Un chant aux cieux, Requiem. [Privé]

Le reste appartient au silence.

[ Hors timeline ]

Aedelrik


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[Privé avec Keith]

A mesure que la surface de l'eau avalait sa vieille masse et l'entraînait dans les flots, Aedelrik pouvait voir le sang se détacher du métal et se répandre dans la rivière, en volutes écarlates, sublimes. Impassible, il observa son arme couler, emportée par son poids. Sensible à l'ironie de l'instant, le Renard remarqua que sa vie n'offrait pas à un quelconque dieu un spectacle différent. Depuis le premier jour et la mort de ses parents, sa trajectoire se résumait en une longue ligne droite vers l'abîme, à la manière d'une flèche qu'un archer maladroit aurait tiré vers le sol.
Plusieurs fois, le voleur avait pensé toucher le fond, ce sol tant attendu. A chaque fois, il s'était relevé pour mieux prendre un nouvel uppercut du destin. Les derniers en date étaient rudes. Il y avait sa double défaite, la cruauté de son soi disant ami, Lanre... repenser à lui réveilla la douleur des plaies qu'il conservait au visage, depuis que le Ceald le lui avait violemment meurtri, à coup de planche en bois. Plus loin dans le passé, il souffrait de son échec à bâtir quoi que ce soit à Hyrule, une terre qui lui paraissait pourtant prometteuse. Et puis, encore avant cela, il y avait bien pire.... Les souvenirs de l'inoubliable nuit de malheur lui revinrent, tous en même temps. Se bousculant dans sa tête, le rire du Duc, les larmes de Nayié, le cadavre sans tête de Trens, l'incendie et le sang sur ses mains, toutes ces images, ces sons, ces sensations firent en lui l'effet du tornade. Cette nuit là, le destin lui avait tout pris, sauf son dernier souffle. Et soudain, Aedelrik se posa la question qui était restée bloquée depuis des mois dans un coin de son esprit qu'il avait soigneusement cadenassé. Une question qu'il avait refusé de regarder en face, tout ce temps.

« Pourquoi es-tu encore en vie ? »

Il aurait dû mourir cette nuit là. Quitter ce monde, pour apaiser la soif de sang du Duc, pour éviter ce sort à ceux qu'il aimait. Et pourtant, ses amis l'avaient tous quitté pour les routes obscurs d'un au delà inconnu quand lui, l'increvable Renard, persistait envers et contre tout... jusqu'à cette nuit. Car si le destin semblait vouloir qu'il souffre, Aedelrik n'avait plus le souffle nécessaire pour se battre, encore. Environ une semaine auparavant, Lanre avait bien tenté de le lui rendre, en le sauvant de lui même, mais il fallait plus qu'une action bien intentionnée pour rendre à un suicidaire l'envie de vivre... Surtout quand on battait ensuite jusqu'au sang le dit prêt-à-mourir, d'une façon humiliante, devant une foule entière.
Pourtant, le Renard ne lui en gardait pas rancune. Le Ceald ne saisissait sans doute pas la portée de son acte. En agissant ainsi, c'est à dire en le ridiculisant publiquement et avec une violence démentielle, il avait ruiné tout espoir que son geste précédent ait un sens. Il avait sauvé la vie du voleur pour mieux lui ôter ensuite toute envie de la préserver. Lanre ne pouvait comprendre cela. Sans doute voyait il cela comme un moyen de donner au voleur une leçon, un moyen de lui rendre la rage de vivre. En ça, il était à l'image de son peuple : Droit. Fort. Fier.
Aedelrik, lui, n'avait que sa fierté pour le soutenir, et à présent il n'en restait plus rien. De la poussière rapidement balayée par les vents, comme une branche consumée par un feu de forêt. Et à présent, le Renard n'était plus qu'un morceau de charbon charrié au hasard, qui attend de disparaître du monde et des mémoires.

Le monde se porterait il mieux sans lui ? Il était en droit de le croire. On regrettait toujours un chien fidèle, ou un cheval travailleur. Mais qui pleurerait la mort d'un Renard chapardeur ? Personne. Aedelrik avait encore en tête les regards et les mots qu'on lui avait jeté comme autant de crachas à la figure, après sa dernière défaite, une semaine auparavant.


« J'veux pas boire à côté d'un perdant ! »
« On va ailleurs, quelqu'un rend la bière fade ici. »
« Hey ! Attention, c'est du plancher sur le sol, c'est dangereux ! »
« Pas de trophée, pas de godet ! »
« Pourquoi t'irais pas traîner dans une auberge pour les nuls ? »
« Quand je pense que j'ai repêché une lope pareille ! »
« Ah moi j'avais pas parié sur lui, tu penses ! J'ai le nez fin ! »

Son nez fin, le Renard l'avait réduit en charpie. Aedelrik avait plus usé de sa masse en quelques minutes qu'en plusieurs mois. Il ignorait toujours si certains moqueurs étaient morts, mais plus aucun n'osait plaisanter après qu'il ait fini de s'occuper d'eux. La plupart avaient perdu conscience, les autres étaient tétanisés. Ses souvenirs de la bagarre restaient flous, mais il se rappelait clairement d'une fureur bestiale qui s'était emparée de lui. Une rage insondable d'être méprisé par ces gens, de subir leurs insultes, eux qui n'étaient rien et ne deviendraient jamais rien. Son désamour de la violence ne pesait rien face à cette colère. Sans doute qu'un ou deux avait rejoint leurs putes de déesses.
Après cela, fuir le bourg s'était imposé comme une nécessité impérieuse, recherché comme il le serait par ses victimes, leurs proches, et par la garde. Le voleur ne craignait rien pour lui même, mais la dernière chose qu'il voulait était de mettre en danger Allyn et son père, les seules personnes qui s'étaient montrés bonnes avec lui, dans ce pays de chiens. A peine avait il embarqué quelques affaires qu'il volait une monture et chevauchait vers la forêt. Un lieu tranquille où, il l'espérait du moins, personne ne l'empêcherait d'en finir, enfin. Lorsqu'il avait franchit les portes d'Hyrule, Aedelrik prévoyait d'aller le plus loin possible et de se tailler les veines dés lors qu'il trouverait un lieu propre à servir de scène pour son suicide. Après plusieurs jours de cheval, il avait atteint la forêt et s'y était enfoncé. Ses pas l'ayant guidé vers un promontoire rocheux surplombant une rivière, il s'était décidé à y vivre ses derniers instants. Très vite, la sérénité des lieux l'avait enveloppée. Loin de la ville et des Hommes, le Renard s'était enfoncé dans le domaine sylvestre pour y trouver ce qu'il désirait en vain depuis quelques temps : la paix. La nuit était tombée, et la pleine lune avait rejoint les étoiles. A présent, le temps semblait comme suspendu au dessus de lui. Seul la rivière semblait encore en mouvement.

Le temps d'un regard vers elle, la masse disparu de la surface, et coula au fond du cours d'eau. Y était il enfin, lui, au fond ? Ou bien pouvait il s'enfoncer dans la vase et connaître plus de malheurs, de vexations, d'humiliations ? Assis sur le rocher, son arme de toujours engloutie après qu'il l'ait jeté, Aedelrik se voyait bien en finir là. Trancher à nouveau ses veines, se laisser tomber dans l'eau et laisser son sang se répandre, comme celui qui maculait sa masse. Il avait entendu un chant de loup, un peu plus tôt. Au moins, il finirait en nourriture pour les prédateurs, pour les vers, et finalement pour les plantes. Peut être aiderait il un bel arbre, comme ceux qui l'entouraient, à sortir de terre. Alors, au moins aurait il accomplit une chose de durable et laissé une empreinte sur le monde. Maigre consolation, mais il saurait s'en contenter. Son arme commençait à dériver, progressivement emportée par le faible courant de la rivière...


Soudain, Aedelrik entendit un long hennissement paniqué. Sa monture, qu'il avait laissé paître sans plus s'inquiéter de l'attacher, semblait complètement affolée. Tirant sa dague et se relevant dans le même mouvement, il couru dans la direction du cri. Alors qu'il franchissait une haie naturelle de buissons et de feuillages, le Renard perçut le son d'un galop de plus en plus proche.

« Gwern Thel ! »

Le juron avait jaillit de sa bouche à peine une fraction de seconde avant qu'il n'ait à se jeter sur le côté pour éviter de se faire percuter par sa monture. Le cheval le dépassa et s'éloigna, à une vitesse dont le voleur ne l'aurait pas cru capable. Mais avant de devoir l'esquiver, Aedelrik avait vu l'état de terreur dans lequel la bête était plongée. L'écume à ses lèvres, son regard fou, sa détermination toute animale de ne pas dévier de sa route ; assez d'indices pour que le Renard comprenne que quelque chose n'allait pas. Quelqu'un ou quelque chose l'avait terrifié. Le bruit de flots troublés par des sabots lui indiqua que sa monture avait sauté du rocher, et qu'il était illusoire de penser le rattraper.
Sa poigne raffermie sur sa dague, l'étranger poursuivit dans la direction opposée, décidé à trouver la source de cette peur. Non pas que la fuite de sa monture ne le dérangeât, puisqu'il ne comptait pas quitter cette forêt vivant, mais bien parce que son orgueil souffrait qu'on ait, peut être, tenté de le voler. Lui même avait dérobé le cheval, il est vrai, mais selon lui sa propre philosophie ne pouvait pas s'appliquer à tous. Si les voleurs ne pouvaient profiter des fruits de leur labeur, alors autant respecter la loi. A pas de loup, camouflé dans d'épais buissons, le Renard avançait vers son but, son regard tentant de percer à travers les feuillages et de repérer la personne ou la chose qu'il recherchait. Finalement, il parvint dans la clairière où il avait laissé sa monture à elle même.
Rien ni personne. Pas même un chant d'oiseau ou un frémissement dans les hautes herbes. Le lieu était calme et paisible. Trop calme pour être rassurant. Trop paisible pour que ce fut naturel. Lentement, les sens en alerte, il quitta son refuge feuillu, et s'avança à découvert.


« Ohé... Il y a quelqu'un ? »

Sa méfiance ne s'endormit pas lorsque seul le silence lui répondit. Il lui semblait bien que toute vie avait déserté ce lieu. De l'expérience qu'Aedelrik gardait de la vie sauvage, il trouvait cette situation bien plus inquiétante que sûre. Un instant, il se sentit comme une victime innocente coincée par un détrousseur au fond d'une ruelle sombre et déserte, la nuit tombée. Aussitôt, il chassa cette pensée qui détournait son esprit de la réalité. En vérité, si cette forêt lui en voulait, elle allait trouver du répondant. Fier comme au premier jour, le Renard ne tenait pas à mourir d'un coup dans le dos et combattre ne l'effrayait pas. Lors de sa déroute contre Lanre, il avait fuit pour la dernière fois. Soudain, il aperçu un frémissement dans un amas de feuillages, à la lisière de la clairière, hors de la lumière de la lune. Ses yeux de chats s'amincirent mais la nuit restait trop noire pour qu'il distingue quoi que ce fut, à l'ombre des arbres. Alors, d'une voix moins assurée, il appela,

« Qui va là ? »

Sa main tremblait.


Keith Lyne


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La pleine lune brillait haut dans le ciel et la louve lui hurla sa joie avant de reprendre sa course entre les arbres. Les odeurs de la forêt emplissaient ses narines mais une plus que les autres s'en détachait, celle du chevreuil qu'elle pistait. Elle finit par l'apercevoir un peu plus loin, sa silhouette se détachant à la lueur de la lune, et l'odeur plus forte et alléchante encore que quand elle avait repéré son passage.
La louve prit le temps de se mettre en position, s'approchant autant que faire se peut sans alerter la bête. Ses pattes épousaient le sol comme des coussins de velours. Puis soudain elle bondit du taillis qui la cachait, s'élançant à la suite du chevreuil qui fila aussi vite qu'il put, mais elle le talonnait. Plus que quelques mètres, un mètre, la distance continuait de se réduire...


Cependant, au lieu de rencontrer la chair de l'animal tant désirée, elle tomba nez à nez avec un cheval en plein milieu du chemin qui lui barrait la route. Là où le chevreuil était passé sans peine à côté du canasson, la peur du cheval en apercevant le canidé devant lui le poussa à gigoter en hennissant, bloquant la route de la chasseuse.
Elle recula par sécurité pour ne pas être fauchée par les sabots du cheval fou, mais la colère montait en elle. Cet animal n'avait rien de sauvage, apprêté comme une monture, son cavalier ne devait pas être loin et il était sur son territoire. Peut-être un chasseur qui fauchait son gibier. Ce qui était sûr c'est qu'il venait de lui faire rater une belle occasion. De rage, elle sortit ses dents et bondit à l'assaut de la bête, agrippant une de ses pattes avant de se laisser entraîner par le mouvement de l'animal pour atterrir plus loin. Tout autre loup aurait sans doute coursé le cheval : il était blessé et même si la peur et l'énergie du désespoir le pousseraient loin et lui donnaient une bonne avance, il finirait par ralentir. Elle n'était toutefois pas affamée à ce point, et autre chose la préoccupait. Une lointaine injonction se rappelait à elle, conscience fondue dans son instinct : rester loin des Hommes. Non pas par peur, mais dans leur intérêt.


Elle se mit à renifler le sol mais ses oreilles se dressèrent alors qu'elle entendait qu'apparemment l'intrus venait à elle de lui-même. La louve rejoignit rapidement les buissons qui entouraient la petite clairière, tapie dans l'ombre, toujours aux aguets.
L'homme entra finalement dans la clairière, de toute évidence conscient du danger qui rôdait autour. Il était armé, mais plus défensif qu'agressif. Elle avait juste à lui faire peur, lui faire quitter son territoire, et ils continueraient chacun leur route de leur côté. Mais elle avait beau s'enjoindre de se calmer, elle sentait la fureur monter en elle. Cette odeur qui lui piquait le museau, c'était celle du Voleur. Il lui avait volé quelque chose de précieux, sans aucun égard, et il le lui paierait. Elle récupérerait ce qui était à elle. En attendant sentir son odeur sur l'inconnu l'empêchait de se calmer. Même si ce n'était pas lui, c'était sans doute un de ses acolytes, et il s'introduisait chez elle lui aussi, sans doute n'était-ce qu'une question de temps avant qu'il ne lui dérobe quelque chose ou qu'il ne mette à sac son territoire.


Sans trop y prêter attention elle avait commencé à glisser doucement vers lui sans quitter sa cachette de feuilles. De toute évidence lui l'avait entendue, elle redoubla de discrétion. Elle retenait au mieux les grognements qui tordaient sa gueule alors que la colère bouillonnait en elle.

Arrivée assez près, soucieuse de ne pas laisser le temps à sa nouvelle proie de prendre la poudre d'escampette avant qu'elle n'ait pu déchaîner sa rage, elle bondit hors du taillis crocs et griffes dehors. En un bond elle s'accrochait au bras de l'homme qui tenait la dague et ses dents cherchèrent à mordre violemment son épaule, mordant la chair aussi fort qu'il lui était possible de le faire. Il lui sembla qu'il s'agitait, et petit à petit elle prit conscience de ce qu'elle venait de faire. Elle se laissa éjecter un peu plus loin, toujours les babines retroussées et les dents sorties, un grognement sourd qui sortait du fond de sa gorge.

