Posté le 01/07/2018 19:01
Lorsque Aslaak posa sa main sur le bracelet, le Lion ne put réprimer un léger frisson nauséeux. Laisser un parfait inconnu toucher du doigt une telle chose... Il y avait de quoi mettre même le roi des rois mal à l'aise. Les gérudos ignoraient le culte des idoles que prisaient les Hyliens ; considérer un objet comme saint serait apparu à toutes comme stupide, insensé. Après tout, quel besoin ont les dieux Jour et Nuit de bijoux ou de vêtements ? Mais ce bracelet... Ganondorf se souvenait très bien de ses propriétaires. Pour lui, il était doublement sacré. Une relique, d'un temps révolu, qui ne saurait tomber entre des mains profanes. L'ornement d'un Dieu.
Bien vite, Aslaak sombra en transe, quand bien même il n'en avait pas forcément conscience. Parmi ses nombreux effets, le sable rouge possédait l'avantage d'éclaircir l'esprit, là où d'autres méthodes faisaient chuter dans des limbes dangereuses dont on pouvait ne pas sortir. Or, un esprit clair est plus aisé à cerner, à observer... Et à contrôler.
Fermant les yeux, le Lion se fit Serpent. Approchant sa main du bracelet, s'insinuant au sein de l'or précieux, Ganondorf vint enserrer Aslaak, se lovant et l'entourant presque contre lui, de manière imperceptible. Derrière ce geste, il y avait la méfiance persistante du roi pour un parfait inconnu un peu trop audacieux pour être honnête mais aussi une préoccupation plus profonde, plus inquiète. L'Hylien avait avoué de lui même son manque d'expérience et de maîtrise de son art ; C'était au mieux un potentiel, encore en chemin... Le genre de profils pour lesquelles toutes les rencontres n'étaient pas bonnes à prendre. D'autant que celui que Aslaak devait trouver adorait subvertir les jeunes hommes gorgés d'ambition et de désirs. Ganondorf en savait quelque chose. Mais le piège tendu résidait très précisément dans cette offrande si alléchante. Au fond, le Lion ne se comportait pas autrement que le chasseur de Molgarth, attachant une brebis comme appât pour débusquer sa proie. Le sort de la brebis n'était certes pas très enviable, mais pour les forts, la fin justifie les moyens.
Faute de scorpion géant, le gérudo ne vit tout d'abord qu'un brouillard opaque, sombre et étouffant, qui tournoyait dans une danse frénétique. Puis, peu à peu, le mouvement décéléra, les volutes ralentirent, et des lignes se stabilisèrent. Accroché à l'esprit de Aslaak, Ganondorf sentait des forces immenses se déchaîner autour d'eux. Des forces titanesques, semblables à une tempête de sable, au sein d'un tsunami, au dessus d'un volcan en éruption. Fait singulier, l'esprit d'Aslaak auquel il fut forcé de s'attacher plus solidement, semblait totalement ignorer cette vision de cauchemar, et restait d'un calme qui finit par contaminer le Lion. Il comprit rapidement que cet enfer était un bon présage ; Il s'agissait d'une barrière, d'un voile destiné à masquer quelque chose, ou quelqu'un... à Ganondorf lui même. Relâchant alors prise, et accordant un début de confiance au sorcier hylien, celui ci se laissa emmener hors du voile.
A l'instant où il en émergea, le Lion fut saisit aux tripes. Ils étaient arrivés devant une fontaine, sur une place, au milieu d'une ville, dominée par un temple... La fontaine. La place. La ville. Le temple. Des années de recherche stériles, et avec un simple intermédiaire, il y était enfin parvenu. Une main crispée sur l'épaule d'Aslaak pour ne pas rompre leur lien, Ganondorf observa autour de lui, dévisagea les silhouettes magnifiques, tint le regard face à un soleil anormalement pâle et doux et laissa une de ses mains venir frôler la surface glacée de la fontaine. Il cherchait le moindre signe, le détail qui trahirait le maître des lieux. Il vit un jeune homme, qui jouait du oud en chantant d'une voix d'ange. Une belle imitation, mais loin d'égaler l'original. Au moins ce tour de passe passe était clair ; son intrusion n'était pas passée inpaerçue. D'une voix forte, déjà las de cette partie de cache cache, il appela,
« Azhi. » Seul le silence lui répondit. « Azhi Dahaka ! » Tonna-t-il, en Roi.
Alors, ses yeux d'ambres vinrent se poser sur l'eau, et il jeta un regard dur au reflet d'Aslaak, qui l'observait avec un sourire narquois. D'une poigne de fer, Ganondorf plongea sa main et attrapa son vieil ami au col, le jetant d'un coup hors de l'eau.
