Posté le 06/03/2015 19:15
Llanistar se maudissait d'avoir gardé les quelques pièces d'armures qu'il portait encore, tant leur poids l'entraînait inéxorablement vers le précipice. Sa main noire était toujours agrippée à un roc dépassant du sol, mais sa fixation au bras du général faiblissait, la vis tirant dans la chair de ce dernier à cause de la charge. Cette défaillance s'accompagnait ainsi d'une violente douleur, mais malgré ses efforts, le nordique ne parvenait pas à trouver une prise solide avec sa main de chair. Plusieurs fois, il crut pouvoir se remonter en s'appuyant sur un morceau de rocher mais l'appuie lui resta dans la main et il retomba au même point, au bout de ses bras. La falaise qui le séparait de la lave elle même étant inclinée dans le mauvais sens, Llanistar ne parvenait pas à reposer ses pieds dessus et il sentait ses forces le lâcher.
Et puis, brusquement, le général sentit qu'il s'allégeait. Comme si la force qui poussait tous les êtres vivants et les objets vers le sol avait cessé d'agir sur lui. Il s'éleva même rapidement dans les airs, contre sa propre volonté, et crut un instant à un sortilège de Ganondorf qui le ferait léviter pour mieux le lâcher au milieu du cratère... Mais il fut déposé, au contraire, à l'abri, au dessus de la roche, non loin de la silhouette massive du gérudo.
Llanistar ne comprenait rien à ce qui lui était arrivé, puis il se sentit redevenir lourd à nouveau. Il lui sembla que tout le poids du monde venait de retomber d'un coup sur ses épaules. Il fléchit sous le choc et ne put relever la tête qu'après quelques instants, éreinté par la fatigue et toujours engourdi par la foudre du sorcier. Il vit alors l'ombre se tenir à ses côtés, se pencher vers lui comme pour vérifier son état.
Le général se sentit plus troublé que jamais. Devant lui se tenait le reflet sombre de l'homme qui l'aimait, et pourtant ça n'était pas Orpheos mais bien un être à part, qui lui obéissait. Un être qu'il avait déjà vu sans savoir réellement qui il était, lorsque l'ombre lui avait apporté la lyre du chancelier. A présent, ils s'observaient mutuellement et Llanistar ne savait plus quoi penser. De tout son être, le nordique craignait et détestait ces formes de magies noires, tout comme il se défiait de ce qu'un homme pouvait accomplir et qui sortait de ce qu'il considérait comme "ordinaire". Mais l'ombre venait de le sauver, même par obligation cela le forçait à réviser son jugement. Une magie noire bien utilisée pourrait donc s'avérer bénéfique ? Il se promis d'y réfléchir et, se relevant, gratifia son sauveur dans un murmure étouffé,
« Merci. »
Mais alors qu'il relevait la tête et pointait son regard vers son ennemi, ce fut une vision de cauchemar qui s'offrit à lui. Ganondorf Dragmire n'avait plus grand chose de celui qui avait manqué de le tuer quelques instants plus tôt. Son corps semblait corrompu, comme dans un état de nécrose comme le général en avait parfois observé sur des blessés très gravement. Sauf que le gérudo ne paraissait ni agonisant ni même affaiblit. Au contraire, dés qu'il ouvrit son esprit et son don, Llanistar sentit une immense aura déferler sur lui. Comme pour Zelda, cette aura témoignait de l'extraordinaire pouvoir de la Triforce... Mais à la différence de la princesse, elle n'aveuglait pas le nordique. Elle menaçait de l'engloutir.
Si l'aura de Zelda était un phare, un éclat de lumière pur, celle du Lion était un abysse sans fond, un puits de profondes ténèbres. Et en le scrutant, Llanistar sentit aussitôt une présence, autre que le gérudo. Une puissance qui lui rendait son regard. Il la sentit approcher, ramper hors de son trou, tendre une main vers lui... Au moment où elle jaillit de l'abysse, le nordique eut l'extrême réflexe de refermer son esprit. La vision disparu et il revint à la réalité, pour voir son amant violemment projeté sur le sol.
« Non. »
Ganondord, ou quoi qu'il put être réellement, maintint sa poigne sur la cheville du chancelier, apparemment prêt à le malmener à nouveau. Llanistar acheva de se relever, aussi droit qu'il le put. Ereinté, encore affaiblit par la magie de son ennemi, il savait ne plus pouvoir le vaincre. Ce combat était perdu, et sans doute l'était il dés le départ. Il ne pouvait rien contre les pouvoirs du gérudo. Orpheos était mieux armé mais il lui aurait fallu un rempart pour l'aider. Le dernier des Rusadirs n'avait pas réussi à incarner ce rempart. Peut être pourrait il au moins sauver l'homme qu'il aimait.