Ce n'était pas pour rien qu'à chaque pleine lune Keith avait pris soin de s'éloigner de la ville. Elle avait fait une promesse à celui qui lui avait transmis ce qu'elle avait toujours vu comme un don pour se rapprocher de la nature : ne pas s'attaquer aux Hommes. Or elle avait clairement brisé cette promesse, et elle se rendait seulement pleinement compte de ce qu'elle venait de faire. L'inconnu lui-même ne réalisait sans doute pas encore qu'il s'agissait de plus qu'une simple blessure. Elle recula en restant sur ses gardes au cas où il deviendrait agressif, mais les yeux de la louve cherchaient le regard de l'intrus pour juger de son état.


Aedelrik


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Une goutte de sueur perla de son front sur sa joue. Ses doigts resserraient leur prise sur la poignée de sa dague pendant que son souffle s'accélérait à l'unisson avec son coeur, dont les battements semblaient prêt à faire éclater sa poitrine. Aedelrik ne tremblait jamais devant un adversaire déclaré, fut il chevalier, juge ou roi. Car contre quelqu'un de droit et d'honorable, un homme des ombres parvenait toujours à tricher ou à frapper dans le dos. Le voleur s'en était fait une spécialité et ainsi, avait cessé de craindre le combat depuis longtemps.

Mais cette fois, son adversaire adoptait sa tactique, sa stratégie. Il se mouvait dans les ombres, protégées par elles, tandis le Renard se tenait, lui, bien visible dans la lueur de la lune, vulnérable.
Aedelrik, les yeux toujours braqués sur ce qui s'étendait au delà de la frontière entre lumière et obscurité, tenta d'évaluer ses chances en cas de fuite. Vainement, car il ignorait tout de ce qui s'approchait certainement. Tout ce qui lui apparaissait sûr, c'était sa méconnaissance totale de la forêt. Au sein d'une ville, le voleur parviendrait toujours à s'échapper ou à utiliser le terrain à son avantage dans un combat. Les villes possédaient toutes une logique, souvent semblable, qu'il maîtrisait à la perfection. Les bois sauvages n'en avaient aucune. On pouvait s'y perdre en suivant une route, où bien parvenir à destination en flânant au hasard. Les arbres y poussaient sans ordre, ni règle mathématique, les bêtes y vivaient sans entrave mais sans but. La forêt était, à ses yeux, un enfer, puisqu'il ne la comprenait pas.
Et pourtant, le Renard allait devoir s'y battre.

Son regard s'habituant à l'obscurité, il crut un instant discerner une silhouette, et ne put retenir un murmure envahit par l'effroi.

« Sweet mother mercy. »

Avant même qu'Aedelrik ait le temps de tourner les talons, depuis sa cachette, la gigantesque bête  bondit sur lui. Sa misérable dague ne lui servit à rien. Engourdi par la peur, il n'eut que le temps de lever légèrement son bras, cherchant à protéger son visage, et sa gorge. Mais, entraîné par le poids et l'élan de son agresseur sauvage, il chuta en arrière et rencontra violemment le sol. Et alors que les griffes du monstre lacéraient ses muscles, lui faisant lâcher sa lame, le Renard eut soudainement le souffle coupé, par la douleur. Celle ci éclata dans son épaule et se répandit dans tout son corps, foudroyante. Les crocs avaient déchiré le cuir de sa tenue, puis la chair en dessous, et y restaient fortement accrochés. Aussi brusquement que la douleur l'avait pétrifié, Aedelrik fut saisit par la peur et l'instinct de survie. Il poussa un cri d'abord rugissant qui devint un gémissement, à mesure que sa voix faiblissait, et tenta de desserrer l'étau de fer qui tourmentait son épaule. Ses doigts cherchaient à tâtons son arme, tandis que son autre main se préparait à un coup de poing sur le museau de la bête. Mais soudain, celle ci relâcha l'étreinte de ses crocs et s'écarta du voleur.

Celui ci avait récupéré sa dague et se releva difficilement, incapable de s'appuyer sur son bras droit, tant son épaule avait dégusté. Enfin, Aedelrik put observer ce qui venait de l'attaquer, ce par quoi viendrait peut être la fin. Tant que la bête était sur lui, il n'avait pu ni n'avait eu le temps de discerner ce qu'elle était réellement. Des crocs, du pelage gris et une masse conséquente, assez pour le maintenir au sol. En réalité, il s'attendait à plus extraordinaire qu'un loup...ou une louve en l'occurrence. Celle ci semblait plus grande que ceux qu'il avait déjà rencontré mais ça n'était pas un monstre comme il l'avait cru un instant. Et pourtant...

« Foutu... Merde ! »

Plié en deux par la douleur, Aedelrik était retombé sur un genoux. Sa plaie lui provoquait une souffrance comme il n'en avait que rarement connu, comme si les crocs de l'animal avaient été plongés dans du poison. La louve l'observait toujours, montrant les instruments du crime, visiblement prête à recommencer. Le voleur devait agir vite, il prit la première décision qui lui venait à l'esprit. Tirant d'une sacoche un briquet, ainsi qu'une petite sphère de terre cuite, il en alluma la mèche qui dépassait et la jeta sur son agresseuse. 

La bombe artisanale était d'un type particulier, puisqu'elle n'explosait pas, elle s'embrasait. Aedelrik les avait confectionné pour le tournoi et il n'espérait plus qu'elles servent... Mais il ne pouvait non plus en prévoir les effets exacts. Quelle quantité de flammes ? La forêt pourrait elle s'incendier par sa faute ? Il l'ignorait, et ne voulut pas le savoir. Avant même que le projectile n'atterrisse juste à côté de la louve et que les flammes ne viennent lécher son pelage, le Renard bondit sur ses pieds et s'enfuit, en courant aussi vite qu'il le pouvait. Il voulait vivre. Survivre. Un jour de plus.
* * *


La forêt le retenait, entravait sa course, dressait les racines pour le faire trébucher et plaçait des branches feuillues devant ses yeux, le voleur en était certain. Dans sa lutte contre la louve, les bois avaient choisit leur camp, et lui se retrouvait seul.
Sa blessure le faisait toujours souffrir et il ne parvenait à avancer qu'à une allure assez lente pour que la douleur ne le foudroie pas à nouveau. Chaque pas était un nouveau sursaut de son épaule, et autant de grimaces et de jurons qu'il ne pouvait ni ne voulait retenir. Il avait abandonné l'idée de se cacher et de berner sa poursuivante. Qui croit pouvoir duper un loup sur son territoire est au choix un fou d'orgueil ou un idiot. Aedelrik voulait encore croire qu'il n'était aucun des deux.

Plusieurs fois, il avait cru entendre des bruits derrière lui, de plus en plus proche. Deux fois, des bombes avaient fusées en arrière, faiblarde tentative de ralentir la bête, de gagner du terrain sur la mort. Et pourtant, aussi dérisoire que pouvait paraître son entêtement, le Renard vivait toujours. Sans se faire d'illusions pour autant.

Aussi soudainement qu'elle avait commencé, ce fut la fin de la course. Aedelrik se tenait au bord d'une falaise, de plusieurs dizaines de pieds. En dessous, rien ne semblait pouvoir amortir une chute, et il n'y avait aucun échappatoire à chercher d'un côté comme de l'autre. En face de lui, descendant sur l'horizon, la lune blanche et pleine semblait le narguer, se moquer de lui avec le sourire sadique du Destin. Il poussa un profond soupire, affaissant ses épaules.

La douleur explosa à nouveau et il tomba à genoux, incapable de trouver la force de se tenir droit pour la fin. En sueur, sans oser regarder l'état de sa plaie, le Renard se traîna jusqu'à un chêne qui dominait la falaise et le paysage. Plus vieux que lui, il vivrait encore des décennies, voire des siècles. Aedelrik se reposa contre son tronc, dur comme la pierre. 
A la frontière de la nuit et de la lueur de la Lune, il vit quelque chose bouger. Son esprit s'engourdissait déjà, d'une manière qui ne ressemblait pas au sommeil et qui ne lui était pas familière.


« Allons, approche. Viens donc en finir. Il présenta sa main ouverte et fit signe à sa poursuivante, comme il l'aurait fait avec un chien, ignorant comment s'y prendre avec un loup. Puis, réalisant qu'il tenait toujours sa dague, il la jeta en direction de la falaise, et du vide. Je préfère que ça soit toi plutôt qu'un autre. »


Keith Lyne


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De toute évidence Keith n'avait pas fait les choses à moitié et l'homme semblait en assez mauvais état. Elle ne se souvenait pas très bien de la première fois où elle avait été mordue, elle en gardait un souvenir complice, quoiqu'un peu douloureux, mais il fallait avouer qu'elle avait été moins amochée et qu'on était loin ici d'une quelconque complicité. Elle ignorait combien de temps il faudrait pour que l'inconnu comprenne ce qui lui arrivait vraiment, aussi s'obligea-t-elle à rester là pour le surveiller.
Les crocs dehors, plus par sécurité que par véritable hostilité à présent, elle décrivit un demi-cercle autour de lui, pour rester en mouvement, prête à bondir à sa poursuite s'il faisait mine de s'en aller. Elle tenait à ce qu'il soit près d'elle quand la suite surviendrait. Elle repéra assez vite le mouvement lorsqu'il fouilla dans son sac, mais ses gestes étaient rapides et précis, et lorsqu'elle identifia le briquet et comprit ce qu'il allait faire, elle était déjà la cible de la bombe. Elle bondit en arrière séparée à présent de l'inconnu par un brasier.


La colère monta à nouveau. L'inconscient était donc prêt à déclencher un feu de forêt juste pour échapper à la louve. Voilà bien de quoi un Homme était capable. Peut-être verrait-il les choses autrement sous peu. En attendant, même si elle aurait pu s'engager à sa poursuite immédiatement, elle tenait à surveiller l'avancée des flammes. Ce ne fut qu'après avoir éloigné les branches à proximité et avec la certitude que le feu mourrait sans s'étendre plus qu'elle partit à sa poursuite.

Sa fuite était vaine. L'homme pouvait avoir autant d'avance qu'il voulait sur la louve, elle connaissait à présent son odeur, et il la semait partout derrière lui. Comme si ça ne suffisait pas, le sang frais était une piste encore plus simple à suivre.
Elle s'attendait à présent aux projectiles que l'homme lançait derrière lui, mais elle prenait soin de s'assurer qu'ils ne laisseraient pas de dégâts importants avant de reprendre la piste fraîche du fuyard. La louve bondissait par dessus les branches, ses pattes se posaient à peine à terre le temps de la propulser en avant. Elle connaissait par cœur ces sentiers, et elle comprit assez vite que, pour le plus grand bien de la forêt, la course poursuite ne durerait pas.


Elle ralentit sa course. Il n'y avait plus besoin de se presser : elle arrivait au bord d'un précipice, et elle ignorait à quel point l'homme voulait la fuir. Mieux valait ne pas le pousser dans ses derniers retranchements, de peur qu'il ne fasse le grand saut.

Sans être complètement débarrassée de ses réflexes, sa conscience humaine avait commencé à lui revenir petit à petit depuis l'incident, preuve qu'elle contrôlait plutôt bien la transformation. Rien d'étonnant en plus d'une vingtaine d'années de pratique. De quoi pouvoir encore moins se pardonner cet écart à sa promesse. Elle se sentait coupable d'avoir ainsi bafoué la parole qu'elle avait donné à quelqu'un qui comptait tant à ses yeux, tout autant qu'elle avait peur des conséquences qui pourraient en découler.

Keith repéra le blessé qui s'était de toute évidence vidé de ses dernières forces avec sa folle course à travers les bois. Il était allé s'étendre le long d'un grand arbre et semblait s'être résolu à ne pas pouvoir échapper à son sort. Il l'invita à approcher, jetant sa dague dans le vide. La louve se contenta de fixer l'inconnu : elle ne l'achèverait pas aujourd'hui. Elle n'y serait forcée que s'il était hors de contrôle, mais elle lui laisserait le bénéfice du doute à ce sujet : il n'avait pas à payer plus pour une bêtise dont elle était responsable.

Son pelage était encore un peu roussi par endroits, mais même si elle s'était fait la réflexion en mettant fin aux débuts d'incendie qu'il avait provoqués qu'une morsure de plus ou de moins ne changerait pas grand chose, c'était de toute évidence une mauvaise idée à présent que le calme était revenu. Sans ciller du regard, la louve se coucha face à l'homme, dans le but lui paraître moins hostile. De légers grognements s’échappèrent de sa gueule, mais ils n'avaient plus rien de commun avec ceux, agressifs, qui en étaient sorti plus tôt.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Est-ce que tu m'entends ?"[/td]

Elle reprit plusieurs fois sa phrase, ignorant combien de temps il faudrait pour obtenir une réponse, jusqu'à ce qu'il lui semble apercevoir un soupçon de compréhension, ou en tout cas une réaction différente chez l'individu. S'il l'avait vraiment entendue, son esprit avait déjà commencé à changer, et son corps ne tarderait pas à suivre. Seul un autre loup pouvait donner un sens à ses grognements.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Tu risques d'être surpris par la suite, c'est un peu douloureux au début."[/td]

Elle reposa la tête sur ses pattes, toujours couchée face à lui. Voilà de longues années qu'elle n'avait plus vu de transformation en tant que spectatrice, et elle n'avait pas vraiment le loisir de se perdre dans les souvenirs sur l'instant. Il n'irait de toute façon pas loin pendant un petit instant, aussi s'accorda-t-elle le temps d'aller chasser un lapin qu'elle venait d'entendre non loin. Quand elle revint, ce fut avec la carcasse du pauvre animal coincée entre ses crocs. Elle posa le morceau de viande à terre.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Je suis là pour t'accompagner. Tu dois être un peu... perdu... Ce serait légitime. Faim ?"[/td]

De la truffe elle poussa le lapin vers lui. Au moins ils étaient relativement isolés, et elle était prête à réagir à toute réaction agressive. Elle s'attendant toutefois plus à ce qu'il soit un peu désorienté.


Aedelrik


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(vide)

La louve s'était approchée, le fixant froidement, sans plus s'approcher. Pourtant, Aedelrik n'avait plus aucun moyen de se défendre. Épuisés, ses tours de passe-passe. Envolés ses artifices. Même les runes de sa tenue avaient souffert d'une matinée pluvieuse, deux jours auparavant, et ne lui serviraient plus à rien dans cet état. Quand à ses bras, il n'y restait plus assez de force pour simplement les lever. C'était à peine si le voleur parvenait encore à les sentir, tant il était engourdi. Son esprit seul restait vif et empli d'une tension liée à un réflexe de survie ancré depuis longtemps en lui. Le Renard voulait que la Louve en finisse, et pourtant, il l'observait avec angoisse, redoutant le dernier instant, celui où ses crocs se refermeraient sur sa gorge, rompant la chair, perçant l'artère et provoquant une cascade de sang.
Aedelrik connaissait bien la méthode préférée des loups, il les avait déjà vu faire.

