Le fief de tous les malheurs

Libre.

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Eckard Falskord


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(vide)

« Des marches ? J'ai traîné mes pieds dans la boue et dans la merde pendant un mois pour ensuite monter des marches ? Et l'escalade de la montagne en sus ? »

Son fidèle compagnon de route lui avait pourtant bien répété les nombreuses raisons pour lesquelles le Mont du Péril se nommait également la Montagne de la Mort. Si l'on survivait à l'interminable et laborieux voyage menant jusqu'au village de Cocorico, celui-ci se terminait bien souvent sur la montagne. Il se trouvait que ce gigantesque mont abritait les plus dangereux périls du pays, si le Désert Hanté n'avait pas déjà cette prétention. Aussi les voyageurs fatigués et las achevaient bien souvent leur périple lors de l'escalade de la montagne. Chutes de rochers, pentes glissantes et créatures affamées étaient légions dans les environs.
Toutefois les deux pèlerins se trouvaient là à la toute dernière étape avant de se rendre sur le pic escarpé : Cocorico. Le village ravagé par la guerre et en pleine reconstruction n'avait rien de très accueillant. Darunia en avait bien informé Eckard. De plus, cette situation se trouvait être le moment rêvé pour les coupes-jarrets de tirer leurs bourses déjà bien maigres aux habitants déprimés, blessés, malades. Les marchands aussi appréciaient la guerre. L'occasion d'élever démesurément le prix des articles et d'en faire de gros bénéfices. Oui, la guerre plaisait à ces êtes malsains.

Les nombreuses marches finissaient d'achever les pauvres guibolles du marcheur exténué. Bougonnant à chaque pas, tirant sur ses dernières forces pour soulever ses pattes lourdes comme un chêne. L'impression d'être attaché à un boulet ne le quitta pas durant toute l'ascension avant le village. Il jeta son regard derrière lui pour voir que l'homme-roche ne faiblissait pas le moins du monde. Le chasseur s'arrêta de compter les marches à la cinquantième, c'en fut trop. Comment donc font les marchands pour transporter leurs marchandises jusque là ? Darunia suivait de près, faisant un bruit de tous les diables à chaque pas sur l'escalier de pierre grise. Le barbu aurait presque juré le voir bâiller.


« Dis-moi, le gros, tes jambes sont vraiment insensibles ? » Ce dernier était fait de pierre après tout, quoi de plus normal que de ne pas sentir tout ça ? Il devait aussi fort probablement avoir l'habitude de la marche.
L'escalier se terminait enfin. Le village s'ouvrit à eux par un immense sapin sur une allée d'herbe sèche. Plus loin sur cette même allée s'ouvrait une place, sûrement le centre du village. Un puits se trouvait là, plutôt triste, au milieu de tous ces gens à la mine blême. Le village semblait comme mort. Eckard revit alors les images de Bourgfroid prit sous la glace, le sinistre arbre aux pommes blanches sur la Grand-Place, les animaux congelés, sa maison, sa femme, sa fille, le givre... La tête lui tourna. L'homme réprima une larme et continua de marcher. Il laissa toutefois son compagnon de route le guider. L'idéal était de faire escale pour une nuit dans une auberge, et Darunia, lui, devait savoir où en trouver une.
L'avancée continua doucement à travers pléthore de maisons décorées de poutres apparentes et aux charpentes étonnamment colorées de rouge et de bleu. Plus on marchait en direction du fond du village, plus ce dernier paraissait délabré. Vers la fin de celui-ci, beaucoup de maisons étaient détruites, brûlées pour la plupart, en ruines. La pauvreté du fief en avait prit un sacré coup. Une grande partie des habitants se trouvait à présent à la rue et jalousait fortement ceux dont la maison n'avait rien subi.

