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Main d'oeuvre

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    Il avait fini par enfouir les petits rubis aux multiples couleurs dans ses fines mains de femme avant de partir, laissant une Malon bouche bée à l’entrée de sa chambre. Elle regarda les petits cristaux reluire dans ses mains, avant de finir par les ranger dans sa propre et minuscule bourse qu’elle avait laissée sur sa table d’appoint. L’homme qui s’était blessé au front la veille avait voulu remercier tous les bons gens qui l’avaient aidé, en leur remettant à tous et chacun une petite somme d’argent. Malon avait tout d’abord refusé (le simple fait qu’il se sente mieux était une récompense en elle-même) et l’homme, après avoir insisté maintes fois, ne lui avait pas laissé autre choix que de les prendre à lui enfonçant dans les mains. Certes, les rubis en plus ne ferait point de tort à la demoiselle poches : la rouquine avait dût payer l’aubergiste pour l’usage d’une chambre. Ses économies avaient drôlement diminuées, car elle avait aussi dût se nourrir.

    Le matin venait de se lever. Et Malon était debout depuis les petites heures : après tout, on ne perdait pas une bonne habitude vie. Elle avait entendu, prêt de la fenêtre, à regarder les faibles flocons tomber, que le soleil ne s’élève un peu plus dans le ciel avant de descendre incitée par les cris de son estomac.

    Après avoir commandé un repas composé d’une soupe à l’orge et de pain de seigle, Malon resta un moment assise à sa table à observer les alentours, mais tout spécialement les autres clients : si elle était pour travailler ici, elle devrait servir ces gens. Elle en avait vu quelques-uns impolis, d’autres qui n’avaient pas peur de balayer leurs regards sur les serveuses, mais encore, d’autres se comportaient sans que la rouquine n’ait à leur faire de reproche. Et puis, restée assise un moment, à observer la salle la détendait, aussi étrange que cela était : son estomac était plein de papillon. Elle ne savait guère où trouver le patron d’ailleurs, ni même de quoi aurait l’air la rencontre. Malon avait toujours eu un emploi. Elle était même, quelque part, un employeur, même si son père gérait vraiment toute cette affaire. Et cette fois-ci, les rôles s’inversaient. Elle était partie en sachant que de nouvelles épreuves se présenteraient à elle. Ce fait ne l’avait point fait reculée face à l’aventure qui la guettait, mais ce qui allait se passer derrière la rendait nerveuse.

    La rouquine soupira et se leva de table en calant le reste d’eau dans son vers : elle devrait remonter ses manches si elle voulait survivre dans son nouveau mode de vie. Après les paroles de la dame aux cheveux d’argent, elle avait l’impression d’être guettée, et que si jamais elle dérivait de ses paroles, cette femme reviendrait vers elle pour mettre les choses au clair. D’ailleurs, la dame était étrange : elle faisait chaud au cœur tout comme elle était capable de refroidir l’âme à la fois. Elle dégageait une aura maternelle tout comme celle d’une guerrière. Même si Malon ne la connaissait point, elle vouait déjà un grand respect à cette dame d’argent. Et cette peur qu’elle lui donnait la motivait très certainement à faire son bout de chemin.

    La rouquine se déplaça vers le comptoir, où l’une des serveuses nettoyait quelques chopes de la veille. Même pas besoin d’ouvrir la bouche que la serveuse, sans lever les yeux, lui demanda avec lassitude:
    « Qu’est-ce que je peux faire pour toi ma jolie ? »

    Malon resta un moment plantée devant, surprise par la rapidité à laquelle elle lui avait répondu. La jeune femme se racla la gorge avant de finir par appuyer ses deux mains sur le comptoir. De là, elle pouvait voir l’arrière du comptoir : première chose qu’elle ferait très certainement, si elle était engagée, serait de nettoyer la crasse. Le temps d’un instant, elle crut même voir une souris passé entre le balai et un sceau d’eau.

    « J’aimerais parler au patron. »
    « Une plainte ? »

    En recevaient-ils beaucoup ici ? Si les clients voyaient ce qu’elle voyait … sans aucun doute.

