Le monde qui est le mien

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Eorah Vif-Argent


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Elle se l'observait depuis que la lune s’était couchée. Allongée aux cotés du Sheikah la métisse soupira. Un sourire ornait son joli visage. Lenneth posa ses lèvres sur la joue rugueuse d'Astre avant de quitter la chaleur de la couche. S’étirant comme un chat, elle s’éloigna d'un pas ou deux avant de d'attraper tunique et braies. Les couleurs étaient discrètes, un peu a l'image de la femme qui les portaient.

Len' passa a coté du support qui fut un temps portait un arc. Ses yeux ambivalent s'attardèrent sur l'espace vide, son cœur se serra. Elle aurait donné cher pour seulement pouvoir tendre la corde de boyaux, sentir la caresse d'une plume sur sa joue. Était ce la nostalgie qui la prenait ? Elle fronça les sourcils, soudainement inquiète. La dernière fois qu'un tel sentiment l'avait prise, elle avait fini par succomber sous les coups du destin. Une peur un peu irrationnelle lui serra le ventre.
« Non ... » Le besoin de prendre sa fille et son amant dans ses bras se fit a cet instant presque impérieux.

Elle trébucha en retournant sur ses pas. Un frôlement dans le lit répondit au bruit sourd et mat qu'elle venait de provoquer.
« Excuse moi, je ne voulais pas te réveiller ... » Lenneth soupira et quitta une fois de plus la chambre. Elle tournait en rond, se sentait mal, oppressée, comprimée dans un esprit et un corps qui lui semblait se déchirer. Elle ramassa sa fille dans la corbeille qui lui servait de lit. Serrant Eorah contre elle, Lenneth alla s'installer dans la pièce a vivre. Quelques boutons de sa chemise s'ouvrirent, l'enfant se jeta voracement sur sa poitrine. La mère souffla. Même si la petite était maintenant suffisamment grande pour être sevrée, c’était un plaisir égoïste que de continuer a l’allaiter.

Les prunelles sang de l'enfant la regardait, un air curieux sur son visage poupin. Le doigt de la métisse lui caressa la joue.
« Que feras tu si je disparais ? » questionna Lenneth aux murs de sa maison. Elle tourna la tête vers la chambre. Une solution ? Elle ne savait pas, n'osait pas l’espérer.
Elle chassa ces sombres pensées de son esprit.

« Je t'aime tu sais ... » Elle n'avait pas vu l'ombre dans son dos, elle parlait aux murs encore une fois. Ses mots valaient tout autant pour Astre que pour Eorah ...


Astre


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Ce jeu des femmes, à toujours vouloir placer tout sur l’échelle du courtois et de l’amour, à toujours rêver de princes charmants, fortunés et élégants, était géré par et pour elles. Tentant de me faire plier l’échine. Que je demande pardon, que j’épouse leur cause, que je devienne chevalier-servant. Pestes soient les femmes ! Gourgandines ou nonnettes, elles tentaient toutes d’emprisonner, au cœur de leur cœur justement, le petit homme dont elles s’étaient éprises. Leur égocentrisme affecté, larmoyant et collant, tissait une toile dangereuse pour le mâle errant, qui, sans s’en rendre compte, même en désirant conserver son indépendance phallique, finissait tôt ou tard par avoir les nerfs embourbés dans le miel féminin.

Elles étaient deux, de fait, à vouloir me piéger : Lenneth et sa gamine. Grotesque situation où moi, Astre, membre d’une race de seigneurs, je me trouvais malmené. Moi qui aurais dû, de par ma condition sociale, répudier distinctement cette gazelle « émancipée » pour que celle-ci ne se fasse du mal qu’à elle-même et ne tente pas de m’entraîner dans sa chute ; moi qui pouvais, au regard de ma condition sexuelle, courir sans m’en soucier les jupons et les corsets toute honte bue, à pondre bâtards et futurs putains par dizaines ; j’étais cloué par d’affreux sentiments bourrés de compassion niaiseuse et crétine. Les femmes ramenaient tout à l’affect, à leur petite personne ; elles ne savaient pas vivre simplement, il leur fallait régner sur leur bout de territoire, celui du cœur et des sentiments, celui de la cuisine et autres ornements.