Le nordique s'efforça de ne pas trop lorgner ces pauvres gens, de peur qu'ils prennent ça comme une provocation. Il pensait plutôt à ce peuple Goron, comment était leur village et comment cet étrange peuple des montagnes vivait. En autarcie d'après l'homme-roche, mais le chasseur était friand d'en savoir plus. Là où un mois plus tôt il éprouvait de la peur et de la méfiance pour tous ces indigènes, en découlait à présent un intéressement, de la curiosité. Cet état d'esprit allait déjà beaucoup l'aider pour paraître plus sociable auprès des peuples de ce pays. Mais Eckard n'en conservait pas moins son précieux sens du sarcasme qui finirait un jour par lui causer de sérieux ennuis, tout comme au Domaine Zora.
L'homme repensait à la forge. Son métier lui manquait terriblement. Le poids du marteau dans sa main, le chant du fer battant le fer, les grincements de la lame sur l'enclume, la chaleur omniprésente, la vapeur, le soufflet... Un sentiment de vide par déjà trop encombrant dans son esprit se manifesta d'autant plus alors qu'il repensait à tout cela.
Ce voyage, il l'avait entrepris pour reprendre la forge et gagner sa vie auprès du peuple de la montagne. Le nordique n'aurait su dire pourquoi, mais Darunia lui inspirait de la confiance. Ça a sûrement commencé quand il m'a payé une bière. Tout ce qui importait à présent, était de retourner chez lui, mais il savait que cela prendrait un temps fou. Des mois, peut-être même des années. Mais il avait grand besoin d'argent pour embarquer sur un bateau et prendre la mer, que ce soit le sien propre -et auquel cas il lui faudrait apprendre à naviguer- ou bien celui d'un autre. Sa famille n'attendait plus que lui, mais ses amours devraient attendre. Après tout, Bourgfroid n'allait pas dégeler de si tôt... Eckard s'accrochait fermement à cette pensée, faible flamme oscillante d'une bougie sur le bord de s'éteindre.

La marche ne cessait pas. Son épée lui battait la cuisse et tous ses effets pesaient. L'arc et le carquois étaient trop encombrant, le baluchon également. Son manteau de fourrures lui tenaient trop chaud et les protections aux bras et tibias l'importunaient. Le chasseur priait pour que l'auberge se trouve au prochain tournant. J'ai grand besoin de me foutre à poil, et prendre un bain.


Arise


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Cette nuit, il la passerait dans l’auberge, il commençait à être fatigué de la rue et des écuries. Il caressait le fruit de son travail, obnubilé par ce dernier, une petite bourse en tissu qui devait contenir pas moins de deux centaines de rubis. Et même s’il ne savait pas compter, cela devait bien représenter deux nuits et autant d’alcool que nécessaire pour chacune !
Certains faisaient de ces temps difficiles et des récents événements leur fonds de commerce, puis il y avait lui pour profiter des profiteurs.

Il avait appris en milieu de journée qu’un marchand cherchait à se débarrasser d’un rival -à croire que les temps sont durs pour tout le monde- et on lui avait appris que vu l’éthique du marchand, il accepterait certainement n’importe quoi de profitable pour lui.
Et à nouveau, comme on lui avait indiqué, il le trouva dans une auberge pas loin, un gros bonhomme aux jambes démesurément petites, il avait le haut du crâne dégarni et la sueur coincé dans sa moustache noire reflétait la lumière. Il se tenait au-dessus d’une pinte de bière tiède à moitié finie.
Le blond s’assit en face du marchand et ne fit pas durer les négociations très longtemps. S’il faisait fuir son rival, il empocherait la somme de 200 rubis.

« -Vous savez, les temps sont difficiles, et qu’en plaise aux paysans de nous prendre pour les causes de leurs problèmes, j’ai moi trois bouches à nourrir et j’ai de plus en plus de mal à…
- Tant que vous me payez, j’m’en fiche. Retrouvez-moi dans la rue d’à côté dans deux heures.
» -Le jeune homme se leva, s’étira et s’en alla satisfait-

Le commerce de l’autre marchand était un commerce fixe excentré, proche de certaines maisons qui avaient brûlé. Malgré cela, des gens entraient et sortaient sans cesse, ne laissant jamais le boutiquier seul. Et ça n’allait pas arranger son affaire.
Il attendait depuis une heure mais pas de moments propices et il n’avait plus le temps. Il se leva, se craqua les doigts, il imaginait que cela lui donnait un certain effet, ferma sa cape, enfila sa capuche de tissu marron et remonta son col couvrant son nez et sa bouche puis entra dans la boutique. Il y avait à l’intérieur deux clients : un vieux au dos en angle droit et une maigre femme. Les bousculant, il s’approcha du commerçant qui tout en restant derrière son comptoir lui demanda confus ce qu’il pouvait faire pour lui.