    « Non non. J’aimerais seulement pouvoir travailler ici et … »

    Les grands yeux émeraude que la serveuse lui servit à ce moment l’arrêtèrent. Avait-elle dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? Malon arqua un sourcil, secouant légèrement la tête, penchant encore un peu son corps vers l’avant. La jeune femme de l’autre côté du comptoir posa son vers, maintenant reluisant comme du cristal.

    « Écoute, fit-elle en jetant le torchon sur son épaule, si j’étais toi, je tournerais les talons. C’est pas la meilleure place pour … »

    « Je t’ai pas demandé ton avis. J’veux juste savoir où est le patron. » coupa Malon, reculant un peu du comptoir, croisant les bras sur sa poitrine (tout en essuyant le bout de ses doigts qu’elle avait posés malencontreusement dans une flaque de liquide inconnu contre sa robe de coton sombre).

    Comme si elle ne savait pas déjà que ce n’était pas le meilleur endroit pour travailler. Le stress lui donnait ce mauvais caractère en plus. De toute manière, elle ne planifiait pas de rester ici bien longtemps, ou encore de faire sa vie ici, comme la blondasse qui prit un air vexé. D’un coup de tête, elle lui indiqua la porte à prendre, s’en remettant rapidement à ses autres gobelets.

    Malon prit au moins le temps de remercier la blonde (sans nécessairement regarder sa réaction) avant de s’élancer tranquillement vers la dite porte. La rouquine repassa quelques sa vieille robe de quelques époussettes de la main avant de prendre une bonne respiration et de toquer à la porte. Malon attendit quelques instants puis y entra, croyant avoir entendu une voix de l’autre côté lui en donnant la permission.


    « Vous êtes bien le patron ? » fit-elle dans l’embrasure de la porte avant de s’introduire dans la pièce, refermant doucement la porte derrière elle.
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Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



Il en griffa le bois verni de son bureau. L'homme s'agrippait avec toute la violence qu'il lui était possible de mettre dans une poigne, subjugué par une explosion de sens qu'il n'avait de cesse de réitérer, mais qui chaque fois était différente. A l'image de chaque fille, en réalité. « Oh ! Foutredieu ! » Lâcha-t-il, pris de douces convulsions alors que la chaleur qui habitait le coeur des hommes se déplaçait plus bas. « Nom de non ! Nom d'un p'tit poulet ! Pas si vite ! » Lança l'Hylien, laissant ses mains rejoindre la scène qui se jouait sous le meuble bien luxueux qui trônait au centre de la large pièce qui faisait office de directoire.

Lui, pauvre tenancier d'une des auberges d'un vieux dignitaire à la retraite, vraisemblablement crevé, disposait de tant de richesses qu'il pouvait caser un bureau aussi massif qu'il en ferait pâlir n'importe quelle fille d'Hyrule. N'importe, ouaip ! Zelda, elle même ! D'ailleurs, une n'allait pas tarder à se retrouver bien blanche.
« Créfieu ! Pas si vite ! Pas si viiiiiiiite ! » Et sans voir ce qu'il faisait, il jeta sa main vers la première dame du spectacle. Le tempo était bien trop rapide pour qu'il put le supporter, ce qu'il n'acceptait pas. La chose se devait de prendre du temps. Du moins...

On tambourina avec violence à la porte.
« Non ! Non ! Pas maintenant ! » Beugla-t-il. «Et toi, plus vite ! Tu n'entends donc rien ?![/b] » Sa main heurta à nouveau la chair, tandis que ne s'ouvrait les portes. Deux qui n'avaient ; pour ainsi dire ; rien à voir. Non, vraiment, rien.

"Je... —[/b]" Il haletait, en proie a la chaleur qu'il croyait propre aux hommes. « Je vous avait défendu d'entrer ! » Ragea-t-il alors qu'il se sentait venir. La souris qui mordillait le fromage couina. La sueur qui glissait depuis son crâne dégarni vint déranger sa paupière et pour la première fois sa main quitta les douces soieries d'en dessous. Du poing, il se frotta l'oeil et chassa l'intrus. « Bon. » Commença-t-il, visiblement de très mauvaise humeur, mais la voix encore tremblante. La peste soit cette interruption dans sa réunion de tous les jours.