La bête se coucha devant lui, inexplicablement.
Interdit, perplexe, le voleur ne la quittait pas du regard, guettant le premier signe d'agressivité. Après tout, elle l'avait attaqué, et poursuivit. Pourquoi deviendrait elle subitement neutre, voire amicale ? Les prédateurs obéissent à des lois plus fortes qu'eux, qui les poussent toujours à répondre au danger par les crocs, c'était dans la logique des choses, de la nature, du monde. Et pourtant, la louve attendait, patiemment. Aedelrik remarqua son pelage légèrement roussi, sans doute par sa faute, et ne put s'empêcher de baisser les yeux, honteux. Un Renard qui manquait de mettre feu à une forêt, voilà qui ne manquait pas d'ironie, et lui donnait une fois de plus un signe de sa bêtise. Il avait voulu fuir la mort sauvage, pour aller où ? Un simple gouffre avait suffit à le stopper. Quelques années en arrière, il aurait sauté. Qu'importe les risques, le Aedelrik d'antan aurait tenté. Parce qu'il avait encore des rêves. Lui, le voleur de l'instant présent, n'avait nul part où aller. Il lui suffisait de fermer les yeux, et de laisser le sommeil l'emporter. Si seulement la douleur dans son épaule daignait s'apaiser un peu...

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]«...tends ? »[/td]

Aedelrik releva la tête, scrutant les broussailles et les arbres qui l'entouraient, à la recherche de la voix qu'il pensait avoir entendu. "Pensait" était le bon mot car il ne parvenait pas à savoir avec certitude si on venait de lui parler, ou si il avait rêvé. Et bon dieux ! Sa blessure ne l'aidait pas à réfléchir. Il tendit l'oreille, bien qu'ignorant de quelle direction la voix était venue.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]«...que tu m'entends ? »[/td]

Cette fois là, le voleur écarta ses doutes ; il avait bel et bien entendu quelqu'un. Mais seul le bruissement des feuilles et quelques chants d'oiseaux nocturnes lui venaient alors aux oreilles. Et soudain, le déchirement de son épaule se rappela à lui avec toute sa force. Plié en deux par la souffrance subite, Aedelrik gémit piteusement, tentant d'endurer sans y parvenir. Il lui semblait que la douleur se diffusait, qu'elle envahissait son bras et sa poitrine, à la manière d'une maladie fulgurante. Alors, il entendit.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« Est-ce que tu m'entends ? »[/td]

Le Renard ne comprenait pas. La voix lui semblait venir de partout, et de nul part, comme une pensée qu'il aurait eu ou comme dans un songe. Étais ce la voix d'un dieu, ou de la mort ? Son esprit l'envisagea, mais rien dans le ciel ni autour de lui ne semblait soutenir cette explication, qui lui semblait en plus fort orgueilleuse. Comme si les dieux se sentaient le besoin de converser avec des vers de terre tels que lui !
Aedelrik allait rester sans réponse quand il croisa le regard de la Louve. Ce fut comme un éclair frappant la terre ; un flash soudain qui illuminait la nuit. L'animal, d'une manière ou d'une autre, arrivait à lui parler. Ce qui n'était pour lui que grognements bestiaux quelques instants auparavant apparaissait comme un langage, subtil, complexe, mais dont il serait passé maître en quelques secondes. Il voulut lui répondre mais un nouvel éclair de douleur le foudroya.

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« Tu risques d'être surpris par la suite, c'est un peu douloureux au début. »[/td]
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« La... La suite ? »[/td]
dit il à voix haute, en humain,

A cause d'un mouvement nerveux, le Renard fit jouer son épaule brusquement. Son tourment lui arracha un cri, long, qui s'acheva par un soupire. La douleur était intenable, et elle ne semblait pas suffisante pour l'endormir définitivement. Soudain, la louve se releva, les oreilles dressées, et s'en alla. Rendu seul, pour de bon, Aedelrik tourna la tête vers le gouffre et réalisa que ce qu'il avait considéré comme son péril peu auparavant pouvait s'avérer être son salut. Son ultime salut.
Faisant se mouvoir difficilement son corps engourdi, il se releva et approcha, lentement, de la falaise. Devant lui, la lune dominant la forêt, le vent faisant voler ses cheveux, c'était là une belle scène. Il voulut faire un pas en avant, son dernier... Mais en fut incapable. Non pas que la volonté lui manquât ou qu'une racine l'en empêchât. Sa jambe refusait de lui obéir et, au delà, tout son corps se rebellait contre ce geste. Encore plus effrayant, une voix à l'intérieur lui hurlait,

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« MORT ! DANGER ! ELOIGNE TOI ! COURS ! »[/td]

Sous le choc et partagé entre sa volonté d'en finir et cet ordre intérieur, Aedelrik recula maladroitement et chuta, sur l'arbre, tout proche du gouffre. Le voleur ne comprenait pas ce qui lui arrivait mais il n'était pas prêt à abandonner. Rampant, il se hissa sur la racine qui dominait le vide. Son souffle était attelant, ses tripes vrillées par la peur, alors même que son esprit ne pouvait être plus serein quand à ce qu'il s'apprêtait à faire. Mais, quand bien il ne lui restait qu'à faire basculer son corps sur la racine, il n'y parvint pas. Epuisé, en sueur et effrayé, le Renard s'affala contre le tronc. Quelque chose en lui s'y opposait trop fortement. Quelque chose qui le dominait et à quoi il ne pouvait pas désobéir.
Un instinct de survie qui n'avait rien d'humain.

Il ne fallut pas longtemps à la louve pour revenir, un animal entre ses crocs. La bête apparaissait différente à Aedelrik. Il ressentait une impression étrange, comme si un lien avait toujours existé entre eux sans qu'il ne le sache avant. Ou plutôt, comme si un lien les rapprochait à présent, sans que rien ne l'explique ou le justifie : tout les opposait, à commencer par leur rôle de chasseur et de proie... Mais le regard du voleur sur l'animal avait changé, et il n'en comprenait la raison.

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« Je suis là pour t'accompagner. Tu dois être un peu... perdu... Ce serait légitime. Faim ? »[/td]
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« M'accompagner... comment ? »[/td]

Elle avait déposé son butin de chasse devant lui ; un lapin fraîchement mort, la peau encore présente, de la viande crue... L'idée aurait dû écoeurer le Renard. Elle aurait . Mais ce ne fut pas le cas. Aedelrik considéra le lapin avec un intérêt et un appétit qui le révulsa lui même. Il eut une envie brusque de le dévorer, sans attendre, ni même songer à le cuisiner. Son estomac vide le lui commandait avec tant de force qu'il fallait au Renard toute sa raison pour s'y refuser.
Et puis, son regard croisa celui de la Louve. Quelque chose passa dans cet échange, qui s'adressait à cette partie d'Aedelrik qui l'avait empêché de sauter vers la mort. Alors, il tendit le bras, ignora la douleur de son autre épaule et s'empara du lapin.

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« Tu as raison. Je suis perdu. »[/td]

Tous deux ne donnaient sans doute pas à ce mot le même sens, mais le voleur n'arrivait plus à lutter contre lui même. Quelle importance pouvait avoir sa résistance face à une déchéance bestiale, si il était destiné à se vider de son sang dans la nuit ? Approchant la proie de sa bouche, il mordit à pleine dent dans la chair. Aussitôt sentit il le contact de l'émail sur la chair qu'il écarta l'animal, l'angoisse au ventre. De sa main libre, lentement, Aedelrik inspecta ses dents. Ses canines n'avaient plus rien de normal : elles étaient longues, légèrement recourbées, acérées. Une maxime hylienne lui revint alors à l'esprit.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« Celui qui se perd dans la forêt devient un monstre. »[/td]
Récita t'il, d'une voix qui trahissait sa peur.

L'envie fut forte de rendre le lapin à la Louve et de fuir, mais là encore, les instincts furent plus forts. A nouveau, il mordit dans la chair, et sentit le merveilleux goût du sang, le délice d'une viande douce et fraîche... Autant de sensations inédites, car interdites à ce qu'il était encore, une heure plus tôt. En un court moment, Aedelrik acheva son festin.
Repus, il savourait encore l'expérience nouvelle et intense quand il fit pris d'un violent mal de crâne. Comme si toutes les migraines subies durant sa vie lui revenaient en même temps, vrillant ses tempes d'une douleur insoutenable. Son visage figé dans une affreuse grimace, il ferma les yeux en tentant de combattre le supplice qui vrillait ses temps... Et aussi rapidement qu'elle vint, la migraine s'en alla. Mais lorsqu'il ouvrit les yeux, le voleur constata qu'il voyait dans la nuit comme en plein jour... Sauf les couleurs. Dés cet instant, l'évidence le frappa, comme un poing violemment envoyé dans son ventre. Il énonça à la Louve ce dont ils étaient tous deux conscients,

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« Je deviens... Un loup. Je le suis déjà, à l'intérieur. »[/td]

Poussé par la curiosité, Aedelrik se releva lentement et fit un pas vers elle... Un pas qui lui fit quitter l'ombre de l'ombre de l'arbre, et fit tomber la lueur de la lune sur lui. Éblouit, il se retourna, et sentit dans l'instant qu'il venait de sceller son destin. L'astre envahit soudainement tout le champ de sa vision, de son esprit, tout son univers. Il n'exista bientôt plus qu'elle et tout l'être d'Aedelrik était poussé à la rejoindre, à ne faire plus qu'un avec elle. Il étendit les bras mais elle resta hors de sa portée... Et ses bras n'en étaient déjà plus. Ils se transformaient, changeaient d'angle, s'amincissaient. Son corps était parcouru d'une tension douloureuse et il eut plusieurs fois envie de vomir, comme si son estomac aussi était en train de muter.  Brusquement, le voleur ne put se tenir sur ses jambes et chuta, se rattrapant sur ses pattes. Bien que précisément inconscient des changement de son corps, il comprenait ce qui lui arrivait, et n'en avait cure. Seule la lune importait. Si belle, si blanche.
Lentement, l'homme sentit l'astre l'hypnotiser. La forme ronde et rassurante de la lune le berça, et il sombra petit à petit dans le sommeil... Ce qui réveilla pour la première fois le loup.

Ce fut comme une seconde venue au monde. La forêt n'avait plus rien de commun avec la manière dont l'humain la voyait. Aedelrik sentait des milliers d'odeurs variées et intrigantes, il ne saisissait pas les nuances de couleur des arbres mais percevait mieux la moindre feuille et la nuit ne le gênait pas le moins du monde, il sentait le vent dans son pelage. C'était merveilleux, et complètement différent. Mieux, le loup avait conscience des deux parties de lui même, et se sentait en harmonie ainsi. Jamais l'humain n'avait vécu pareille expérience, et sans doute qu'aucune drogue au monde n'aurait pu la lui procurer. Il se tourna vers la Louve et, dans leur langage qu'il savait à présent parler, lui demanda,

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« Tu es comme moi, n'est-ce pas ? Louve et humaine ? »[/td]

Tout excité, Aedelrik n'avait qu'une envie : courir, chasser, découvrir. Mais il avait aussi envie de ne pas le faire seul. Il ne se sentait pas de ces loups solitaires qui fuient toute compagnie. Et puis après tout, pensa t'il en observant les poils roussis à quelques endroits chez sa camarade, l'humain avait à se faire pardonner.


Keith Lyne


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(vide)

Son nouveau compagnon semblait effectivement perdu, mais elle avait vu juste en lui apportant à manger. S'il semblait au début avoir quelques réticences, elles étaient petit à petit balayées par son appétit et le regard approbateur de la louve.

Elle garda le silence un instant lorsqu'il évoqua les légendes qui circulaient autour de la forêt. Elle avait certes déjà entendu ces affirmations, et elle avait elle-même croisé des créatures ici qu'elle estimait ne pas être tout à fait naturelles, mais tout cela n'avait rien à voir avec les loups, et elle se sentait quelque peu vexée de la comparaison. C'était bien parce que tout cela était neuf pour lui qu'elle lui pardonnait cette évocation.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Les monstres sont tout autres. Tu les reconnaîtras si tu les vois."[/td]

Le sentiment d'être victime de cette malédiction ne n'avait cependant pas fait perdre son appétit à l'inconnu, et elle sentit sa délectation à goûter à la chair fraîche mieux qu'il n'avait pu le faire dans sa vie d'homme.
Sa transformation n'était toutefois pas achevée et elle le vit à nouveau subir les affres de la douleur, avant qu'il ne comprenne enfin ce qui était une évidence pour elle depuis le début. Ses lèvres se seraient retroussées en un sourire si elle était humaine.

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Tu comprends enfin. Je me demande quand ton corps suivra."[/td]

Elle commençait à trouver le temps long. Elle n'était pas sortie pour jouer les nounous mais pour profiter de la forêt, quand bien même elle était seule responsable de ce qui arrivait. Elle assista heureusement bien vite à la fin de la transformation lorsque l'homme-bête, ni plus vraiment humain, ni encore tout à fait loup, se rapprocha d'elle, et bientôt un loup se tenait face à elle.

Elle fut soulagée qu'il revienne s'adresser à elle plutôt que de décamper pour courir dans la forêt, c'était la preuve qu'il lui restait une part de conscience humaine et elle avait encore des choses à lui apprendre. Des choses importantes à mentionner avant qu'il ne profite du don qu'elle venait, un peu involontairement, de lui faire.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Je suis comme toi, oui. Enfin... Dans les grandes lignes."[/td]

Sa propre transformation avait eu lieu en d'autres circonstances, sans morsure, et elle ignorait les différences qui pouvaient en découler. Il lui ressemblerait peut-être beaucoup, mais outre le manque d'expérience et de connaissances de sa nouvelle constitution, elle soupçonnait que certains détails puissent différer. Si elle-même avait souhaité sa transformation, et s'il en avait toujours été de même depuis lors, elle avait eu le sentiment que la sienne lui avait été quelque peu imposée lorsqu'il avait rejoint la lueur de la lune. La suite lui indiquerait s'il était tout aussi capable qu'elle de contrôler son état ou non.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Je sens ton excitation, et je la partage. Mais avant de laisser libre court à ta fougue, je dois profiter que tu aies encore assez d'esprit pour quelques recommandations."[/td]

Elle-même brûlait de retourner courir sous les arbres, et sans doute aussi appréciait-elle l'idée de partager avec quelqu'un les petits coins paradisiaques qu'elle avait dénichés. Non pas qu'elle ait un problème avec la solitude, mais il ne lui serait jamais venu à l'esprit de garder jalousement pour elle d'aussi belles découvertes. Cela devait toutefois attendre encore quelques minutes, et son air se fit plus sérieux.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"N'oublie pas qui tu es, ou dis adieu à ton ancienne vie. Tâche de te rappeler ce qui t'y rattache, et que tu laisserais derrière toi."[/td]

Là-dessus elle ne l'obligerait à rien, elle le prévenait. S'il passait trop de temps sous cette forme, s'il venait à se libérer complètement de ses entraves humaines, s'il en oubliait sa forme première... Rien ne permettait d'être sûr qu'il la retrouve un jour.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Je serai là pour t'aider aujourd'hui, mais ce ne sera pas toujours le cas."[/td]

De sérieux son air passa à sévère. La suite devenait un ordre, plus qu'une recommandation.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Je n'ai pas achevé le travail parce que j'ai choisi de t'offrir cette vie, avec les risques que cela comporte. Mais je t'interdis formellement de toucher à la chair humaine, sinon je me chargerais de mettre un terme moi-même à tout cela. Ton odeur est imprimée dans mon esprit, et tu sais à présent ce que cela veut dire. Je te retrouverai, n'importe où, et je suis plus expérimentée que toi."[/td]

Comme en guise d'avertissement ses crocs étaient sortis, découverts par ses babines. Elle était prête à grogner face à la moindre objection ou s'il osait lui rappeler l'erreur qu'elle avait commise contre ses propres principes, bien qu'elle se soit arrêtée à une simple morsure. C'était déjà trop, et elle ne tenait pas à laisser courir un risque pour les habitants des environs. Elle s'adoucit cependant pour la suite, tout en restant ferme.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Tu as vu comme moi quel en est l'effet. Et je ne tiens pas à être indirectement responsable d'autres dégâts. Tout comme je suis sûre que tu ne tiens pas à en arriver là. Si tu as le moindre doute sur ta capacité à contrôler tes ardeurs, éloigne-toi des villes lorsque tu souhaites devenir loup."[/td]

C'était ce qu'elle-même avait toujours fait par sécurité. Un loup n'avait de toute façon aucune raison de traîner dans les rues des villes ou des villages, et elle n'y voyait pas grand intérêt.
Ayant fini sa mise en garde, elle tourna la tête jusqu'à repérer ce qu'elle cherchait. Elle en avait presque fini.

