Hyrule's Journey

Songe se frotta les mains en quittant les rues sombres de Cocorico. Bien entendu il faisait jour, et le terme « sombre » n’était pas à prendre au sens propre, du moins pas complètement, mais il y avait juste certaines rues qu’il valait mieux éviter à moins d’y avoir des affaires spéciales à réaliser. Et c’était justement ce qu’elle venait de faire. Il fallait bien rentabiliser sa boutique. Puisqu’elle accordait des prêts risqués à des mauvais payeurs, elle devait trouver un moyen d’être payée autrement, et tant pis pour ceux qui n’avaient pas compris le risque de céder une part de leur sang à un inconnu. Ils auraient dû savoir que c’était le plus dangereux des gages qu’ils pouvaient laisser, et qu’ils n’échapperaient jamais à leurs dettes. Mais elle avait mieux à faire que les poursuivre elle-même, et leur destin serait entre les mains de ceux qui étaient prêts à payer le prix.

Le brouhaha s’imposa à elle comme un retour à la réalité. Temps de guerre ou non, le village n’en était que plus peuplé en journée, les gens préférant un lieu entouré de gardes malgré ce qui avait pu s’y passer. Elle avait assez peu suivi ce qui s’y était passé en réalité. Voilà un moment qu’elle n’était plus retournée au désert, pas plus qu’elle n’avait repris contact avec ceux qui constituaient sa nouvelle famille. Elle avait eu besoin de rester un peu seule et réfléchir, parce qu’au fond tout ce qui arrivait ici la dépassait.

Elle jeta un regard vers une grande maison que les gens semblaient éviter, dans un coin dans du village. Elle avait entendu parler d’une sorcière qui y vivait, et pourtant elle n’était pas encore allée la voir, pas plus qu’elle n’avait revu les deux jumelles qui auraient dû parfaire son éducation. Elle avait le sentiment que ces sorcières étaient différentes de celles de son clan, de ce qu’elle avait imaginé, et qu’elle pourrait aussi apprendre seule en attendant d’y retourner, découvrir ce qu’elle n’aurait sans doute jamais croisé là d’où elle venait. Elle avait en tout cas besoin d’y réfléchir plus posément qu’elle ne l’avait fait depuis son arrivée à Hyrule, et voir nombre de choses inhabituelles à ses yeux l’avait rendue curieuse.

Elle avait notamment entendu parler d’une voyante qui officiait à Cocorico, et si certaines sorcières affirmaient pouvoir réaliser des prédictions, elle n’en avait jamais croisé aucune qui puisse lui parler de cet art, et elle ignorait si les techniques utilisées étaient les mêmes, ni à quel point elles étaient précises. Elle avait donc décidé de profiter de son passage dans le village pour rencontrer la dame en question et voir ce qu’elle pouvait en apprendre. L’œil alerte, curieuse, elle parcourut donc du regard les allées du village tout en marchant à la recherche de celle qui lisait l’avenir à ce qu’elle avait entendu dire, ne sachant toutefois pas comment elle la distinguerait.

[Libre mais première réponse pour Wakusei ]

Il n'était pas bien difficile de la trouver, au contraire. Vu le nombre de gens qui en parlait. On la décrivait comme belle et souriante, avec, et c'était un point notable - voire même le plus important - une longue chevelure d'argent. D'ailleurs, à défaut de connaître son nom, on l'appelait tout simplement "La Chevelure d'Argent".

Justement, la belle officiait sa fausse messe à qui voulait l'entendre, et surtout à qui pouvait payer. Malgré ses véritables dons de voyance, ses flashs ne se produisaient pas sur commande. Et souvent, même si en se concentrant elle pouvait parfois déclencher une vision... C'était majoritairement aléatoire.

Assise sur une caisse, comme à son habitude, elle venait de renvoyer une vieille femme à ses espoirs fous de voir la paix arriver, lui assurant la fin des tensions. Wakusei était maintenant seule, patientant. Qui viendrait donc la voir à présent ?