"Maintenant que vous êtes là, qu'est-ce que vous voulez ? Un client s'en est pris à vous ? Vous avez été menée dans des endroits lugubrement sombres ?" Cracha-t-il, par habitude, las et fatigué de ce genre de plaintes qui faisaient la réputation de son établissement. Fille facile, il faut dire que ça attire les damoiseaux. Ses affaires florissaient depuis qu'il avait pris la décision d'engager des filles de joie pour tourner autour de son auberge. Le soucis venait du fait qu'un gars saoul ne faisait pas la différence entre serveuse, pute et cliente. Ou alors qu'aujourd'hui les femmes ne savaient plus se taire. Oui. Ca devait venir de là, sans doute. Mais il avait eu droit à quelques visites de la garde. Il ne s'était jamais essayé à ce genre de commerce avant l'assaut sur le Ranch, et bien vite l'autorité avait décidé d'enquêter sur ses affaires. Et après la nomination du nouveau Général... Les visites s'étaient très vites faites plus pressantes, moins sympathiques. Le problème devenait suffisamment sérieux pour qu'il n'envoie plus balader ses clientes.

Comment pouvait-on lui en vouloir ? Lui qui portait le fier patronyme de Link Aedan fils d'Adrian, lui même tenancier avant que son fils chéri et prodige (sauf dans le domaine du relationnel, il était toujours vieux-garçon en frisant les trente-sept printemps) ne reprenne les rennes de ce nouveau bâtiment : Les Filles Faciles. Il portait un nom de Héros, et en raison de quoi tout ce qu'il faisait était emprunt de bonté, de justesse et couronné de réussite. Pire encore ! Il était un héros ! Un de ces héros sociaux. Le sang sur la joue de la gamine ne retirait rien au bien qu'il faisait. Les hommes étaient heureux, les femmes devenaient riche et lui était leur bienfaiteur. Il faisait bien plus et bien mieux qu'aucun de ces soldats prétentieux sous pretexte qu'ils avaient un jour, dans leur jeunesse, été investi d'une mission et reçu une épée, trésor d'on-ne-sait quelle tribu ou quelle famille dérangée.

Link posa les yeux sur la nouvelle venue qui n'avait toujours pas esquissé un geste ni avancé un mot.
« Eh bien quoi ? Parles, créfieu ! » Et en attendant qu'elle ne s'exprime, il s'attarda sur la plastique plutôt avantageuse de cette rouquine. L'homme se mordilla la lèvre inférieure, obscène, tandis qu'il laissait les doigts de fée, qui s'attelaient encore une dernière fois plus bas, finir leur travail. Il fallait qu'il soit présentable, mine de rien !

Il se glissa en dehors du bureau, drapé d'une longue chemise de soie verte, et brodée de quelques filins d'or, lesquels venaient souligner les courbes de sa silhouette, et les coutures du tissu. Une ceinture de cuir brun laissait la tunique former une espèce de petite jupette – verte elle aussi – au dessus de ses chausses blanches, par dessus desquelles il avait passé des bottes d'un cuir d'excellente facture. Le héros était habillé pour sans doute plus cher que ne l'étaient les trois quarts des dignitaires du Château, là où certaines de ses serveuses d'à peine quatorze printemps se trouvaient dans une telle situation de détresse que nourrir un gamin de cinq ans devenait complexe. Et tant que la garde ne venait pas lui mettre le nez dans la merde, il le vivait bien.

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    « Je vous avait défendu d'entrer ! »

    Hey merde. Elle voulut disparaître un instant derrière la grosse porte, mais la rouquine avait déjà fait les pas nécessaire pour s’avancer dans le bureau du patron. Il n’y avait plus de marche arrière, car elle ne possédait pas, comme Link, le titre de Héros du Temps : jamais ne pourrait-elle revenir à l’arrière. Que ce soit pour le moment qui se passait présentement où ceux du passé.

    Il lui crachait les mots à la figure. Et malgré tout, Malon gardait son sang-froid. Elle arborait un visage de marbre, alors que ses deux pupilles bleues fixaient le gérant. La massive porte de chêne devait peut-être remplacée : elle n’avait entendu que dalle de l’autre côté, mais la jeune femme se garda de tout commentaire piquant, comme elle avait eu tendance à le faire depuis le début de la matinée. C’était peut-être quelque chose dans l’air, d’ailleurs, qui la rendait acerbe. En parlant d’air, celle dans le bureau était encore plus humide que celle dans le hall, où les hommes – et quelques femmes – se rendaient saoul et en gerbaient malgré l’heure matinale. Mais Malon avait compris pourquoi ces alcooliques ne s’arrêtaient plus de boire : c’était parce que quelque chose d’autre les blessait. Il leur fallait de l’alcool, peu importe sa qualité, des bruits fracassant et de la musique si forte qu’ils ne pouvaient plus s’entendre réfléchir. Humide et empli d’odeur d’entrailles. Voilà ce qu’était exactement rempli l’air de la vieille bâtisse.

