Rencontre et affaires

[ Hors timeline ]

Aedelrik


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(vide)

Lorsque Aedelrik s'éveilla, il lui semblait que son ancien maître forgeron martelait l'intérieur de son crane, avec une force de titan. Avachi sur un lit en paille, couvert d'un vieux drap sale, il s'efforçait d'habituer ses yeux à la lueur du jour tandis que le vacarme de la ruelle atteignait ses oreilles par la fenêtre que l'on venait d'ouvrir. Il émit un grognement bougon, autant agacé par sa violente gueule de bois que par l'audace de celui qui avait osé le réveiller d'une manière aussi peu délicate. Tant qu'à faire, il eut mieux valu un seau d'eau au visage. Il aurait peut être sentit autre chose que des relents d'alcool.

« Lève toi Aedy, mon père aime pas quand tu traîne au lit. »

L'étranger leva un bras dans la direction d'où il pensait entendre la voix, en signe d'invitation à le rejoindre. Allyn pouffa alors, visiblement amusée par l'idée qu'il ait une pareille envie dans cet état lamentable. Aedelrik aurait pu répondre qu'elle ne faisait pas tant d'histoires, d'habitude, mais sa langue restait inerte dans sa bouche, et les mots s'emmêlaient dans son esprit. Il poussa un profond soupire las, se jurant intérieurement de ne plus jamais boire autant, tout en sachant où cette promesse finirait.
Prenant sur lui et tentant d'ignorer l'appel du lit, il étira longuement son dos rouillé et se redressa. Le drap retomba sur la paillasse, le laissant nu au regard de la jeune fille. A une époque, il en aurait éprouvé de la gêne, mais ça n'était pas la première fois qu'Allyn le voyait ainsi, et surement pas la dernière étant donné son expression, qu'il ne remarqua qu'une fois ses yeux habitués à la lumière du jour. Elle ajouta, espiègle,


« Je parie que Tryn t'a encore battu hier soir. Il tient bien mieux la bière que toi. »

« Ce type, c'est pas un homme, c'est une barrique avec des bras. »

Allyn éclata d'un rire clair. Elle avait réussit à le vexer au réveil, et lui, en échange, la faisait rire. Une injustice de plus, mais Aedelrik aimait bien la jeune fille, et c'était agréable d'entendre sa voix, même dans cet état. Il se leva et, lentement, s'approcha d'elle jusqu'à l'entourer de ses bras. Experte, elle s'esquiva avec agilité et lui fit comprendre d'un seul geste du doigt que c'était hors de propos. L'étranger tenta une expression attristée mais rien n'y fit et elle sortit de la chambre avec un sourire malicieux.
Aedelrik soupira et alla jusqu'à sa fenêtre. Dehors, le soleil était déjà haut dans le ciel et les rues bien animées. C'était jour de marché, une journée faste pour quelqu'un comme lui. Il hésita à descendre demander un repas à Fren, le père d'Allyn, et réalisa qu'il n'avait pas envie de se frotter à la mauvaise humeur du patron. Ce dernier l'aimait bien, au point qu'il semblait s'en faire pour lui et n'hésitait pas à le gronder comme un fils. Un fils de presque trente ans mais aussi paresseux qu'un adolescent...Seulement en apparence du moins. Car Aedelrik passait des nuits bien plus agitées que celles du premier apprenti venu. Sans s'en rendre compte, il passa une main sur son épaule, où une plaie fraîchement recousue le faisait légèrement souffrir. Un coup de couteau, qui était passé bien trop prés. Tout ça à cause d'une latte de bois qui, en grinçant, avait réveillé un marchant qui n'aimait vraiment pas les voleurs. Aedelrik relativisa en se disant qu'il avait vu pire, et que les choses auraient pu moins bien se passer. Au moins n'avait il pas été démasqué ni profondément blessé. Les égratignures de ce genre faisaient partie des risques du métier.

Décidé à ne plus perdre plus de temps en paresse inutile, tâchant de faire fi de son mal de crâne, Aedelrik s'habilla rapidement, d'une chemise en lin noire et de chausses ainsi que de bottes en cuir sombre. Il accrocha une de ses sangles de sacoches au travers de sa poitrine et, après avoir fait jouer ses muscles, grimpa de sa fenêtre sur le toit de l'auberge. De là, sur ce bâtiment plus imposant que tout autre autour, il avait une vue utile sur le quartier. C'était en partie ce qui l'avait poussé à demander asile dans cet établissement plutôt qu'un autre, l'autre raison étant le minois de la serveuse.