Lenneth, douce enfant, je ne peux pas t’épouser, t’aimer tendrement comme si tu étais la seule, la rêvée, la promise, la dulcinée. Chère à mes sentiments tu l’es, c’est sûr ; la mère de mon enfant en renforce les liens. Pourtant, je ne suis pas homme à marier, je ne suis pas le chaton qui se laisse caresser à chaque fois que sa maîtresse le veut ; mon corps exige le tribut du lit, mais je ne deviens pas pour autant prisonnier des draps. J’ai en tête ton parfum musqué, pétillant, fruité, ton goût sur ma langue, je t’ai toute entière en souvenir sur le palais. Oui. Comme d’autres. Un peu plus, sûrement… Plus que je ne voudrais me l’avouer. Je reste cependant éperdument attaché à ma malédiction, ma solitude crasseuse. J’aime cette poussière, cette saleté moisie qui me condamne irrémédiablement et inéluctablement à un état moribond, mortifère. Cette addiction mauvaise, cette haine, ce mépris des autres, elle est dans mon sang, elle est dans ma race toute entière. Car je suis un seigneur, je suis maître en ma chair, empereur en mon cerveau ; les autres ne sont que des ombres qui défilent dans ma vie, par centaines, par milliers ; ne sont que les personnages d’une pièce draconienne. Je ne respecte personne, personne ne me respecte. Tout juste si l’on me craint.


« Qu’espères-tu de moi ? » lui demandais-je, mettant un terme à mes pensées. Il me fallait affronter le dragon féminin. J’avais toujours la force primaire si la discussion s’enfonçait dans une mélasse écœurante de reproches anachroniques, mais j’étais assez bon seigneur pour respecter l’esprit féminin de discussion. Après tout, si je n’écoutais que mes pieds et ma raison, je serais ailleurs, loin des chagrins d’amour. Hyrule décadente…


Eorah Vif-Argent


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« Qu’espères-tu de moi ? »

Elle leva les yeux de la petite. Les posa sur son amant. Elle sentait sa répugnance a entamer une conversation qui la laisserait elle en larmes dans un coin de sa cabane. Elle déglutit avant de répondre doucement, reportant les yeux sur Eorah :
« J'aurais espéré tant de choses. »
Il ne fallait pas un œil très avisé pour remarquer le léger abaissement de ses épaules. Lenneth renonçait peut a peu a ses espoirs de finir ses jours auprès de celui qui comptait pour elle.

Un sourire triste s'afficha sur son visage.
« Mais aujourd'hui, il n'y a plus rien … Je ne veux même plus savoir pourquoi ... » Un autre murmure. Pourquoi s'acharnait-il a la repousser ainsi ? Pourquoi cette indifférence ? N’était elle pas la seule de son ancien groupe a lui être restée fidèle, même dans la mort, a charrier son souvenir, a porter son héritage jusque dans ses entrailles, a dépoussiérer sa mémoire …

Lenneth ne voulais pas un statut de reine aux cotés du roi, juste une reconnaissance. Un mot gentil, une main qui s'entrelace a la sienne, une preuve d'affection. Un sourire quand le regard se pose sur leur fille lui suffirait. C'est pas grand chose au fond, n'est ce pas ? Pourquoi ça fait mal de ne pas l'avoir ? Pourquoi ça leur semble impossible a tout les deux d'aborder ce registre ? Est ce que c'est car leur relation était de toutes tacons, vouée a l’échec ? Qu'Eorah et son frère sont, a l'image de leur mère, des aberrations et des erreurs ?

Les boutons qui se referment. L'enfant qui s'en va se mettre au sol, et crapahuter a quatre pattes, en babillant. L'Argentée l'observa un moment avant de se tourner vers son compagnon. Elle croisa ses bras contre sa poitrine. Il fallait s'y faire. Elle se refusait a le remplacer. Ce fut déjà compliqué la première fois. Et accepter que plus jamais un anneau ne viendrait orner sa main fut une torture. Mais elle l'avait fait, bien avant la naissance des jumeaux. Elle l'avait accepté quand elle avait posé la dernière pierre sur la dépouille d'Astre.

Lenneth ne put réprimer le soupir malheureux, mais tacha de faire bonne figure en se forçant a afficher un sourire sur son visage.
« Allons on ne peut pas se quitter sur quelque chose de triste, n'est ce pas ? » Un coup d’œil a Eorah qui joue dans son coin.