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Suis-moi maintenant. Mais une dernière chose. Renifle bien, imprègne-toi de ce lieu : à ta place je retiendrais où nous sommes, ou j'emporterais ceci."[/td]

Elle se déporta jusqu'au tas de vêtements un peu déchirés qui trônait près de lui, le lui désignant en y posant sa patte.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Même dans l'état où ils sont, tu seras content de les retrouver quand le moment viendra."[/td]

C'était ça, ou rentrer nu jusqu'en ville, et à sa place elle aurait préféré avoir quelques guenilles sous la main pour ne pas trop se faire remarquer.
Mais il lui semblait sentir le loup de plus en plus impatient, et elle l'était aussi.

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Allez, suis-moi."[/td]

Elle bondit vers un taillis pour quitter les chemins et s'enfoncer dans la forêt. Elle ne prit pas la peine de se retourner ou d'attendre, il pouvait la suivre de loin, elle doutait fort le semer aussi simplement qu'auparavant, et tout cela lui ferait un bon exercice. Elle traça donc sa route à travers la forêt, sautant par-dessus les racines, évitant les nombreux arbres et fonçant à travers les buissons. Nul doute qu'il devait trouver cette petite course plus simple que la précédente. Et plus plaisante. Les odeurs de la forêt emplissait ses narines et la douce lueur de la lune parsemait le chemin de petites tâches de lumière là où elle perçait à travers le feuillage dense des arbres.

Elle finit par ralentir, le pas plus léger et discret, espérant que son compagnon suivrait son exemple, et s'arrêter pour se coucher dans un fourré, juste avant une clairière. Attendant que son camarade la rejoigne.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Regarde."[/td]

La clairière était féerique, trop éloignée des chemins habituels pour que les hommes prennent le risque de s'y perdre, trop enfoncée dans la forêt pour que les Kokiris s'y risquent. Ainsi désertée, et aussi bien fournie en feuillages qu'en eau par un petit ruisseau, elle était le refuge de nombreux animaux. Des souris aux renards, en passant par les lapins, les bêtes folâtraient un peu partout avec insouciance.
Mais il y avait d'autres êtres qui occupaient ces coins profondément perdus dans la forêt. Et l'oreille de la louve se souleva alors qu'un léger bruit de flûte lui parvenait. Elle avait généralement tendance à éviter les abominations qui jouaient cette musique, mais le son était lointain, aussi n'y vit-elle pas une nécessité de quitter le lieu trop vite.

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"J'aurais sans doute dû commencer par là, mais pardon de t'avoir mordu. Ton odeur, enfin.. Une odeur que tu transportais m'a énervée."[/td]

Maintenant qu'elle y pensait, et même si elle s'en préoccuperait plus tard, il avait beau ne pas s'agir de l'homme qu'elle cherchait, il devait l'avoir plus que juste croisé pour porter ainsi son odeur.


Aedelrik


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(vide)

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« Je suis comme toi, oui. Enfin... Dans les grandes lignes. »[/td]

Leurs différences, Aedelrik les entrevoyait déjà. La taille, déjà, puisqu'il se trouvait être assez largement plus grand et massif que sa camarade, à l'image de l'humain également en lui. Mais aussi par la teinte de son pelage, tiraillée entre le roux du Renard sur la tête et les pattes, et la blancheur pâle de la lune sur le reste du corps. La dernière et la plus évidente des distinctions entre eux, c'était l'expérience qui transparaissait à chaque instant chez la louve. Chacun de ses gestes était empreint d'une grâce et d'une assurance qui tranchait fortement avec la maladresse, la gaucherie même, du tout jeune loup.
Car Aedelrik avait beau avoir un corps d'animal adulte, il n'était pas autre chose qu'un louveteau pour qui tout ou presque restait à apprendre. Une chance pour lui que le langage sauvage soit un savoir inné. Restait à espérer que sa semblable ait envie de lui servir de professeur le temps qu'il puisse se débrouiller. Si elle préférait l'abandonner là, lui, l'étranger, l'humain, ne donnait pas cher de sa peau. Seul et ignorant dans un monde totalement inconnu, il ne pourrait pas survivre longtemps. Mais après tout... Si la louve l'avait aidé jusque là, ça ne pouvait que signifier qu'elle s'en faisait pour lui.

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Je sens ton excitation, et je la partage. Mais avant de laisser libre court à ta fougue, je dois profiter que tu aies encore assez d'esprit pour quelques recommandations."[/td]

Attentif comme jamais, il s'allongea sur le sol pour l'écouter, désireux de ne pas en louper une miette ni d'en oublier un mot. Et pourtant, comme elle l'avait deviné, une part de lui le poussait déjà à s'en aller, à lancer une chasse pour soulager sa faim... Cette part sauvage à l'intérieur de lui se moquait bien des recommandations, ne possédait même pas la patience de les écouter et encore moins l'envie de les respecter. Cependant, l'humain était encore assez fort pour imposer sa volonté, et il resta immobile.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« N'oublie pas qui tu es, ou dis adieu à ton ancienne vie. Tâche de te rappeler ce qui t'y rattache, et que tu laisserais derrière toi. Je serai là pour t'aider aujourd'hui, mais ce ne sera pas toujours le cas. »[/td]

Aedelrik baissa les yeux, entamant un dilemme intérieur. L'avertissement que la louve venait d'énoncer aurait dû l'effrayer, le plonger dans la crainte et l'effroi. Rester un animal... un humain normal ne pouvait tolérer cette idée. Mais lui, plus rien ne l'attendait dans le monde des hommes. Lui l'humain avait plusieurs fois tenté d'en finir, et pour la première fois depuis plusieurs semaines, il se sentait plein, heureux, vivant. C'était une sensation incroyable, et sa dernière envie était de retourner vers la loque qui portait son nom encore peu auparavant... Mais se perdre, oublier qui il était, c'était aussi perdre le droit de faire un choix. C'était s'enfermer dans une forme, au détriment de toutes les possibilités que l'autre pouvait offrir. C'était se limiter, fermer une porte. Or, un Renard préfère toujours les portes grandes ouvertes.
Il grava donc le conseil dans son esprit, non pas par amour pour son humanité mais par volonté de ne pas se laisser enfermer. Ce fut au moment où il pensait pouvoir se relever et proposer à la louve de partir chasser qu'elle poursuivit. Son expression avait changé, ses yeux n'étaient plus que des fentes sévères et le jeune loup la sentait plus dure.

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« Je n'ai pas achevé le travail parce que j'ai choisi de t'offrir cette vie, avec les risques que cela comporte. Mais je t'interdis formellement de toucher à la chair humaine, sinon je me chargerais de mettre un terme moi-même à tout cela. Ton odeur est imprimée dans mon esprit, et tu sais à présent ce que cela veut dire. Je te retrouverai, n'importe où, et je suis plus expérimentée que toi. »[/td]

"Achevé le travail". Elle venait d'évoquer sa mort comme un artisan parle de la touche finale portée à sa création, et sans doute n'avait elle pas tord. C'était bien elle qui l'avait attaqué, ses crocs qui avait déchiré la chair d'un intrus sur son territoire dont la seule faute était de s'y être tenu face à elle... Peut être était ce l'animal en elle qui avait bondit hors de ces fourrés pour le mordre, mais pourquoi lui faisait elle la leçon alors ? Comment pouvait elle espérer qu'il respecte cette loi si elle n'avait pu le faire ?
Et puis soudain il comprit. Le loup comprit qu'Aedelrik devait sa vie à l'erreur de la louve, à la faute qu'elle avait commise en l'attaquant... et à sa pitié qui l'avait sauvé. Dés que l'acte avait été commis, sa propre règle aurait dû la pousser à en finir, à lui trancher la gorge pour ne pas prendre plus de risques. Mais elle avait choisi de lui faire un don précieux. Au fond de lui, il ignorait si il pourrait s'en tenir à cette règle, si il saurait résister à la tentation, mais par esprit de gratitude, le loup se promit d'essayer. C'était le mieux qu'il pouvait faire. Il acquiesça donc comme l'aurait fait un humain, approuvant de fait tout ce qu'elle venait de lui dire.
Il ne sut à quelle point sa semblable l'avait compris lorsqu'elle ajouta,

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« Tu as vu comme moi quel en est l'effet. Et je ne tiens pas à être indirectement responsable d'autres dégâts. Tout comme je suis sûre que tu ne tiens pas à en arriver là. Si tu as le moindre doute sur ta capacité à contrôler tes ardeurs, éloigne-toi des villes lorsque tu souhaites devenir loup. »[/td]

Si il le souhaitait ? Aedelrik resta perplexe un instant. Il n'avait pas eu l'impression d'avoir le choix, ni le moindre contrôle sur sa transformation. Etait ce encore là une différence entre elle et lui ? Il l'ignorait, comme presque tout sur ce sujet, et devait bien s'en remettre à son expérience.
Suivant les conseils qu'elle lui donna ensuite, il s'efforça de s'imprégner au mieux du lieu qui l'avait vu renaître et où l'attendraient ses dernières traces concrètes d'humanité. Il retint pour toujours l'odeur de cet immense chaîne, celle de l'herbe spongieuse, l'image de ces buissons courant jusqu'au vide de la falaise... Et puis il la suivit.

Le louveteau était mal assuré, presque chancelant sur ses pattes jeunes, mais il mit un point d'honneur à la suivre du mieux qu'il pouvait. La louve, elle, courrait entre les arbres sans les frôler, bondissait et jaillissait d'un fourré à un autre, disparaissait de son champ de vision le temps que, guidé par son odeur, il ne finisse par la retrouver plus loin. Il la trouva belle, sûre d'elle, clairement dominante sur lui pour l'instant, et désirable. Ce mélange d'émotion entre animal et humain avait déjà de quoi le perturber mais ça n'était rien comparé à l'avalanche, la cascade voire la rafale de sensations que lui procurait cette poursuite.
Le défouloir de la course, l'impression presque palpable de liberté qu'elle procurait, l'extase des sens assaillit d'odeurs, d'images et de sons aussi nombreux qu'euphorisants... Les mots humains manquent pour décrire ce qui se révélait à Aedelrik comme un autre rapport au monde, parfaitement nouveau et donc fascinant. Plusieurs fois, il manqua de s'égarer, en suivant une forme mouvante non loin, ou bien une odeur qui éveillait sa faim, et puis l'image de la louve le ramenait sur ses traces. Rapidement, ses pattes cessèrent de trembler, il fendit les feuillages aussi aisément que son aînée, sa course se fit plus assurée. Alors qu'il était sur le point de la rejoindre, le jeune loup vit qu'il était séparé d'elle par un gouffre de plusieurs pieds de longueurs et autant en profondeur. Pas un grand danger mais un bon exercice. Prenant son élan, il courut jusqu'au dernier instant où, s'appuyant sur ses pattes arrières, il bondit en étendant son corps animal tout entier, et atterrit de l'autre côté.

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« Regarde. »[/td]

Aedelrik compris dans l'instant ce qui valait d'avoir couru autant. La vision qu'il s'offrait à lui avait quelque chose d'irréel, et le confortait dans l'idée que rien dans cette forêt ne ressemblait à ce qu'il avait connu dans les bois de son pays. La clairière en dehors de laquelle ils se tenaient était habitée par tout types d'animaux, des prédateurs aux proies les plus fragiles. Le lieu semblait baigné dans une atmosphère de paix, surnaturelle, plus forte en tout cas que les lois de la nature qui poussent le fort à s'en prendre au faible. Et de fait, le loup se sentait plus attiré par ces lois qui pouvaient apaiser sa faim que par l'idée de jouer innocemment avec de potentiels proies. Il avait appris à courir, il brûlait d'apprendre à chasser.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]« J'aurais sans doute dû commencer par là, mais pardon de t'avoir mordu. Ton odeur, enfin.. Une odeur que tu transportais m'a énervée. »[/td]

Il l'observa, affichant son étonnement de l'entendre s'excuser. Les traits excités par la faim du loup s'adoucirent alors et il répondit doucement afin que les proies de la clairière ne puissent l'entendre.

« La douleur passée n'est rien, comparé à ce que tu m'as donné. Humain, j'étais au bord du gouffre. Maintenant, je vis vraiment pour la première fois depuis longtemps. Merci. Au fait, le nom que... enfin, mon nom, est Aedelrik. J'aimerais connaître le tien. »

Un instant, le loup et l'humain s'étaient entremêlés et ils n'avaient su qui pouvaient dire s'appeler ainsi. Un instant, Aedelrik avait saisit le risque qu'il encourrait à se laisser absorber par son animalité. L'oubli, qui menait au néant. Son humanité tenait à cela : la conscience d'elle même. Rien de plus.

« Quelle odeur a bien pu t'énerver au point de m'attaquer ? »

Avant même que la louve lui réponde puis, il se décida à s'avancer dans la clairière. La mélodie étrange que le loup entendait depuis son arrivée lui parvint plus clairement. De la flûte, étrange, très mélodieuse... presque trop mélodieuse. Se laissant bercer par l'air de musique, Aedelrik continuait à avancer mais sentait sa faim refluer en même temps que son envie de faire un festin des animaux présents. La musique l'apaisait comme jamais et il lui semblait à présent naturel de partager ce lieu avec ceux, plus faibles, qui s'y réfugiaient aussi. Lentement, il se coucha au milieu d'eux, observant avec bienveillance un écureuil qui transportait une pomme de pain. Le rongeur lui rendit son regard un instant puis s'en alla vers un arbre, grimpant avec agilité au tronc. Mais soudainement, tandis qu'il agrippait une fine branche, celle ci céda, l'emportant dans sa chute. En arrivant sur le sol, l'écureuil se griffa un flanc sur une épine de la branche. Une goutte de sang perla sur l'herbe de la clairière.