Il planta un couteau entre le majeur et l’index du gérant, un type assez jeune, le genre à être encore optimiste et naïf. Quant aux clients, ils les avaient laissés seul.
Roland prit des fioles, les éclata au sol, piétina les légumes, massacrait les murs et les étagères. Le marchand marcha plus que jamais confus jusqu’à lui, le blond le saisit par le col col et le plaqua contre le mur, reprenant le couteau sur le comptoir, il l’enfonçant dans la main de boutiquier, le bras duquel se mit à ruisseler un flot rouge. Il pleurait, criant à moitié qu’il aidait les gens du village avec son commerce en maintenant les prix le plus bas possible, puis il avait une petite fille qu’il lui fallait nourrir.

« - J’en verse une larme. J’m’en prendrai à ta gamine la prochaine fois du coup.Il fixait le marchand et continuait à détruire ses marchandises.-
- Je vous donne mes… Ce que j’ai gagné aujourd’hui, 150 rubis et vous partez. S’il vous plaît !
- Raté, pas assez. Écoute-moi, tu vas dégager d’ici et fermer ton commerce, d’accord ? Sinan, j'm'en prendrai à ta p'tite fille.L’homme tremblait, effrayé, il acquiesça d’un  mouvement de la tête quand Roland reprit son couteau et poussa violemment l’homme au sol, lui infligea un coup de pied dans les côtes et partit en direction de la porte- Si tu veux tout savoir, j’suis un Dragmire. Et les déesses savent c’qu’on peut faire. »

Quand il sortit, la femme qui avait fui plus tôt rentra dans le commerce puis on l’entendit appeler au secours, par chance, pas de gardes dans le coin. Puis c’était drôle, on allait encore accuser les Dragmires.
Il ne restait qu’à espérer que le gros marchand tienne sa parole. Finalement, il arriva même avec de l’avancer et lui donna une bourse de rubis comme convenu, le remerciant parce que son commerce pourrait enfin être prospère.

C’est comme ça qu’il se mit à se diriger impatient vers l’auberge ’Au Beau coq’. Elle n’était peut-être pas dans le coin le plus sympa du village, mais elle était parfaite pour ceux qui voulaient de l’alcool, un peu d’animation et un lit pas trop dégueulasse.
Et c’est parce qu’il était déjà à y penser qu’il rentra dans un homme mais Roland fut le seul à chuter. Il n’était même pas sûr d’avoir vu le barbu ne serait-ce que vaciller…


« - ‘Scusez-moi, ‘de ma faute. Vous allez à l’auberge, c’est ça ? Puisque là-bas, à part ça, des trucs qui s’effondrent et une maison close, y a pas grand-chose. Sérieusement, vous avez pas la tête à aller dans ce genre d’endroits. Non pas qu’vous soyez pas viril, hein ?Il comprit que le barbu n’en avait rien à faire- Vous savez quoi ? J’me sens d’humeur généreuse, j’vous paye à toi et ton copain bizarre de la bière et du rhum ! »


L'homme de pierre esquissait un sourire moqueur à chaque fois qu'il entendait son compagnon se plaindre. « Vous avez vraiment pas d'endurance vous, les humains ! Bwahaha ! » finit-il par s'exclamer. Le barbu l'avait bien remarqué, la centaine de marches qu'il peinait à monter ne fit pas fléchir les genoux du Goron un seul instant. Il avança un peu plus vite pour s'approcher de lui et entreprit de le rassurer, posant ses doigts craquelés et massifs sur son épaule.
« Allez, t'en fais pas p'tit gars... Il ne nous reste que Cocorico à passer et la montagne ! On a déjà parcouru environ, quoi... peut-être la moitié du chemin ? Plus grand-chose, hein ! Bwahahaha ! » cria-t-il en riant aux éclats. Malheureusement pour Eckard, le sens de l'humour des Gorons était assez particulier et il ne répondit pas à sa petite blague, qu'il qualifia certainement d'assez mauvais goût. « Désolé, vieux. J'voulais pas te blesser ! Bon, et si pour me faire pardonner, j'te payais un coup ? »

Ils montaient enfin les dernières marches qui menaient à Cocorico. Et si quelques rochers et débris qui traînaient dans l'escalier les avaient introduit sur l'état général du village, l'entrée de ce dernier n'avait plus rien à voir. L'herbe verte qui caressait d'habitude les pieds de Darunia s'était changée en tapis d'un rouge foncé et luisant. Les bâtisses étaient brûlées, en partie effondrées voire détruites, des cadavres gisaient un peu partout, et diverses fourches, râteaux et armes contondantes étaient toujours plantés dans cette herbe dorénavant rouge. Le Goron avait beau être parti depuis deux semaines, il remarqua que pas grand-chose n'avait changé depuis son départ. Bien sûr, une grande partie des cadavres avait été retirée puis certainement enterrée ou brûlée, mais l'état général du fief de Cocorico, une fois encore, laissait à désirer. Les portes de la montagne étaient bien trop souvent assaillies, et Darunia devait impérativement remédier à cela au plus vite en joignant ses forces à celles des hommes.