Astre


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« J'aurais espéré tant de choses. »

Cette phrase bancale s’inscrivait dans ce processus de pensée purement féminine déviante. C’était la malédiction du sexe faible, celui du désir et du manque, cette sensation de n’être jamais comblée, de vouloir toujours plus, cette insatisfaction permanente. Avec la Princesse Zelda pour modèle universel, on leur avait mis un peu de poussière d’étoile aux yeux pour qu’elles se mettent à rêver d’impossibles lendemains, à haïr viscéralement leur humble quotidien. Et lorsqu’elles se rendaient compte, pour les quelques vagabondes sans vertu, que la « liberté » n’était qu’un leurre, alors elles se mettaient à jouer les petites bourgeoises, à vouloir du solide et du concret. Quelle situation pathétique…

« J’aurais espéré tant de choses ». Comme quoi ? Un avenir radieux loin des cris et des larmes ? Une bicoque au bord de l’eau, papa-cajoleur et maman-douceur en symbiose parfaite pour élever la petite courge maladive ? C’était peut-être un beau projet, bien rationnel, bien idéal, hélas impossible pour moi. J’avais besoin de combattre, ma vie n’était qu’une lutte perpétuelle contre l’ennui, contre l’anonymat ; j’avais besoin d’être grand, aux yeux de tous, un château fort humain, légende noire comme légende blanche il me fallait la reconnaissance ! Vivre simple, c’était pour moi mourir. J’étais un monstre d’ambitions inconsidérées, j’avais soif d’aventures, ma folie me rendait inconstant.  La vie ou la mort, pas d’entre-deux moribond, je ne voulais pas de purgatoire, c’était le paradis ou l’enfer, pas de médiocrité, la victoire ou la défaite, quelque chose de catégorique ! Suffit la grisaille permanente, la moiteur du ni trop bon ni trop mauvais… tous trop fades, impersonnels, sans unité pour autant, un amas d’individus tiédasses à l’âme rance. Il me fallait me démarquer, être au-dessus, surplomber l’amas de chair molle, devenir roi, façonner l’homme à mon image. J’aspirais au divin, c’était un projet démentiel, débile, qui me renverrait vers des fanges affreuses où la mélancolie foisonne comme la mauvaise herbe. Mais la vie n’est qu’une série de tentatives avortées, et je n’y échappe pas.


« Mais aujourd'hui, il n'y a plus rien … Je ne veux même plus savoir pourquoi ... ». Ah la pleureuse, que lui arrivait-elle ? Quel mal nauséabond lui rongeait ainsi la conscience ? Pourquoi fallait-il qu’elle aussi subisse le mal général ? Ne pouvait-elle pas simplement éduquer sa fillette dans le calme et la volupté ? Je n’allais pas jusqu’à lui recommander de trouver bon garçon qui partager sa couche, je suis homme malgré tout et donc jaloux : un seul coq dans la basse-cour ; mais je pouvais, si c’était là son souhait, tenter de la caser quelque part. J’étais sans le sou, mais je pouvais m’arranger : après tout, l’homme se doit de subvenir aux besoins des siens. Je lui devais bien ça.

« Allons on ne peut pas se quitter sur quelque chose de triste, n'est ce pas ? ». Ce genre de phrases m’exaspérait au plus haut point : je sentais ma main tressaillir, je me souvins alors brusquement du jour où j’avais réduit Lenneth en charpie. A coups de poings et pieds violents. Fou de rage, cruel animal. Oui… il y avait une autre option. Elle était malheureuse, et je n’avais pas de vraie solution à lui proposer. Alors… je pouvais tout aussi bien mettre un terme à son calvaire. Abréger ses souffrances. Lenneth agonisante, dois-je voir dans ton attitude une invitation à te libérer de ton moral douloureux ? C’était une option envisageable, non négligeable. Que faire alors de la petite ? Je soupirais. Je ne suis pas infanticide, encore moins lorsqu’il s’agissait de ma race. Quoique, j’avais bien abattu mon entière lignée, par rage et par haine, mais j’avais mûri sur ce plan-là. Je pouvais l’amener au temple du Temps, ils s’occupent parfois d’orphelins. En temps de guerre, ce devait être une véritable industrie…

« Ah, Lenneth… » dis-je en me levant du lit. Je me dirigeai alors vers le tabouret où se trouvaient mes braies noires, y bouclai mon épaisse et rugueuse ceinture à boucle de fer, chaussai mes bottes. Mon épée gisait sur le sol ; il me sembla, dans la semi-obscurité que ne parvenait à défaire l’unique bougie de la pièce, qu’elle scintillait d’un éclat malsain. Je secouai la tête, un peu las mais sentant une sorte d’adrénaline macabre traverser mes veines : je m’étais imposé la solution de mort comme l’unique éventualité possible pour sauver Lenneth. Elle devait mourir. C’était indubitable.