L'appel du sang fut le plus fort. En un instant, Aedelrik, libéré de la mélodie insidieuse, se jeta sur l'animal et s'en fit un festin comme il en rêvait peu auparavant. Les autres animaux fuyaient, l'harmonie était rompue. Le temps qu'il se rende compte de ce qu'il avait fait, le loup pouvait déjà entendre les flûtes se rapprocher. Les yeux grands ouverts, tremblant de tout son corps, il se retourna vers la louve, affolé et murmura,[/i]

« Ce... C'était plus fort que moi. Je ne l'ai pas voulu. »

La musique se faisait plus forte de seconde en seconde. Lui ignorait si la cause de tout cela venait de l'homme, du loup ou de la chose mêlant un peu des deux qu'il était devenu.


Keith Lyne


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Ce n'est que lorsque son compagnon improvisé lui donna son nom que Keith réalisa qu'elle ne le lui en avait pas encore fait la demande. Sans doute aurait-elle plus naturellement eu ce réflexe dans un contexte humain.
Au moins il ne semblait pas lui en vouloir pour le "cadeau" qu'elle lui avait offert. Tant mieux, elle-même voyait ça comme un don, et sa propre transformation avait été souhaitée, mais elle savait qu'il n'en était pas forcément de même pour tout le monde. Tout ça aurait pu lui déplaire. Elle ignorait en revanche à quoi il faisait référence concernant sa vie humaine, mais sans doute cela expliquait-il sa présence au milieu de bois aussi peu fréquentés.


Keith s'apprêtait à lui répondre, autant à ses présentations qu'à sa question, quand le loup bondit en avant pour rejoindre les petits animaux qui s'agitaient autour d'eux. Elle resta attentive à son comportement alors qu'elle reprenait la parole, malgré l'impression qu'il ne l'écoutait qu'à moitié.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Je m'appelle Keith. Pour ce qui est de l'odeur..."[/td]

Son simple souvenir parvenait à la mettre en colère. Et si elle ne doutait pas que la renifler aurait pu directement évoquer quelque chose au loup qui l'accompagnait, elle ne pouvait pas lui transmettre si facilement cette odeur. À défaut d'avoir pu arracher un bout de vêtement à son voleur, elle devrait passer par des descriptions plus humaines. Plutôt que de se reposer sur son sens de l'odorat, elle tâcha de faire appel à ses souvenirs visuels.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Un homme. Un étranger, il ne parlait pas hylien. Il m'a volé quelque chose de précieux. Il avait des cicatrices en diagonale sur la joue, deux... Peut-être trois... Et un couteau enchanté..."[/td]

Même avec son pelage de louve, sa gueule gardait la trace de la cicatrice, heureusement relativement discrète, infligée à sa joue. Inconsciemment elle se mit à grogner, mais elle s'arrêta net lorsque le loup qui avait cessé de l'écouter se jeta sur le petit animal qui était face à lui. Keith était assez peu étonnée. Si elle avait préféré l'emmener ici plutôt qu'en dehors de la forêt, ce n'était pas sans raisons, et si elle avait espéré être agréablement surprise, elle s'était attendue à l'accident qui se produisait.
Aussi lorsqu'il se tourna vers elle tout penaud, son carnage achevé, il n'y avait pas de colère chez la louve. Humaine, elle aurait haussé les épaules. Le manque de contrôle dont il témoignait l'inquiétait un peu, mais cela restait quelque chose de naturel et prévisible. Elle-même avait fauté face à lui un peu plus tôt, au moins il prendrait conscience du danger.

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Tu es un prédateur à présent. C'est pour ça que tu dois éviter la présence d'êtres humains sous cette forme, à défaut de pouvoir te contrôler. Comprends-tu ? Je peux blâmer l'homme, pas le loup. Il ne s'agissait ici que de petits animaux, un repas assez fréquent pour une bête telle que tu es devenu, mais à toi de prendre les précautions nécessaires pour éviter quelque chose que tu regretterais vraiment."[/td]

Elle savait de quoi elle parlait. Tout le poids de la responsabilisé de ce que cet homme était devenu, et de ce qu'il ferait de sa nouvelle condition lui incombait. Elle serait soulagée s'il se contentait de chasser des écureuils.
L'oreille de la louve se leva alors qu'elle suivait le son de la mélodie qui s'était rapprochée. Rapide, sa tête se tourna en direction d'un buisson qui venait de bouger pour laisser sortir un étrange lutin au visage entièrement noir qui les toisaient de ses yeux vides et rouges sans cesser de jouer de sa flûte. Elle n'avait aucune idée d'où venaient ses choses mais elle sentait qu'il ne s'agissait pas de créatures naturelles. Ce n'était pas la première fois qu'elle en croisait. Elle ne les attaquait jamais, et même si elle sentait leur méfiance à son propre égard, ils gardaient leurs distances eux aussi. Une sorte de trêve tacite, dans le doute de l'identité de l'autre.

[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"Tu parlais de monstre tout à l'heure... Nous n'avons rien à voir avec ça... Viens, ne restons pas ici..."[/td]

Elle fit signe au loup de la suivre alors qu'elle s'éloignait. De toute façon il n'y avait plus rien à voir par là. Et l'obscurité déclinante lui indiquait qu'il ne tarderait pas à faire jour. Elle avait une livraison à faire en ville, et peut-être bien une enquête à mener. Elle aurait pu enchaîner les jours et les nuits en tant que louve, mais elle avait toujours craint d'en perdre tout lien avec sa forme initiale. Elle préférait limiter ses escapades.
[td style="text-shadow:1px 1px 1px black;"]"En tout cas, si tu connais l'homme dont j'ai parlé, je te serais reconnaissante de me mener à lui... "[/td]

Les oiseaux, bien en sécurité en haut des arbres, pépiaient en même temps que le soleil s'apprêtait à pointer le bout de son nez. Petit à petit, sans prévenir son compagnon de leur nouvelle destination, Keith prenait la direction d'où elle avait abandonné ses propres vêtements. Ils auraient tout le temps, songeait-elle, d'aller ensuite rechercher ceux que l'homme avait abandonnés sur le lieu de sa transformation.


Aedelrik


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« Tu parlais de monstre tout à l'heure... Nous n'avons rien à voir avec ça... Viens, ne restons pas ici... »

Aedelrik resta quelques instants planté là, immobile, cherchant à percer de son regard la multitude de feuilles afin de pouvoir observer ces créatures qui s'annonçaient d'une si étrange manière. Puis, décidé à ne pas les rencontrer en face à face, il s'en retourna vers Keith qui s'éloignait déjà.
Les paroles de la louve résonnaient dans sa tête. Un prédateur, voilà ce qu'il était devenu selon elle... Ou bien l'avait il été toute sa vie, et cette nuit n'était elle qu'un aboutissement ? Ces questions, le voleur savait qu'il ne pourrait y répondre de lui même. Il n'était ni mage, ni sage. Juste un chapardeur, à peine la moitié d'un homme, et tout de même à moitié loup. Dés lors, moins que jamais Aedelrik ne saurait plus qui il était réellement. En cela consistait sa seule certitude. Quand à savoir l'usage qu'il ferait de ce don, il restait trop bouleversé pour en avoir la moindre idée. Les règles ne lui avaient jamais réussies, mais Keith ne plaisantait pas dans ses avertissements.
Tandis qu'ils finissaient de gravir une colline, les premières lueurs de l'aube pointant à l'horizon devant eux, la louve se tourna vers lui pour le relancer sur un sujet inconfortable, que le voleur aurait bien voulu qu'elle oublie,


« En tout cas, si tu connais l'homme dont j'ai parlé, je te serais reconnaissante de me mener à lui... »

Aedelrik détourna la tête et réfléchit à grande vitesse. Il avait très bien senti la colère voire la haine de Keith chaque fois qu'elle avait mentionné son agresseur. Il espérait que sa réaction, à lui, était passé inaperçue. Car le voleur ne connaissait pas des milliers d'hommes doté de pareilles cicatrices et d'un couteau enchanté. A vrai dire, il n'en connaissait qu'un, et c'était le dernier homme qu'il voulait voir égorgé par une louve enragée.

« J'aimerais pouvoir t'en parler mais... C'est un ami, et je protège toujours ceux qui me sont proches. Je ne tiens pas à ce qu'il meurt par ma faute, désolé. »

Aedelrik savait que la tension allait monter entre eux suite à sa réponse, mais il savait qu'il devait se montrer ferme sur ce point. Quoiqu'il ait pu lui faire Lanre quelques jours plus tôt, le voleur était prêt à le défendre. Son regard rencontra celui de Keith au moment où le cycle de feu commençait sa course à l'Est.
Devant lui, que les astres aient une influence ou qu'elle en ait eu la volonté, la louve commença à se retransformer. C'était déjà saisissant de se transformer soi même, mais contempler le phénomène chez quelqu'un d'autre... Cela avait de quoi impressionner, ou traumatiser, selon le spectateur. Le Renard compris pourquoi les histoires d'hommes loups étaient si populaires chez les paysans et pourquoi elles les terrifiaient. Et puis, comme par pudeur, la Keith encore louve bondit hors du champ de vision d'Aedelrik. Celui ci dut s'admettre légèrement déçu mais ne chercha pas à la rejoindre.

Et puis, il réalisa. Le soleil pointait à l'horizon depuis plusieurs minutes, et lui ne subissait toujours rien. Pas de transformation, pas de retour à son état normal. Le loup était toujours là. L'angoisse saisit Aedelrik aux tripes comme jamais. Que Keith lui ait donné le don de se transformer lui était apparu comme une chance mais si il s'était trompé ? Et si la transformation était définitive pour lui ? Après tout, il ne savait rien d'elle, et elle ne s'était peut être pas éclipsée pour rien ? Lui avait elle dit toute la vérité ?
Allait il rester ainsi toute sa vie ? Une bête, condamnée à la vie sauvage par une sorte de sorcière qui s'était joué de lui ? Devait il se lancer à sa poursuite ou bien rester là à laisser le soleil faire son oeuvre ? Mais le soleil y pouvait il seulement quelque chose ? L'angoisse qui l'étreignait ne compliquait elle pas tout ?

Aedelrik ne savait plus. Il était complètement perdu, aux abois et capable de sauter à la gorge du premier être qui passerait dans son champ de vision, et en même temps désespéremment en attente d'une aide quelle qu'elle soit. Devant lui, l'astre de lumière semblait se moquer de lui, à l'inverse de cette lune belle et douce qui lui avait fait endosser cette peau bestiale. En plein émoi, le loup hurla, longuement et le plus fort qu'il put. Pour appeler à l'aide, pour prier les dieux ou implorer la pitié des astres, peut être tout cela à la fois. De fait, pendant qu'il faisait cela, le Renard cessa d'habiter réellement son corps. Comme sous l'effet de l'alcool ou d'une drogue agissant sur l'esprit, Aedelrik sentit sa conscience décoller et il fut d'autant plus surprit lorsqu'il observa que ses pattes se retransformaient en main, que le monde retrouvait ses couleurs et perdait la plupart de ses odeurs. Son chant s'acheva en un gémissement fatigué lorsque sa gorge redevint celle d'un homme et il tomba face contre terre, le crâne comme martelé par le dieu du fer et son corps entier parcouru de tremblements. En sueur, comme fièvreux, le voleur resta ainsi plusieurs minutes avant que ses nausées ne s'apaisent.

Aedelrik se releva lentement pour constater que l'humain en lui était revenu.. Bien que la bête ne soit pas complètement partie. Elle se reposait dans un coin de son esprit, paisible. Il fit alors quelques pas, le temps de sentir ses pieds nus sur l'herbe et le vent sur son corps... Nu lui aussi. Il rougit légèrement en voyant Keith revenir dans sa direction, humaine. Puis, devant le ridicule de sa situation, nu au sommet d'une colline à la manière d'une statue des âges anciens cachant sa virilité d'une main, il parti d'un rire léger mais sincère.
Et l'instant d'après, le Renard réalisa. Il avait rit, de bon coeur, sans ironie. C'était la première fois depuis plusieurs semaines qu'il en était capable. La révélation subite lui fit l'effet d'une gifle : la dépression qui minait chacun de ses instants et le poussait inéxorablement vers le gouffre s'était envolée avec l'arrivée du loup. Aedelrik voulait à nouveau explorer, rencontrer, découvrir. Il sentait les idées se bousculer, les projets affluer dans son esprit... Le désir de mort avait quitté son esprit. Paisible comme jamais depuis les années d'or de sa vie, il se retourna vers Keith, un sourire sur ses lèvres qui ne parviendrait pas à lui transmettre toute sa gratitude.


« Tu sais, j'ai cru un instant que tu m'avais abandonné ! »

Malgré son ton amusé, Aedelrik ne put vraiment cacher totalement les restes de son angoisse passée. De fait, il avait vraiment eu peur qu'elle ne revienne pas, qu'elle ne le laisse à sa bestialité. Il lui sourit, incapable d'empêcher son regard de détailler l'humaine qu'elle était à présent. Une belle femme, sans doute, étrangère comme lui. Il se demanda un instant pourquoi Lanre l'avait volé au lieu de partager quelques bons moments avec elle. Après tout, le Céald, tout rustre qu'il était, avait de quoi séduire. Il ne manquerait pas de lui poser la question. Le voleur, lui, n'y pensa pas trop longtemps... On ne séduit pas dans une situation aussi inconfortable. Cela ne l'empêcha pas néanmoins de lancer à sa camarade nocturne, comme si de rien n'était,

« Enchanté de te rencontrer une seconde fois, Keith ! J'espère que nous ne sommes pas loin de mes affaires ou bien ma dignité ne va pas survivre à cette nuit. »

De fait, le Renard était complètement perdu, incapable de reconnaître quoi que ce soit dans le paysage dense et immense de cette forêt qui s'était à perte de vue dans toutes les directions. Au final, il était bien obligé de faire confiance à Keith et à sa connaissance du lieu.

« Allons, mettons nous en route, ma fierté ne saurait attendre ! »

En réalité, en se moquant de lui même et en jouant ainsi la comédie Aedelrik espérait détourner suffisamment l'attention de la jeune femme du problème qui ne manquerait pas de rester épineux entre eux : elle voulait trouver Lanre, il se refusait encore à trahir son ami. Et malheureusement, dans cette négociation, Keith partait avec autant de points que de vêtements d'avance sur lui, sans compter son absence d'armes, de vivres et de monture pour quitter cette forêt. Au final si un marchandage s'engageait, Aedelrik n'avait pas grand chose pour lui.


Keith Lyne


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Keith retint une pluie de jurons. Se montrer agressive n'aurait servi à rien d'autre qu'à conforter son interlocuteur dans sa décision. À la place, elle laissa le silence retomber suite à sa réponse. Après tout, elle était maintenant sûre qu'il le connaissait, et c'était sa première véritable piste. Elle ne voulait pas la gâcher. Autant prendre quelques minutes pour se calmer. Elle pouvait même les utiliser à bon escient : elle irait chercher seule ses vêtements. La louve ferma les yeux et déclencha le processus qu'elle avait maintes et maintes fois vécu depuis son enfance. Si la transformation avait pu être douloureuse et pénible au début, ce n'était plus maintenant qu'une routine. Elle se préoccupa assez peu du regard de son compagnon sur elle, mais profitant du fait qu'elle disposait encore d'une bonne capacité à courir, malgré ses membres qui reprenaient peu à peu forme humaine, elle bondit dans les fourrés vers le lieu où elle savait avoir caché ses affaires avant de les abandonner.