« Hey Aedy ! Si tu trouves, ramène moi des épices du désert ! On en a presque plus ! »

Allyn criait presque, ses mains en entonnoir devant sa bouche, ruinant tout espoir pour lui de ne pas être remarqué. Mais de toute manière, il avait promis à Fren de ne pas exercer son métier aux abords de l'auberge. Mauvais pour les affaires, disait il, et l'étranger ne pouvait pas lui donner tord. Il fit signe à Allyn qu'il le ferait et se mit en route.
Par un jour de marché, les ruelles du bourg étaient encombrées, plus sales que d'ordinaires et donc difficilement supportables. Aedelrik, lui, empruntait la route des toits, celle qu'il était presque le seul à connaître. Avec agilité et souplesse, il sautait de toit en toit, repérait les tuiles fragiles, prenait appui sur des poutres qui dépassaient des maisons pour mieux traverser les rues. Finalement, il parvint dans le quartier le plus fréquenté, celui de la place du marché. Les étals débordaient de la place elle même, envahissant les ruelles alentours. Le vacarme qui accompagnent les marchants et les foules s'élevait jusqu'à lui, mais il n'y faisait pas attention. Il observait les passants, guettant une cible. Finalement, il repéra une femme difficile à ignorer. Une belle chevelure, des fourrures, des bandages sur les bras... Le genre à être perdue au milieu d'une telle cohue. Il descendit prestement, se raccrochant à une enseigne. A part quelques regards intrigués, il ne se fit pas spécialement remarquer et s'approcha de sa cible. Prétextant d'être bousculé par quelqu'un, il lui rentra dedans, assez pour qu'elle cesse de faire attention à ses biens. Vif et agile, il glissa une main vers sa ceinture, cherchant une bourse, tout en bredouillant l'air gêné, un léger accent dans la voix


« Oh mince, excusez moi mademoiselle ! Je suis confus ! »

Si elle ne se rendait compte de rien, il commencerait bien sa journée.


Blanche


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(vide)

    Blanche avait décidé de passer la nuit à l’extérieur du château. Plus dangereux, certes, mais mentalement, c’était plus sain pour elle : rester trop longtemps à l’intérieur d’une quelconque bâtisse lui donnait des maux de têtes. On pouvait dire que la demoiselle était légèrement claustrophobe. Installée sous un grand chêne au abord de la rivière qui bordait les murs de la citadelle, Blanche faisait rôtir un maigre oiseau tout en comptant précieusement, bien installée sur l’une de ses capes de fourrures (qu’elle utilisait aussi pour tapisser le sol froid) les quelques pièces amassées lors de son séjour à la caverne de glace. La jeune femme les comptait une à une, créant de petites pyramides lorsqu’elle arrivait à un certain nombre avant de les glisser à nouveau dans sa petite bourse de cuir. Avec ce qu’elle avait pu amasser, Blanche pourrait s’offrir quelques herbes pour préparer les quelques poisons ou potions bienfaitrices qui lui seraient utiles dans un futur proche. Et puis, elle avait entendu dire, des caravanes qu’elle avait croisées, que le marché du bourg était bien amplis de toutes sortes de trouvailles. D’habitude, Blanche avait pour habitude de trouver ses propres matériaux, mais par manque de temps, elle était prête à marchander. Parfois.

    La belle trouva sommeil seulement lorsque son ventre fut légèrement rassasié et sa figure rafraichit par l’eau froide, mais fut réveillé prestement par les bruits de corbeaux qui venaient déchiqueter le reste de la carcasse qu’était devenu son repas. Le temps de chasser gentiment les oiseaux (elle les aimait bien ceux là, ils partageaient la même couleur de tête), de ramasser ses maigres acquisitions et de réciter quelques prières, elle partie de bon pieds vers le pont-levis qui venait tout juste d’être abaissé. D’ailleurs, il faudrait qu’elle profite de son bref passage pour visiter le Temple du Temps.

    Jour du marché. C’était ce qui semblait se produire sous ses yeux. Blanche n’aimait pas les foules, car elles lui rappelaient ses quelques jours passés dans l’armée à ne sentir que la sueur et le sang et entendre les crachats et les cris de douleurs des hommes. Mais bien vite, la jeune femme de l’Ouest se sentie rapidement transporter en des temps plus heureux. Les marchandises étalées sur les tablettes dans les rues étaient fascinantes. Elle avait même vu un homme qui vendait un miroir magique : en fait, il rendait les gens plus beau, mais il fonctionnait seulement dans le noir le plus total. Les plus futés étaient bien vite parti, alors que les plus idiots proposaient leur prix. Les odeurs des plats concoctés sur place lui emplissaient les narines, mais rien ne la convaincu au point d’acheter. Blanche acheta cependant quelques bandages de lins, question de refaire les siens apposés sur ses mains un peu plus tard.

    Blanche avait oublié sa haine pour les foules, circulant de façon fluide entre les gens, jusqu’à s’arrêter devant un étale qui proposait des jouets pour enfants. Petits chevaux de bois et soldats étaient au rendez-vous. Une figurine représentait le fameux héros du temps, alors qu’une autre représentait le général des armées et une seconde la merveilleuse princesse, bien qu’elle égalisait de loin la beauté de sa Majesté. Blanche s’était approchée, un peu, hésitante, de façon à ce que le marchand ne l’aborde pas (elle détestait ça). Elle pourrait tenter de faire ses propres figurines pour les enfants de l’orphelinat, Les pauvres avaient bien besoin de nouveaux jouets. Sourire aux lèvres, imaginant leurs petites bouilles animées d’un sourire, Blanche rebroussa chemin, question de quitter les lieux, mais elle avait perdu son chemin comme une pauvre gamine dans la forêt perdue.