Cachant sa triste mine qu'il arborait depuis quelques minutes, le Goron cherchait du regard une enseigne qui pourrait ressembler à celle d'une auberge. Au moins à Cocorico, il pourrait trouver de la nourriture Goron, aussi infecte que celle que les auberges du fief servaient étaient-elles. Du moins s'il en restait une d'ouverte et en pas trop mauvais état...
Soudain, un homme louche percuta son compagnon. Si Eckard resta de marbre, l'autre lui, tomba à la renverse. Darunia était déjà fatigué des déblatérations inutiles du gamin qui semblait tout faire pour ne pas se retrouver avec l'épée du barbu plantée dans sa cage thoracique.


« ...j’vous paye à toi et ton copain bizarre de la bière et du rhum !
-C'est bon, Eckard, lui dit-il en s'approchant. J'ai plus un rond, alors on ferait mieux d'accepter sa proposition. Laissons-le nous payer une bière et de quoi se remplir la panse. Si jamais il nous gène, je n'aurai qu'à l'assommer et on repartira. J'veux pas de ça dans mes pattes une fois sur la montagne. »

Ce compte est un compte narrateur : les personnages joués par le narrateur ne peuvent pas être utilisés par les joueurs ou joueuses dans leur post (sauf autorisation d'un admin) et les jets de dé du narrateur sont contraignants.



Eckard Falskord


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Eckard avançait à pas lents, désynchronisés, saccadés. La fatigue le submergeait dans chacun de ses membres et bientôt, il finirait par y succomber. Tout était lourd, bien trop lourd. Il marchait, attendant les directives de son compagnon pour bifurquer à l'angle d'une maison, sans quoi il s'avançait toujours, manquant de rentrer dans une clôture ou une personne. Mais une personne lui rentra finalement bel et bien dedans. Le nordique s'arrêta net, stoïque, et le type qui l'avait percuté s'étala de tout son long par-terre. La collision eut toutefois pour effet de réveiller le chasseur et de le mettre en rogne.

« Mais qu'est-ce que tu fous, bordel ? Il lâcha son baluchon qui tomba à même le sol pour prendre le type par le col et le relever par cette même prise. Tu arrives au mauvais moment, mon gars. J'en ai plein les pattes de marcher, je suis exténué et affamé. Bénis donc tes dieux car si tu m'avais fait tomber, même ta putain de mère ne t'aurait pas reconnu quand tu sera rentré chez toi. »

Mieux valait ne pas tourmenter un loup en colère. Beaucoup de gens se retournèrent en sursaut quand il se mit à gueuler. Le barbu tenait toujours le blondinet par le col et il commençait à y avoir trop de gens qui observaient la scène. Quand tout à coup le jeune homme prononça deux mots qui firent lâcher prise à la main du voyageur. C'est à ce moment même que Darunia tenta d'apaiser son compagnon, apparemment lui aussi charmé par les dires du blond. « De la bière et du rhum ? Tu as de la suite dans les idées, tu le sais ça ? Allez, à la taverne la plus proche ! »
Et c'est ainsi qu'ils partirent tous trois un peu plus avant vers le nord du Village Cocorico. L'avancée se faisait plus facilement, maintenant qu'Eckard savait qu'il y avait de la pitance à la clé, et gratuite. Cela lui procura une sorte de motivation supplémentaire quand la fatigue l'accablait encore il y avait à peine deux minutes. L'effet d'un coup de fouet rehaussant son moral et sa force. Ce qui n'était bien sûr pas négligeable car le sol devint une sorte de pente vers le troisième tiers du village, une pente qu'il fallait grimper. La montagne commençait ici. Et c'est en tournant après une énième maison au toit brûlé dont la charpente était à présent bien visible comme un squelette de bois, qu'il put la voir. La Montagne de la Mort. Le Mont du Péril. L'Antre de Volcania. Le Tertre de Feu. Un endroit magnifique d'après les dires de l'homme-de-pierre mais aussi un lieu dangereux, traître. L'endroit effrayait le nordique. Les montagnes étaient considérées comme la propriété et la demeure des dieux là d'où il venait. Comment de simples mortels pouvaient-ils s'arroger le droit, l'arrogance de venir édifier des habitations dans des lieux si élevés, si reculés, si près des cieux ? Cela n'était que folie et le chasseur finit par avoir un frisson en contemplant la majesté du mont. Mais à Hyrule, les choses semblaient bien différentes. Aussi fit-il mine de ne pas craindre l'impressionnant monument de roche, bien qu'allant par-là par-delà une phobie propre au commun des mortels de Fröstvalland, de Bourgfroid ; et il n'y faisait guère exception. Le folklore, les superstitions et la magie, le barbu craignait tout cela.