Avec l’âge, Mos Eisley avait pris l’habitude de ne jamais sortir aux heures chaudes du jour. Décidément, vieillir n’était pas une tâche aisée et son corps lui imposait des limitations de plus en plus importantes. Quand l’écrivain devait se promener dans des lieux plutôt malsain ou malfamé, il préférait le faire un jour de soleil, imaginant que ce dernier éclairerait son chemin pour lui permettre d’éviter les mauvaises rencontres et aujourd’hui, son devoir ne l’emmenait pas cueillir des pâquerettes. Malgré temps beau estival, la luminosité pénétrait faiblement dans les ruelles qui jouxtaient la demeure de la voyante. Une malédiction ? Une erreur architecturale minime ? Le troubadour ne pouvait trancher.
Il sentie son échine ce glacer, il n’aimait pas la magie, de la sorcellerie la plus immorale aux magiciens prétentieux, et il plaçait très facilement les voyants dans cette large catégorie de traine savate qui pactise avec le Néant.  Il jura encore une fois que, jamais plus, il ne fera d’article sur les rumeurs sordide et laissera ça aux plus jeunes. Lentement, il s’approcha de la porte sous l’enseigne et hésita. Instinctivement, sa main ce porta sur son épée qu’il avait fait graissé spécialement pour cette mission. Il posa sa main sur la poignée pris une profonde inspiration et entra.

L’endroit ressemblait étonnamment à ce qu’il avait imaginé, un lieu assez épuré grinçant et étonnamment éclairé.  En effet, l’endroit était parfaitement sombre, sauf le centre de la pièce ou miroitaient quelques bougie. En leurs centres, une femme aux longs cheveux couleurs métal poli , exactement celle que me l’on avait décrit.

« Bonjour, je crois ne me pas me tromper en vous appelant voyante. Inutile que je me présente, vous devez déjà savoir qui je suis. »

Lentement, de son pas trainant, il s’approcha de cette étrange personne. Elle souriait.

« Combien ? » dit-il brutalement.

Il le savait depuis le début, on l’avait prévenu mainte fois : cette femme était plus vénale qu’une grande majorité des  catins du royaume.  Et elle ne faisait pas de faveur.

Toutes les informations dont elle disposait, c’était une description, et ce qui avait le plus marqué les gens qui parlaient de cette voyante, ou du moins le trait descriptif le plus précis, c’était ses cheveux, argentés selon les dires. Cette description renvoyait désagréablement la sorcière à ses propres cheveux. S’ils n’étaient pas brillants au point de correspondre au même qualificatif et tiraient plus vers le blanc, elle n’aurait jamais souhaité que leur couleur serve à la représenter. Elle regrettait toujours sa belle chevelure noire, disparue en même temps que son ancienne vie. Au fond, elle n’avait rien contre le blanc, elle avait seulement associé sa nouvelle apparence aux événements de cette triste nuit. C’était bien plus qu’une couleur noir corbeau qu’elle avait perdu, et elle avait du mal à s’y habituer.

Mais pour l’heure il n’était pas question de s’apitoyer sur son sort. Elle venait enfin d’apercevoir celle qu’elle cherchait. Du moins la jeune femme qu’elle avait repérée, assise sur une caisse, correspondait à la description qu’on lui en avait faite. Qui plus est, une femme venait de la quitter en semblant assez soulagée, peut-être suite à une prédiction ? Curieuse, elle s’approcha de la voyante qui était simplement assise sur une caisse comme elle en avait croisé plusieurs dans le village encore en reconstruction.

Alors qu’elle s’apprêtait à questionner la demoiselle, un vieil homme passa devant elle, l’air plutôt pressé et anxieux, agressant presque la voyante en lui demandant son prix assez brutalement. Elle fronça les sourcils, agacée. Elle venait de passer son temps à chercher et voilà qu’on lui soufflait sa place. Au moins elle avait confirmation qu’elle ne s’était pas trompée, mais elle avait hâte de retrouver sa boutique et n’avait aucune envie d’attendre. Pas question qu’elle se laisse devancer ainsi.