    L’homme devant elle rageait, pire qu’un porcin que l’on tente d’égorger. Malon renifla en poursuivant les quelques pas qui la séparait du massif bureau. L’homme était fort étrange, mais elle n’aurait su dire pourquoi. Et tout cet énervement, alors qu’il n’y avait que peu de paperasse sur le bureau : peut-être avait-il besoin d’une concentration hors de l’ordinaire pour faire ses comptes.

    Malon suivit des yeux le crachat qu’il avait poussé et qui s’était dramatiquement écrasé sur le vieux plancher de bois. Quel être ignoble. L’endroit était à l’image du propriétaire, elle aurait dû s’y attendre, aussi. À nouveau, il lui intima de parler. La rouquine allait ouvrir la bouge, mais elle senti le regard de l’homme se poser là où il ne devait pas. Tant pis, qu’il regarde, pour le moment. Tant qu’il n’y touchait pas.


    « Je ne souhaite pas faire de plaintes, comme il doit souvent vous arriver de recevoir … » commença-t-elle alors qu’il s’extirpait de son bureau, vêtu de vert et d’une tunique qui lui renvoya l’image des vêtements du Héros du Temps. « Je m’appelle Marine, et contrairement à ce que vous pensez, j’aimerais travailler pour vous. » avait-elle continué en s’inclinant légèrement. Faire preuve d’obéissance et de politesse, même si l’être en face ne le méritait probablement pas. Il ne lui avait rien fait, mais elle sentait déjà que le « courant » passerait mal entre eux deux.

    Elle n’en rajouta point, n’ayant pas envie de faire réfuter ses points. Elle préférait réfuter les siens. Et s’il acceptait sans poser de question, elle aurait sauvé sa salive. Mais la période estivale arrivait à grand pas. Et puis elle avait remarqué que les autres serveuses ne semblaient arrêter de se mouvoir dans la grande pièce à côté. Une serveuse de plus ne leur ferait pas de mal, mais c’était à savoir si le patron était prêt à verser un salaire de plus. Malon le sentait radin et égoïste.
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Ses yeux passèrent en revue tout ce qui pourrait servir au travail. Les lèvres, la gorge, les seins, les hanches, les cuisses. La petite avait du potentiel, indubitablement. Elle ne ferait sans doute pas que le service, et ne serait certainement pas chef de comptoir pour le moment, mais si elle avait le temps il pourrait la faire travailler à plein temps. Vraiment plein. Autrement... Il saurait l'y forcer insidieusement.

"Marine, tu dis ? Vla-t-y pas l'plus commun des noms d'Royaume de c'te garce di Princesse. Et d'son lécheur d'fouf' de Général. Suis sur qu'ils micmacent ensemble, t'les deux." Divagua-t-il, tout en jouant avec un rubis. Si le nom de cette gamine était aussi banal, c'était un véritable manque-à-gagner pour lui ; autant que c'était un avantage. Il posa sur la silhouette rousse un oeil lubrique et interessé. « Qu'est-ce que t'en penses toi ? Qu'elle se fait peter les pattes par c'foutu nordique ? » Grimaça le héros, comme s'il était jaloux. Puis, se rappelant de sa résolution passée, d'il y a quelques instants à peine, il durcit son regard avant de lâcher son fiel d'un ton aussi dur que ne peut l'être la carapace d'un Doyen Goron.

"Nan, en fait, ta gueule. Tu parleras quand je te le dirais. Si tu veux bosser p'r'moi, c'la dit. Si la gamine est effrayée, 'peut toujours rentrer chez Pa' pleurer un coup."