La petite troupe arriva enfin aux devants de ce qui semblait une enseigne dans le goût de celles qu'ils recherchaient jusqu'alors. Un écriteau de bois pendait, accroché à la charpente -invisible cette fois grâce aux tuiles rouges- du toit dévoilait le nom de la taverne : "La Cocotte aux Oeufs d'Or". Un bien drôle de nom, pensa le barbu. Il aurait même juré avoir entendu Darunia pouffer dans sa barbe en lisant l'écriteau. Somme toute, le nordique gardait espoir que l'on se trouvât là dans un établissement correct. Après tout, le mot "or" dans le nom d'une enseigne pouvait bien signifier qu'elle soit là de grande qualité ? Il se raccrochait à cette idée et poussa la porte grinçante. L'endroit n'était que trop peu rempli. Il fut donc aisé de se trouver une table, près d'une large poutre soutenant la charpente. Tous trois s'y installèrent et attendirent l'arrivée du propriétaire.
Il n'y avait que sept personnes dans la taverne en dehors d'eux trois et du patron : deux gars dans l'obscurité du fond de la salle ayant commencé à faire des messes basses en les voyant entrer, une vieille femme accoudée au comptoir, un nain seul à une table à la mine rougie par la gnôle et puis plus loin, vers les fenêtres menant sur la rue, un barde entouré de deux jeunes femmes, grattant quelques cordes sur son luth. Le tenancier était en réalité une tenancière : une femme bien en chair aux yeux verts, cheveux châtain clair noués en une longue tresse tombant par-dessus son épaule gauche, avec un visage bienveillant et une opulente poitrine débordant presque de son chemisier de lin blanc dont les boutons menaçaient dangereusement de se dérober. Elle portait également une épaisse robe vert pin et des bracelets de cuivre aux poignets. Elle était plutôt belle, ce fut en tout cas la pensée d'Eckard lorsqu'il la vit s'approcher d'eux à toute vitesse, continuant d'essuyer au passage à l'aide d'un torchon les trois chopes en bois qu'elle avait dans l'autre main.


« Messers, je vous souhaite la bienvenue ! Voilà bien longtemps qu'aucun Goron n'avait passé la porte de ma modeste auberge, et encore moins le seigneur Goron, Maître Darunia ! Trissa, pour vous servir.
- Et bien, dame Trissa, j'ose espérer que vos mets soient aussi appétissants que vos... Le nordique abaissa brièvement ses yeux vers le corsage de la tenancière. ...beaux yeux » , conclut-il avec un sourire.
La femme rougit et le chasseur se demanda pourquoi il avait dit une telle chose. La fatigue, sûrement, et peut-être aussi le fait qu'il n'avait pas croisé de belle femme depuis belle lurette. Depuis qu'il était arrivé dans ce pays, en fait. Quoique si on dût considérer la princesse Zora, Ruto, comme une femme, alors peut-être oui, l'aurait-il trouvé belle.
À condition qu'il eut été un poisson.
Trissa jetait de brefs regards intéressés à Eckard et sembla s'impatienter. Elle attendait que tous commandent.