« Au cas où vous n’auriez pas remarqué, je venais aussi pour parler à cette dame. Et je peux vous prédire gratuitement des ennuis si vous n’attendez pas votre tour ! »

Elle préféra ne pas aller jusqu’à menacer publiquement d’une revanche à coup de sortilèges, elle avait cru comprendre que les sorcières étaient minoritaires dans la région et qu’il ne valait mieux pas revendiquer ce statut, mais ce n’était pas l’intention qui manquait…

[ HRP : Je crois qu’il y a eu une petite incompréhension sur le lieu des prédictions, j’ai quand même repris l’extérieur comme il m’avait semblé comprendre que c’était le cas initialement, au pire contactez moi s’il y a un soucis. J’en profite aussi pour m’excuser du délai de réponse, semaine chargée ;_; ]

[Oui, tu as eu raison, Songe, Wakusei est toujours en extérieur ^^ Elle ne prédit pas chez elle, et ne vient à domicile que "sur commande" si je puis dire x)]

La jeune femme remarqua encore quelqu'un qui s'avançait. Une dame dont les cheveux lui rappelaient un peu les siens. Elle toucha sa propre chevelure en y pensant. Les êtres faits de magie étaient toujours pour le moins originaux. Pour le meilleur ou pour le pire, allez savoir, cela dépendait du point de vue. Certains trouvaient les mages dignes de véritables démons. Ridicule, à ses yeux. Bien que quelques fois, elle jugeait elle-même ses pouvoirs comme une bénédiction... Ou une vraie malédiction.

Cependant, un vieillard passa violemment devant la demoiselle. Quel toupet. Et en plus, il osait jouer au plus malin, hein... Soit. On allait bien jouer.

"- Je ne connais pas votre nom, Sire. Je ne vois que les choses importantes, vous savez. De plus, je crois que la ravissante jeune femme derrière vous était bel et bien là avant vous. Mais après tout, ne vous en faites pas, tous les deux. J'ai tout mon temps pour mes clients."

Wakusei acheva sa phrase avec un doux rire. Franchement... C'était mal la connaître que de croire qu'elle allait se laisser faire !

[Oops, toutes mes excuses, je n’avais absolument pas compris :/ vous excuserez le manque d'inspiration, je galère un peu]

La journée s’annonçait définitivement bien.  Après avoir cherché longtemps la demoiselle, voilà qu’il se faisait harponner par une autre harpie sous couleur d’une place dans la file d’attente. Mos Esley fit pivot de sa jambe gauche, légèrement raide, afin de renvoyer cette gueuse a ses moutons. Quand il vu son visage, les mots savamment préparés disparurent avant de franchir les cordes vocales. Cette femme n’était absolument pas une fermière ou quelques paysanne, c’était une femme parfaitement entrainé et dangereuse. Tachant de donné à son visage ridé une expression de sourire, il dit d’un petit ton joyeux :


« Mais passez, madame, vous m’excuserez de ne pas vous avoir vu, vous vous déplacer si discrètement et, hélas, mon ouïe et ma vue ont été bien abimé par les années. »


Lentement, forçant l’aspect âgée de sa démarche, il courba l’échine pour lui faire signe de s’avancer tout en reculant. Faisant mine de ne pas entendre les railleries de la voyante, il ce plaça assez loin pour laisser un minimum d’intimité aux deux femmes tout en étant assez bien placé pour pouvoir entendre la discussion en forçant sur l’oreille.

Si le troubadour avait une seule qualité, sans doute serait-elle celle de l’anticipation du danger. Et là, lors de l’incartade avec cette femme, il avait senti qu’il ne s’agissait pas d’une simple vendeuse de biscuit chez NuttyK. Peut-être son regard dur, sa physionomie malveillante ou simplement ces cheveux trop blancs. Si la voyante était magicienne, cette pouilleuse orgueilleuse l’était certainement aussi. Ce lieu était décidément très malfamé, trop de chienne contre nature, une chance qu’il avait fait graissé son épée, il ça dégénérais, il aurait l’effet de surprise pour tuer ou fuir.

La jeune femme fut surprise en croyant lire un court instant de la peur dans le regard du vieil homme qui était passé devant elle. Elle s’était plutôt attendue à des protestations. Là d’où elle venait, elle était habituée à être crainte, tout comme les autres sorcières de son clan. Rares étaient ceux qui osaient leur tenir tête, ils savaient ce qu’ils risquaient face à un clan entier de sorcières. Mais depuis qu’elle était ici, c’était différent. Elle avait beau avoir vu de la magie utilisée librement, elle n’avait pas entendu parler de beaucoup de sorcières. De toute évidence, elles étaient peu nombreuses, et vivaient plutôt à l’écart. De ce fait, il lui avait semblé plus judicieux de ne pas trop insister sur ce qu’elle était, et ce dont elle était capable. Soit l’homme était simplement plus poli qu’il n’en avait eu l’air, soit son ton avait suffit à lui laisser penser qu’il y aurait bel et bien des représailles. Dans un cas comme dans l’autre, ça l’arrangeait.