Son regard avait ce côté méchant que seul les tenanciers et autres patrons qui emploient d'autres humains pouvaient avoir. Celui qui cherche la faille pour mieux l'exploiter. Sans savoir véritablement pourquoi, il avait cette puissante impression que la gamine était en fuite. Un genre de fugueuse. Peut être bien que son père la maltraitait. Peut être bien qu'il la baisait tiens. Avec ces tordus de bouseux, il fallait s'attendre à tout. Et les quelques haillons qu'elle portait trahissaient sans mal son appartenance à cette foutue catégorie de prolétaire terrien. La terre sous ses ongles... Une paysanne, de toute évidence. Et qui dit paysanne dit barrée.

Sans doute que la princesse ne faisait pas ça, elle. Sinon, il y aurait déjà eu un petit prince, quelque part dans le tiroir. Et dire qu'elle avait été mariée deux fois déjà ! Deux incapables ? « P'têt ben. Ca doit manquer d'hommes virils et pas manchots, au chateau », se prit-il à penser, alors qu'il faisait les cents pas en tournant le dos à la petiote qui venait d'arriver. Et puis tous ces Chevaliers qui avaient besoin de se faire fondre un torse musclé dans l'acier pour partir en guerre. Ca sentait le complexe. Profondément. Il faudrait qu'il songe à se présenter à la prochaine audience, pour proposer ses services. Ca lui éviterait sûrement quelques soucis avec la Garde, qui plus est.

"Qu'est-ce que tu fous là, encore ?" Cracha Link Aedan en se retournant sur la petite Marine qui n'avait pas esquissé un pas en retrait depuis qu'il s'était amusé à la taquiner. Peut être bien qu'elle avait avancé, même. Il arqua le sourcil. « Tu veux vraiment bosser en ma compagnie ? » Sourire vilain. Air goguenard.

Il retourna au bureau et tira une feuille roulée. Le parchemin était tout ce qu'il y a de plus banal, mais il le déroula comme s'il contenait la plus précieuse des perles. Se servant d'un encrier pour caler ce qui s'avérait petit à petit être un contrat, il tira une plume. « Tiens. Signe là. Ah bah non. Une gosse comme toi doit pas savoir écrire. C'que je peux être idiot, n'est-ce pas, à te croire futée ! » Link prenait un malin plaisir à se jouer d'elle. Sans plus attendre il gribouilla d'une main habituée un « Marine », qui presque illisible ressemblait presque à un « Malon ».

"Fais une croix là, et ça ira." Souffla-t-il en la dévorant du regard et en se frottant les mains.

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    Oui oui. Marine. Justement parce qu’il était commun et que personne ne se poserait plus de question qu’il n’en fallait. Et puis son « père » étant un pêcheur et un ancien marin, ça n’accordait que plus de crédibilité au nom qu’elle avait emprunté. Les premiers jours avaient été difficile, le temps de s’accommoder à ce nouveau nom, d’être capable de répondre immédiatement quand quelqu’un l’interpellait et encore un plus de temps pour s’approprier le prénom Marine lorsqu’elle se présentait. « Malon » avait failli franchir ses lèvres plus d’une fois.

    La rouquine esquissa un sourire incertain aux dires de l’étrange homme. Elle ne savait pas si elle devait rester sérieuse ou encore se permettre de rire et de raconter n’importe quelles absurdités sur sa Majesté. La princesse pouvait bien faire ce qu’elle voulait, comme n’importe qui. Ses aventures amoureuses restaient privées et ne concernaient qu’elle. Malon éprouvait un grand respect pour la dame du Royaume. Si par le passé elle n’avait pas hésité une seconde à la défendre dès que quelqu’un commentait la princesse négativement, cette fois-ci, elle devait malheureusement laisser passer. Et puis elle ne savait quoi répondre, quelque peu déstabilisée par le regard que le gérant de l’auberge lui donnait.

    Sans aucune subtilité, il la mangeait presque des yeux. Probablement que son voyage l’avait changée, mais Malon l’y aida, en laissant ses doigts glisser dans son décolleté, tout en y tirant légèrement le tissu, dévoilant un peu plus de peau, sans toutefois dire qu’il avait eu droit aux combles des choses. Elle laissait ses hanches, barrées de sa main restante, danser de droite à gauche, doucement, laissant sa robe frôler le vieux plancher de bois. D’ailleurs, c’était tout ce qu’elle lui offrirait. Et qu’il ne vienne surtout pas en redemander par la suite, car elle n’hésiterait pas à lui mettre un couteau sous la gorge. D’ailleurs, la cuisine en devait être remplie. Grâce soit donnée aux Déesses. Et puis, c’était pour la « bonne cause », avoir un boulot qui payait relativement bien, car voilà bien longtemps qu’il se serait mangé des claques dans la gueule. Son regard lui rappelait d’ailleurs un peu celui d’Adrian, son tout premier petit copain. Que ce chien aille rôtir en enfer, d’ailleurs.