Eckard Falskord


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[HRP]PEGI 18 ! Attention lecteurs, ce post contient un passage explicite ![/HRP]



Une minute passa. Courte et longue à la fois. Eckard Falskord se creusait inutilement la tête à propos de ce qui lui ferait plaisir à manger. Le tabouret en bois sur lequel il s'était assis n'était pas des plus confortables pour son fessier endolori, mais c'était un moindre mal car ses jambes, elles, s'étendaient de plaisir sous la table après une journée de marche interminable. Il faisait diablement chaud pour le pauvre bougre. Il retira son épais manteau et le posa au crochet fixé à la poutre de chêne verticale à sa gauche. Il avait toujours chaud, mais un sentiment de bien-être se mit à l'emplir de la tête au pieds. Ce qu'il éprouvait alors n'avait en soi rien de bien incroyable, mais cela suffisait à le faire se perdre dans de vagues rêveries. La tête lui tournait un peu comme s'il avait trop tiré sur la bouteille. Ce semblant d'euphorie lui faisait du bien.
Le nordique se réveilla quand son voisin de table claqua des doigts devant son nez, le ramenant brusquement à la réalité. La tenancière attendait toujours, devant eux, sans montrer le moindre signe d'impatience. Une qualité requise pour tout aubergiste digne de ce nom. Les trois chopes qu'elle tenait étaient à présent complètement sèches, mais elle continuait de les essuyer machinalement. Les deux lascars avaient déjà commandé depuis un moment. Le barbu déblatéra alors sans avoir vraiment réfléchi à ce qu'il voulait :

« Ce que vous avez sur le feu, du moment que c'est chaud, commença-t-il. Et de la brune pour faire descendre, si vous avez.
- Ah... nous n'avons hélas plus un seul tonneau de bière. Les récoltes, monsieur, voyez... la guerre... La mine déconfite du Goron apparut devant les yeux d'Eckard. Il faillit en rire avant de se dire qu'il faisait la même tronche lui-même. Pas de bière. Trissa reprit : Nous avons du cidre à la place. Qui vient tout droit des pommiers de derrière l'auberge. Je le fais moi-même, et je peux vous assurer que ces messieurs n'en seront pas déçus ! Vous m'en direz des nouvelles. Quant à la bectance, j'ai une marmite pleine de soupe à l'oignon sur le feu. » Le nordique acquiesça d'un hochement de tête accompagné d'un sourire presque invisible derrière sa moustache drue. La femme s'en alla avec ses chopes en faisant claquer ses sabots sur le parquet grinçant.

Eckard avait défait la ceinture qui soutenait son épée, sa dague, son couteau de chasse et sa bourse lorsque Trissa réapparut, presque aussitôt. Il déposa le tout sur le crochet par-dessus le lourd manteau puis rejoint son tabouret tandis que la tenancière déposait devant chacun de ses clients une assiette creuse en terre cuite remplie de soupe fumante. Elle laissa choir au milieu de la table un énorme pain de seigle paraissant plutôt sec et se pencha pour placer les chopes sur la table. Son outrageuse poitrine frôla le museau du nordique lorsqu'elle déposa son demi de cidre devant lui. Elle exhalait un parfum de fleur d'oranger et de pomme. Non, c'est le cidre ça. Regarde ailleurs, corniaud. Ces deux pommes-là ne sont pas sur le menu.
Trissa les quitta rapidement pour se remettre à ses affaires. Le fumet de la soupe ne tarda pas à envahir le nez de l'homme affamé qui ne se fit guère prier pour amputer le pain de la part qui lui revenait et de commencer à l'humecter du liquide mordoré dans son écuelle. La soupe n'était pas aussi bonne que celle que lui préparait Elsa, mais elle le ragaillardit somme toute. Les hurlements que son estomac produisait jusqu'alors faisaient un boucan presque aussi fort que la musique du ménestrel dans le fond de la salle. Ce dernier semblait conter fleurette aux deux jeunes filles qui l'entouraient. Elles pouffaient comme des oies, les joues rougies d'alcool. Ou bien des remarques grivoises dans le creux de l'oreille ?

Eckard en ressentit un peu de jalousie. L'euphorie d'il y a quelques instants laissa place à une nouvelle forme de rêverie, plutôt une sorte de nostalgie qui ne lui était que trop coutumière. Celle-ci se déclina en plusieurs éléments.
Ses amis de Bourgfroid lui manquaient, sa femme et sa fille lui manquaient, comme à l'accoutumée. La chaleur d'Elsa, les sourires innocents d'Olivia... Mais il y avait encore autre chose. La salle était en fait très éclairée de par les larges fenêtres qui laissaient filtrer les rayons du soleil. Eckard, lui, préférait une pénombre sympathique et familière, la légère puanteur du suif des flambeaux et un bon morceau de viande rôtie à la broche. La table traditionnelle, arrosée de sauce et de vin, sur laquelle il aurait pu battre la mesure avec sa chope de bière au rythme des horribles chansons à boire lui manquait aussi.
Retrouverait-il un jour tout cela ? Sa foi s’effritait comme la mie sèche de son pain.