    Soudainement agressée, poussée, Blanche se retrouva dans un tout autre état d’esprit qu’elle ne l’était quelques secondes plus tôt, la jeune femme à la chevelure corbeau dû rattraper son équilibre en s’accotant sur un étale, faisant chuter quelques items. Les excuses fusèrent derrières elle et bien qu’elle comprenait la langue du peuple d’Hyrule, son instinct quelque peu sauvage et son cœur noir de colère et de peine prit le dessus sur son esprit clair.


    « Hi! Reym raf! » Tonna-t-elle de sa langue natale dans un murmure froid, mâchoire tendue et dents serrées. Elle avait sentie cette froideur s’installer en elle depuis la mort de ses biens aimés. Elle la craignait, mais elle l’aimait tout autant, car cette froideur la rendait forte, mais aussi aveugle …

    Blanche ne put empêcher son corps de faire volte face et d’envoyer son poing directement dans la figure de la personne qui l’avait bousculée, excuses ou non, femme, enfant, homme, vieillard, vieille femme ou encore handicapé … Elle attrapa l’homme par le collet avant de le tirer des rues passantes (les regards des passants l’énervaient, elle leur aurait arracher les yeux à tous) vers une ruelle plus tranquille, bien serrée entre deux murs de domiciles, ombragée. Elle le bouscula quelques fois, question de le pousser un peu plus loin encore des regards indiscrets (ou question de lui faire perdre pied, elle n’y pensait pas vraiment).

    Blanche s’arrêta un instant, contemplant son agresseur (ou sa victime) des yeux. Une tête rousse, comme elle en avait déjà vu une, quoique moins sympathique et chaleureuse au regard. Il était plus grand qu‘elle, mais depuis quand la taille importait chez dame nature ? Ses mains s’accrochèrent à sa taille, comme si elle attendait une quelconque réponse de l’individu, mais quelque chose ne tournait pas rond. Sa main gauche tapota sa taille, avec de plus en plus de hâte, augmentant sa zone de recherche alors que ses traits sévères se troquaient pour des traits confus. Elle comprit. Voleur.


    « Rends moi ce qui m’est dû. » s’exclama-t-elle elle aussi d’un accent prononcé qu’elle n’avait su perdre avec les années passées à Hyrule. Blanche se rapprocha de l’individu, sortant de sa ceinture un petit couteau en os de cerf, qu’elle ne perdit pas de temps à approcher le plus possible de la gorge du brigand tout en le coinçant contre l’un des murs de bois. Elle s’était assez rapprochée de lui pour sentir la bière dans son haleine du matin ainsi que l’odeur bien particulière du sang : était-il déjà un pauvre animal blessé ? Qu’est ce que ça changeait pour elle ? Blanche avait oublié la tendresse, car elle ne lui avait jamais servie.

    « Tu m’as mise de mauvaise humeur. Parle. » fit-elle simplement, un visage ne démontrant aucune émotion particulière. Froid comme son cœur. Elle ne tenta même pas d’appliquer un peu plus de pression sur son arme blanche : elle lui laissait une chance de se racheter : qu’il en profite, rare était-elle clémente.


Aedelrik


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(vide)

[hrp]Je change de couleur pour Aedelrik, ça me saoule de mal voir ses dialogues.[/hrp]

« Hi! Reym raf! »

Aedelrik tenta au mieux de réprimer un sourire en sentant ses doigts habiles se refermer autant de la bourse de cuir de la jeune femme, défaire aisément le lacet qui la retenait à sa ceinture et la ramener jusqu'à une de ses poches. Il avait entendu les mots de sa cible, sans vraiment les écouter, d'autant qu'il ne les comprenait pas. A peine les sonorités lui disaient ils vaguement quelque chose, et ce qu'elle pouvait lui répondre n'avait pas d'importance. Seule sa réaction en avait, et à ce sujet, il fut plutôt surprit.
De fait, un poing fermé le heurta violemment au visage, sans qu'il n'ait rien vu venir. Une réponse très directe et inhabituelle à son approche elle aussi percutante. Le choc, brusque, lui fit perdre pied de la réalité, comme lorsqu'on prend trop rapidement une grande bouffée d'opium. Pendant quelques instants, le voleur manqua de défaillir et de chuter physiquement, d'autant que sa cible semblait le malmener. Il reprit ses esprit adossé à un mur d'une ruelle. Un coup d'oeil le rassura sur la distance parcourue, quelques mètres à peine. Il tâta son nez, douloureux, craignant une fracture mais au toucher, il lui semblait intact.
Il dût bien s'avouer avoir mal choisit sa cible. Une jeune femme avec de telles phalanges, c'était plutôt rare, et d'autant plus rare avec un caractère qui faisait donner des coups à la moindre bousculade. Mais déjà, l'étranger vit dans ses yeux qu'elle avait comprit le but de sa soi disant maladresse. Son regard brûlait d'une colère qui, dans une autre situation, l'aurait enflammé lui aussi.


