Posté le 30/12/2011 06:53
Orpheos avait couru avec tout son souffle, à travers le couloir obscur menant dans l’aile ouest de la citadelle noire. Ne sachant même pas comment s’étaient organisés tous les autres dans le hall, contre les Darknuts, il avait seulement espéré que le plus grand nombre d’entre eux en ressortirait vivant. Lui était parti seul, car seul il agissait mieux. Et il n’oubliait pas le but principal : délivrer Dun.
Pour cela, il fallait explorer la forteresse, mais plus il s’enfonçait dans ses tréfonds, plus il réalisait son gigantisme. Il avait l’impression de s’aventurer dans les intestins d’une bête monstrueuse, prête à le détruire à tout moment par l’un de ses systèmes ou l’un de ses agents défensifs…
Une boule de lumière, certainement venue d’un des soldats de Link, avait éclairé la vision du chancelier durant une partie du chemin. Mais celle-ci avait ralenti pendant la course d’Orpheos pour le laisser finalement seul, et arrivé au bout du couloir, il avait dû choisir entre grimper des escaliers en colimaçon faits de pierre brute, qui semblaient mener aux étages d’une tour, ou en descendre pour partir dans les sous-sols de l’aile ouest.
Là encore, il avait choisi son chemin par hasard… et s’était retrouvée dans les sous-sols.
De là, on entendait encore les échos de la bataille à l’étage. Il était sûrement en train de se rapprocher des dessous du hall, en parcourant d’un pas prudent les couloirs inférieurs. Les murs de pierre noire étaient décorés de rangées de torches enflammées, et pourtant, elles ne semblaient pas projeter une lumière suffisante pour tout éclairer. Comme si les ombres ambiantes étaient trop épaisses pour être tout à fait vaincues. Orpheos avait la désagréable impression que des choses s’y cachaient… Pendant que presque tous les autres se battaient encore dans sa gueule, la bête sentait peut-être les pas de l’intrus avancer entre ses parois.
Le chancelier n’aima que très peu cette sensation d’être observé… mais le couloir finit par l’amener à une grande porte en ogive. A sa gauche, le couloir continuait pour se perdre dans les dédales de la forteresse, mais le chancelier eut l’intuition de ne pas continuer. Des pièges devaient sans doute l’attendre plus loin.
Mais dès l’instant où il poussa cette fameuse porte en ogive, il sut qu’un autre de ces pièges se refermait sur lui.
La pièce qu’il découvrit était plongée dans l’obscurité, si bien qu’Orpheos ne sut en évaluer la taille. La faible lueur des torches du couloir éclaira tout juste un escalier de marbre noir qui descendait… ainsi que des étagères remplies de livres.
Lorsqu’il descendit l’escalier pas à pas en ayant pris soin de refermer la porte -le verrou du piège- derrière lui, le chancelier s’immobilisa sur la toute dernière marche pour s’habituer aux ténèbres. Ses yeux de Sheikah sondèrent celles-ci durant un instant avant de pouvoir s’y habituer.
Il s’agissait d’une bibliothèque. Et pas de n’importe laquelle : celle du seigneur du Malin, qui renfermait à coup sûr de nombreux secrets. Orpheos eut juste à consulter brièvement les titres d’ouvrages sur la première étagère de droite, pour en trouver certains réputés très rares, et basés sur les langues mortes étrangères. Quelle ironie que le chancelier se retrouve dans un lieu de culture, chez l’ennemi !
Mais la bibliothèque de Ganondorf paraissait abandonnée depuis un certain temps. Quelques livres ouverts jonchaient l’allée du milieu, tracée entre les étagères où devaient se promener quelques araignées appréciant l’odeur de poussière noble qui régnait en maître, autant que la pénombre. Et puisqu’il s’était totalement habitué à cette dernière, Orpheos s’apercevait maintenant très bien de la taille immense du lieu. Dans le noir, le plafond voûté se perchait à une vingtaine de mètres au-dessus de sa tête, les étagères elles-mêmes faisaient trois fois sa taille, et l’autre extrémité de la bibliothèque ne s’atteindrait pas en quelques secondes.
Alors, encore vêtu de sa cape immaculée, la tête toujours encapuchonnée, il s’aventura pas à pas au beau milieu de l’allée principale…
Recouvert ainsi de sa cape, il paraissait être un fantôme parcourant des lieux hantés. Et bien qu’il fut, pour l’instant, l’unique soldat d’Hyrule à s’être aventuré dans la bibliothèque, cette impression d’être observé subsistait. Sa solitude n’était peut-être pas. Il était sûr de n’être victime, en tout cas, d’aucune peur véritable. C’était dans les endroits les plus sombres qu’il était le plus à son aise, pour vivre comme pour combattre…
A chaque étagère dépassée, Orpheos s’attendait à voir un ennemi lui foncer dessus, tapi dans la noirceur, entre les centaines de livres, ou qu’il lui tombe dessus car perché dans les hauteurs de la salle, sur les énormes étagères qui le surplombaient. Un piège pouvait surgir n’importe où, n’importe quand…
Les bottes du chancelier enjambaient les livres ouverts qu’elles rencontraient, pendant que sa tête restait fixée vers l’autre bout de l’allée. Ou plutôt ce qu’il en devinait, puisqu’il ne le voyait pas. Mais ses yeux, eux, n’arrêtaient pas une seule seconde de bouger. Ses oreilles non plus ne se reposaient pas ; tous ses sens étaient aux aguets. Plus il s’éloignait de l’entrée pour s’enfoncer dans la salle, plus il sentait le danger grandir, et plus il marchait lentement. Quasi-silencieusement. Il s’était isolé dans les entrailles de la bête, sans même être sûr de trouver une clef à la portée de son chemin. Des voix hurlantes lui parvenaient d’en haut mais elles étaient encore trop loin.
Selon un écriteau, Orpheos passa devant l’étagère qui abritait les savoirs de la magie obscure, mais il ne voyait toujours pas le fond de la bibliothèque…
Puis, son intuition repéra soudain quelque chose et il détourna brutalement la tête vers sa gauche : il découvrit un animal au pelage blanc posté entre deux étagères, les babines retroussées et les yeux pleins de rage.
-Un loup… ?
Orpheos crut alors entendre un bruit furtif, quelque part derrière les étagères les plus proches, et sans réfléchir, il recula d’un bond dans l’allée principale. Son capuchon tomba de sa tête dès qu’il toucha terre, découvrant de la sorte son visage pâle.
-Un animal perdu en pareil lieu possède forcément un maître, clama le chancelier avec sang-froid. Sortez donc de votre cachette.