Les écuelles saucées et les chopes vidées, Trissa reparut aussitôt pour s'en emparer.

« Alors, le cidre ? S'enquit-elle, enjouée.
- Un délice. Pas aussi acide que l'autre avec sa voix de crécelle, fort heureusement.
- Ah, vous voulez parler de Jaskier ? Je suis à deux doigts de le sortir d'ici à coups de pieds au cul, celui-là. Il passe son temps à boire plus que de raison tout en charmant et tripotant ses volailles. Les seules qui n'passent pas à la broche ici. L'auberge porte bien son nom hein ? La Cocotte aux Oeufs d'Or... Il en passe de la cocotte, m'enfin j'y vois toujours pas les œufs d'or. Mais baste ! Ce ménestrel de pacotille n'a aucun respect pour autrui. Et faudrait-il encore qu'y joue de ces envolées héroïques... ça ramènerait un peu plus de chalands, ma foi. Mais non, il ne chante que pour ces vilaines poules, et il ne s'en cache pas ! » Trissa s'arrêta et vit un nouveau sourire masqué se dessiner sur les lèvres de l'inconnu. Elle fit la moue comme une enfant vexée malgré sa trentaine d'années, l'air assez gênée, puis se reprit.
« Hem, 'scusez-moi. Passerez-vous la nuit à l'auberge ou bien allez-vous repartir sur la route ? Je vois à votre attirail que vous voyagez...
- Une chambre ne serait pas de refus. Vous avez vu juste, belle dame. Moi et mon compagnon sommes sur un long chemin. Et je passe des nuits de merde à la belle étoile, alors imaginez avec ce gros tas qui ronfle comme un aurochs toute la nuit ! » Les œillades désapprobatrices de Darunia en disaient long. Il ne souhaitait sûrement pas passer la nuit ici, dans un établissement d'hylien. Le barbu se souvint plus tard que c'était le gros qui paierait le repas... et la chambre de son compagnon de route. Je m'en excuserais plus tard. J'ai besoin d'un lit. Par les Anciens ! Un lit... !

* * *


La nuit était tombée, et la chambre lui convenait à merveille. Celle-ci devait faire environ cinq mètres de large sur cinq mètres de long. Un carré bien comme il faut. Située au premier étage du bâtiment, la pièce était toute simple. Une petite fenêtre à croisillons donnait sur l'ouest, où l'on pouvait en se tournant un peu plus au nord, apercevoir les contours de la Montagne de la Mort. Il y avait un lit dénué de puces couvert en plus des draps écrus, d'un édredon ocre à motifs oranges foncés, une chaise de bois et de paille, une petite console en bois sur laquelle reposait une énorme bougie en cire d'abeille parfumée au romarin qui éclairait toute la pièce et un pot de chambre dans un coin, à l'ombre. Le strict nécessaire était là.

Le chasseur posa tout son barda au pied du lit, n'ayant cure pour la poussière au sol, s'il y en avait. Il ne prit guère la peine de vérifier tant il souhaitait se prélasser comme un chat sous les couvertures. Il se demanda si le Goron allait veiller toute la nuit dehors ou bien s'il allait se payer une nouvelle rasade de cidre au rez-de-chaussée. Bois tout ton soûl, le gros. À ta santé.

Une heure passa. Puis deux. On toqua à la porte de sa chambre. Eckard, qui n'avait pas trouvé le sommeil, se releva brusquement, ramassa sa chemise de lin qu'il repassa sur lui afin de couvrir sa nudité jusqu'à mi-cuisses puis s'avança jusqu'à la porte. Il mit quelques secondes avant de trouver la poignée de la porte. Sa chandelle s'était fort bien consumée, et il n'en restait plus grand chose bien que la flamme y brûlât encore. Il ouvrit la porte.
Trissa la tenancière se tenait dans l'encadrement.

