Posté le 27/11/2012 18:29
Astre marchait de long en large, dans cette pièce froide qui puait l’humidité. Ces frileux Phénix l’ennuyaient profondément. Petites vierges effarouchées qui grognent pour avoir de la saucisse et qui, une fois devant, rechignent à la déguster. Il cracha par terre, pour montrer son mépris. Le jeunot, le plus agité de tous, ouvrit son bec pour caqueter des inutilités qui n’étonnaient personne.
" L'ombre pour nous amener à la Lumière c'est paradoxal ... Malgré vos dires, je continuerais à protéger ces gens, quelle que soit vos dires. Les ennemis ne se montrent pas devant nous, malheureusement. Et niveau équipement, si vous avez trouvé des baguettes de sorciers, c'est que vous êtes allez trop loin dans vos rêves "
Avant que le Chevalier noir n’ait pu lui rengainer ses paroles de demeuré dans sa gueule encore pleine de dents de lait, l’autre crétin drogué au gazon et à la rouille d’épée se mit lui aussi à postillonner des excréments verbaux. Il tenta de faire l’intellectuel à côté de son comparse, qui probablement mal fait à la naissance ouvrait la bouche comme un ahuri.
"Équipement ne veut pas seulement dire "arme", mais également "armure", Sorcier. Je pense que rien ne nous coûterais de porter de légères cottes de mailles...Traitez-moi de traître, si vous le voulez, mais j'ai bien réfléchi et je rejoins l'avis de ces deux hommes. C'est le moment pour agir. Nous devons nous battre. Rien ne nous empêche de continuer à protéger la veuve et l'orphelin mais nous sommes bien trop restés dans l'ombre, ces derniers temps... Prouvons à ces chiens de Dragmire que l'on peut être aussi agressifs qu'eux..."
« Ils boivent nos paroles, font mine de s’indigner devant nos propos révélateurs mais au final ils baissent la queue devant nos arguments… cette chair à canon n’a vraiment aucun avenir. Il faudra, une fois les rangs étoffés, en faire des tapis ou des abat-jours à lampe à huile avec leur peau. Leur bêtise est consternante ! » pensa Astre, et pendant un moment il hésita entre le rire et le reniflement de dédain. Il préféra garder une expression imperturbable, diplomatique. On ne pouvait pas prévoir leurs réactions, à ces cochons à la queue raide.
Surprise surprise : la gueuse revint, la mauvaise actrice qui rompt les indécisions, les colères, par un jeu d’une fausseté répugnante. Elle restait ainsi, futile statue de garde, à la porte, dans une attitude aussi stupide que prétentieuse.
« Très bien. »
« Prends ton temps, petite peste. Il faut se donner de l’importance quand on n’a pas la carrure d’une chef. » Astre ricana intérieurement.
« Roshu, un ordre de la prêtresse est arrivé. Elle te réclame auprès d’elle. Ne la fait pas attendre. »
Quelle heure est-il ?
« Va. »
Y a-t-il un banquet après tant de discours soporifiques ?
Lenneth le regardait avec une légère moquerie dans ses yeux clairs. Comment pouvait-elle avoir une once de fierté, cette caporale ratée d’un groupe de sodomites à la queue molle et désignée sur le tas ?!
« D’accord. J’en ai assez entendu pour convenir que nous avons besoins de votre aide. Apportez nous votre expérience, s’il vous plait. »
Arkhams avait fait son petit effet ; la hargne retrouvée (et accessoirement une vague paire de boulettes dans le calebar) lui faisait pousser des ailes, lui qui jusque-là s’était amusé à brouter des poils de rouquin. Il avait faim.
Mais soit, ces imbéciles marchaient au doigt et à l’œil. Son regard les toisait tous ; il calculait leurs faiblesses (grandes), leurs forces (petites !), et il soupira, face à cette assistance baveuse de jeunes séniles. A les voir, la salive dégoulinant de leur menton imberbe, il eut envie de tout arrêter, de s’en aller, de les laisser les bras ballants, ces chibres mous. Il s’éclaircit la gorge, avant d’entonner à contrecœur le refrain d’un damné.
« Je vais donc me permettre des familiarités avec vous. Fini les pincettes, petits moineaux. Il vous manque la haine. La haine, cette formidable passion, qui vous emmène jusqu’aux plus hauts sommets, qui vous fait voir des horizons que vous n’auriez jamais pu imaginer avec vos cervelles de détritus. Il vous faut trouver un bouc-émissaire, quelqu’un sur qui taper. Autrefois les Profondes Ténèbres avaient ce rôle : trouvez donc quelqu’un, incarnez une pieuse inquisition qui débarrassera ce monde des ordures qui pullulent en Hyrule. »
Il se récura intérieurement l’œsophage –ou autre tuyau sordide- et expédia un glaire bien épais, bien jaune, bien vivant, dont les microbes s’agitaient plein de haine dans la marée dorée et salée.
« Dépêchez-vous de bouger. Autrement vous êtes morts. »
Il se détourna, prêt à partir.