Posté le 09/09/2009 15:27
Lully était complètement dépassé par les évènements. Tout s'enchaînait trop vite à son goût. Un homme se détacha de l'ombre alors que l'amnésique s'avançait en sa direction et, en un clin d'oeil, sans même avoir eu le temps d'effectuer un seul mouvement, la lame affilée de l'épée du nouveau venu se retrouva logée au creux de la gorge du jeune homme. Ce dernier écarquilla simplement les yeux, sans aucune émotion particulière, juste un regard perdu en direction d'Akashiro alors que ce dernier le fixait droit dans les yeux, et l'amnésique resta figé lorsqu'il crut voir quelque chose - non, quelqu'un - à travers les pupilles indéchiffrables du guerrier... Il sentit son estomac se contracter douloureusement alors qu'il frôlait un semblant de réminiscence... qui disparut aussi rapidement qu'elle était venue.
Le nouveau venu rengaina son épée tout en parlant et, s'approchant de l'amnésique avant de le dépasser complètement, il lui murmura quelques mots qui provoquèrent un frisson chez le jeune homme, malgré le fait qu'il n'avait visiblement pas saisi ses paroles. L'avertissement était avisé, mais Lully était trop naïf, trop puéril pour le comprendre et l'appliquer.
Silencieux, il se tourna vers la jeune femme qu'il avait accompagné jusqu'ici et qui discutait à présent avec le nouvel arrivant. Avec confusion, il se rendit compte que ce dernier adressait la parole à la demoiselle avec un immense respect et cela ne fit que le perdre un peu plus. Il ne comprenait plus rien. Ils parlaient de Triforce, et le "Lui" qu'ils évoquaient ne rappelait rien à l'amnésique. Perdu, il l'était... Et il le fut encore plus lorsqu'une voix s'éleva un peu plus loin :
" Un déjeuner ?!!! Et zuuuut, c'est bientôt l'heure de manger et on n'a rien prévu !! Rien que pour ce fichu château ! ... "
Les yeux si clairs de Lully firent la navette entre la souveraine d'Hyrule et le guerrier avant de se déposer vers la direction où provenait vraisemblablement la voix féminine. Il ne cherchait pas à cacher son trouble. A quoi bon faire semblant, de toute façon ? Ses doigts se resserrèrent doucement contre sa fine épée courte de glace et un nouveau frisson le parcourut. C'était froid... Non. Il avait froid.
La voix de l'inconnu le ramena à la situation dans laquelle il se trouvait et il lui lança un regard troublé. Il ne savait pas qui était "Océane", cela ne lui importait pas vraiment pour l'instant, mais ce qui le choquait le plus était le fait qu'il...
" Comment connaissez-vous mon nom ? "
Il y avait, plus que de la stupeur, une infinie curiosité. L'intérêt de l'amnésique pour la question de départ d'Akashiro se retrouvait submergé par le désir de savoir comment le guerrier pouvait connaître le seul et unique mot qui lui appartenait réellement, qui le désignait et le désignerait certainement tout le long de sa vie. Étrangement, il sentit sa gorge se nouer. Il avait répondu à une question par une question. Quelque part, il avait déjà l'impression d'avoir vécu pareil...
La pensée disparut avant même qu'il n'ait put la terminer et il resta un instant bouche-bée, tentant de la ramener à la surface. Rien y fait.
Il ne savait pas quoi faire, à présent. Allait-il suivre la jeune femme qu'il avait accompagné jusque là ? Dark Link lui avait intimé de l'emmener ailleurs... Mais il ne lui avait pas précisé s'il pouvait la quitter après cela. D'un côté, il était beaucoup trop candide pour suspecter l'homme et la jeune fille qui avançait vers eux, mais de l'autre, il n'osait pas vraiment s'exprimer. Il avait peur de commettre une erreur.
Le cri retentit soudain, déchirant le court silence qui s'était déposé sur le groupe, si proche et si lointain à la fois...
Le coeur de l'amnésique manqua un battement et ses traits se figèrent.