Elle était entièrement humaine lorsqu'elle arriva sur le lieu de sa cachette, et nue. Elle prit le temps d'enfiler calmement ses fourrures et de ramasser ses quelques possessions, principalement des provisions et l'arc de fortune par lequel elle avait - temporairement - remplacé l'ancien. Son butin de chasse, elle l'avait caché ailleurs, mieux valait ne pas tout perdre d'un coup en cas de découverte par un intrus.
Elle venait à peine de prendre le chemin du retour lorsqu'elle entendit un hurlement déchirant là où elle avait laissé le loup.


"Allons bon..."

Elle pressa le pas, ignorant ce qui mettait le petit nouveau dans un tel état. Mais lorsqu'elle arriva, ce fut pour le trouver en pleine santé, dressé nu au sommet de la colline. Elle ne put retenir un sourire devant son air embarrassé qui céda de toute façon la place à un rire franc.

"T'abandonner ? C'est pour ça que tu hurlais comme un forcené ? Je croyais que tu m'aurais attendue avant de te transformer, ou que tu aurais mis ce temps à profit pour récupérer tes propres vêtements !"

Mais derrière le ton de plaisanterie elle sentit que ses craintes avaient été réelles. Après tout, tout ce qui pour elle était parfaitement naturel était encore nouveau pour lui. Au moins avec sa forme humaine il devait retrouver plus facilement ses marques mais elle était certaine qu'il avait pris goût à cette vie nocturne. Il lui restait toutefois beaucoup à apprendre. Tout en se rapprochant de lui, elle ne put s'empêcher de noter à sa tournure de phrase qu'il aurait besoin d'elle s'il voulait rentrer en ville un peu plus couvert qu'il ne l'était.

"Enchantée également, Aedelrik, c'est bien ça ? Je vois que tu comprends l'intérêt d'écouter mes conseils, tu as de la chance que je sois là cette fois."

Mais plus qu'un reproche, c'était une remarque amusée. Après tout, c'était en trébuchant qu'on apprenait à marcher. La leçon resterait bien mieux imprimée ainsi que s'il avait retrouvé directement le bon endroit. C'était en outre tout à son avantage, puisqu'elle contrôlait la situation. Il avait besoin de son aide, elle avait besoin d'informations, ils avaient de quoi s'arranger et un sourire espiègle s'imprima sur son visage.
À présent à hauteur du jeune homme, elle se mit en marche non sans laisser sa main imprimer une petite tape sur les fesses nues de l'homme pour l'encourager à suivre.


"Tu as raison louveteau, en route ! Avant que tu ne prennes froid. De toute façon, je crois que nous avons matière à discuter sur le chemin."

Elle n'avait pas oublié ses revendications, mais au moins, elle les aborderait de façon plus posée. Elle n'avança pas trop vite, souhaitant trouver un arrangement avant d'arriver à destination. Cependant, elle ne joua pas la carte de la menace, il la verrait bien assez vite ralentir ou marquer une pause dans leur marche si elle n'obtenait pas satisfaction.

"Ton ami, le grand roux, il ne m'a pas semblé si fragile que ça. Je crois qu'il peut se défendre tout seul, non ?"

Si elle refusait de s'estimer moins capable que n'importe qui, elle savait pourtant que sa condition de femme lui valait souvent d'être sous-estimée, et ça jouerait peut-être en sa faveur. Qui plus est, si rageant que ce soit, c'était ce fichu voleur qui l'avait eue ce soir-là, alors elle pouvait difficilement douter de ses capacités. Incapable de sentir si son nouvel ami était ou non réceptif à cet argument, elle continua.

"Écoute, j'y ai réfléchi. Tu ne veux pas qu'il meurt, moi je veux récupérer mon arc ... et lui dire ma façon de penser. Alors que dis-tu de ça ? : Je te promets de ne pas le tuer. Je sais qu'après ce qui est arrivé à notre rencontre, tu peux avoir des soupçons, mais je le rencontrerai sous forme humaine. Je ne risque pas de lui sauter à la gorge, ou en tout cas si je le fais, il y survivra. Tu as ma parole, et je ne pense pas t'avoir donné de raisons d'en douter."

Après tout, un bon coup de genou dans les valseuses lui suffirait aussi pour calmer sa rage. Elle n'avait rien promis sur sa descendance ! Quoiqu'il en soit, elle restait attentive à la réponse de l'homme, prête à faire une petite pause pour le faire mariner d'avantage. Si au contraire il lui donnait ce qu'elle voulait, en un rien de temps ils retrouveraient ce qu'il restait de ses vêtements.


Aedelrik


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Dieux, comme la forêt avait changé avec son retour à l'état humain ! Aedelrik ressentait comme une désagréable impression de maladresse dans chacun de ses mouvements, alors même qu'il n'avait rien perdu de son agilité excellente. Seulement, comparé au Loup l'humain lui paraissait pataud et mal adapté à la nature sauvage. A quoi bon deux jambes lorsque quatre permettent d'aller plus vite et de tenir plus longtemps un rythme de course ? Et ce nez qui ne sentait plus rien ? Ses oreilles presque sourdes ? Quelques minutes auparavant, le voleur pouvait sentir un lièvre à cent pas et l'entendre grignoter à cinquante. Et voilà qu'il se retrouvait comme handicapé.
Seule la vue sauvait un peu la mise, puisque avec le soleil, le voile de l'obscurité s'était levé. Le jour, rien ne valait les couleurs pour voir le monde. Mais là encore, lorsque Aedelrik retournerait à son domaine d'activité nocturne, cette vue perçante allait lui manquer.

Mais saurait il y retourner seulement ? Il y avait des raisons d'en douter, de plus en plus solides. En s'engouffrant à la suite de Keith dans les fourrés, nu comme un ver, le Renard croyait alors en la bonne foi de la jeune femme. Il pensait qu'elle aurait pitié de lui mais... Ils marchaient depuis plusieurs minutes sans que Aedelrik ne retrouve aucun de ses points de repère. Allaient ils seulement dans la bonne direction ? Comptait elle jouer avec lui pour obtenir ce qu'elle voulait de lui ? Possible, pensa t'il, en se remémorant le sourire qu'elle avait affiché avant de céder à un geste qui avait provoqué un certain émoi chez lui, surtout vers le bas. Pour l'instant, n'ayant pas d'autre choix, il continuait à la suivre, grognant lorsqu'il devait traverser un buisson ou que ses pieds rencontraient une surface peu agréable au toucher.
Puis, après un moment, Keith rompit le silence, pour repartir à la charge,


« Ton ami, le grand roux, il ne m'a pas semblé si fragile que ça. Je crois qu'il peut se défendre tout seul, non ? »

« Oh oui. Il sait se battre, il me l'a prouvé. Le Renard passa sa main sur sa cicatrice récente, là où le Ceald l'avait violemment frappé avec sa planche de bois durant le tournoi, Mais contre une femme comme toi... ? Je n'arrive déjà pas à croire qu'il ait pu te voler ! »

Et il n'y avait nulle flatterie dans ses mots : de fait, Aedelrik plaçait haut dans la hiérarchie des prédateurs une femme capable de se changer en loup selon sa propre volonté. Il ignorait si Lanre serait capable de lui faire face. Lui n'avait pas pu, mais il n'était pas une référence en matière de combat. L'autre rouquin, lui, avait du répondant. Mais Keith gardait sans doute quelques as dans sa manche, qu'elle n'avait pas révélé au voleur. Cette hypothèse restait suffisante pour que ce dernier ne trahisse pas son principe.
Mais la jeune femme ne semblait pas prête à abandonner. Quelque part, Aedelrik estimait son obstination à obtenir sinon vengeance, au moins justice... ou bien l'inverse, lui même ne sachant pas vraiment faire la différence entre les deux. Un vrai brin de caractère en tout cas !
Tandis qu'elle poursuivait ses arguments devant lui, le Renard se surprit à suivre des yeux le mouvement de balancier des hanches de la chasseresse devant lui, puis son regard remonta le long de ses courbes pour s'attarder sur sa chevelure rousse. Etrange ironie des dieux, pensa t'il, que de faire se confronter ensemble des
embrassés par le feu, comme disait son premier maître. Ceux ci étaient déjà assez rares sans avoir besoin de se trucider les uns les autres. Toujours était il que Aedelrik la trouva belle. La louve avait été au goût du loup, la femme était au goût de l'homme. Cependant, le voleur savait garder la tête froide, il ne céderait pas pour son joli minois.
Du moins pas facilement.

« ...  Tu as ma parole, et je ne pense pas t'avoir donné de raisons d'en douter. »

Elle s'était arrêté, lui aussi. Le Renard s'était figé dés l'instant où elle avait commencé à parler de son arc, car un souvenir précis lui était revenu en mémoire... Du genre qu'elle ne devait pas connaître. Néanmoins, en croisant son regard, il compris qu'ils n'iraient pas plus loin avant qu'elle n'ait eu une réponse, si possible favorable. De fait, elle était en train de le mettre dos au mur, dans une situation où il dépendait tant d'elle que Aedelrik ne pourrait plus se permettre un refus clair et net. Il devait essayer de lui dire la vérité, du moins assez pour qu'elle lâche prise mais sans qu'elle n'ait envie de véritablement tuer Lanre.

« J'ai pu constaté que tu étais droite d'esprit, comme peu le sont. Tu aurais pu me laisser mourir dix fois et je ne l'oublie pas. Seulement... Cet arc, il aura du mal à te le rendre. Le voleur se mordit la langue, craignant d'en avoir trop dit, mais il tâcha de rattraper le verre avant qu'il n'explose au sol, En fait, il ne l'a plus. Moi je pourrais sans doute te le retrouver mais ça ne te servirait à rien de le rencontrer du coup. »

Aedelrik priait intérieurement les dieux du théâtre, ils devaient bien exister quelque part, pour que ses mots soient convaincants. Si elle était décidé à lui tirer les vers du nez, il ne pourraient sans doute pas faire le malin longtemps.
Et puis, alors que son regard déviait loin de celui de Keith afin de ne pas se trahir malgré lui, le Renard crut voir quelque chose. Il dépassa alors la jeune femme et courut non loin, jusqu'au rebord d'une falaise... Le même genre que celle où il avait laissé ses affaires. Il se retourna vers sa compagne de virée sauvage pour lui adresser le plus beau sourire narquois qu'il connaisse, trop heureux de sa chance insolente, et tandis qu'il commençait à suivre la ligne de la falaise, il lui déclara presque insolent,


« Il semble que la forêt elle même ne veuille pas que je t'amène à lui finalement ! Crois moi, j'aimerais beaucoup t'aider mais mes principes resteront plus forts que ta soif de vengeance. A présent si tu le veux bien, je vais récupérer ma dignité et quitter cette...fo...rêt. »

Aedelrik eut du mal à achever sa phrase, et ne parvint pas à conserver sa bonne humeur. A l'endroit où auraient dû se trouver ses vêtements, prés du vieil arbre, il ne trouva rien. Et pour cause, le lieu avait beau y ressembler, ça n'était pas l'endroit où il s'était transformé. Un mauvais tour des dieux, un de plus. Las, il se retourna alors vers Keith et lui glissa, un sourire légèrement amer aux lèvres,

« Je commençais à me faire à ces atours, de toute façon. »

Le Renard tomba alors sur le sol et réfléchit quelques instants, plonger en dialogue avec lui même, avant de relever la tête et de demander à la jeune femme, plus sérieusement qu'il en avait l'habitude,

« Je te mènerais à lui. Mais sans arme, et je serais là pour éviter que du sang soit versé... Par lui également. Ca pourra te sembler étrange mais je ne tiens pas non plus à ce qu'il te soit fait du mal. »

Et même pour un goupil aussi menteur et rusé que lui, Keith n'aurait pu lire dans ses yeux que de la sincérité, et un peu de gêne. Dire la vérité avait toujours quelque chose d'impudique pour Aedelrik.


Keith Lyne


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Immobile, Keith croisa les bras le temps d'entendre les justifications qu'il allait lui fournir. Vu la façon dont il commençait à tenter de s'expliquer elle doutait fort qu'il accepte si facilement, sinon un oui était suffisant et plus rapide pour retrouver au plus vite ses vêtements. Elle s'attendait à de vagues justifications sur le thème de l'amitié comme il lui en avait fournies plus tôt, mais au lieu de ça il lui parla de son arc et Keith sentit son sang se glacer. Peut-être l'homme l'avait-il remarqué, il s'empressa d'expliciter ses dires.

"... Il l'a perdu ... ? En plus de me voler mon arc il l'a perdu !?"

Elle en tremblait de colère. Le seul petit espoir qui lui évitait de perdre totalement son calme était l’affirmation de son nouvel ami qu'il était en mesure de le retrouver.

"Ah non, il ne va pas seulement s'en tirer comme ça, tu m'entends ! Il le retrouvera cet arc, même s'il faut pour ça que tu le guides et que je le fasse avancer à coups de pied au cul, mais il ne s'en sortira pas si facilement, pas après ce qu'il a fait, saleté de voleur ! Il va..."

Mais alors qu'elle était toujours en train de s'énerver, son camarade passa devant elle et sans comprendre elle le vit courir jusqu'à la falaise un peu plus loin. Le sourire narquois qu'il lui lança la mit sur la piste, et ses paroles confirmèrent ses soupçons : il confondait l'endroit où ils se trouvaient avec celui qui l'avait vu renaître en loup. L'événement eut au moins l'effet de remplacer sa colère par de l'amusement, et lorsqu'il termina sa phrase, tout penaud, c'était à son tour à elle d'arborer un sourire narquois, mimant celui qu'il lui avait affiché quelques minutes plus tôt.

"Je vois que tu commences à t'y faire, la nudité ne t'empêche pas de courir comme un cabri, en revanche les citadins voient parfois ça d'un mauvais œil, j'entends d'ici les gloussements et les cris choqués de ces dames ~"

Voyant qu'il se posait pour réfléchir, elle décida d'ajouter un argument à leur petit marché. Car après tout, même s'il avait vu juste, il aurait rencontré quelques nouvelles difficultés.

"Bien entendu, même si tu trouvais tes vêtements... Tu sais aussi comment sortir de cette forêt, n'est-ce pas ?"

Le voyant plongé en pleine conversation avec lui-même, elle se tut ensuite, se contentant de le laisser réfléchir. Elle n'avait pas l'intention de s'éterniser là mais l'enjeu en valait le coup.
Un sourire s'imprima sur ses lèvres lorsqu'il reprit enfin la parole, qui s'atténua un peu quand il évoqua d'éventuels risques pour elle. Le doigt pointé sur sa joue, et sur la fine cicatrice laissée par la dague magique, elle se remit à crier.


"Me blesser ? Il l'a déjà fait ! Et tu te demandais comment il m'a volée ? Par surprise, c'est tout ! Dire que j'ai failli partager avec lui mon repas et ... Peste ! Il ne m'aura pas deux fois !"

Pleine de mépris elle cracha au sol avant de retrouver son calme petit à petit, tâchant de se concentrer sur le fait qu'elle se rapprochait du but et consciente du fait que sa démonstration de colère ne rassurerait pas l'homme avec lequel elle venait de trouver un arrangement.

"Cela dit, le marché me va, pas d'armes, et tu seras là. Tu vois qu'on peut s'entendre tous les deux ~ Viens par là."