« Pour ma part je suis loin de mon magasin et de mes clients, ce qui me rend plus pressée. »

C’était sa façon de s’excuser de son insistance à passer en première, énoncée assez fort pour que tout deux l’entendent. Elle ignorait combien exactement la voyante faisait payer ses prédictions mais de son côté si les affaires marchaient bien, elle n’avait pas pour autant le loisir de prendre trop de repos. Tous ses clients n’étaient pas aussi rentables les uns que les autres.
Elle jeta un regard derrière elle, en direction de l’homme qui s’était écarté. Il restait à bonne distance, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander s’il écouterait sa conversation avec la voyante. Elle pouvait juste espérer que rien de ce qu’elle souhaitait cacher ne serait dit à haute voix.

« Qu’est-ce que vous savez de mon avenir … ? »

Si elle était venue, c’était avant tout par curiosité. La question qui lui brûlait les lèvres n’était pas celle qu’elle venait de poser, mais plutôt de savoir comment la voyante s’y prenait pour prédire l’avenir. En admettant que la rumeur soit vraie bien entendu, mais elle savait ce talent possible et pratiqué par certaines sorcières, alors pourquoi pas ?
Elle préférait toutefois ne pas laisser paraître trop soudainement son intérêt pour la magie. Une démonstration lui en apprendrait déjà beaucoup, et elle ne pouvait pas prétendre non plus ne pas s’intéresser à son propre avenir. Surtout depuis que ses certitudes vacillaient. Rentrerait-elle un jour chez elle ? Elle le souhaitait toujours, et elle ne se sentait toujours pas chez elle à Hyrule, mais elle se demandait jusqu’où elle était encore prête à aller pour retrouver son clan.

Tiens donc... La situation promettait d'être intéressante, ou au moins divertissante. L'autre vieux avait l'air d'un couard fuyant tout danger. Mais qu'était une vie sans danger, si ce n'était une existence ennuyeuse ? Il fallait prendre le risque ! Tous les risques. Sinon, on avait des regrets. Elle, elle ne regrettait jamais rien, non. Elle était toujours contente d'elle-même. Pourquoi en aurait-il été autrement ?

La question de la dame la fit sourire d'autant plus. Ca, ça voulait dire que sa réputation était meilleure qu'elle ne le croyait. Lentement, Wakusei se redressa sur son siège improvisé.

"- Oh, mais je sais beaucoup de choses. Tout dépend du moment, de ce que vous voulez savoir, et..."

Elle tendit doucement sa main, paume ouverte et bien visible.

"- ... De combien vous êtes prête à payer pour cela."

Eh oui, elle ne perdait jamais le Nord ! Et si la marchande y mettait le prix - sans doute qu'elle pouvait si, par chance, sa boutique tournait bien -, peut-être lui offrirait-elle même une véritable prédiction...!

Ainsi donc elle devrait poser une question précise. Elle resta un instant intriguée devant la main de la voyante, se demandant pourquoi c'était à elle de fixer le prix de la prédiction. Elle avait déjà vu des marchandages bien entendu, mais il y avait généralement un prix de départ, or elle n'avait aucune idée de la "valeur" habituelle d'une prédiction. Sa qualité serait-elle fonction du prix qu'elle avait à mettre, ou la dame en face d'elle souhaitait-elle adapter le prix en fonction des moyens de sa clientèle ?

Elle vida une partie qui correspondait approximativement à la moitié de la petite bourse de rubis qu'elle venait de récupérer discrètement dans une petite ruelle sombre contre une marchandise un peu particulière. De toute façon elle comptait sur cette bourse pour la prédiction et les réponses qu'elle était venues chercher. Elle était aussi intéressée par la vision qui lui serait offerte que par le fait qu'elle s'avère vraie ou non et la méthode utilisée par la voyante. Elle versa ainsi le contenu de sa main dans celle de la voyante, gardant l'autre moitié de son revenu du jour dans le petit sac de toile où elle l'avait rangée.

