Posté le 06/08/2013 01:20
La princesse s’était avérée incapable de tenir en place. Elle avait bien essayé, mais quoiqu’elle décide de faire elle était bien trop distraite pour arriver à se concentrer. Sans cesse son regard revenait vers la fenêtre. Elle aurait dû être habituée à cette attente. Les messages ne circulaient pas toujours vite, et elle ne pouvait pas se rendre sur le front : elle devait donc se montrer patiente, soutenir ses troupes uniquement par la pensée.
Il aurait été faux de dire qu’elle cherchait à protéger sa propre vie. Sans hésitations elle l’aurait donnée si elle avait pu être certaine d’apporter une paix durable et des jours prospères à son peuple. Elle n’était juste pas assez naïve pour penser que ce pourrait être le cas. La Famille Royale ne disposait d’aucun héritier et elle était la dernière à avoir un accès direct au trône. Si elle disparaissait, elle laissait place au chaos, jusqu’à ce qu’un quelconque cousin éloigné ou le Seigneur Ganondorf ne récupèrent la place vacante laissée derrière elle. Au vu du Fragment qu’elle laisserait derrière elle, le second scénario était même le plus probable. Sept années à présent effacées lui avait permis de voir de quoi l’Homme du Désert était capable avec un seul des Fragments, elle ne souhaitait pas imaginer la tournure des événements s’il prenait le trône maintenant ou s’il récupérait la Triforce complète. Elle n’avait jamais douté que ses désirs de conquête aillent sans doute au-delà des frontières hyliennes, cette dernière possédant la puissance nécessaire pour faire ensuite tomber les autres.
Mais elle n’en pouvait plus d’attendre sans savoir ce qui se déroulait exactement au désert. C’était déjà ce qu’elle avait fait la dernière fois, et le résultat lui avait porté un coup très dur, malgré leur victoire. Elle ne savait même pas si Link s’y trouvait cette fois. Avait-il appris ce qui se tramait par là ? Que ce soit ou non le cas, il y avait des soldats qu’elle avait envoyés sur place, elle devait au moins s’y rendre. Prendre des précautions, s’assurer une retraite, rester prudente, elle ferait le nécessaire mais elle ne pouvait pas rester là les bras croisés. Pas une fois de plus. Si elle pouvait apporter son aide, fut-elle minime, elle devait le faire.
La discussion avec Impa qui suivit ne fut pas longue. Elle avait décidé de la prévenir de son départ : elle n’était plus une enfant, et si elle ne jugeait pas nécessaire de prévenir tout le château au risque de répandre la nouvelle hors de ses murs, elle souhaitait tout de même que sa nourrice en soit informée. Cette dernière pourrait alors passer l’information à ceux qui étaient dignes de confiance si nécessaire. Mais de tous, c’était elle qui connaissait le mieux le déguisement de la Princesse, et que la Sheikah approuve ou non sa décision, elle choisit apparemment de la respecter et de laisser Zelda suivre la voie choisie.
Il y avait d’autres personnes de confiance à qui elle aurait voulu parler de son départ, mais elle devait faire attention aux oreilles indiscrètes qui pourraient traîner entre les murs du château, et plus grave encore le temps comptait. Si elle arrivait sur place une fois la bataille terminée, quel qu’en soit le résultat, son voyage n’aurait servi à rien. Elle fut donc rapidement de retour dans sa chambre pour se préparer. Elle n’emporterait qu’un strict minimum : l’équipement de Sheik, qui avait toujours tenu à voyager léger. C’était lui qui ferait ce voyage. Ce déguisement avait beau être connu de quelques-uns, en ce compris de Ganondorf, il n’en était pas moins toujours utile. Nombre de gens l’ignoraient encore, et elle serait tranquille au moins jusqu’à son arrivée sur le terrain. En outre, s’il l’avait si bien cachée pendant 7 ans en attendant le réveil de son ami, c’était qu’il masquait la présence du Fragment de Triforce qu’elle portait. Tout cela sans parler de sa tenue, il lui serait plus facile de se déplacer dans la tenue moulante du Sheikah que dans une des robes amples qui composaient l’essentiel de sa garde-robe.
Ce fut Impa qui se chargea d’amener à Sheik le cheval qui le porterait jusqu’au désert, afin d’éviter d’attirer l’attention sur son départ. Après l’avoir remerciée, il partit en lui confiant le château, à elle ainsi qu’à l’armée qui y était restée en plus grande part. Il doutait fort de rattraper les soldats en route vers le désert et d’arriver au début de la bataille, mais il avait l’avantage de voyager seul et vite. Il devait encore pouvoir arriver peu de temps après eux en limitant les pauses.
Comme prévu, la bataille avait déjà commencé quand il arriva à la Forteresse, son cheval laissé un peu plus loin pour rester discret. Il avait choisi de passer par les gorges, dépassant un campement apparemment abandonné, et repérant les traces d’une explosion plutôt violente qui n’augurait rien de bon.
