Posté le 15/02/2013 18:07
Le geste brusque de Llanistar sembla affecter Katrina, qui ne conserva la tête haute que quelques instants. Regrettait elle ses mots ? Peu de chance, à ce sujet. Ces mots avait fait souffrir d'autant plus le général qu'il les savait sincères, et médités. La rédactrice ne s'était pas fait connaître par des coups de sang qui lui faisait écrire des pamphlets. Sa réputation avait grandit par la qualité de sa réflexion et plusieurs fois le général avait pu apprécier cela. Sans doute ne pensait elle pas qu'il lisait son journal... C'était bien mal le connaître, encore une fois. Comment avait elle pu écrire ces mots sans jamais chercher à le rencontrer ? Avait elle pu d'être manipulée ? De perdre son indépendance d'esprit ? Le nordique baissa les yeux sur sa main d'acier, et la fissure que le choc avait provoquée dans le bois. Il avait eu tord d'agir ainsi. Pas seulement parce qu'il avait rompu le calme qui le caractérisait et que cela l'empêchait de réfléchir, mais aussi vis à vis de ce qu'il voulait être. Seuls les tyrans frappaient du poing lorsqu'ils entendaient parler de leurs erreurs. Et pourtant le général pensait les détester plus que tout au monde... Voilà qu'il commençait à leur ressembler. Etait ce si simple, de devenir tyran soi même ? Cette pensée lui procura un frisson de peur, au creux du dos. Mais il fut tiré de ses pensées angoissantes par la voix de Katrina.
« Si je n'ai pas averti la garde, c'est que je n'avais aucune preuve, uniquement de fortes présomptions. Je ne suis qu'une habitante parmi d'autres, et je craignais qu'on accorde aucun crédit à mes dires, d'autant plus si je ne pouvais fournir de détails, de dates exactes. Et je n'accuse personne d'avoir aidé les âmes, car je considère au fond que cette intervention m'a peut-être aussi sauvée du pire. »
Llanistar hocha la tête, signe qu'il était reconnaissant qu'elle rectifie ce dernier point. Autant pour lui que pour ces hommes, il ne voulait pas que l'arrestation soit vue ainsi. Lui et Holon avaient agit dans la précipitation et avec le désir d'empêcher tout blessé supplémentaire. Au final, que tous les belligérants aillent en prison restait secondaire. Il fallait empêcher que soient faites d'autres victimes. En revanche, il ne put que se remettre en question à propos de la crainte de la jeune femme de ne pas être écoutée par la garde. Avait il faillit à faire comprendre que l'armée n'était pas là pour mener le peuple à la pointe d'une lance mais pour le protéger et le servir en toute occasion ? D'autres avaient ils essayés de le rencontrer, sans succès ? Le général savait d'expérience qu'un soldat hésite à faire entrer dans une place forte un inconnu qui demande à rencontrer une personne importante. C'était une méfiance normale, indispensable en ces temps de guerre...Mais cela pouvait créer un gouffre entre soldats et sujets, qui n'avait pas lieu d'exister. Tous étaient des enfants de la couronne. Llanistar se promit qu'il agirait de manière à ce que personne n'oublie cela. Hyrule ne pouvait verser dans la haine de l'autre. Il allait dire à Katrina d'enchaîner, quand elle releva la tête et poursuivit, la voix plus assurée mais toujours neutre.
« Si mon implication dans le journal a réellement un rôle dans la Justice qui me sera rendue, je répondrais à toutes vos questions. Mais sinon, je n’en dirais pas plus. Je me dois de garder le silence, de ne pas justifier les mots qui auront pu vous toucher, je ne peux pas vous parler de mon avis personnel. Nos plumes se sont faites écho d’une absence douloureuse, d’un silence suivant une brillante montée en puissance de votre part. Les gens se sont posé des questions sur vous, trop absent à leur goût. Ils venaient de perdre un héros et pensaient en avoir un nouveau. Mais vous avez fait faux bond au peuple aussi vite que vous êtes monté en grade. Vos origines n’ont rien avoir avec ça, je dirais même qu’elles ont contribué à vous attirer l’admiration de la foule. Vous étiez le parfait exemple de réussite malgré les différences, vous montriez au peuple que lorsqu’on désire réellement apporter son aide, on peut le faire sans être un hylien pure souche. Votre silence n’en a été que plus douloureux. »
Ainsi, Llanistar s'était trompé sur toute la ligne, de A à Z. Ayant baigné dans le bain de l'armée et de la noblesse depuis sa naissance, il avait très apprit à reconnaître les officiers fanfarons des officiers doués, à distinguer ceux qui se contentaient d'avoir belle allure de ceux qui seraient capable de mener leurs hommes à chaque instant d'une bataille. Toujours, les mauvais faisaient plus de bruits que les autres, affichaient des sourires éclatants, paradaient en toute occasion. Aimés du peuple mais détestés des soldats. Le nordique s'était toujours identifié aux autres, les vrais, les bons. Ceux qui, mal peignés et dotés de manières plus rudes, attiraient moins le regard, mais sauvaient des centaines de vies lorsque le péril étaient sur elles. Dés sa sortie de l'école militaire, il avait travaillé à la solidité de son armée, sans ménager ses efforts et sans en retirer la moindre gloire. Il agissait pour le bien de tous... Comme il avait l'impression de le faire depuis qu'il était général d'Hyrule. Lorsqu'il avait accédé à la fonction, le pays n'avait aucune armée. Tout était à faire, et très rapidement. Il lui était arrivé de ne pas dormir pendant trois nuits en essayant de résoudre un problème épineux. Si il ne se montrait pas, c'était à cause de ce manque de temps, et parce qu'il méprisait ceux qui passaient leur temps à parader ! Mais il fut obligé de se mettre à la place de ceux qu'il se devait de protéger. Loin du château, loin de ce général si fraîchement arrivé à Hyrule. Que pouvait il savoir de ce travail ? Son imagination lui faisait voir des bals, des dîners splendides, des plaisirs inconnus... Pouvait il savoir que Llanistar n'y goûtait pas ? La réponse était non.