Eorah Vif-Argent


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Les yeux de la métisse dessinent lentement la silhouette de son compagnon. Elle essaye de sourire, de montrer un caractère brave, de se faire forte. La force, Len' ne l'avait jamais eu. Elle était une mage, une archère, le genre qui vous attaque a distance, et qui fuit sans demander son reste. Ce n'est que sous les mains du destin qu'elle avait été remodelée, devenue épéiste, un peu contre son gré. Elle s’était faite Héritière. De tant de monde en fait. Et c'est peut être cette vocation a porter les souvenirs, elle qui au début de son aventure n'en possédait plus, qui l'avait forgée, qui avait supprimé sa personnalité première.

Ses yeux s'attardaient sur le forgeron de son âme, celui qui avait sut, pour son propre compte, son propre plaisir, extraire de son être brisé et abandonné, les dernières lueurs d'espoir, qui lui avait durant un temps, donné un but. Encore un héritage. Ce serait hypocrite de se mentir. Il n'y avait pas eu que le plaisir d'Astre en jeu, Len' y avait mis du sien et pas a faible dose. Autant elle était déstabilisée par la présente situation, blessée par le rejet du père de sa fille. Autant, les doux rendez vous, elle les avait recherché, désirés, réclamés. N'était ce pas, par sa propre volonté, qu'il avait passé la nuit a ses cotés ?


« Ah, Lenneth… » Elle leva les yeux sur lui. Voila longtemps que la peur avait cédé le pas aux doux sentiments, pourtant elle se sentit en danger en cet instant. Elle le regarda se lever, s'habiller, pour rester là, les bras ballant et le torse nu. Elle tendit lentement son Esprit vers lui, cherchant a connaître ses pensées, se rassurer. Elle n'avait jamais tenté de lire les sentiments de son amant a son sujet. Et comme toujours, elle se trouva bloquée, a l'entrée de l'esprit d'Astre par la muraille qui protégeait ses pensées. Elle se retira.

Un coup d’œil a l'épée au sol lui rappela l'acte absurde, la demande stupide qu'elle lui avait faite.
« Je ne veux pas que tu me tue ... » Elle eu l'impression que son murmure s’étouffait dans le silence pesant de la chambre. Que voulait-elle alors ? Qu'est ce qu'elle espérait de lui ? On en revenait au point de départ. Mais dans ce cas ci, elle savait pourquoi : la peur de mourir, de laisser Eorah aux griffes du destin. Elle baissa les yeux et se rendit compte de la distance qui les séparait. Il y avait au moins deux mètres. Quelque chose qu'on franchit d'un ou deux pas. Un symbole qui démontre que leur relation avait toujours été décousue, caractérisée par les trahisons et les abandons. Provenant sûrement des deux cotés. Solide seulement dans les moments entre les draps. Vulgairement, Len' était devenue la « Putain d'Astre » comme la nommait Hollowtimes. Oh tiens, encore un souvenir, un nom, un héritage. Elle trembla sous le constat qu'elle ne vivait plus pour elle même, mais juste au travers d'autres nom, bien plus éminent que le sien. Elle secoua la tête. Non elle ne sera jamais reine aux cotés du roi.

Ses prunelles glissèrent sur sa "princesse". Non, dans ce monde qui est le sien, a vivre pour les autres et non plus jamais pour soi, elle avait fait plus que des mauvais choix, elle avait sut se coincer, gâcher sa vie, son potentiel, son courage. Chef de Guilde puis moins que rien. A l’apogée de sa gloire, et maintenant dans l’oubli le plus total, si on retire de la balance les affiches de recherche. Marionnette désarticulée et fracassée. Elle eu du mal a avaler sa salive et ferma les yeux.
« Mais je ne supporte pas ce que je suis devenue ... »