Lorsqu'il entra dans la cour, le spectacle n'avait d'ailleurs rien pour lui plaire. Les soldats semblaient en difficulté, et cela avait aussi l'air d'être le cas de combattants qui n'en faisaient pas partie mais se battaient apparemment de leur côté. Il lui prit l'envie de se jeter dans la mêlée, pour aider de son mieux, mais il savait combien ce serait vain. Il osait espérer que les troupes n'aient pas été réduites à ce point et que le reste de l'armée, sans doute occupé ailleurs, pourrait les rejoindre au plus vite.
Dans un geste devenu si habituel chez Zelda qu’il semblait déteindre sur lui, il passa la main à l’emplacement de son oreille, pourtant couverte par ses cheveux et les bandages qui le dissimulait. Il n’avait pu s’empêcher de reprendre avec lui la boucle d’oreille qui liait la Princesse au Héros, en guise de porte-bonheur. Il ignorait même si l’initiative venait vraiment de lui. De toute façon, cette dernière était assez cachée pour ne pas l’empêcher de rester discret. Ce dont il fut cependant certain en l’instant, c’était de la présence de Link en ces lieux. C’était à la fois un réconfort et une inquiétude, car il n’ignorait bien entendu pas la présence du Seigneur du Malin lui aussi, et il n’avait besoin d’aucune boucle d’oreille ou d’aucun fragment pour le deviner. À cette pensée, il fut tenté de chercher après le jeune hylien, de parcourir des yeux la masse de combattants et de la traverser rapidement pour tenter de le retrouver. Mais il calma les désirs de la princesse. Plus tard. Nul doute que leur ami allait bien, il avait toujours su se débrouiller et pour l’instant il s’était donné une autre mission malgré le désarroi de la princesse qu’il ressentait au fond de lui.
Serrant le poing, il se contint et s'obligea à rester discret. Les entrées semblaient bloquées, mais il avait repéré une large fissure dans les murs de pierre, sans doute due à l'usage d'explosifs, et il se faufila entre les combattants, silencieux et discret à la manière des Sheikahs. Il aurait pu être malaisé de passer inaperçu, à découvert, en plein jour, au beau milieu d’une foule, il n’ignorait pas le risque qu’il prenait de s’exposer. Mais cette même foule avait d’autres préoccupations que sa présence. La bataille déjà bien entamée, chacun se concentrait sur son adversaire, n’ayant que peu de temps à prêter aux silhouettes déjà occupées tout autour, ne cherchant qu’à protéger sa propre vie. D’une danse agile, n’hésitant pas à se baisser si les circonstances l’exigeaient, il dépassa tout ce petit monde, prenant garde à ne pas prendre un coup perdu ou attirer l’attention. Il eut une frayeur lorsqu’alors qu’il touchait presque au but et arrivait à quelques pas de l’ouverture, il se sentit percuté de plein fouet. Se laissant entraîner dans le mouvement par réflexe, il se rendit compte que la pression exercée n’avait rien d’agressif. C’était un cadavre qui venait de s’échouer sur lui. Il se laissa emporter par le mouvement et simula une chute lui aussi, pour échapper à l’attention du responsable. Après quelques secondes au bout desquelles le survivant avait déjà dû se relancer dans la mêlée, il se dirigea à nouveau vers le trou ouvert dans les murs, rapidement sans se relever totalement, rejoignant l’ombre de la forteresse avec soulagement.
Arrivé à l'intérieur, redressé, il se donna un instant pour choisir son chemin. Il avait clairement senti la présence de Nabooru dans la forteresse, mais il n'en connaissait pas pour autant le dédale de couloirs qui s'offrait à lui. Il ne pouvait que se fier à son instinct, cherchant à se rapprocher de la Sage à chaque embranchement de couloirs. Alors qu’il progressait dans les sombres allées qui semblaient creusées dans la pierre, c’est par des taches de sang à terre que son œil fut attiré. Redoublant de prudence, il les suivit jusqu’au cadavre d’une Gerudo. Le sang n’était cependant pas le sien, et les traces continuaient, plus espacées, comme si leur propriétaire avait accéléré le pas. Lui au contraire ralentit la cadence. Il supposait que, vu l’effroi qui avait dû le pousser à courir, l’individu était de son côté mais comme rien ne pouvait l’en assurer il se garda bien de faire du bruit. Il restait toujours plus sûr de n’alerter personne de sa présence. Il finit par le trouver assis sur le sol, sans doute mal en point, mais surtout prêt à tirer sur la moindre chose qui bouge. Peu désireux de tester les sorts de celui qu’il identifia à son bâton comme un magicien, il attendit que le jeune homme regarde dans la direction opposée pour fondre dans son dos et lui plaquer la main sur la bouche et murmurer à son oreille.
« Chuuut. Je suis de ton côté. Pas de bruit, d’accord … ? »
Il lui sembla que le magicien avait compris et il retira doucement sa main.
« Tu es blessé non ? »