Son regard cherchait son épée sur le sol quand il vit que l'ombre, derrière lui, était allé la chercher pour lui et la lui tendait. Il ne prononça pas un mot, conscient qu'ils étaient inutiles pour ce reflet si étrange, mais empoigna l'arme. Une épée de héros, peut être, si il s'avérait assez fort pour la brandir contre un pareil ennemi. La valeur d'un homme se mesure à celle de ses ennemis, lui avait un jour appris Alvar. Il pouffa en jetant un regard à Ganondorf.
Au moins serait il le plus valeureux des hommes, quelques instants.
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« Si faibles... Vous ne méritez pas notre attention. » |
[/table]L'enfant du Nord sentit les yeux de braises de l'Ennemi se poser sur lui, et ne trembla pas. L'heure de la faiblesse était passée, comme la pluie sur les montagnes. Faisant fi de la fatigue, il brandit la lame vers le démon, et chargea. Ce dernier jeta alors Orpheos non loin.
Et la tempête éclata.
Llanistar, longtemps, ne comprit pas ce qui s'était réellement passé à partir de ce moment là. Lorsque le corps de son amant retomba sur le sol, ce fut comme si la nature elle même se déchaînait contre les abominations de Ganondorf. Un véritable ouragan d'énergie magique déferla sur eux, depuis cet endroit où le Lion avait tenté son rituel.
La première rafale manqua de renverser le général, malgré sa course en sens inverse. Ce fut comme un mur contre lequel il rentra violemment en collision. Aussi surprit qu'enragé, il mit toutes ses forces dans la bataille pour conserver son équilibre, le corps penché en avant pour ne pas s'envoler vers l'arrière. Il y eut une seconde rafale, qui lui décolla un pied de terre. Réagissant par pur réflexe, Llanistar le reposa en position d'escrimeur, en angle droit avec le premier, afin de s'assurer le meilleur appuis possible.
La tempête continuait rageusement mais il parvint à faire quelques pas, jusqu'à la troisième rafale, la plus forte. Là, ses deux pieds décrochèrent du sol. A ce moment, forcé de lever les yeux vers le ciel, il vit que son amant était projeté et maintenu en l'air par l'ouragan. La peur de la rage et du désespoir l'envahit alors qu'il se sentait projeté en arrière par le vent surnaturel. Et puis, brusquement, il atterrit, en ressentant la même impression de ne plus dépendre des lois de la nature et de son poids. Un coup d'oeil derrière lui confirma son soupçon : l'ombre d'Orpheos l'aidait à aller sauver son maître.
Même transporté par la force de l'ombre, Llanistar dut batailler violemment contre le vent, mais cet appui lui permis de contrer la violence de la tempête comme aucun homme seul ne l'aurait pu. Un pas après l'autre, avançant en perçant le mur de vent avec une épaule, puis l'autre, soutenu et poussé par une force extraordinaire derrière lui, il parvint à dépasser Ganondorf, lui même en difficulté. Mais alors, aussi soudainement qu'elle avait éclaté, la tempête s'arrêta. Le vent disparut, et Orpheos retomba vers le sol.
Le souffle coupé par l'angoisse, le dernier des Rusadirs fonça, l'ombre le soutenant toujours, et sauta finalement à quelques mètres du point où le chancelier devait retomber. Une telle souplesse n'était pas digne de lui, et jamais Llanistar n'aurait pu se retourner en plein saut comme il le fit, sans l'aide du reflet de son amant. Mais ainsi aidé, il parvint à accrocher ce dernier dans ses bras et, lorsqu'ils atterrirent finalement, le général encaissa le choc, moindre pour lui. Tandis qu'il gisait là, son homme au dessus de lui, ravagé de fatigue et perclus de douleur, son coeur ne commença à battre qu'après avoir entendu les battements de celui qu'il aimait plus que tout.
Néanmoins, tous deux n'étaient pas sauvés. Loin de là, même, puisque Ganondorf semblait redevenu lui même et approchait. Son regard était mauvais, son bras emplis de sa magie foudroyante. Llanistar serra un peu plus Orpheos dans ses bras, conscient qu'il ne pourrait plus se battre à présent. Au moins finiraient ils leur passage sur cette terre ensemble.