« Vous ne dormez pas, lui annonça-t-elle tout de go sur le ton de l'affirmative et non de l'interrogative. L'homme ne comprenait pas bien ce qui se passait et demeurait un instant coi.
- Je ne dors pas, finit-il par répondre dans le vague. Que me vaut...
- Vous ne dormez pas, répéta l'aubergiste, inexorable, en s'approchant d'un pas.
- Effectivement... et vous non plus. Y a-t-il un service de nuit ? Je ne vois pas le moindre plateau... Eckard reculait d'un pas en même temps qu'elle, sur la défensive, puis encore un autre pas. Il se rendit compte trop tard qu'il était arrivé au centre de la chambre. Trissa referma la porte derrière elle. N'êtes-vous pas du mauvais côté de la porte, belle dame ? Chuchota le barbu, pris au dépourvu.
- Que non ! S'enquit-elle, en se collant à lui. Messire fait l'innocent ? J'vous ai bien vu me reluquer le buste. Et j'ai ouï-dire qu'un beau brin d'homme passait la nuit dans cette chambre. Le regard de Trissa s'attarda sur les muscles saillants sous la chemise de l'homme. Non, 'me semble être du bon côté de la porte, fit-elle tout en pressant un peu plus sa poitrine contre lui, passant ses bras autour de sa nuque et de ses cheveux relâchés. Messire me pardonnera-t-il si le sommeil ne le prendra pas cette nuit encore ? »

Eckard n'eut pas le temps de répondre qu'il l'enlaçait déjà et défaisait le corsage de la demoiselle puis retroussait ses jupes. Sa propre chemise, il ne se rappela pas l'avoir enlevée. Aussi se retrouvèrent-ils bientôt tous deux nus comme à leur premier jour, étalés sur le lit. Il faisait une chaleur épouvantable à présent. Mais une chaleur que le nordique avait ardemment désiré retrouver. Il l'embrassait longuement tout en ne sachant ce qu'il faisait, perdu dans des pensées, encore. Les siennes propres.
Que se passait-il ? Que faisait-il à présent ? Où était-il ? Avec qui ? Elsa...
Tout se brisa soudain dans sa tête. Tout s'éclaira. Eckard Falskord se redressa brusquement, terrifié par ce qu'il venait de faire. Par ce qu'il était
en train de faire. Il tomba -pour ainsi dire- du lit et ramassa à la hâte ses affaires alors que cessaient les gémissements de la femme qui se trouvait dans le lit en un diminuendo, un smorzando étonnant de réalisme. Le barbu dont le faciès était élimé, horrifié, pétrifié, jeta un dernier regard en arrière avant de quitter la chambre, toujours éperdu.
« M... merci pour le cidre et la soupe » eut-il le temps de bafouiller, confus. Le nordique se rhabilla en hâte tout en longeant le couloir et en descendant les escaliers sans jeter ne serait-ce que l'ombre d'un regard en arrière. Il renfilait braies, chausses, chemise, veste, bottes et manteau à une vitesse alarmante, manquant trébucher à plusieurs reprises. Ce qu'il venait de faire, il ne se le serait jamais permis. Jamais. Comment avait-il pu s'oublier et tromper sa femme ? Pourquoi ? POURQUOI ?! Crétin ! Il la savait pourtant morte mais un ver inextricable lui rongeait le cœur et les sangs. Était-ce parce qu'il n'avait jamais connu d'autre femme après elle ? Tout cela était-il arrivé trop vite ? S'étonnait-il de porter encore le deuil de son épouse après presque un an ?
Le bougre se sentait souillé d'avoir souillé l'âme et le souvenir d'Elsa. Des larmes coulaient le long de ses joues pour se perdre une énième fois dans sa barbe. Remord et colère se mêlèrent tout en le marquant au fer rouge d'une empreinte douloureuse et violente.

Il franchit la porte de l'auberge
La Cocotte aux Oeufs d'Or en ne prêtant guère attention à ce qui s'y passait à l'intérieur. Et personne ne prêta attention à lui non plus. Il faisait nuit noire dehors mais quelques rares flambeaux apportaient de quoi se repérer dans la vacuité nocturne du village de Cocorico. Le gaillard n'allait finalement pas trouver le sommeil cette nuit. La différence de température entre l'intérieur de l'auberge et l'extérieur réveilla l'homme. Quoique dehors la nuit fût chaude et qu'il ait réussi à foutre tous ses vêtements sur lui, le nordique avait froid.

Oui, il avait terriblement froid.




[HRP]Désolé pour ce double-post, il me fallait conclure ce RP pour passer à autre chose ! Merci aux participants. ^^[/HRP]


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