« Rends moi ce qui m’est dû. »

Elle approcha un couteau en os de sa gorge, comme un argument imparable à son ordre. N'importe qui aurait obtempéré sans perdre un instant, mais Aedelrik n'était pas de cette trempe. Déjà, son orgueil de voleur souffrait de rendre aussi aisément ce qu'il avait dérobé avec adresse. De plus, une telle arme ne l'effrayait pas, au mieux lui faisait elle comprendre le sérieux de la situation. De fait, il était évident que la jeune femme ne bluffait pas. Une étrangère avec un tel crochet du droit ne bluff jamais.
Elle s'était approchée de lui, visiblement sûre d'elle, et froide comme la pierre. Aedelrik se demanda quel dieu vicieux il avait pu mécontenter pour avoir l'intuition de s'attaquer à une femme pareille, par un jour de marché où les cibles plus vulnérables ne manquaient pas. Sans doute était ce une déesse, celle qu'il avait offensé. Les déesses sont toujours les plus vicieuses.


« Tu m’as mise de mauvaise humeur. Parle. »

Déterminée mais patiente néanmoins. Aedelrik aurait sans doute déjà pressé la lame plus prés de la chair, pour faire accepter sa demande plus rapidement. Elle lui laissait le temps de penser, et c'était tout ce dont il avait besoin, si il voulait sauver sa première prise de la journée et son honneur de tire-laine. Après un instant de fausse réflexion, ses deux mains dans son dos, adossé dans une posture désinvolte au mur, il déclara avec un léger sourire,

« Hum... Non. Il ramena lentement une main jusqu'à sa gorge et pressa un doigt contre le couteau, l'en écartant doucement. Ca ne serait pas juste, après tout. J'ai plutôt bien réussi à te rouler, je pense que j'ai mérité ça. »

Ayant sorti la bourse en cuir, il la lança en l'air et la rattrapa dans le même mouvement. Profitant de l'effet de surprise que cela ne manqua de provoquer chez son agresseuse, il se dégagea et fit quelques pas, non pas vers la rue encombrée, mais dans la ruelle qui finissait en cul de sac. Il aurait pu en profiter pour s'enfuir, mais il avait peut être un autre coup à jouer, plus profitable. Présentant toujours son dos à la jeune femme, il déclara, tenant la bourse dans sa main, à sa vue,

« Pour récupérer ton bien, c'est simple, il faut y mettre le prix. Et en l'occurrence, tu m'as frappé si fort que le prix pourrait bien être élevé. »

Faire payer un bien volé, il y avait là une logique étrange et viciée mais Aedelrik, lui, la trouvait logique puisqu'il considérait un bien convoité comme lui revenant d'office. En somme, tout ce qu'il désirait était légitimement à lui, et par erreur entre les mains de leur propriétaire. Ca n'était alors que justice de les en délester et toute action pour l'en empêcher n'avait pas lieu d'être. En l'occurrence, craignant un nouveau coup venant de l'étrangère, plus douloureux celui là, il se retourna en ayant dégainé sa propre dague, qu'il tenait d'une prise détendue, clairement pas à la manière d'un meurtrier. Car il était bien des choses et exerçait bien des activités, mais aucune n'attendait à la vie d'autrui...autant que faire se pouvait. Non pas qu'il eut des problèmes de conscience ou des interdits moraux. Tuer attirait plus d'ennuis que voler ou arnaquer, voilà tout. Et surtout de jour, dans ce quartier, tandis qu'un marché attirait des foules. Quand à savoir si sa cible prendrait ce risque... Vu sa toute première réaction, rien n'était impossible. Sa priorité devait donc être de calmer le jeu. D'autant que sa blessure de la veille lui rappelait les dangers de trop jouer avec le feu. Il ajouta alors,

« Au fait, je m'appelle Aedelrik, mais puisque ce nom ne signifie rien pour toi, il est bien de préciser que je suis un prêtre de l'argent et que mon livre sacré m'interdit de rendre ce qui est tombé entre mes mains... Du moins sans y trouver mon intérêt. Et toi, quel est ton nom et comment compte tu me payer ? »

Une moquerie sans doute, mais moins dirigée contre elle que contre ceux qui s'imposent des principes et des règles stupides. Ca n'était pas son genre, à lui, exceptée un seul : tout faire pour survivre. Et la survie passait par le fait d'avoir assez d'argent pour manger et boire. De l'argent qu'il pouvait sentir à travers le cuir de la bourse.


Blanche


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[ J'change de couleur aussi u__u ]

    Il réfléchissait, Blanche pouvait le lire dans ses yeux. Qu’il se questionnait vraiment où non, il était mieux de répondre positivement à sa demande. Mais au contraire, ce fut une négation qui fusa de ses lèvres en premier, faisant froncer les sourcils de la jeune femme à la chevelure corbeau. Elle ne demandait pas à ce que la discussion continue (elle y était bien mauvaise, même si parfois elle la préférait à la violence). L’inconnu bien prétentieux dégagea la lame de sa gorge. Blanche ne chercha même pas à la forcer à nouveau sur la jugulaire.