En coupant au travers des branchages, ils n'eurent plus que quelques mètres à parcourir le long de la falaise pour retrouver la bonne clairière et les vêtements éparpillés à terre. Au fond, il n'était pas si loin que ça de les retrouver, elle n'avait pas souhaité prendre un trop grand détour. En dernier recours elle détenait aussi la clef de la sortie de cette forêt.

"Sans rancune hein ?"

Respectant son intimité, plus par principe qu'autre chose après tout ce qu'elle avait déjà pu entrevoir, la jeune femme se tourna pour lui laisser le temps d'enfiler ses vêtements, ou en tout cas ce qu'il en restait après sa transformation. Ce serait toujours mieux que rien. Elle ne doutait pas qu'un homme qui possédait un cheval puisse s'acheter un ensemble tout neuf une fois arrivé en ville.

"Mais je ne comprends pas pourquoi tu tiens autant à le défendre... C'est un voleur, violent de surcroit... En plus il m'a semblé qu'il ne comprenait rien du tout.. tu pourras lui traduire mes insultes tu crois ? Quoiqu'il n'aura qu'à les déduire à mon ton... Qu'est-ce qui vous a rapprochés au point de lui valoir tant de dévotion... ?"

Son ami avait quand même hésité à rentrer cul nu en ville ou errer un bon nombre d'heures dans la forêt pour lui éviter le simple risque d'être blessé. Alors que le seul souvenir qu'elle gardait de leur rencontre, bien qu'un peu flou à cause de l'enchaînement rapide des événements, c'était d'avoir été frappée et dépouillée de ce qui était sans doute son bien le plus précieux. Sa rancœur n'avait cessé de grandir depuis, jusqu'à en garder l'image d'un monstre inhumain.

"Je ne sais rien de toi en fait... Rassure-moi, tu n'es pas un voleur comme lui ? Tu ne fais pas partie de sa bande... ?"

Elle avait fini par se tourner à nouveau vers son nouveau compagnon, cherchant à sonder son regard. Elle avait stocké les fourrures qu'elle comptait vendre non loin de là et avant de passer par sa cachette pour les récupérer elle tenait à éclaircir ce point. Elle n'y avait pas vraiment prêté attention lorsqu'il était devenu un loup, mais s'il parlait tout à fait correctement Hylien il avait aussi un accent étranger... Avait-elle affaire à un groupe de voleurs ?


Aedelrik


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Sous la force du coup de sang de Keith, le Renard s'était figé, soudainement tendu. Après tout, elle avait récupéré de quoi s'attaquer à lui, si l'envie lui prenait, et Aedelrik se savait parfaitement vulnérable dans pareils atours. De fait, il ignorait tout d'elle, de son caractère, mais son chemin avait trop souvent croisé ceux de femmes qu'il ne valait mieux pas énerver.
Lorsqu'elle cracha sur le sol après ces derniers mots chargés de ressentiment, le voleur se releva lentement, son regard toujours fixé sur la jeune femme. Il compris néanmoins qu'au delà de l'arc, Keith devait mal vivre le fait de s'être fait bernée par Lanre. Cela, il pouvait aisément le comprendre : le rouquin avait décidément pour habitude d'agir de manière imprévisible, sans qu'on le voit venir. Le doigt de Keith posé sur sa cicatrice fit faire inconsciemment le même geste à Aedelrik, là où son visage avait violemment souffert lors de son combat contre le Ceald.

Néanmoins, bien qu'il puisse la comprendre, la colère de Keith l'inquiétait légèrement quand aux risques que comprenait une rencontre entre elle et son voleur. D'autant plus que visiblement, la chasseuse semblait tenir à son arc. En tout cas, c'est ce que le Renard avait compris de son premier mouvement de fureur lorsqu'elle avait appris le sort de l'arme. "Perdu" avait elle dit... Aedelrik s'était alors fortement retenu de lui avouer qu'il l'avait vendu. Son intuition lui prédisait qu'en apprenant la vérité, Keith pourrait bien exploser de rage. Et lui n'avait pas l'intention d'être dans les parages si un tel événement devait advenir. Vivons longtemps, vivons prudent, comme disaient les gens sensés.
Ainsi, lorsqu'elle accepta les termes de son marché, surtout le fait de ne pas apporter d'arme au rendez vous, le Renard se détendit un peu. Pas assez pour épancher toutes ses craintes mais suffisamment pour qu'il ne se sente pas trop coupable de troquer la sécurité de son ami.


« Tu vois qu'on peut s'entendre tous les deux ~ Viens par là. » l'enjoignit elle avec cette pointe d'ironie qui lui allait si bien. Il répondit alors en feignant un sourire sur le même ton, « Je n'en ai jamais douté. »

En fait, jusqu'à quelques instants auparavant, Aedelrik craignait qu'elle profite largement plus de son avantage dans la négociation. Un avantage de choix, d'ailleurs ! Puisque comme elle lui avait fait remarquer, revenir à la civilisation ne constituait pas une chose aisée, surtout pour un citadin comme lui. Si il lui suffisait de quitter la forêt, le Renard se serait contenté de suivre le soleil matinal. Mais une fois sur la plaine, sans monture ni vivres... Au final, la nudité n'était que le moindre de ses problèmes. Keith aurait pu en profiter pour hausser ses exigences, elle n'en avait rien fait. Par inconscience de son avantage ? Par pitié ? Ou bien pour une autre raison si échappait au voleur ? Au final, celui ci la suivit au train tandis qu'elle traçait sa route, imperturbable, visiblement dans son élément.
Le chemin fut court, leur destination proche de là où Aedelrik avait couru un peu plus tôt. Ce constat lui laissa un goût amer dans la bouche. Peut être avait il cédé trop vite. Ou bien serait il parvenu à se perdre tout de même, sans Keith pour le guider. Cette forêt semblait prendre beaucoup de plaisir à jouer avec lui. Tandis qu'il se rhabillait, il lui semblait que le vent faisant bruisser les feuilles des arbres alentours ressemblait à un rire, un rire dirigé contre lui.


« Sans rancune hein ? »

Aedelrik tint un instant à bout de bras ce qui restait de sa chemise devant lui, un sourcil levé et une expression mi-amusée, mi-circonspecte, avant de répondre, caustique, « Pour moi oui, mais ma garde robe risque de vite te détester. »

Au final, ses chausses étaient déchirées au niveau des hanches et ne tenaient que grâce à la ceinture de cuir heureusement intacte. Sa chemise avait fortement souffert et ne couvrait presque plus rien de son torse. La tunique au dessus était inutilisable en l'état. La sangle de ses sacoches en bandoulière avait cédée. Seules ses bottes semblaient épargnées. De tout son coeur, le Renard espérait que les prochaines transformations seraient moins dévastatrices ou il lui faudrait dévaliser une lavandière.
Tandis que Keith lui faisait part de son incompréhension face au soutient qu'il apportait à Lanre, le voleur tâcha de regagner un minimum de dignité mais avec autant de peau exposée, un inquisiteur l'aurait surement brûlé pour impudeur manifeste. C'était toutefois moins que rien. Il eut achevé son oeuvre en même temps que la jeune femme eut fini de parler. Alors, il prit un instant pour réfléchir à ce qu'elle lui avait demandé. Finalement, il pouffa et haussa les épaules tout en répondant,


« Franchement, je n'en sais trop rien. Le fait d'être tous deux étrangers, tous deux chassés de là d'où nous venons, tous deux rouquins ? Il pouffa de nouveau, incapable de retenir son sourire, Je ne le connais pas beaucoup, au final. A peine nous sommes nous rencontrés que nous nous sommes appréciés. Et puis, il m'a sauvé malgré moi et je lui en ai voulu. Ensuite, il m'a fait ça à coup de planche en bois lors d'un duel... Aedelrik pointa les marques des coups sur son visage, Et pourtant, c'est un ami. J'aime sa compagnie. J'apprécie son caractère. Il a quelque chose de vrai, d'authentique, dans son côté bourru. C'est quelque chose que j'estime, que je trouve précieux. Ca n'est pas de la dévotion que j'ai pour lui, c'est de l'affection. Je suis sûr que tu peux comprendre ça. »

Aedelrik s'était approché de Keith. Il avait perdu au fur et à mesure son masque d'ironie, et son visage affichait des sentiments bâtards, dont un peu de tristesse. Elle persistait néanmoins à lui tourner le dos. Chose étrange si il en était puisqu'elle l'avait vu nu pendant un long moment et qu'il était justement en train de regagner une dignité aux yeux des Hommes.

« Du moins je l'espère. Parce que tu m'as fait un cadeau précieux, ce qui me donne une dette envers toi. Je ne souhaite pas vous voir vous entre dévorer. Je ne laisserais pas ça arriver. Quand à tes insultes, il a suffisamment appris la langue d'ici pour les comprendre. »

L'avait il menacé ? Lui même n'en était pas certain. A choisir bien sûr, le voleur défendrait Lanre, mais serait capable de s'en prendre pour cela à la femme-louve ? Rien ne saurait être moins sûr.
Le Renard s'en retournait pour aller finir de ramasser ses affaires lorsque Keith poursuivit sur un sujet qu'il n'apprécia pas, tant cela lui semblait glissant. Par dessus tout, Aedelrik détesta le "rassure moi". Il le détesta de toutes les fibres de son corps, de toutes les pores de sa peau. Il y avait tellement de menace, tellement de poids sur ces deux mots qu'il se figea à l'instant où il les entendit, et que son regard ne revint croiser celui de la chasseuse qu'après un long moment de silence pesant.


« Sa bande ? Je crois que tu te trompe sur Lanre. Il a beau t'avoir volé toi, il n'en fait pas son métier pour autant. C'est même plutôt quelqu'un qui cherche à éviter les ennuis. Moi en revanche... Sa voix était lourde, grave. Sa main se décalait lentement vers la dague accrochée à sa ceinture, dans son dos. Je ne recule devant rien pour survivre. Aux dépends des lois et des codes souvent. En faisant couler le sang, rarement. Donc, il m'est arrivé de voler, régulièrement, Il s'approcha d'elle, d'un pas souple, comme glissant sur le sol, sa main se refermant sur la poignée de sa dague. Puis, arrivé devant elle, il dégaina aussi vivement qu'il put et, s'emparant d'une main de Keith, y déposa l'arme avant de refermer ses doigts fins autour. Maintenant, tu es libre de faire ce que t'inspirent mes aveux. Mais si tu dois débarrasser le monde d'un malandrin, je t'en prie, attends que je t'ai tourné le dos. Je déteste la vue de mon propre sang. »

Aedelrik lui sourit franchement, avec un petit côté charmeur qui lui allait assez bien, d'après son avis personnel et forcément objectif. Et il se retourna d'un coup, retournant là où ses dernières affaires gisaient encore. Finissant de boucler ce qui en restait, il observa la position du soleil, en détermina la direction à suivre. Pendant tout ce temps, à chaque seconde, il comptait les battements de son coeur encore vivant. Et pourtant, rien en apparence chez lui ne laissait paraître la peur compréhensible d'un homme possiblement au bord du gouffre noir infini. Ce qui venait de faire était la meilleure manière de s'assurer si l'on pouvait faire confiance en quelqu'un : soit Keith le tuait là et maintenant, ou bien elle ne le ferait pas, du moins pas sans qu'il ne lui donne une très bonne raison pour ça. Et si elle le tuait... Et bien c'était un pari qui se tentait. Surtout que mourir des mains d'une pareille beauté, ça ne manquait pas de panache. Finalement, refusant toujours de se retourner vers elle, le Renard pointa vers ce qui lui semblait le nord et déclara,

« Si j'en suis ce que mon ami, la boule de feu obèse dans le ciel me dit, je prendrais dans cette direction ! Tu en pense quoi ? »


Keith Lyne


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Ainsi donc son voleur s'appelait Lanre. C'était étrange de lui donner finalement un nom. Sans doute cette information lui aurait-elle été utile pour le retrouver elle-même, mais son ami avait la chance qu'elle n'ait qu'une parole. Elle attendrait la rencontre qu'il entendait organiser. Elle n'aimait pas attendre les bras croisés, mais en dehors de la parole qu'elle avait donné c'était aussi la meilleure façon de récupérer son arc.

À l'entendre, l'individu apparaissait comme violent autant qu'attachant. Et elle sentit même de la menace ou un avertissement dans les paroles d'Aedelrik s'il lui prenait l'idée de transformer la rencontre en massacre. De toute évidence il n'avait aucune envie d'assister à un combat à mort, mais ce n'était pas le but de la jeune femme. Elle voulait récupérer ce qui lui appartenait et passer ses nerfs sur le responsable. Peut-être comprendre mieux ce qui s'était passé cette nuit-là. Ou seulement s'énerver un bon coup, ce qui serait bien plus simple. Tout au plus ils en viendraient aux poings si les paroles ne suffisaient pas, ça ne la changerait pas tant des bagarres de tavernes. Mais si elle voulait être honnête, elle devait s'avouer qu'elle commençait à se poser des questions sur la rancoeur qu'elle avait pu nourrir ces dernières semaines. Elle n'avait pas trop envie d'y songer sur-le-champ, aussi ne laissa-t-elle pas ses pensées s'attarder sur ce qu'elle venait d'apprendre. À la place, elle s'était retournée pour lui poser une question bien plus importante dans l'immédiat. Une question qui sembla faire grande impression sur l'homme.

Au vu du silence qui suivit, elle avait sans doute bien fait de poser sa question. Elle se rendit compte que malgré l'expérience qu'ils venaient de partager elle ne savait vraiment rien de sa vie avant leur rencontre.

Voyant qu'il décalait lentement sa main vers sa dague, elle n'écouta que distraitement sa réponse qui semblait servir principalement à gagner du temps. Pourtant elle ne comprenait pas. Pourquoi l'attaquer après cette question ? Elle restait sa porte de sortie la plus sûre pour quitter la forêt, alors qu'est-ce qu'il craignait ? Qu'elle le dénonce ? Si c'était le cas il aurait aussi bien pu lui mentir. Ses interrogations prouvaient bien qu'elle n'avait guère de preuves de quoique ce soit : ses seuls soupçons venaient de son ami qu'elle estimait peu fréquentable.

Sa propre main se prépara à saisir sa dague si le besoin s'en faisait sentir, mais elle était aussi étonnée par les révélations qu'il venait de lui faire que par l'idée qu'il veuille l'attaquer. Pénalisée par sa surprise, il l'atteignit avant qu'elle n'ait terminé son geste. Il saisit sa main, qu'elle s'apprêtait à tirer pour se dégager, mais il ne leva pas sa dague comme pour la frapper, au lieu de ça il posa l'arme dans sa main avant de la refermer dessus. Plus détendue, mais d'autant plus déstabilisée elle le regarda un instant interdite, sans comprendre.

Elle fronça les sourcils, un peu décontenancée alors qu'elle commençait seulement à comprendre ce qu'il attendait d'elle, et en le voyant lui sourire après une telle déclaration. Elle resta immobile quelques secondes alors que lui s'éloignait en lui tournant le dos. Comment étaient-ils passés d'une simple question à une exécution ?
En colère, mais sans doute pas pour les raisons qu'il pensait, elle leva la dague pour viser alors qu'elle écoutait à peine sa déduction sur la route à suivre. Puisqu'il ne bougeait pas, il ne lui était pas difficile de viser sans risquer de louper sa cible. La dague fila, passant à quelques centimètres à peine du visage de l'homme avant d'aller se planter à terre devant lui. Il avait dû l'entendre siffler. En fait elle se demanda même si elle n'avait pas attrapé une mèche de cheveux au passage, mais c'était un détail.