    Avait-elle trouvé la confidence de lui parler à nouveau qu’il lui ordonna de ce taire, comme si elle n’était qu’une pauvre chienne : ce qui devait être le cas à ses yeux. Effrayée ? Elle. Il pouvait aller se rhabiller et s’faire pousser des couilles : pas le moins du monde n’avait-elle peur de lui, seulement intimidée, seulement apeurée de ne pas décrocher le job. Mais peur de cet homme, jamais : il était une fourmi à côté de la peur que le Seigneur lui avait apporté la nuit où il avait détruit le pauvre Ranch de sa mère. La rouquine planta ses yeux bleus comme de profonds océans dans ceux du pauvre malheureux, ses hanches arrêtant de danser tout naturellement. Elle supporta son regard jusqu’à ce qu’elle le perde de vue, le patron faisant les cents pas. Elle n’avait pas esquissé un son : on ne lui avait pas ordonné. Il s’était retourné, soudainement, lui demandant si sa requête tenait toujours.


    « Si je ne voudrais pas bosser en votre compagnie, j’aurais déjà pris mes jambes à mon cou. » s’enquit-elle doucement, tout en s’avançant légèrement vers le grand bureau massif, d’où l’homme sorti un vieux parchemin. Il tira une plume que Malon allait agripper pour apposer sa signature sur le papier, qu’elle avait zieuté rapidement. Mais la douce plume lui glissa des doigts. Elle ne devait pas savoir écrire.

    La jeune femme se retint de sourire, lèvres pincées. Elle savait écrire, mais encore mieux compter : les innombrables livraisons qu’elle avait dû réaliser lui avaient forcé la main. Et son père le lui avait appris, maladroitement, en demandant la précieuse aide d’Ingo qui semblait être plus à l’aise. Malon leva les yeux pour les planter une demi-seconde dans ceux de son nouveau patron avant de prendre la plume et de faire la croix tant attendu. S’il n’en tenait qu’à elle, elle aurait lu ce que contenait la lettre, mais elle préféra passer outre, pour ne pas « griller » sa couverture. Et puis, si elle avait pris le temps de lire, peut-être que l’homme aurait changé d’avis, préférant les filles stupides aux filles érudites. Malon déposa la plume à côté du manuscrit, sentant un poids de plus quitter ses épaules.


    « Je commence quand ? » s’enquit-elle en se relevant légèrement, tout en se frottant les mains pour enlever le peu d’encre qui avait tâché ses mains.

    Elle était ambitieuse de pouvoir commencer : le plutôt elle ramassait la somme d’argent dont elle avait besoin, plus vite elle pourrait quitter cet endroit infâme.

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Tandis qu'elle se courbait pour pouvoir marquer d'une croix le parchemin, il se déporta derrière elle. Son regard d'un bleu aux reflets argentés épousa la croupe de sa nouvelle jument. Un animal de course, à l'évidence, prête à distancer la quasi totalité des belles d'Hyrule ; pour peu qu'on l'ai un peu apprêtée auparavant. Il lui manquait une tenue digne d'elle. Une tenue plus courte, pour commencer. Et plus serrée. Nettement plus serrée.

"Voila qui est bien. Ce qui est fait n'est plus à faire, petite idiote ignare." Commença-t-il, se frottant toujours les mains, dans le dos de la demoiselle, tout derrière elle, au plus proche qu'il lui était possible sans que ce ne fut complètement et concrètement indécent. Le subtil dosage qui permet à l'indécence de devenir ambiguité, il y avait des années qu'il en était devenu le maitre.