"Ca suffira ... ?"

La jeune femme face à elle avait indéniablement une odeur de magie, son nez de sorcière pouvait le sentir. Pas la même magie que celle qu'elle utilisait, mais c'en était tout de même. Ceci dit ça ne prouvait pas pour autant que cette magie était liée à des prédictions, et si elle devait se séparer de son petit butin de la journée, ça ne serait pas sans être certaine que ce qu'elle payait en valait bien le prix. Elle eut un petit sourire complice en faisant rebondir les rubis restants dans son autre main.

"Sachant que je saurai vous retrouver pour vous offrir l'autre moitié si j'obtiens satisfaction."

Restait à présent à formuler sa question puisqu'elle ne pourrait en avoir qu'une seule.

"Je voudrais savoir..."

Savoir quoi ? Elle aurait eu tant de questions. Elle était perdue depuis son départ en exil. Reverrait-elle son clan ? Comment pourrait-elle les convaincre de sa valeur ? Mais surtout, était-elle toujours prête à aller aussi loin pour y arriver ?

"... Quelles seront les conséquences si j'abandonne la tâche que j'ai commencée."

Elle préféra rester évasive sur la tâche en question. Elle avait cru comprendre qu'une bonne part de monde, à commencer par les gardes qui patrouillaient dans le village, n'aimaient pas particulièrement l'homme qu'elle s'était promis de mettre sur le trône pour impressionner les siennes. Elle commençait à douter pouvoir aller au bout, mais elle ne savait pas non plus ce qui se passerait si elle abandonnait après s'être impliquée personnellement, sans compter qu'elle n'avait d'autre plan en tête. Sa boutique était finalement la seule stabilité qu'elle avait pu retrouver.

La dame lui passa une bonne petite somme. Bah ! Pour ça, elle pouvait au moins essayer. Mais sans méditation au préalable, impossible pour elle de déclencher ses visions comme bon le lui semblait. La Belle pesa doucement la masse de rubis qu'elle tenait en main, comme satisfaite, et les rangea dans une petite bourse. Celle-ci peinait à se remplir aujourd'hui, pourtant, elle était suffisante pour de bons repas, parfois.

"- C'est parfait, oui."

Elle avait hâte de connaître la question de son interlocutrice. Encore des histoires d'amour, sans doute... Quoiqu'elle n'avait pas l'air de ce genre. Quelque chose était étrange, chez elle. Peut-être... Qu'elle aussi était "différente". Moins que la Voyante, mais peut-être un peu.

Elle écouta attentivement sa demande. Une tâche commencée, hein ? Hm. Cela n'allait pas être une partie de plaisir que de réussir à satisfaire sa cliente, aujourd'hui. Sans détails, il lui était difficile d'avoir réellement une révélation. Alors, elle décida une autre méthode.

"- Cette tâche est-elle très importante pour vous ? Pourquoi l'avez-vous commencée ?"

La sorcière fut surprise de comprendre qu'elle aurait à donner plus d'informations. Elle avait espéré que sa question était suffisante pour se raccrocher à ce que la voyante pourrait voir, ou lui donner une indication. Elle devait avouer qu'elle ignorait le fonctionnement de cette magie - c'est bien pour ça qu'elle était là d'ailleurs - mais elle n'avait pas vraiment envie de trop parler de sa vie ou même de sa personne. Elle ne connaissait qu'assez peu la femme à qui elle achetait cette prédiction, et elle n'avait pas oublié les oreilles indiscrètes qui pouvaient traîner tout autour.
Toutefois elle avait déjà payé, et elle était assez curieuse pour ne pas renoncer avant d'avoir vu la voyante à l'oeuvre. Elle pourrait toujours s'en faire une opinion après coup et elle laissa de côté ses doutes, décidant de jouer le jeu tout en restant assez évasive pour ne pas en dire trop.

"Cette tâche c'est... Elle est importante, oui. J'ai beaucoup déçu ma famille, et je veux leur prouver de quoi je suis capable."