    « Ça ne serait pas juste, après tout. J'ai plutôt bien réussi à te rouler, je pense que j'ai mérité ça. »

    Bien mérité ? Il n’était qu’un couard : chercher à voler les plus pauvres de ce monde, car oui, depuis qu’elle donnait à l’orphelinat, Blanche ne trainait sur elle que l’argent nécessaire pour ses propres besoins qui se résumait bien rapidement. Elle n’avait même pas de quoi se payer un bon rôti de porc dans une auberge. Il était un petit être ridicule qui s’éloignait d’elle en direction du cul de sac tout en laissant ses doigts crasseux parcourir le cuir de sa bourse. Blanche aurait bien voulu le voir, tiens, voler l’un des Seigneurs du château entouré de ses gardes, le voir vite empalé sur l’une des lances et mourir au bout de son sang comme le pauvre chien qu’il était.

    Ses yeux pourpres suivirent la danse qu’effectuait sa petite bourse dans les mains du voleur, tendis que le couteau rejoignait bien vite sa ceinture : de là où elle était, la lame ne lui servait pratiquement à rien.


    « Pour récupérer ton bien, c'est simple, il faut y mettre le prix. Et en l'occurrence, tu m'as frappé si fort que le prix pourrait bien être élevé. »

    Blanche roula des yeux. Il était probablement de ses hommes qui aimait la chair, peu importe féminine ou masculine, tant qu’il y avait un corps pour le tenir au chaud. Elle se pinça doucement un sourcil, tout en regardant un bref moment ses pieds aux bottes pleines de boue et d'herbes avant de les relever : pas question qu'elle quitte des yeux le voleur de bourses. Elle l'écoutait d'une oreille distraite raconter un charabia sur un prêtre de l'argent et un livre sacré ... un discours qu'il semblait avoir appris par coeur et qu'il avait récité nombre de fois devant une glace. Les yeux de la belle balayait l'allée : il s'agissait d'un cul de sac, certes, mais les toits des maisons pouvaient probablement lui servir d'échappatoire, si il était assez agile. Femme grimpant aux arbres, ça ne serait pas un problème de taille pour elle. L'inconnu - car elle n'avait franchement pas retenu son nom - finit son baratin, auquel Blanche répondit par un franc soupir avant d'enchainé :

    « Et quel est ton intérêt à toi, petit prêtre de l’argent ? »

    Les bouts de ses doigts lui démangeaient. Elle les faisait croiser et s'entrecroiser. Ils restaient inertes trop longtemps dans cette situation et un sort magique pourrait bien vite quitter ses mains dures et froides et entortillées de bandages de lins. Cela pouvait probablement être perçue comme de l'anxiété, mais c'était tout le contraire.

    « Tu as tout ce que j'ai dans tes mains, fit-elle en pointant du doigt son ancien petit sac d'argent, ça devrait nettement te servir à te payer ce que tu souhaites. Et puis la journée ne vient que de commencer : un couard comme toi doit probablement voler d'autres pauvres gens jusqu'à ce que ta faim soit satisfaite. »

    Drôlement, Blanche était passé de folle à l’envie de meurtre à une jeune femme qui s'en fichait. L'argent qu'il détenait lui était destiné à elle, au final, et non à l'orphelinat. Elle saurait s'en passer, bien que si elle n'était pour jamais la récupérer, son emploi du temps venait largement de s'occuper. La jeune femme de l'Ouest fit quelques pas en direction de l'homme, nonchalamment, laissant ses pieds fouetter les quelques herbes qui avaient réussit à pousser dans la terre piétinée.

    « As-tu déjà essayé de voler un riche marchand ... ou encore le château ? Tu ne trouverais pas ça plus à ta ... hauteur ? » fit-elle en haussant les épaules, comme si sa proposition était des plus banales. Oh non ! Elle n'essayait surtout pas de le faire tuer voyons. « La récompense serait plus grosse que nos poches à nous, petite gens. »

    Certes c'était une situation plus dangereuse, mais oh! combien plus excitante ! Ses pas arrêtèrent la jeune femme aux cheveux de jais à une distance raisonnable - un peu plus d'une longueur de bras - de son interlocuteur

    « Et en passant je n'ai pas frappé si fort que ça ... » finit-elle en haussant un sourcil rapidement, laissant toujours planté ses yeux d'améthystes comme des crocs sur le visage de l'homme.

    C'était dit sur ton presque invitant.


Aedelrik


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« Et quel est ton intérêt à toi, petit prêtre de l’argent ? »

De l'ironie. Aedelrik préférait cela, largement. Que la jeune femme change de ton pouvait signifier deux choses : soit elle craignait de l'affronter, soit elle préparait sa riposte. Une chance sur deux qu'elle ne tente rien d'inconsidéré, c'était mieux que sa franche hostilité de tantôt. Cela représentait une occasion pour lui de la convaincre.
A sa question, il haussa les épaules et jeta la bourse dans les airs avant de la rattraper négligemment. Après tout, quel pouvait être l'intérêt d'un voleur si ce n'était d'amasser, encore et toujours ? Une quête sans fin mais pas dépourvue de sens, comme le savent ceux qui ont connu la misère, le froid d'une nuit d'hiver sans foyer et la faim qui tiraille un estomac désespérément vide. Aedelrik se retint de donner sa réponse, évidente. Survivre était son premier intérêt, comme toujours.