"Pour quoi est-ce que tu m'as prise ? Une justicière !? Si tu veux te rendre va plutôt trouver la garde ! Prends ça comme un avertissement : ne touche pas à mes affaires sinon je ne viserai pas à côté la prochaine fois. Le reste je m'en cogne, mais ne compte pas sur moi pour cautionner."

S'avançant jusqu'à lui, elle attrapa son bras avant qu'il n'aille rechercher le couteau planté en terre. Elle n'en avait pas terminé. Sans perdre son ton sévère, elle continua.

"Maintenant laisse-moi te donner un autre conseil. Tu devrais prendre ta vie un peu plus au sérieux."

Certes, elle le connaissait à peine, et ça ne la regardait pas. Mais elle savait combien une vie pouvait être précieuse, combien une perte pouvait affecter parfois toute la vie des proches. Les changer. Et elle n'appréciait pas de voir une vie ainsi offerte si facilement en sacrifice, alors qu'elle aurait tant voulu pouvoir la rendre à certains.

"Tu as dit que tu faisais ce qu'il fallait pour survivre ? Alors garde plutôt ta dague en main en pareille situation ! Ça n'excusera pas les torts que tu as pu causer mais ça les rendra moins vains."

Elle desserra sa poigne et le lâcha rageusement, un peu plus calme. Du moins assez pour se taire. Le sujet restait délicat et elle ne s'étendrait pas sur ce qui la faisait réagir si violemment.

"Attends-moi là. Quelques minutes."

Elle disparut à peine un instant. Le temps d'aller récupérer dans sa cache non loin les fourrures qu'elle avait entreposées. Ce n'était même pas par manque de confiance qu'elle était allée les chercher seule finalement, mais pour être un peu seule, le temps de s'apaiser. De toute façon elle avait plusieurs cachettes dans les bois, et même dans les plaines. C'était ça être nomade, et avoir parfois besoins de vêtements de rechange. Lorsqu'elle fut de retour près de lui, elle était bien plus chargée.

"Voilà, on peut y aller. Tu diras à ton ami qu'il a raison sur la direction mais qu'il se moque un peu de nous : c'est facile pour lui là-haut, notre course à nous sera coupée par les arbres. Enfin..."

Elle détailla d'un air à nouveau espiègle ce qu'il restait de la tenue du voleur.

"... Moi je ne te conseille pas les buissons d'aubépine et les fourrés dans cet état, à moins de vouloir ressortir couvert de griffes ~"


Aedelrik


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Tandis qu'elle s'en allait sans doute chercher ses propres biens, Aedelrik considéra longuement ce lieu, qui l'avait presque vu mourir, à deux reprises. Son regard s'attarda sur la dague, plantée devant lui, et il s'accroupi pour la récupérer. Lorsqu'elle fut dans sa main, alors seulement alors il put retrouver son souffle et commença à s'apaiser.

Quand la lame l'avait effleuré, quelque chose s'était éveillé en lui. Tous son corps lui avait hurlé de se jeter sur Keith, de se défendre face à l'agression. Durant ce long moment qui avait suivit, il avait presque perdu toute capacité à penser. Sa conscience était comme dans un rêve, collée à ses sensations, à son ressenti. Fort heureusement, l'effet de surprise était resté plus fort que ses instincts et il s'était pétrifié sur place plutôt que de blesser la jeune femme. Etait cela, être un homme-loup ? A quel point devrait il obéir à la bête ? A quel point la bête lui obéirait elle ? L'esprit du Renard débordait de questions, au point où c'en était douloureux.
Aedelrik se laissa alors tomber sur le sol, assis en tailleur, et alla chercher dans une de ses sacoches un écrin de bois d'acajou, vieux et cabossé. Avec précaution, il l'ouvrit et ses yeux se posèrent sur un médaillon de bronze représentant une chouette. Il le prit dans sa main et murmura les mots gravés autour de l'oiseau de sagesse, comme une formule magique,


« Nul bonheur sans liberté, nulle liberté sans courage. »

Vu de l'extérieur, ce comportement aurait pu apparaître comme un rituel superstitieux ou païen. Mais pour le voleur, c'était simplement une manière de s'apaiser, de trouver une paix intérieure dans un moment de doute. Prononcer ces mots faisait remonter des tréfonds de sa mémoire des souvenirs d'une époque plus douce et simple. Le bon vieux temps.
Aedelrik se releva plus serein, décidé à garder ses questions pour plus tard, quand il aurait le loisir d'en chercher les réponses. Pour l'instant, il était bien décidé à profiter de sa chance. Le Renard qu'il était déjà associé au Loup nouveau né, des chemins nouveaux s'ouvraient devant lui et le passé douloureux disparaissait déjà, comme à chaque fois qu'il se décidait à oublier. Aller de l'avant, c'était sa deuxième devise. Aujourd'hui, elle lui semblait la meilleure.

Il replaça le médaillon au fond de la sacoche et attendit le retour de Keith, patiemment, tâchant de percer l'horizon à la recherche de l'orée de cette foutue forêt. Lorsqu'elle fut enfin là, il remarqua avec amusement la taille de son chargement et lui proposa,
« Je me doute que tu n'accorde pas ta confiance aisément, mais si je peux t'aider à porter quelque chose... » Il laissa la phrase en suspens, ne voulant pas qu'elle le croit motivé par l'envie de chaparder.

Son sourire ne s'évanouit pas lorsqu'elle plaisanta sur l'état de ses vêtements. Ce genre de moqueries lui plaisaient d'autant plus qu'Aedelrik était conscient que la situation s'inverserait une fois en ville. Ici, Keith le dominait largement, c'était son domaine. Plongés dans un dédale de ruelles un jour de marché, le jeu s'inverserait certainement. Il répondit, légèrement provocateur, savourant l'effet qu'auraient ses mots, « Si cela pouvait nous faciliter la marche, je charmerais bien les nymphes des bois dans un plus simple appareil, mais elles semblent nous éviter. Elles doivent être timides... Ou jalouses de toi, peut être. »

Aedelrik commença alors à marcher dans la direction du soleil. Malgré la course de la nuit, et l'absence de sommeil, il se sentait encore largement en forme et surtout désireux de ne pas traîner plus longtemps dans cette forêt. On lui ôterait pas de sa tête d'homme-loup que le lieu transpirait l'hostilité envers les humains. Bien sur, ils n'étaient pas dans un conte, et donc les arbres ne s'éveillaient pas pour les écraser entre leurs branches. Mais chaque buisson, chaque feuille semblait brouiller les pistes, tenter de les désorienter... Comme si les bois voulaient les perdre. Il était temps de laisser la nature pour la civilisation. Là au moins, le Renard se sentait en confiance, en maîtrise.
Après un certain moment de marche, il se sentit un besoin de rompre le silence et demanda à la chasseuse, qui marchait à sa hauteur,
« Keith, tu veux bien me parler un peu de toi ? D'où tu viens, pourquoi tu es là ? Comment tu en connais autant sur la forêt ? » La première question n'était pas rhétorique, le Renard comprendrait qu'elle ne veuille rien en faire. Mais lui était curieux, et aimait bien qu'on lui raconte des histoires vécues. Lui même aimait bien en raconter, celles des autres surtout. Il se retint néanmoins de poser la plus importance des questions, celle liée à la louve. Il devinait que c'était un terrain glissant.

Et puis soudain, le voleur entendit un cri d'animal familier. Il refusa d'abord d'y croire, croyant à une méprise mais la curiosité le poussa à courir dans la direction d'où le son venait. Alors, empêtré dans des buissons d'épines, Aedelrik vit le cheval qui l'avait conduit jusqu'à la forêt, la monture qui avait fuit devant la louve Keith et qu'il pensait perdue pour de bon.
Il s'avança précautionneusement, coupant les buissons à la racine avec sa dague et dégageant petit à petit le passage. Il sentait néanmoins la bête s'affoler à mesure qu'il approchait. Il réalisa alors que son odeur devait puer le loup. Il leva alors une main en direction du museau du cheval, fredonnant une mélodie apaisante. La bête hennit plusieurs fois avant qu'il ne parvienne à elle et sembla même le menacer un instant. Puis, la chanson fit son oeuvre et le cheval se laissa caresser. Le voleur le sortit alors des buissons en le menant par la bride. En rejoignant Keith, il lui déclara, sa prestance retrouvée,
« Le trajet sera plus agréable ainsi ! »

Ils reprirent leur chemin et, alors que la forêt commençait à se clairsemer devant eux, et qu'il devinait que l'issue n'était plus très loin, Aedelrik posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis qu'ils étaient partis de la clairière au chêne, « Viendras tu à la citadelle avec moi ? » Dans les faits, rien ne semblait s'y opposer car le cheval pouvait largement les porter tous deux et ce voyage était plus sûr accompagné. Néanmoins, cela tenait à la décision de Keith. Le voleur n'avait pas spécialement envie de replonger dans la solitude pour plusieurs jours mais surtout, l'idée de se séparer de la chasseuse ne lui plaisait pas.


Keith Lyne


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"Je n'ai pas besoin d'aide."

Elle avait répondu machinalement, sans trop réfléchir. Pourtant, quelque chose dans le ton que l'homme avait employé, comme une hésitation, lui fit comprendre qu'il y avait plus que ça. Il semblait douter qu'elle soit prête à lui faire confiance, sans doute d'autant plus après la révélation qu'il lui avait faite. Si elle le connaissait encore à peine, et si au fond elle restait toujours aussi méfiante qu'avec n'importe qui, d'autant plus avec la perte récente de son arc, elle ne se sentait pas particulièrement menacée par le fait de prêter une part de son chargement.

"... mais tu as raison après tout, rends-toi utile. De toute façon si tu t'avises d'en soutirer je verrai vite la différence avec ta tenue actuelle ~"

La jeune femme se délesta de quelques-unes des fourrures et les lui confia avant qu'ils ne s'entendent sur le chemin à emprunter. Elle ne put retenir un rire lorsqu'il évoqua les nymphes. Rien que ça.

"Jalouses de moi ? Rassure-toi, les nymphes n'ont rien à m'envier. Ce qui est vrai en revanche c'est qu'elles sont timides, il faudra te contenter de ma compagnie."

Keith emboîta le pas à son camarade. Elle le sentait pressé de quitter la forêt et même si ce n'était pas son cas à elle, elle ne chercha pas à le retarder pour le taquiner. Il avait sans doute eu son lot d'émotions pour la journée. Elle se contenta de marcher à ses côtés, profitant au maximum des derniers instants passés dans la forêt, de ses odeurs, ses jeux de lumière, du murmure des arbres... Elle savait qu'ensuite ils allaient retrouver les grandes plaines qui bien qu'emplies de beaux paysages ne dégageaient pas la même atmosphère, et qu'elle devrait alors choisir et rejoindre une ville où écouler sa marchandise. La question de son compagnon de route la prit un peu au dépourvu. Elle n'avait pas pour habitude de parler d'elle, ou en tout cas pas de son passé. Elle se contenta de hausser les épaules.

"Tu sais, ma vie n'est pas particulièrement passionnante. Je suis née ici, à Hyrule, un peu plus à l'ouest. J'ai assez vite quitté mon village pour un peu plus de liberté, et me voici. Inutile de t'expliquer pourquoi j'aime autant les forêts... et tu imagines bien que je les ai parcourues des centaines de fois. Comme en témoignent les fourrures que tu portes je vis de la chasse, et en plus de l'argent gagné, elle me permet aussi de subvenir à mes propres besoins."

Elle évita soigneusement de parler de son enfance et resta volontairement vague sur le lieu où elle avait grandi. Ce temps était pour elle révolu, tout ce qui s'était passé avant qu'elle ne quitte son village, c'était terminé, enterré. Pour les mêmes raisons, elle ne parla pas plus de ses parents, ni de leurs origines étrangères. Ça n'avait plus d'importance à présent.
Mais avant qu'elle n'ait eu le temps de sortir de ses pensées et de questionner à son tour son comparse, elle le vit couper court à travers les buissons.


"Ce n'est pas le bon chemin !"

Mais l'homme ne fit pas demi-tour. Quelle mouche l'avait piquée ? Elle songea alors qu'il avait sans doute besoin d'un arrêt pour se soulager. Peut-être était-il gêné de la prévenir ? Comme si ça n'était pas le lot de tout un chacun. Elle renchérit, ignorant s'il l'entendant toujours crier.

"Pfff, un vrai citadin... Fais vite !"

Elle l'attendait bras croisés quand elle entendit du bruit plus loin dans les buissons et que l'odeur d'un cheval, à laquelle elle n'avait prêté que peu d'attention jusque là mais qui devenait de plus en plus forte, vint lui chatouiller les narines. Elle se souvint alors avoir senti la même odeur, mêlée à celle qui l'avait mise en colère, avant de faire la rencontre de l'homme. S'agissait-il du même cheval ? Dans tous les cas il s'agissait d'un coup de chance, les chevaux sauvages n'étaient pas courants dans ces bois.

"On dirait que tu es plutôt chanceux aujourd'hui."

La monture lui serait effectivement utile. S'il était arrivé jusque là à cheval, il venait sans doute de loin, et son trajet de retour le serait tout autant. Pour sa part, elle avait souvent eu l'occasion de monter à cheval mais la plupart du temps elle choisissait de s'en passer, pour la simple raison que les chevaux ne l'aimaient pas beaucoup, et qu'elle n'était de toute façon pas pressée. La marche lui plaisait, et elle n'en profitait que mieux de la nature autour d'elle. Elle garda ses distances, de crainte d'effrayer le cheval, alors qu'ils reprenaient leur route.

Ils apercevaient seulement l'orée de la forêt quand son compagnon lui demanda si elle l'accompagnerait ensuite. Question à laquelle elle n'avait pas encore vraiment réfléchi.

"À la Citadelle ? ...Pourquoi pas... Voilà un moment que je n'y ai plus mis les pieds, et avec un aussi grand marché ce sera bien le comble de la malchance si je ne trouve pas quelques clients..."

Elle préférait généralement les petits villages, moins agités et plus conviviaux, mais de temps à autre les passages dans les grandes villes étaient profitables. La Citadelle restait un arrêt incontournable, non seulement parce qu'on pouvait y acheter et vendre à peu près n'importe quoi, mais aussi pour sa vie nocturne toujours active. Si elle voulait se détendre, elle aurait l'embarras du choix pour trouver une taverne.

"Vendu. Mais si je n'écoule pas mon stock à bon prix tu en entendras reparler !"

En réalité, le commerce n'était pas seul à guider son choix. La Citadelle était aussi l'endroit le plus stratégique pour obtenir des informations sur la situation à Hyrule. Proche du château, son ambiance était généralement représentative de l'état du Royaume et les gens bien informés sur la situation. À présent que la guerre se faisait chaque jour plus présente et oppressante, il était difficile de l'ignorer. Elle ne le souhaitait de toute façon pas : même si elle préférait de loin le calme des forêts, elle n'avait pas l'intention de se retirer comme une ermite en attendant que les événements passent.