[Post de lancement de Llanistar et Ivaens. Merci de ne pas poster pour l'instant et d'être indulgent, je n'ai pas encore bien l'habitude de ce perso.]
La pièce est froide et sombre. Il ne sentait pas vraiment où il était, ni quel jour ou même quelle année. Perdu dans cette prison de pierre et de douleur, il attendait. Depuis combien de temps était il là? La notion du temps lui avait échappé en même temps que la lourde porte d’acier s’était refermée sur sa cellule, il y a bien longtemps. Le gout de la viande, la douceur du soleil d'hiver, la vue des montagnes du Nord, il commençait à oublier tout cela. Il pourrissait sur pied dans son réduit de pierre, de paille et de ténèbres. Sans lumière, sans lit, sans hygiène. On le privait de tout. C'est à peine si on le nourrissait.
Un trou pour l’y voir mourir, un cercueil de pierre d’où il ne sortirait peut être jamais. Surement jamais même! La plupart des autres prisonniers sortiraient pour vivre leur dernier souffle au bout d'une corde ou sous le fer de la hache d'un bourreau. Mais il ne s’attendait pas à un procès, pas pour lui. Il était pire qu’un criminel. Pire qu’un ennemi de l’Empire. Il était un félon au regard du Dieu, un hérétique et son existence même était une offense faite à la religion. Jamais l’Inquisition n’accepterait de le voir revenir à la lumière du jour, fusse pour quelques instants. Un parricide, fratricide et incestueux, voilà ce qu’il était. Le monstre qui s’était sournoisement fait une place de général. Sans doute qu’il serait dépeint ainsi pour les générations à venir, avant que les sables immortels du temps ne recouvrent son nom.
«Toutes ces années pour finir comme ça...»
Il releva la tête, brusquement, puis éclata d'un rire jaune en pensant au ridicule de sa situation. La folie commençait à le prendre pour de bon. Il gardait le silence depuis si longtemps qu’il n’avait même pas su reconnaitre sa propre voix. Ou bien avait elle vraiment changé. Il ignorait ce à quoi il pouvait bien ressembler en cet instant. Une parodie d’homme. Une moitié de cadavre. Un demi mort.
Si son corps ne se portait pas bien, son esprit dépérissait lui aussi. Il ne parvenait plus à réfléchir correctement, ne rêvait plus, des migraines le prenaient à chaque réveil, il était prit d'hallucinations et surtout il perdait la mémoire.
Il n’arrivait ainsi pas à se rappeler de la moitié des visages qu’il avait connu autrefois. Son père? Oublié. Ses frères? Oubliés. Ses maîtres, amis, subordonnés? Oubliés. Le seul qui persistait dans son esprit et dont le souvenir lui déchirait le coeur à chaque instant était celui de sa soeur. Sa voix ne fut alors plus qu'un souffle tandis que ses joues déjà creusées de larmes en accueillaient de nouvelles.
«Valenrya. Comment ai je pu les laisser te tuer?»
Le désespoir transpirait dans sa voix, le même que bien des mois auparavant, lorsqu’on l’avait finalement arrêté. Rien ne pourrait effacer le souvenir des instants passées avec elle, rien ne pourrait combler le vide de son absence. Il était seul, jusqu’à ce que ses bourreaux se décident enfin à l’achever. Il ferma les yeux. Il entendit soudain des bruits de pas dans le lointain. Des bottes à talon d’argent. Un inquisiteur. Peut être le signe de la fin du parcours.
La porte s’ouvrit sur une lumière aveuglante et un individu mince au sourire malsain.
« Il est l’heure!»
Llanistar se redressa d’un coup, le poignard à la main. Au dessus de lui, Ivaens se redressa vivement, surprit par ce réflexe peu commun. Où était il donc? Dans sa cellule du palais de cristal ou bien dans cette forêt avec cet homme? L’odeur de mousse humide et du crottin de leur chevaux suffit à lui fournir la réponse. Le rêve lui avait au moins épargné la puanteur de la cellule. En ça, il ne pouvait pas être réel.
Rangeant son arme et se débarrassant de sa couverture, il remit un peu d’ordre dans ses idées tandis que Ivaens retournait boucler son paquetage. Le soleil se levait à peine sur les bois et il n’avait pas dû dormir beaucoup après la veillée d’hier soir. Cela avait été la première fois qu’il arrivait à engager la conversation avec son «compagnon» depuis qu’ils avaient décidé, de mauvais coeur, de faire route ensemble. Ils avaient parlé de leurs pays natals. Ivaens de ses plaines et des chevaux qu’il élevait, Llanistar de ses montagnes, de la ville de Waundel et des bois dans lequel il se sentait libre et Roi.
Il ne pouvait reprocher au jeune guerrier son mutisme permanent. Déjà parce que lui même détestait les gens trop bavards mais surtout parce qu’il n’oubliait pas le mal qu’il avait pu faire à son pays.
Lorsque Artensyr avait décidé d’attaquer Hearas, Llanistar n’était qu’un jour noble, promu général sans avoir jamais bataillé. Il avait assisté pour la première fois aux horreurs de la guerre et à ses moments les plus glorieux. Il s’était fait son propre nom en conduisant une charge victorieuse contre l’armée de ce pays et son visage était connu dans la population d’Hearas. Il était celui qui les avait asservit. Par la suite, il avait été le principal juge d’un tribunal chargé de condamner les résistants. Ce rôle lui avait particulièrement déplu mais aucun Artensy digne de ce nom n’aurait décemment refusé pareil honneur.