Et puis, le gérudo sembla hésiter. Il répondit à des mots que personne n'avait prononcé, et parut contrarié d'une réponse qui n'existait pas. Finalement, avec une frustration visible, il ravala sa magie en même temps que son orgueil et s'en alla, laissant un général en proie à une immense perplexité. Ce dernier fit doucement glisser son amant sur le sol et se redressa sur son fessier pour observer la scène vide, où s'était déroulé un des plus rudes combats de sa vie. Toute trace du gérudo avait disparue. Il se tourna vers le chancelier et tendit une main vers sa chevelure,
« Tu vas bien ? »
La question était légitime, après ce qu'ils venaient de traverser.
Pourtant, les deux hommes n'eurent pas le répit qu'ils étaient en droit d'attendre, car le cratère résonna alors d'un chant funèbre et grondant, qui permis à Llanistar de comprendre un peu mieux l'attitude étrange de Ganondorf. Si le volcan était en plein réveil, il valait en effet mieux ne pas traîner. Se relevant avec difficulté, il aida Orpheos à faire de même et, plaçant de ses bras sur son épaule, entreprit de sortir de cet enfer brûlant où il se sentait de plus en plus en danger, et où l'air commençait à manquer à ses poumons.
Tandis qu'il gravissait la pente menant à l'extérieur de la montagne, le général entendit celle ci gronder, comme un géant tiré de son sommeil. Un regard en arrière lui fit forcer le pas. La lave du cratère montait, et des geysers jaillissaient jusqu'à plusieurs mètres au dessus de la scène de leur combat. Finalement, le ciel nocturne s'ouvrit au dessus d'eux et le vent frais lui fit du bien. Poussant sur ses dernières forces, Llanistar dirigea son amant vers un endroit où il pensait pouvoir être en sécurité, le temps de vaincre la fatigue ; un endroit en surplomb mais couvert par un immense rocher capable de les protéger de toute chute de pierre.
Là, il déposa Orpheos et s'autorisa enfin à se détendre.
Au dessus d'eux, en dessous, Llanistar pouvait sentir le volcan gronder. Sans doute ne mettrait il pas longtemps à se réveiller pleinement, mais au moins étaient ils saufs. Saufs, ce mot lui arracha un rire nerveux tant il n'aurait jamais cru y penser encore, quelques minutes auparavant. Les occasions où le nordique avait risqué autant sa vie qu'en cette nuit se comptaient sur les doigts de sa main, il avait sans doute affronté son plus terrible adversaire... mais ils étaient saufs. Rien ne comptait plus, au final, que cela. Sa main glissa vers celle d'Orpheos prés de lui.
Les autres devraient se débrouiller seuls. Malgré son soulagement, le général ne pouvait s'empêcher de craindre pour la vie de ses hommes cependant... Il était temps qu'ils agissent de leur propre chef. Cette nuit lui avait appris une leçon au fer rouge : l'Ennemi était largement en mesure de le supprimer, et donc de priver Hyrule de ses services. Ce royaume devait apprendre à se défendre seul, car son bouclier ne serait pas éternel. Soudain un rocher vola dans le ciel, non loin d'eux. Le réveil commençait, mais Llanistar se savait en sûreté.
Son regard s'éloigna, vers le village loin en contrebas. De là résonnaient toujours les affres de la bataille, les colonnes de fumée noires et les cris de l'immense bête lâchée par le gérudo mais lui et le chancelier n'y pouvaient de toute façon rien. Dans leur état, il était exclu de reprendre la route du village, et quand bien même, ils ne feraient que risquer leurs vies. Non, pour eux, la bataille était finie. Ganondorf n'avait pas obtenu ce qu'il désirait, et c'était bien l'essentiel. Llanistar gardait l'intuition que le rituel, si il avait aboutit, aurait provoqué un cataclysme supérieur à tout ce que le gérudo avait pu déchaîner sur Hyrule jusque là.
Il eut envie de remercier l'ombre de son amant pour toute l'aide qu'elle lui avait apporté, mais celle ci avait rejoint son maître et il ne fit que croiser le regard d'émeraude d'Orpheos, qui le fit fondre aussitôt. Le nordique se pencha alors sur lui et, osant faire glisser une main sous ses vêtements, lui déclara,
« Toutes nos félicitations, très cher. Il semble que vous ayez accomplit un exploit cette nuit. Llanistar posa ses lèvres sur la nuque du chancelier et dit finalement, après l'avoir embrassé, Notre part est faite. Autant en profiter un peu. »