- Laurent Walder, Monseigneur.
Llanistar échangea un regard avec Holon, qui dénia de la tête. Walder n'était pas le nom d'une famille noble, ce qui ne disqualifiait pas le mage mais rendrait plus compliqué ce que le général avait en tête. Néanmoins, ce dernier remarqua que Laurent savait au moins se tenir, malgré son impétuosité. C'était déjà ça de gagné. Le regard du nordique s'attarda sur le jeune stratège, guettant le moindre détail afin que rien ne lui échappe. Il savait que sa décision allait provoquer des remous, voire de franches oppositions, et il ne voulait pas se trouver désarmé devant elles. Tout, à la cour d'Hyrule comme dans toutes les cours royales, était affaire de calcul et de conflit. En se présentant à sa réunion, Laurent venait d'entrer dans le camp de Llanistar, et donc de se faire les mêmes ennemis que le général. Leurs intérêts, communs dés lors, leur imposait de ne rien laisser au hasard. Le nordique resta pensif quelques instants, suffisamment pour pousser le jeune homme à se justifier, avec une inquiétude perceptible,
- Veuillez excuser ma précédente insolence. Mais j’ai pensé que je pourrais vous être utile.
Llanistar lui sourit alors. En vérité, lui même se fichait du protocole et il était satisfait que Laurent ait su agir dans cet esprit, mais il se savait entouré de ses capitaines, et ne pouvait donc afficher clairement son approbation en public. Les officiers étaient souvent les plus attachés aux règles. Le devoir d'un soldat était de respecter les règles. Celui d'un officier, de les faire respecter. Celui d'un général, de les dépasser. Le dernier des Rusadir répondit alors, sereinement,
- Puisque tu as voulu te joindre à nous, assiste donc à cette réunion, Laurent Walder. Et reste avec moi, après sa fin.
La suite se déroula comme Llanistar l'avait prévu. Les idées du jeune homme furent intégrées aux stratégies, les officiers redoublèrent d'entrain et d'une volonté habituelle de prouver leur zèle aux yeux du général. Certains n'hésitaient déjà pas à demander son avis au nouveau de l'assemblée, conscient de ce que l'invitation du nordique augurait pour celui ci. Finalement, l'absence des grands nobles empêcha la mise en place d'une stratégie nouvellement ambitieuse. Le général le savait par avance, mais ce qu'il voulait, c'était un plan viable à soumettre à sa reine, qu'elle même pourrait imposer à ses vassaux. De la politique, encore une fois, mais il avait cessé depuis longtemps de se battre contre le vent : si la couronne fonctionnait ainsi, ça ne servait à rien de s'y refuser.
Lorsque vint le moment de mettre fin à la réunion, Llanistar se leva et les renvoya auprès de leurs hommes. Seul restait Holon, Laurent et lui. Il se tourna alors vers le jeune Walder et lui demanda, presque naturellement,
- Que dirais tu d'être nommé stratège ?
- Ser !
Le capitaine hylien venait de bondir sur son siège, les yeux ouverts comme devant un immense outrage et une expression choqué sur son visage. Le nordique lui accorda un instant un regard lourd de sens avant de reprendre,
- Pas en tant qu'officier de rang supérieur bien sur, mais à titre de conseiller stratégique...
- Ser !
- ... Tu pourrais mettre à profit ta vivacité d'esprit, au service du royaume.
- Ser ! Avez vous perdu la raison ? Il n'est pas noble, même pas sous officier ! Et sur un coup de tête, vous le bombardez stratège ?
- Holon, la stratégie n'est pas affaire de sang bleu, mais d'intelligence et de ruse. Laurent me semble posséder plus de potentiel qu'un énième comte bien éduqué aux bonnes manières.
- Vous savez qu'ils le prendront comme une insulte. Vous le mettez en danger, lui aussi.
Llanistar ne sut répondre à cet argument. Au moins sur ce point, Holon voyait juste et ne parlait pas guidé par son amour du protocole. Effectivement, Laurent pouvait gagner beaucoup sous les ordres du nordique, mais tout perdre aussi. La cour n'était qu'un panier de vipères après tout. Le général Rusadir se tourna alors vers sa recrue potentielle, et lui déclara gravement,
- Il a raison. L'offre que je te demande comporte des risques, et c'est à toi de choisir de les accepter, ou non. Qu'en penses tu ?