Elle ne pouvait certes pas parler de famille au sens strict du terme, mais elle avait toujours considéré son clan ainsi. Elle ignorait qui avait bien pu être son père, et elle ne savait même pas exactement qui était sa mère si ce n'est qu'elle l'avait sans doute côtoyée. Elle avait été élevée par l'ensemble des sorcières qui constituaient son clan, et toutes étaient à la fois ses soeurs et ses mères. Quant à la déception, c'était un bien faible mot pour évoquer ce qui s'était passé si on considérait son bannissement et le fait que si elle rentrait maintenant elle s'exposait sans doute à une mort certaine, et pas des plus douces.

"Mais elle me pèse. Non pas que je ne m'estime pas capable de la mener à terme, j'ai juste ..."

Juste quoi ? Elle avait plutôt pas mal réussi jusque là. Le Seigneur du Désert avait maintenant une place forte plus proche d'Hyrule qu'auparavant. Elle était même au courant qu'il consolidait ses positions dans le Désert. Entre ça et son magasin qui n'en avait que plus de succès, c'était une affaire qui marchait.

"... L'impression qu'elle va me changer..."

Elle ne s'était pas reconnue dans ses actions à la Forteresse. C'était bien elle, et personne d'autre n'avait agit à sa place. Elle se souvenait du mal qu'elle avait pu faire, et en toute honnêteté elle n'avait pas trouvé ça désagréable. Seulement elle avait l'impression qu'elle empruntait un chemin où il ne lui serait pas permis de faire demi-tour ensuite. Elle ignorait si c'était véritablement ce qu'elle voulait mais elle ignorait aussi si elle pouvait tout laisser tomber ainsi. Elle s'était engagée auprès de Ganondorf ainsi qu'auprès de ses Mères, et elle ne savait pas comment ils prendraient une éventuelle désertion, en imaginant qu'elle en fasse le choix.

Elle écouta calmement la jeune fille, souriant de plus belle. Une mission importante qui changeait les gens... Combien de fois elle en avait écouté, de ces récits tous plus dingues les uns que les autres. Pourtant, celui de sa cliente semblait s'annoncer plus... Intéressant. Beaucoup moins banal. Plus d'emploi tueur ou de relations extra-conjugales qui finissaient en drame. Cela avait l'air bien moins superficiel. Au vu des traits tirés de la damoiselle, surtout.

La Belle soupira, puis pris une grande inspiration, avant de reprendre, sereine.

"- Si vous faites cela pour plaire à votre famille, vous sentez-vous vraiment concernée par cette tâche ? Je veux dire, bien sûr, votre envie de satisfaire les membres de votre entourage est une bonne motivation. Mais, vaut-elle de vous perdre ? Vaut-elle d'abandonner ce que vous êtes au plus profond de vous-même ? Vous n'avez pas besoin d'une vision pour savoir cela, ma Dame. Vous n'êtes pas venue ici pour cela, mais vous en avez profité pour poser cette question, à la fois comme pour tester mon pouvoir, mais aussi pour mieux réfléchir à votre problème. Pour vous rassurer, et pour vous convaincre que ce que vous faites est juste, peut-être pas pour tout le monde, mais au moins pour vous. Allons, soyons honnêtes : pourquoi êtes-vous réellement venue me voir ?"

Mais elle était loin d'être psychologue. Elle, elle était voyante. Et arnaqueuse, surtout.

La voyante était-elle en train de lui annoncer qu'elle avait payé pour apprendre qu'elle n'avait pas besoin d'une prédiction ? Certes, ça n'était pas vraiment faux, sa question était plutôt un prétexte. Au fond, elle savait déjà quels étaient ses propres enjeux au delà même des conséquences, si connaître l'avenir pouvait l'aider ça n'était pas pour savoir quelle décision prendre, mais plutôt pour savoir à quoi s'attendre une fois cette décision prise. Cette dernière serait basée sur le présent et non l'avenir, mais avoir une idée de l'avenir pouvait toujours aider à se préparer.

"Je n'ai jamais dit que cette prédiction m'aiderait à me décider, je mets juste toutes les chances de mon côté pour me préparer aux conséquences que mon choix pourrait entraîner."

