de ne pas voir ce qui pouvait rôder autour de lui. De même, après une longue et morne discussion au laboratoire, il n’avait pas su profiter de la lampée d’air qu’il inspira, celui-ci étant affreusement lourd.
Sa nuit à la belle étoile n’allait pas être une véritable partie de plaisir, mais au moins avait-il eu les herbes qu’il était venu chercher. De plus, il attendait une visite d’Hortense qui, malgré sa froideur et les coups qu’elle pouvait porter à son corps et à son cœur, trouvait toujours le moyen d’apaiser ses nuits.
Il avait marché des heures autour de la berge, car il s’agissait de la seule trace qu’il pouvait suivre sans se perdre dans la brume. Mais quand celle-ci se dissipa, il aperçut rapidement une silhouette, un peu plus loin, logée contre un arbre, comme s’il s’agissait d’une magnifique sculpture dans ses racines. Il s’approcha à pas félins, pour ne pas être remarqué, se demandant s’il s’agissait d’Hortense. Mais l’aspect de la chevelure qu’il devinait en réduisant la distance lui indiqua le contraire.
Deux solitaires, perdus dans la brume, quand tout appelait à être ailleurs ? Le violet n’aimait pas les coïncidences, et se sentit presque menacé. Il détaillait cette femme dont il ne savait rien, mais qui l’intriguait tout particulièrement.
Elle n’était pas visible, mais déjà de dos, quelque chose chez elle attirait le regard. Les personnes évoluant seules trop longtemps pouvaient devenir grotesques tant elles rejetaient tous les codes sociaux. D’autres, comme cette beauté, se tournaient vers des postures plus reptiliennes, à la fois hypnotisantes et terrifiantes aux yeux du prostitué.
Et la manière dont la jeune femme tourna la tête vers lui, suivie par un délicieux mouvement de cheveux, ne fit que conforter Negaï dans son hypothèse. Cette créature, tout comme lui, avait été taillée dans les plus belles matières pour séduire. Mais dans quel but ? Il ne se cacha pas assez vite, et cette sculpture mouvante le repéra.
« Qui est là ? » lui lança sa jolie voix, elle-même étudiée dans les moindres détails pour séduire les oreilles les plus esthètes. Jouant la carte de l’aventure, Negaï s’avança davantage, sans se faire discret cette fois, non sans être sur ses gardes.
« Pardonnez-moi si je vous ai effrayée, je me suis perdu dans cette brume, et je me suis senti rassuré de voir que je n’étais pas seul. »
Il s’arrêta lorsqu’il put voir ses traits, qui étaient aussi saisissants que le reste de son apparence. « A dire vrai, je ne m’attendais pas à tomber sur qui que ce soit, et encore moins quelqu’un d’aussi remarquable que vous. » Un petit sourire vint ponctuer sa phrase. Un sourire plus amical que charmeur. Il se doutait bien que la personne en face de lui n'était pas aussi dupe que les citoyens qu'il croisait habituellement au bourg.