Mais ça n'était pas la seule chose dont il était le seigneur ; bien que parfois il avait tout d'un nouveau noble. Il régnait sur l'ensemble des brebis qu'il avait su enfermer dans son royaume de bois, de parchemin, d'encre et de tissu. Quoique... Le tissu s'en trouvait relativement banni, envoyé en exil, pour quiconque avait su arracher à la nature un minois suffisamment séduisant pour accrocher les yeux d'un dérangé en manque aussi affamé qu'un charognard par temps de paix. Et sur la jolie Marine, le tissu n'avait droit qu'à peu d'espace, vraiment. Du pied — qu'il avait chaussé d'une de ces bottes qui remonte, semblable à celles de chevaliers pour peu qu'on remplace l'acier des mailles par un peu de fil brodé d'argent, il souleva légèrement le coin de son étoffe à elle, tout en réfléchissant sur les modifications qu'il faudrait effectuer avant de l'envoyer en salle.


La voix de la douce enfant s'éleva à nouveau, alors qu'il avait reculé pour qu'elle puisse se retourner. A peine avait-elle finit de s'enquérir de ses horaires que la main du héros s'envola aussi leste que preste. Sa paume percuta la joue de la jeune fille avec assez de violence qu'il n'en fallait pour briser trois phalanges. Heureusement pour lui ; il avait pris la précaution de porter ces gants cloutés qu'on voyait parfois aux mains des soldats. Cela évitait que les gardes de Rusadir ne fasse le lien entre les marques de ses filles et lui même. Beaucoup plus facile de soupçonner les clients un peu aventureux qui se pointaient chez lui régulièrement.

"Je croyais t'avoir dit de la boucler, bordel ! Pour qui tu te prends gamine ?" Lâcha-t-il, l'air méchant et le regard vilain. Ses doigts bardés de cuir attrapèrent le visage de la jeune fille. Son pouce contracta sa joue gauche tandis que le reste de sa main se chargeait de l'autre. « T'en veux une autre ?! » Gueula-t-il soudainement, en levant son autre poing. « Tu es ma chose dorénavant. Et tu l'ouvres quand je te le dis. Parler ne fait pas parti des initiatives que tu as le droit de prendre. C'est clair, pauvre conne ?! »

Link lâcha sa nouvelle serveuse et s'éloigna lascivement de son bureau, contre lequel il l'avait acculée. « Ici, c'est moi le patron. Tu m'écoutes, tu fais ce que je dis, ce que le client demande tant que ça n'entre pas en contradiction avec ce que moi je t'ordonnes. Et on va commencer par revoir ta tenue. Va falloir me couper tout ça. A tout hasard, t'aurais une couleur préférée ? » Grommela-t-il, d'un ton fatigué, presque las. 

"T'es bien roulée gamine. Mais va falloir habiller tout ça. Avoir un joli p'tit cul et des seins qui beuglent « Ouuuuuuuuuuuuuuuuui ~ » suffira pas avec tout le monde. Les puceaux, surement. Les autres, faut leur donner envie." Joignant le geste à la parole, il lui décrocha une tape sur le fessier. « On va voir ce que j'ai pour te rhabiller, ma jolie. Faudra te trouver un nom de scène aussi. »

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    Même si elle avait eu le temps de voir venir ce que lui réservait Link, elle n'aurait pu éviter le coup que l'homme lui portait. Malon ne vit rien arriver et se retrouva rapidement accoudée sur le bureau. Aucun cri ou gémissement n'était sorti de sa bouche, beaucoup trop surprise par l'action portée. Ce furent plutôt des halètements qui se firent entendre, la rouquine tentant tant bien que mal de reprendre son souffle, ses esprits, et de casser la vive douleur. Elle savait son nouveau patron vil, mais au point de frapper l'une de ses employées, ou plutôt, l'une de ses filles de joies, comme il semblait le faire sonner implicitement, jamais ne l'aurait elle soupçonné.

    Malon se tenait la joue, alors que sa mâchoire lui faisait un mal de chien. Sa main accrochée sur le bureau lui permit de se relever tranquillement alors que son nouveau patron continuait à gueuler comme un chien. Elle ouvrit les yeux sur la menace de l'homme qui brandissait à nouveau son poing dans sa direction. En voyant sa main levée et prête à taper une nouvelle fois, la rouquine se recroquevilla un peu sur-elle même, prête à encaisser le second coup, ses muscles se tendirent, fermant les yeux alors qu'ils commençaient doucement à lui picoter et à mouiller ses pommettes. Les larmes coulaient seules, mais elles ne couleraient pas plus : elle ne voulait point montrer à cet homme qu'elle était faible. Il en profiterait. Le goût du sang se propagea un peu plus dans sa bouche. Elle n'ouvrit les yeux à nouveau seulement lorsqu'il s'éloigna d'elle.