Si elle croyait bien évidemment en la magie, et si elle avait foi en la sienne, elle n'avait pas une confiance absolue en celle des autres. Elle ne connaissait pas leurs limites aussi bien que les siennes, et savait combien il était parfois complexe de maîtriser certaines forces... Elle n'aurait donc pas pu baser sa décision sur la seule parole d'une personne tierce, mais connaître certaines possibilités et être prête à y faire face, ça ne pouvait pas faire de mal.
Elle n'avait jamais cherché non plus à faire ce qui était juste. Sa décision ne serait motivée que par elle-même, et elle l'assumait complètement. La justice était de toute façon une question de point de vue. Elle n'avait jamais cherché qu'à connaître les risques pour sa propre personne.
Toutefois si la voyante voulait qu'elle soit directe, autant l'être. Elle avait payé, et elle avait droit à un service, qu'il s'agisse d'une prédiction en tant que telle ou de l'information qu'elle était venue chercher.

"Mais cette question en elle-même ne m'importe effectivement pas tellement plus qu'une autre."

Elle baissa légèrement la voix au cas où les gens autour d'eux auraient laissé traîner une oreille indiscrète.

"Je suis curieuse dirons-nous, je veux une prédiction qu'elle qu'elle soit. Vous me donneriez à la place du mien l'avenir de ce vieux croûton qui attend son tour à quelques pas que ça m'irait aussi bien. Je veux savoir comment fonctionne la divination, la voir à l'oeuvre. Je reste donc un peu sur ma faim."

Ahahah ! Alors là, c'était le pompon ! Le vrai de vrai...! Cette fille était-elle folle ? Elle se permettait comme ça de venir la voir pour en savoir plus sur l'art de la divination ? Oui, il n'y avait pas d'autre solution : elle était folle, inconsciente.

Se levant de sa caisse, elle indiqua aux quelques personnes attendant leur tour de l'écouter, d'un signe de main.

"- J'arrête ici pour aujourd'hui !"

De nombreuses plaintes se firent entendre, mais peu importe, la Belle attrapa sa cliente par le poignet, et l'entraîna avec une force surprenante vers une toute petite ruelle toute sombre, vide de monde, où se trouvaient uniquement des chats errants et des barils en tout genres, usées ou en bon état. Un véritable dépotoir, en réalité.

"- Vous êtes folle." lui lança-t-elle sans se cacher, avec un sourire. "Vous ne comprenez pas. Vous ne pouvez pas comprendre. Pour vous, l'art de la divination est un merveilleux outil, qui peut tout permettre. Qui ne rêverait pas de savoir certaines choses à l'avance rien qu'en fermant les yeux ? Mais je vais vous dire, moi, ce que c'est. C'est une malédiction. Un fléau qui vous ronge jusqu'à votre âme. Qui vous pousse à garder des secrets inavouables. Qui vous donne parfois envie de vous arracher les yeux pour ne plus avoir à observer ces scènes, de vous trouer le crâne pour en retirer votre cerveau afin de ne plus pouvoir vous en souvenir ! C'est une maladie malheureusement incurable et dont on ne connait pas la provenance. C'est un poison qui vous pourrit la vie au point que vous voulez parfois mourir. On ne peut plus rien vous cacher. Vous êtes forcée de voir la vérité en face, vous ne pouvez plus vous laisser prendre par les mensonges, même les plus crédibles. Vous voyez les morts, les blessés, les disparus. Parfois, vous pouvez changer le cour du temps. Vous pouvez en sauver un, ou deux. Mais vous vivez toujours avec la culpabilité d'avoir su, sans jamais pouvoir rien faire. Et puis, il y a le rejet. Même ces crétins qui me payent pour une prédiction." Elle en désigna quelques uns d'un geste de main. "Sont une forme de rejet. Ils vous prennent pour un phénomène de foire sans comprendre que cela vous fait souffrir de voir leur avenir pitoyable. Ils vous payent, en pensant que cela suffira à combler votre malheur, mais non ! Même moi, femme avare, je n'arrive pas à m'y résoudre. Je mens. Je mens pour ne pas souffrir pour de ridicules sommes. Je mens pour ne pas avoir à annoncer à une femme "Désolée, mais votre fils ne reviendra pas", ou "Votre mari mourra demain", et la voir me payer ces visions d'horreur une somme dérisoire. Alors oui, parfois, cela peut être merveilleusement utile. Mais il y a le revers de la médaille, et il réussit miraculeusement à être plus lourd que l'autre coté."