L'angoisse s'écoula dans son corps tout entier alors qu'il réalisait que c'était son compagnon qui l'appelait, non pas par son nom "commun", mais par celui qui le désignait dans le Groupe Sans Nom. C'était la première fois, à sa connaissance, qu'on l'interpellait ainsi... Cependant, ce n'était pas ce à quoi il songeait sur le moment. Une inquiétude sans fond le saisit brusquement et il ne réfléchit pas plus : il se précipita en direction de l'endroit qu'il venait de quitter quelques instants auparavant, dans la direction où la voix ténue lui était parvenue. Il courut de toutes ses maigres forces, manquant de déraper à plusieurs reprises, mais ne s'arrêta pas pour autant. La belle demoiselle aux allures nobles, le majestueux guerrier à l'épée claire, la jeune fille au visage agréable et sympathique... Plus rien ne comptait désormais. Plus rien.
" Dark... Non, P... Premier ! "
L'identité Sans Nom de son compagnon s'était depuis longtemps perdu dans les tréfonds de son esprit mais l'amnésique s'était rappelé [ roh le lapsus... xD ] au dernier moment que le nom qui désignait habituellement l'Ombre était tabou. Il s'était donc maladroitement rattrapé - même si son ton paniqué restait identique, peu importait le nom qu'il devait utiliser pour désigner son compagnon...
Bientôt, il aperçut sa silhouette et l'angoisse le submergea. Il pressa le pas, si cela était encore possible, et arriva rapidement auprès de l'Ombre. Il ne savait si les autres personnes qui étaient avec lui le suivaient ou pas, il ne voyait même pas les quelques gardes qui se rapprochaient d'eux et ne prenait même pas attention à l'homme blessé qui était allongé pas très loin d'eux. Tout comme il n'avait pas tenté de porter secours aux servantes ou aux soldats mourants à l'intérieur du château, il ne fit aucun geste prouvant qu'il voulait venir en aide à Sasori. Il ne se souciait plus que de la seule personne qu'il connaissait ici présent... C'était égoïste, mais peut-être compréhensible. Peut-être.
Presque fiévreusement, il détailla rapidement son compagnon avant de prendre précipitamment la parole :
" Vous êtes blessé ? "
Lui qui ne connaissait pas la signification du mot "Mort", le temps lui avait appris à craindre ce passage qui faisait partie du cycle de tout être vivant. Encore, il n'arrivait pas à envisager sa propre mort ; cela lui paraissait tout bonnement surréaliste. Il était encore vivant, n'est-ce pas ? Mais la vue des corps éparpillés à l'intérieur et à l'extérieur du château l'avait énormément troublé et l'étrange question qu'il avait posé à l'Ombre avant que le Groupe Sans Nom ne rentre dans le château lui revint plus clair que jamais. Ses yeux remplis d'inquiétude cherchèrent de nouveau une quelconque trace de blessure sur le corps de Dark Link et une boule se forma dans sa gorge lorsqu'il constata les dégâts. Il ne savait que faire. Il remarqua enfin les quelques gardes survivants qui se dirigeaient vers eux, l'air hagard, et une pensée soudaine traversa son esprit. Il déposa de nouveau ses yeux clairs sur l'emplacement du visage de Dark Link et le sourire qui apparut sur ses traits pâles n'était pas feint.
" Nous... Nous avons vaincu ! Nous avons vaincu ! C'est fini. C'est fini... "
Ses mots résonnèrent sur la paroi du château et se répercutèrent un instant dans sa tête. A chaque battement de cœur, il commençait de plus en plus à se rendre compte de l'impact de ses paroles : Ils avaient vaincu. Pour de bon. Ils ne risquaient plus la "Mort", tout du moins pour l'instant, car tout était fini et ils pouvaient enfin se reposer. Les pertes devaient avoir été lourdes, et Lully n'avait pas revu ses autres compagnons du Groupe Sans Nom, sans parler de ses quelques connaissances qui avaient peut-être été mêlées à la bataille - et en pensant à eux, l'image de Kazh apparut dans son esprit - mais ils auraient tout le temps de faire leur deuil si deuil il y avait car ils ne mourraient probablement pas ce soir. Le château allait être restauré du mieux possible, les cadavres finiront enterrés dans la fosse commune ou dans le cimetière Cocorico et tout allait redevenir comme avant la bataille - ou presque.
Tout du moins, la vie allait continuer et, à cette pensée, le coeur de l'amnésique se réchauffa. Les blessés devaient être nombreux, mais qu'importe, puisqu'ils allaient vivre tout de même ? Chaque respiration prise, chaque mouvement effectué, chaque parole prononcé, tout, tout prouvait que la vie était là et serait là pour un moment encore...
Cela lui suffisait largement.