Astre


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Je la voyais qui s’excitait intellectuellement, femme déjà brisée, folle et âgée dans sa cervelle dégénérée. Elle était rongée par une tristesse insurmontable. Je n’y pouvais rien, du moins celle-ci me semblait aujourd’hui inéluctable, car j’étais certain que dans le cerveau même de Lenneth, il y avait depuis sa naissance une tare, une tâche, dont on ne pouvait pas se débarrasser. Elle était prédestinée à la folie : peut-être était-ce pour cela que je m’étais si bien accoutumé à elle, nos deux esprits malades liés par les sacrements du corps ? Au milieu de tous ces sentiments éparpillés dans la pièce, je sentis d’un coup comme une poussée de volonté m’acculer : c’était exactement ce que je ressentais alors que je ne me trouvais non pas dos au mur, mais au centre-même de la pièce. Je compris que Lenneth tentait, par sa magie futile, de sonder mon âme. C’était inutile : et même si elle y était parvenue, qu’aurait-elle pu faire ? Elle aurait vu le monstre de compassion déterminée grandir : j’étais fin prêt à l’abattre, d’un coup d’épée, de bas en haut, de haut en bas, transversalement, de gauche à droite. J’avais la motivation, pire une sorte d’aspiration, à découper son mal en morceaux. Et son mal se matérialisait par ce corps faiblard et ratatiné dans le malheur. Au milieu du brouhaha des sentiments des uns et des autres, qui accaparaient toute leur concentration, la jeune Sheikah soupira : « Je ne veux pas que tu me tues… » Etait-ce par faiblesse ? Avait-elle reçu la menace ? Ne voulait-elle point en finir ? Une bonne fois pour toutes ? Finis les malheurs à répétition, l’apparence funèbre et les yeux déjà morts ? Je ressentis au fond de mon être cette haine si familière, doublée de dégoût, envers la débilité physique et mentale de cette pauvre folle. Qu’était-elle devenue ? Il fallait se reprendre en mains : toutes les solutions étaient bonnes pour sauver l’honneur. Moi-même rongé par cette tristesse poisseuse et paralysante tentais de m’en défaire : c’était le mal du siècle, je devais être plus fort que les autres, je ne devais pas succomber aux maladies du temps. Je valais mieux que cela.

Elle me regardait sans me voir, elle me voyait sans me regarder : elle était perdue dans un monde de souvenirs, comme tant de fois je l’avais été. Or, lorsque l’on en est à l’extérieur, de ce monde intime des souvenirs, on prend conscience du ridicule écrasant de cette entreprise. Que cherchait-elle ? Des évidences ? Je me doutais qu’elle était plus en quête de confirmations de son malheur que de réelles solutions. Elle était à un stade où le retour dans la vie consciente et contrôlée serait très difficile.

Lenneth finit par regarder notre fille. La bâtarde. Mon sang maudit.

. « Mais je ne supporte pas ce que je suis devenue ... » Que pouvais-je y faire ? J’avais assez à faire avec ma personne pour en plus m’enquérir des troubles mentaux des autres. Je me mis à soupirer, laissant tomber mes pulsions salvatrices (et meurtrières). Je m’approchais d’elle, posai un doigt sur le petit nez de l’infant, lui taquinant la truffe comme l’on faisait avec les chiots. Ma main gauche se posa sur l’épaule de ma fragile amante. D’une certaine manière, je n’aurais pu dire si les souffrances altéraient sa beauté à mes yeux ou la revalorisaient. Il était très vraisemblable que l’ennui transpirait dans mon être : je ne voulais pas jouer à ce jeu de cache-cache, ce jeu de « qui est responsable », ce jeu de femmes. Il était inutile de discuter, s’abaisser trop à la discussion, c’est rechigner l’action, c’est repousser l’échéance de sa propre salvation. Lenneth, sois forte. Je ne te le dirai pas, tu dois le deviner par toi-même : je n’en peux plus de me répandre en sensibleries agaçantes de dégénéré mental. Je suis un guerrier. Je suis un homme. Je suis la force. Ma main exerça une légère pression sur Lenneth ; son visage sembla se tourner vers le mien qui présentait figure pâle et impavide. Glaciale. Je déposai sur ses lèvres un baiser rassurant, simple et court, une brève pression des lèvres pour se faire écho à celle de l’épaule. Moins celui d’un amant passionné que d’un ami prévenant. « Prends-toi en main. A ne rien faire, tu te laisses aller à des états d’âme déliquescents. Pense à ta fille. » Celle-ci babillait en nous toisant tous les deux de ses grands yeux d’enfant, ces yeux rouge-sang, dénués de la haine qui hantait les miens. Avais-je été ainsi un jour ?

Je fis une grimace et me dis qu’après tout, si cela avait été le cas, ce temps était révolu : j’étais un assassin, un parricide, un fratricide, un matricide. J’étais le cid tout court, la mort au rendez-vous. Cette fille aurait pu être princesse, dans une autre vie.


Eorah Vif-Argent


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Elle regardait son compagnon. Il venait de briser la distance qui les séparait, lui avait offert un geste affectueux. Lenneth avait levé le visage et de suite après avait reçut un baiser. Sa peau se hérissa de chair de poule, comme le jour dans cette même maison ou il l'avait embrassé la première fois. Elle voulu lever la main, lui saisir doucement le visage. Astre avait déjà rompu le contact le temps de seulement penser a y réagir. Eorah entre eux protestait d’être ainsi comprimée par ses parents.