Malgré le visage de pierre de Katrina et son don d'empathie troublé par la prison, il décela un éclair d'émotion en elle, et releva les yeux pour s'apercevoir qu'elle cherchait ce contact. Alors, certainement sans qu'elle en ait conscience, sa voix fut moins froide.
« Je ne peux rien garantir sur ce que reporteront les autres journalistes, mais votre coup d’éclat à la place a déjà fait parlé de lui, au moment même où vos hommes nous emmenaient. Vous vous êtes montré, et qui plus est vous avez fait respecter la loi. Le vent tournera pour vous, mais le cœur du peuple a besoin de plus de présence pour être conquis. Mais je ne pense pas vous apprendre quoi que ce soit. »
A présent, il comprenait ça, et comprenait du même coup son erreur. Le peuple d'Hyrule n'avait pas eu de général depuis des lustres. Ces gens ne pouvaient interpréter son enfermement au château que comme une oisiveté, une paresse digne de ses nobles qui laissaient Hyrule couler petit à petit, par peur de trop perdre de leurs privilèges. Il fit signe à l'un des officiers de le rejoindre, et ordonna,
« Otez donc ces fers. Ils ne sont pas dignes d'elle. »
Llanistar ne pouvait avouer à Katrina ô combien elle l'avait aidé, avec ses quelques mots. Mais cela, elle pourrait le comprendre. De plus s'être pensé, ne serait ce que quelques instants en tyran, rendait insupportables ces chaînes. Cela n'était pas sa manière de faire, d'être. Il aimait convaincre, persuader. Pas forcer par l'acier ou la souffrance. Lorsqu'il répondit à la jeune femme, il ne se laissa pas aller à l'émotion mais le ton avait changé.
« Vous n'êtes pas ici et n'y serez jamais pour ce qui a été ou sera écrit dans votre journal. Ce n'était pas le général qui avait besoin de réponse... Mais moi. Llanistar, celui que beaucoup oublient. Il soupira, Je ne suis qu'un homme, ni un ange ni un dieu. Au retour de la citadelle, j'ai prêté serment de protéger la princesse Zelda et son peuple. Dés lors, jamais un jour n'est passé sans que j'agisse dans ce sens. Je me suis parfois refusé de dormir, souvent de manger. Depuis des mois je travaille à l'édification d'une armée capable d'agir comme un rempart contre l'envahisseur. Et pourtant, il m'est arrivé une unique fois de ne plus m'en croire la force. Ce soir là, j'ai bu à ne plus en savoir où j'étais. Ce fut le jour où j'ai lu votre journal. Je ne demande pas votre soutient, Katrina, vous êtes libres et je souhaite que vous le restiez. Mais vos mots ont faillit me décourager, me faire retourner d'où je viens. Je...J'ai sans doute sous estimé le symbole que je représentais auparavant. Mais me couper du peuple, je ne l'ai jamais voulu. Je pensais que le bien du royaume l'exigeait. A présent je comprend que je me trompais. Je devais vous le dire, faites en ce que vous voulez. »
Llanistar commençait à se sentir mieux. Ces mots avaient besoin de sortir de son esprit, d'être entendus pour ne plus le faire souffrir. Il n'en avait pas fini avec Katrina, mais cet échange le fit aller mieux. Il tira une dernière fois sur sa pipe avant de l'éteindre, au cas où la jeune femme n'apprécierait pas l'odeur du tabac. Puis il reprit,
« Pour en revenir à ce qui vous a conduit ici, Katrina, je vous déclare innocente. Il marqua une pause afin de lui laisser assimiler la nouvelle, Il est clair que vos intentions étaient bonnes et vous n'avez pas tiré. Donc, vous n'avez commit aucun crime. Néanmoins, je ne saurais trop vous recommander de ne plus agir en solitaire. Hyrule a besoin que nous nous entraidions, pas que nous nous tirions dans les pattes ! Nombreux témoignages évoquent la bravoure de ces "Rédempteurs". Mais en agissant par eux mêmes et sans en informer la Couronne, ils mettent le pays en danger. Katrina Skara, si vous êtes en contact avec eux, essayez de les raisonner. Je ne désire pas leur tête ni même les voir en prison. Je veux travailler avec eux, pas devoir les chasser comme des criminels. Bien. Si vous me promettez de faire passer ce message et que vous n'avez plus rien à ajouter, vous êtes libre. »
Llanistar tendit sa main de chair, attendant la réaction de la jeune femme.