C’est là qu’il avait prononcé la peine de mort pour celui qui était à présent son compagnon.
«Hey, le noble... T'es enfin réveillé ? Il ne faut pas s'attarder ici."
«Oui. J’arrive.»
Llanistar épousseta sa tunique de cuir. Il ne regrettait pas d’avoir échangé ses anciens vêtements contre ces tenues au dernier marchant ambulant. La soie et le lin ne se prêtent guère qu’à la cour. Pour le voyage, rien ne valait le cuir et la laine. Et puis, ces vêtements avaient comme une odeur du Nord, une odeur de chez lui et des forêts dans lesquelles il se sentait bien. L’héritier Rusadir ramassa son paquetage et l’accrochait à son cheval quand une ombre furtive bondit sur lui, le renversant sous son poids tandis que Llanistar éclatait de rire.
«Haha Ghost arrête! Tu ne me trouves pas déjà assez sale comme ça?! Tu vas voir!»
Après quelques instants à se roule par terre avec le Loup blanc, le noble se sentait déjà de meilleure humeur. Comme toujours, Ghost restait l’ami qui le comprenait le mieux. Rien ne semblait échapper à l’animal, à tel point que Llanistar s’était mit naturellement à lui parler. Le loup n’avait jamais répondu mais une lueur dans son oeil semblait montrer qu’il comprenait. Sans dire mot, il retourna dans les broussailles et partit au trot dans la bonne direction, visiblement satisfait d’avoir remonté le moral de son ami.
Le noble prit soudain conscience du regard condescendant que posait sur lui Ivaens. Qu’es-ce que cet homme pouvait être sec! Leurs poursuivants avaient sûrement perdu leurs traces depuis des lunes! Si leur calcul étaient exacts, ils seraient dans leur nouvelle patrie dans la soirée. Pas de quoi s’inquiéter.
Encore agacé, Llanistar mit le pied à l’étrier et monta en selle. Aussitôt, Ivaens partit au trot à travers les bois, son compagnon suivant en se demandant pourquoi il restait en sa compagnie. La réponse était simple et elle se situait au niveau de leur poignets.
Bientôt, ils rejoignirent le chemin qui les mèneraient vers l’ouest et la terre où ils avaient prévu de trouver refuge. Indésirables, voilà ce qu’ils étaient devenu. Indésirables et recherchés. Par trois fois déjà, des chasseurs de têtes s’en étaient prit à deux, par trois fois il en avaient réchappé. Combien de temps survivraient ils ainsi? Pendant combien de temps supporteraient ils d’être pourchassés de cette manière? En tout cas, Llanistar espérait que le calvaire cesse à la frontière dont ils approchaient. Peut être parviendraient ils à s’y faire oublier quelques temps, assez pour revenir et renverser l’homme qui leur en voulait.
«Ils sont déjà là.»
Les deux voyageurs avaient atteint une bute légèrement au dessus du niveau des arbres qui leur permettait de voir l’orée de la forêt. Une dizaine de cavaliers semblaient s’y engager, des chiens devant eux. Des acharnés qui ne lâcheraient pas prise facilement. Si il n’aimait pas tuer, Llanistar dû reconnaître que Ivaens avait eu raison quand il lui avait soutenu la veille qu’il faudrait se débarrasser des chasseurs trop têtus. Le sang, encore le sang.
Il en avait déjà trop vu et pourtant jamais le flot ne semblait vouloir s’arrêter de couler. Le noble avait l’impression de lutter contre le courant d’une immense fleuve charriant la mort et la douleur dans son lit. Un fleuve qu’il ne parviendrait pas à stopper, même avec dix vies.
Comme si le monde pesait sur ses épaules, il soupira et dit d'une voix où perçait de la mélancolie.
«Bien. Nous faisons donc comme prévu?»
Ivaens ne perdit pas de temps. Il acquiesça et fit avancer son chemin le long du chemin à une allure peu prudente. La pente allait en s’inclinant au fur et à mesure que les collines devenaient montagnes et y maintenir l’allure demandait plus de maîtrise. Mais Llanistar savait que du temps serait nécessaire à la mise en place de leur plan et qu’ils ne pouvaient pas se contenter d’attendre là et affronter dix hommes entraînés. Même avec Ghost en renforts, le rapport de force serait encore trop inégal. Ils se devaient de trouver une position forte d'où ils pourraient les éliminer et non plus se contenter de les fuir.
Ils continuèrent à allure forcée durant quelques minutes et enfin, Ivaens stoppa net sa monture. Il désigna silencieusement une zone devant eux. A une centaine de pied, une rivière barrait le chemin en coulant des montagnes jusqu’à la plaine en dessous d’eux. Et à cet endroit, une paroi empêchait de contourner par le haut. En clair, tous devraient emprunter ce chemin et si ils le faisaient, ils devraient passer par la rivière. Le lieu idéal.
«Préparons nous.»
[En espérant que ce début vous a plu! Pour ceux qui ont eu le courage et le temps de le lire bien sur!]