Le temps d'un cri et voilà qu'il était déjà loin. Elle le retenir par la chemise. Être ce qu'il haïssait : sentimentale. Lenneth soupira et posa Eorah au sol. La métisse s'approcha de son amant et lui prit doucement les mains. « Prends toi en main » qu'il venait de lui dire. « Pense a ta fille » …. Elle leva les yeux sur lui.
« Je pense a elle tout le temps. » Elle soupira, s'autorisa a poser son front contre le torse de son amant « J'aurais aimé l’élever avec toi, te donner un peu de joie, et une famille. Quand je t'ai rencontré tu semblais seul. Je voulais être ton « plusieurs » ... »

Les yeux clos elle resta un instant ainsi comme ça, puis se recula. « Nous ne sommes pas fais pour cette vie. » C'est une simple constatation, un accord avec les réflexions de son amant, qu'elle ignorait et qu'elle se devait de ne jamais connaître. « Eorah te rencontrera le jour ou elle sera prête. Moi, je vais concentrer ma vie sur elle. » La métisse attrapa une fois de plus la petite au sol et lui lança un regard intense : « C'est la dernière fois que nous nous voyons, Astre. »
Elle ne souriait pas, mais ne pleurait pas non plus. Elle se sentait sérieuse, comme ça ne lui était rarement arrivée. Elle avait une certitude, c'est simplement celle qui devait partir, mettre de la distance entre Hyrule et elle même.


Astre


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« C'est la dernière fois que nous nous voyons, Astre. » Cette vérité me glaça le sang : c’était un peu comme si je prenais conscience de la mort d’un être cher. Et tous les souvenirs que j’avais en commun avec cet être cher se mettaient à tournoyer dans ma tête comme le lent mouvement des nuages circulant autour du globe. En vérité, que toute cette histoire se fût terminée par la mort de Lenneth ou par son départ, il était évident que je m’y attendais. Pourtant, je m’étais déconnecté de cette réalité comme si cela ne me concernait que vaguement, voire pas du tout, comme si dans la situation présente Astre était quelqu’un différent de moi, un Sheikah obscur dont je ne connaissais que les grandes lignes, un alter-ego, un cousin lointain, comme une ombre. Je rechutais malgré moi dans ces enfantillages amoureux… j’aurais dû la tuer. Au moins, j’aurais choisi mon destin, le chemin aurait été tracé, c’en eut été fini de tout cet étalage de sentiments, de cette fange de sensiblerie qui ne nous avait menés à rien. J’eus une grimace tiraillée entre le sourire et l’amertume. Cela donnait une sorte de sourire triste un peu pesant, écrabouillé sur ma froide figure comme une vilaine fissure.

Mais déjà je m’éloignais de la réalité, déjà je repartais sur mes stratégies futures, je planifiais mes prochaines actions : finalement, cela me facilitait la tâche. Elle reprenait sa mioche et filait doux vers d’autres horizons : sa femme-folie l’emportait loin de moi et je pouvais enfin arrêter cette apnée insupportable, j’allais enfin récupérer tout l’oxygène qui me manquait et je me doutais d’être rapidement grisé par ces nerfs comme neufs, enfin détachés de l’emprise du sexe faible. Va-t’en, laisse-moi, vole au loin, tu ne fais que te fuir, pauvre folle ! ce ne sont pas les mauvais souvenirs ni les rêves avortés que tu abandonnes en quittant Hyrule, car ceux-ci vivent avec toi en permanence, ils s’épanouissent dans ta cervelle moisie comme d’affreux champignons. Je ne te prédis pas long feu, oh, non. Je pressens que tu vas t’éprendre à nouveau d’un grand crétin qui sur la longue ne t’aura pas satisfaite et, dans ton chagrin ultime, tu mettras fin à ces abus de sentiments qui n’ont fait que te ronger depuis des années. Oh, la cruauté me revenait… en réalité, c’était surtout une façon de prendre de la distance avec cette décision si difficile et si désespérante. Adieu ma fille, adieu ma femme… Adieu Lenneth.

Avant de quitter la pièce, j’avais jeté un dernier coup d’œil à ces deux êtres qui, par les évènements et par le sang, avaient constitué pour un temps si court ce qui se rapprochait le plus d’une famille.