Son sourire n'avait pas disparu pendant tout son laïus. Elle s'éloigna de la femme, de laquelle elle s'était rapprochée au fur et à mesure.

"- Maintenant, si vous êtes prête à sacrifier votre humanité pour cela, alors je n'y vois aucun inconvénient."

Songe fut assez surprise de voir ce qu'elle avait déclenché. Voilà que la voyante décidait de clore ses prédictions pour la journée et l'entraînait à l'écart au lieu de continuer ce qui semblait être son gagne-pain. Avait-elle payé suffisamment pour obtenir le droit à des cours privés immédiats ou avait-elle juste soulevé un sujet sensible ?
Elle eut assez vite la réponse lorsque la jeune femme s'arrêta finalement dans une rue déserte et à l'air assez peu agréable pour la traiter de folle et lui déballer tout son sac.

La sorcière n'eut pas vraiment l'occasion d'en placer une, la voyante se rapprochait d'elle sans cesser son flot de paroles. Elle s'écarta finalement légèrement lorsqu'elle eut fini, et Songe en fit de même.

"Disons que j'avais pensé à quelque chose de moins... Définitif..."

Elle était déjà marquée à vie par ses cheveux blancs, c'était suffisant pour lui rappeler ce qui pouvait arriver quand on jouait avec des pouvoirs trop dangereux. Connaître son avenir ou celui des gens autour d'elle l'intéressait assez peu pour l'instant. Il était possible qu'il y ait des informations intéressantes à tirer de telles visions, mais pas assez utiles à son goût pour accepter de subir des flashs réguliers. Elle était venue voir la jeune femme plus par curiosité que pour servir un but précis, et cette dernière n'avait pas été avare en détails. Si un jour elle découvrait une méthode pour entrapercevoir l'avenir sans se compromettre elle-même il était fort probable qu'elle fasse une tentative, mais mettre en jeu sa propre vie, c'était trop cher payé.

"J'y réfléchirai mais je crois pouvoir m'en passer pour l'instant."

Elle avait appris ce qu'elle voulait savoir. À présent elle connaissait au moins la manière de procéder, c'était un pouvoir permanent, et quelque peu envahissant apparemment. Pour le reste, elle n'était pas partante. Elle ajouta une dernière remarque avant de tourner les talons.

"J'espère au moins que mon futur n'était pas trop pénible, mais ça je le saurai bien vite."[/i]

Ahahah... La réaction de la jeune fille était exactement celle qu'elle attendait. En même temps, bien fait pour elle. Les gens s'imaginaient vraiment que c'était super de pouvoir lire l'avenir, sans jamais se demander si ce n'était pas douloureux sur plein de points. Pourtant, même elle, qui était plutôt une femme forte, arrivait à l'avouer : ça craignait de lire l'avenir. C'était même dangereux, en réalité. On pouvait être la proie de personnes mal intentionnées, voir des choses choquantes, bref, vraiment en ressortir traumatisé. Et son petit laïus semblait avoir eu l'effet escompté sur la blanche. La Belle ne souhaitait cela à personne. Vraiment personne.

Observant la dame s'en aller, elle sourit, et lui glissa ces derniers mots.

"- Ce que j'aime avec le futur, c'est que contrairement au passé, on ne peut que se blâmer soi-même pour ce qu'il advient de lui."

Ce n'était jamais une question de Destin. Ce n'était jamais une question de volonté des Déesses, Ô combien douces et belles elles étaient. Ce n'était jamais une question d'autres, ou quoi. Non, le futur était forgé par son possesseur, quel qu'il soit. Et même si on était vite tenté de dire que c'était la faute des autres, on était dans le faux. Lorsqu'on analysait bien, même les plus sombres maux sont le résultat de nos faiblesses.

Wakusei se redressa légèrement, fière d'elle, son argent en poche. Tant pis pour le vieux, elle l'avait dit : consultations finies pour aujourd'hui. Elle disparut doucement dans la ruelle obscure, se glissant dans les ombres comme dans une porte.


[Bon eh bien, à moins que quelqu'un ne veuille conclure (Puisqu'en tout cas, Waku ne reviendra pas), RP terminé, je crois ! Merci !]