« Tu as tout ce que j'ai dans tes mains, ça devrait nettement te servir à te payer ce que tu souhaites. Et puis la journée ne vient que de commencer : un couard comme toi doit probablement voler d'autres pauvres gens jusqu'à ce que ta faim soit satisfaite. »

Elle avait pointé un doigt fin vers la bourse, en un geste qui ne manquait pas d'élégance. Le voleur savoura le spectacle comme il l'aurait fait avec un bon vin. Pour les femmes comme pour le reste, le rouquin se vantait d'être un expert, sans doute en partie à raison. Sa victime, elle, l'intriguait autant par ses gestes que ses mots. Le renard sentait bien qu'elle déroulait son jeu, et que sa mince insulte n'était qu'une pique destinée à retenir son attention. Traiter de couard un voleur revenait à traiter un guerrier de meurtrier ou un mendiant de pauvre.
Tandis qu'il attendait la suite de sa pensée, elle s'approcha de lui, frôlant à peine le sol d'une démarche féline. Ses hanches se soulevaient l'une après l'autre, son ample chevelure sombre ondulait sous le vent et une telle grâce sensuelle se dégageait d'elle qu'Aedelrik sentit un léger béguin naître et son corps y réagissait...favorablement. Néanmoins, il se refusa à laisser ses instincts le dominer. Certaines choses ne se contrôlent pas, mais des années d'entraînement lui permettaient de rester concentré et assuré, malgré la partie animale en lui.


« As-tu déjà essayé de voler un riche marchand ... ou encore le château ? Tu ne trouverais pas ça plus à ta ... hauteur ? La récompense serait plus grosse que nos poches à nous, petite gens. »

Le Renard ouvrit ses lèvres en un sourire carnassier. C'était donc là qu'elle voulait l'entraîner, vers une perte probable. Taquiner son orgueil pour qu'il aille prendre des risques inconsidérés et finisse une corde autour du cou. Le voleur avait déjà vu nombre de ses camarades de profession tomber dans ce piège à goupils et il n'était pas prêt à s'y laisser entraîner... Du moins pas aussi aisément. La jeune femme savait séduire, ou bien elle en était capable par nature - ce qui était d'autant plus attirant - et Aedelrik aimait s'enivrer des beautés comme elle, mais la survie ne se négociait pas, à aucun prix.
Elle s'arrêta devant lui, plantant ses grands yeux à la teinte aussi rare que sublime dans les siens, et lui déclara, avec une légèreté qu'il apprécia comme un signe de l'humour de la jeune femme,


« Et en passant je n'ai pas frappé si fort que ça ... »

L'Étranger passa une main sur son menton, se demandant si l'inconnue parlait sincèrement, et quelle serait sa véritable force si tel était le cas. C'est alors qu'il réalisa, ou crut réaliser, ce que son énergique victime voulait vraiment. Le ton sur lequel elle lui avait envoyé ses derniers mots, le très léger sourire qu'elle lui adressait... Son incrédulité se trahit un instant sur son visage, tant ce qu'il croyait avoir compris lui semblait singulier, inattendu. Elle semblait aspirer à passer de son côté de la barrière, à dépasser la loi comme lui. Une perspective réjouissante, mais le voleur restait méfiant. Il leva alors sa main tenant la bourse devant elle, entre eux. Il suffisait à la jeune femme de tendre la main pour récupérer son dut, si bien sûr le renard ne dérobait pas sa patte avant.

« Un château ne se prend pas d'assaut seul. Et si je te rendais cela et te promettais le double en échange de ton aide ? » Demanda-t-il le plus sérieusement du monde, malgré son habituelle expression sarcastique, qu'il portait mieux qu'un masque, « Cela ferait se rejoindre nos intérêts, et nous pourrions faire plus ample connaissance qu'avec nos poings ou nos dagues. De plus... » Il lui envoya la bourse, la jetant sans sommation de telle sorte qu'elle ne puisse manquer de la rattraper. « J'ignore quels sont tes talents mais je sais que tu es étrangère et que j'ai des contacts qui pourraient t'être profitables. Au final, j'ai beaucoup à offrir, et je demande peu ; juste un peu d'aide de temps à autres. Des services justement récompensés... »

Son regard glissa vers le haut et s'attarda vers les toits qui les dominant tous deux. Aedelrik se retourna alors subitement, en quête de quelque chose, laissant son dos en apparence vulnérable. En réalité, il avait tant l'habitude des attaques par derrière qu'il ne pensait rien avoir à craindre. Un vieux renard n'est pas aisé à berner, aimait il penser. Il repéra alors ce qui lui fallait : une échelle couchée contre un mur. Il s'en empara et la cala contre une des parois de la ruelle. Sa main vint trouver le premier barreau et il se retourna vers la jeune femme, à qui il tendit une main, invitante,

« Viens, suis moi ! Avant que tu prennes ta décision, je vais essayer de changer tes perspectives ! »

Aedelrik n'attendit pas sa réaction et grimpa. Aussi agile qu'un chat, il arriva sur le toit en quelques instants, et savoura aussitôt la lumière du soleil sur sa peau, ainsi que la chaleur adoucie par un vent doux. A ses yeux, la ville n'était jamais assez belle qu'à hauteur d'oiseau, sous un ciel bleu et un astre rayonnant, bruissante d'activités et les senteurs du marché remontant jusqu'aux toits. Le voleur se sentait presque poète à chaque fois qu'il se retrouvait devant un tel paysage, et il aurait aimé tirer quelques vers de cette inspiration, mais il en était bien incapable. Certains se montraient habile avec les mots, lui avec ses mains. Se retournant, il vit que la jeune femme le rejoignait et il lui tendit une main amicale pour l'aider à se hisser. Après quoi, le renard donna un grand coup de pied dans l'échelle, qui retomba dans la ruelle. Taquinerie sans malice, mais à présent elle aurait du mal à descendre sans lui.