« C'est bon de te revoir, sadiq. » déclara alors le Lion, caustique.
Mais avant qu'il ait eu l'occasion d'accomplir ne serait ce que le début de ce pourquoi il était venu, le gérudo se sentit tiré vers l'arrière, comme si des centaines de mains l'écartaient de la silhouette trempée, affalée au sol et qui le regardait d'un œil noir. Azhi lui répondit alors, d'une voix où pointait à la fois de la moquerie et de la peur.
« A jamais, alshabal. »
Ganondorf reprit ses esprit un instant avant Aslaak. Il retira sa main du bracelet, le cœur partagé entre la surprise, et une colère froide mais intense envers le sorcier qui avait osé l'interrompre au moment crucial. Pendant un instant, il avait été si proche, et à présent tout était à refaire... Des années de labeur réduites à néant. Il ferma son poing, dont les phalanges craquèrent.
En face de lui, l'Hylien reprenait le contrôle de son corps, expliquait maladroitement ce qu'il avait vu, se répandait en justifications de sa faiblesse, sans se rendre compte de la gravité de la situation. Le Lion se leva, alors, fit un pas dans sa direction et s'accroupit devant le sorcier, bien décidé à en finir. Et puis, il croisa le regard d'Aslaak... ou plutôt le regard qu'il vit dans les yeux de celui ci. En un instant, Ganondorf retrouva son sourire.
« Comme je le disais ; C'est bon de te revoir. »
Le Lion redevint alors Serpent et aspira le souffle de la bouche du sorcier, lui vidant les poumons. Le corps d'Aslaak se raidit alors par pure réaction physique et avec l'air, une fumée de sable rouge jaillit dans la pièce. Un instant inconsistant, le nuage prit rapidement forme. Une silhouette de jeune homme se joignit alors aux deux sorciers dans la pièce. Ganondorf posa alors une main sur l'épaule de son nouvel acolyte, lui désignant le djinn, en le présentant d'une voix chaude,
« Aslaak, devant toi se tient Azhi Dahaka, grand seigneur de la cité aux milles fontaines, maître déchu du désert perdu, djinn, démon, et l'espace de quelques instants, toi. »
« Ainsi que poète, prophète et sage. Bien. Peut être puis je savoir à présent pourquoi tu es si décidé à ne pas m'accorder le repos des vaincus ? » La voix du djinn était une expérience sensorielle incroyable ; douce, forte et impérieuse... Dans son heure de gloire, Azhi pouvait charmer n'importe qui et se rendre maître de lui simplement par quelques mots bien choisis.
« J'ai une guerre à mener, et des ennemis puissants. J'ai donc besoin d'autant d'atouts que je peux en trouver. Tu te battras pour moi. »
« … Ais je le choix ? »
« On a toujours le choix, Azhi. C'est toi même qui me l'a appris un jour. Je vais donc te proposer la même alternative que tu m'as un jour offerte ; Souhaite tu servir ou souffrir pour l'éternité ? »
Le djinn lui lança de ses orbites vides un regard plus sombre encore que la nuit, puis soupira comme si tout cela n'avait concerné qu'une affaire banal, de partie de dés ou une histoire de cœur. Comme si s'engager sans durée pour un éternel était juste une corvée à endurer. Progressivement, le nuage de dissipa, le sable rouge retombant sur le bracelet, lequel luisait désormais faiblement. Ganondorf le saisit alors et le tendit à Aslaak, en lui disant,
« Tu as su le trouver, il te revient d'en être le gardien... Et le bénéficiaire. Tu verras, Azhi peut être agaçant mais c'est un compagnon somme tout agréable à vivre. Et tu n'imagines même pas tout ce que tu pourras en tirer. Au début, il te résistera, c'est dans sa nature. Mais si tu parviens à le maîtriser... Tu obtiendras tout ce que tu étais venu chercher ici, et bien plus. » Les yeux du gérudo brillaient d'excitation à l'idée de voir ce que ce potentiel allait bien pouvoir donner, amplifié par un tel catalyseur. Mais sa voix se fit plus sombre alors qu'un rictus mauvais déformait son sourire. « En revanche, si tu me trahis, Azhi n'aura plus rien à craindre de moi... Et je te souhaite de ne jamais vivre le courroux d'un Djinn déchaîné. »
Sa menace achevée, Ganondorf se releva alors, soulevant Aslaak par la même occasion, et le pressa contre lui en un geste paternel gérudo, cœur contre cœur.
« Bienvenu chez toi, alshabal. »
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