    Il s'était éloigné, tout bonnement, pour finir par lui demander sa couleur préférée. Visiblement, cet homme n'était pas bien dans sa tête. Couper court ? Pas trop court quand même. Elle était serveuse, pas fille de joie, à moins que le stupide contrat  sur lequel elle venait d'apposer une croix ne le stipule, quelque part entre les lignes. Si elle pouvait se pencher sans tout dévoiler ...


    « Bleu. » fit-elle doucement, finissant par se remettre sur ses deux pieds, encore légèrement sonnée. Comme si son avis sur sa couleur préférée lui importait. Elle passa le revers de sa main sur ses lèvres, pour enlever l'excédant de sang, écoutant sans trop d'attention l'homme qui s'ensuivit de paroles encore plus odieuses. Elle releva vers lui des yeux malheureusement mouillé, n'ayant aucun contrôle là-dessus.

    Elle était devenue une bête. Même celles au Ranch était mieux traitées qu'elle à ce moment même. Malon voulait seulement déguerpir de cette pièce, se ramasser de l'argent le plus vite possible et filer à l'anglaise. Mais pour l'instant, elle sentait qu'il serait fort nécessaire de s'acheter un petit couteau le plus vite possible, quoique la cuisine ne devait pas en manquer.

    La rouquine prit la tape sur le fessier sans broncher, cachant se regard empli de couteaux derrière ses cheveux qui s'était glissé sur son visage lorsqu'elle avait baissé la tête. Elle avait envie de lui mettre ses mains autour du coup et de serrer, mais il devait être bien plus fort qu'elle ne l'était. Mais qu'il la refrappe, pour voir : il tâterait de ses griffes et de bien des choses. Et futurement d'un couteau sous la gorge ou encore dans la gueule, menaçant de lui trancher la joue à tout moment. Elle n'était pas une tueuse, mais si elle pouvait apprendre le respect à cet idiot égoïste ...


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Il lâcha un regard dénué d'une quelconque marque de considération à la rouquine. Bleu ? Foutredieu, qu'est-ce que c'était que cette couleur là, qu'elle préférait ? Cette pauvre gosse ne savait donc rien faire correctement, pas même choisir une couleur un tant soit peu originale ? Un nom tout ce qu'il y a de plus basique, des préférences tout ce qu'il y a de plus commune ; il en virait presque au rouge l'espace d'un instant.

"Tu t'moquerais-tu pas de moi, nom d'une garce ?" Siffla-t-il, un poil énervé. « Bleu ? Et pis quoi encore ? Bleu, tant qu'on y est ? » En un instant il fut de nouveau face à elle, lui crachant son haleine fétide à la gueule ; qu'elle avait d'ailleurs bien jolie. Ses doigts forcèrent à nouveau les joues de la petite Marine, et il retourna son visage sur la gauche, de façon à pouvoir observer son profil droit. « T'portera jamais d'bleu. C'est pas sensuel, Maudite ! Tu sais-tu ce que c'est que la sensualité, créfieu ?! »

Il recula, pour aller fouiller dans son armoire, à la recherche d'un coloris qui soulignerait les formes de la demoiselle et qui aurait suffisamment d'audace pour séduire les clients un tantinet tortilleux du cul. « Faudrait un truc tape à l'oeil, estie. Mais pas du rouge, c'est ben trop classique et tes cheveux y sont déjà trop pétants. Pas d'orange non plus... Hmmm... C'est dommage que t'ai ces cheveux là, tu sais ? » Cracha-t-il ensuite.

"Tu m'as-tu l'air d'une belle salope, mine de rien. Tu veux-tu porter du blanc ? Ca contrasterait bien." Link tournait dorénavant le dos à la jeune fille, et se cassait en deux, avec toute la peine que lui donnait son ventre massif et les coutures trop serrées de son vêtements. Et ce que Malon ne pouvait pas voir, c'était bien la sueur qui maculait son front et ses aisselles, mouillait sa chemise teintée de soieries dorées. Dieu, qu'il était difficile de se baisser ainsi !

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