« Je préfère m'assurer qu'on ne sera pas dérangés, les gardes sont légèrement tendus en ce moment. » Il lui sourit de toutes ses dents et ouvrit les bras comme pour étreindre la ville. « Voici mon terrain de chasse, ou de jeu, suivant les jours et mes humeurs. Regarde les villas au fond, prés de la première enceinte qui sépare le bourg du château. Elles sont belles, n'est-ce pas ? Ce sont des cibles idéales, mais hélas parfaitement inaccessible... Pour un homme seul, en tout cas. Tu vois où je veux en venir n'est-ce pas ? »

L'étranger avait une furieuse envie de sortir sa pipe mais son "tabac" pouvait lui faire perdre le sens de l'équilibre, et ce toit n'était pas le plus stable. Tenir droit sur ses tuiles fragiles n'allait pas se soi. Aedelrik avait eu le temps de s'entraîner à cet exercice mais ça n'était inné chez lui, pas comme certains. Son regard s'attarda vers ces villas, manoirs et autres demeures de riches. Magnifiques, appétissantes, il les admirait comme de grandes dames, brûlant de désir pour elles et les haïssant de rester hors de sa portée. Jusque là, aucun hylien n'avait eu les tripes de tenter ce que seul un fou comme lui pouvait imaginer. Mais tout espoir n'était pas éteint.

« Au fait, comment dois-je t'appeler ? »


Blanche


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    Un château ne se prenait pas d'assaut seul. Il le savait. Cependant, le voleur lui demanda tout de suite de l'aide en échange de la bourse qu'elle s'apprêtait à laisser sans plus de violence ? La fille de l'extrême Ouest plissa le nez : elle pouvait presque sentir les prochains déroulements de la journée se présenter devant elle. Peut-être aurait-elle dû se taire et ne pas lui donner d'idée aussi ambitieuse. Il n'était pas fou, l'Esprit l'avait compris, mais le rouquin était peut-être quelque chose de bien pire.

    Blanche laissa le maigre sac de cuir se poser dans le creux de ses deux mains alors que le mot « intérêt » bourdonnait comme un écho entre ses deux oreilles, incapable d'être absorbé. Elle n'avait pas les mêmes intérêts que lui – voler, piller, s’enrichir. Certes, elle avait déjà volé par le passé, cependant elle ne gardait jamais les nouveaux biens acquis bien longtemps. Le cœur sur la main, son petit groupe n’avait jamais hésité à donner à ceux dans le besoin alors qu’eux-mêmes vivaient sans grandes ambitions. Ce genre d’activité s’était terminé d’une façon tragique et avait causé plus de mal que de bien à la jeune femme qui s'était aussitôt mise au petit boulot pas trop louche et plutôt net. La seule survivante du groupe gardait toujours en tête ces âmes chères qui avaient péries, alors qu'elle marchait toujours dans le monde des vivants sans trop savoir où ses pas la mèneraient.

    Étrangère, elle l'était, tout comme lui d'ailleurs. Il ne pouvait cacher son accent qui lui rappelait celui d’un bel homme dont le destin lui restait inconnu. La belle ne cherchait en rien à cacher ses origines loin de celles des hyliens. L'étrange et tout ce qui sortait de l’ordinaire quotidien des êtres humains pouvaient faire fuir certaines personnes indésirables, non pas que la demoiselle aux yeux tantôt d'améthyste, tantôt de saphir cherchait à jouer l'épouvante dans les rues du quartier.

    Son interlocuteur lui tourna le dos alors que ses propres mains glissaient son bien perdu maintenant retrouvé – ou plutôt redonné – à son emplacement originel, quoique ses doigts nouèrent plus d’une fois la petite ficelle attachée à sa ceinture. Elle avait appris sa leçon. Blanche leva les yeux au ciel, comme si les nuages pouvait former des images ou encore des mots décorés de lumière qui lui indiqueraient la meilleure route à prendre ... ou peut-être serait-ce les Déesses elles-mêmes qui lui pointerait du doigt la rédemption ?


    « Brielle, dii Hes, dans quoi je m'embarque encore ... » se murmura-t-elle alors que le gaillard lui faisait toujours dos. Ses mains agiles s’emparèrent d’une vieille échelle de bois qu'il accota prestement sur le mur. Blanche s'approcha de la paroi de la ruelle, s’apprêtant à le rejoindre. À peine avait-il accroché l'une de ses mains aux barreaux que l'autre se présenta devant elle, se voulant incitante, mais elle contint plutôt l’élan de la demoiselle.

    « Viens, suis moi ! Avant que tu prennes ta décision, je vais essayer de changer tes perspectives ! »

    Par chance, il n'attendit pas que l'une des fines mains de la fille de l’Ouest se loge dans la sienne pour repartir de plus belle sur les toits de la maisonnette. Elle détestait que les gens touchent ses mains depuis qu'Asvald avait trafiqués ses tatouages à des fins égoïstes et personnelles. Ses mains étaient l'extension de son esprit et de sa magie : pas question de les « passer » à n'importe qui.

    Blanche reprit le chemin jusqu'à l'échelle tranquillement, hochant la tête en négation, n'acceptant pas le fait qu'elle allait effectivement suivre l'homme qui l'avait volé au tout début. À peine avait-elle commencé son ascension que la sorcière en vint à se demander s’il ne l'avait pas volé que pour attirer son attention, qu'il ne s'agissait pas du tout du but premier de leur rencontre, mais qu’il avait autre chose en tête pour elle. Blanche était peut-être paranoïaque, mais cette paranoïa l'avait sauvé plusieurs fois, tout comme ses instincts qui, pour le moment, ne lui disaient guère rien. Peut-être devrait-elle laisser la chance au doute à cette rencontre, jusqu’ici surprenante, de la journée.

    Blanche agrippa finalement le dernier barreau de l'échelle. Lorsqu'elle leva les yeux, ce fut à nouveau une main qui l'invitait à finir sa montée qui se trouvait tout prêt de son visage. Blanche regarda la main tendue devant elle, un air blasé peinturé sur le visage. Au lieu de s'en saisir pour finir d'escalader l'échelle, la jeune femme aux cheveux corbeau la frappa doucement, de manière à la dégager de son chemin et lui signifier qu'elle ne voulait pas de son aide. Elle était une grande fille, et encore une fois, elle ne voulait pas dévoiler ses drôles de tatouages sur ses mains et avant bras bandés : trop de questions fuseraient de la bouche du rouquin. « Ne fait jamais confiance à un survivant, se répéta-t-elle, comme Asvald l'avait déjà fait, jusqu'à ce que tu trouve ce qu'il a fait pour rester en vie. »

    Toujours à genou sur le toit qu'elle venait de rejoindre, Blanche regarda l'échelle tomber sur le sol dans un fracas qui n'attirerait absolument personne, ni même un chat : le marché à proximité était encore plus bruyant que les glaciers qui se rompaient une fois que la chaleur du printemps était venue. Tout en se levant, des mèches de cheveux corbeaux entrainées par le soudain zéphyr vinrent lécher son visage. Elle les dégagea assez rapidement en faisant face au vent et devant ses yeux se dévoila le reste du bourg qu’elle n’avait jamais parcouru.


    « Je préfère m'assurer qu'on ne sera pas dérangés, les gardes sont légèrement tendus en ce moment. »

    « Han han. » lâcha-t-elle d'un ton sarcastique pour approuver plus ou au moins ses dires. De toute manière, ce n'était certainement pas comme si l'homme voulait s'éterniser ici. Il n'y avait absolument rien à craindre. Pour le moment.

    « Voici mon terrain de chasse, ou de jeu, suivant les jours et mes humeurs. Regarde les villas au fond, prés de la première enceinte qui sépare le bourg du château. Elles sont belles, n'est-ce pas ? Ce sont des cibles idéales, mais hélas parfaitement inaccessible... Pour un homme seul, en tout cas. Tu vois où je veux en venir n'est-ce pas ? »

    Il ne fallait surtout pas être médium pour comprendre où il voulait en venir. La jeune femme l'avait senti depuis le moment qu'il lui avait redonné sa bourse. Blanche soupira sans détacher ses yeux des grandes maisons convoitées par l’individu: elle aurait mieux fait de repartir dans la direction opposée dès que son bien avait été retourné. Sacré curiosité. Le « fou » la tira de ses pensées lorsqu’il lui demanda son nom.

    « Appelle moi Blanche. » dit-elle en prenant une pause, le temps d'adapter ses yeux à la brise qui venait de souffler plus fort. « Tu me rappelle le tiens, Ilit ? »

    Les Ilit – renards – étaient de petits voleurs inoffensifs et au poil roux, deux traits que le voleur et ces animaux blancs comme neige en hiver partageaient.

    « Et qu'est ce qui te fait croire qu'une parfaite inconnue, que tu viens tout juste de rencontrer, je te le rappelle, est la solution pour rendre ta villa accessible ? »

    Blanche planta ses yeux sur le visage de l'homme, à la recherche de perles vertes, chassant les mèches noires qui barraient sa propre vue. Il ne savait pas du tout ce dont elle était capable et elle ne savait certainement pas si elle avait vraiment envie de lui faire une démonstration.

    « Ou qu'est-ce qui te dit que j'ai tout simplement les capacités à t'aider. Peut-être que tu ne ferais que trainer un boulet à ta cheville comme un prisonnier. »

    C'était une piste qu'il devait considérer, surtout que depuis sa dernière exploration des terres d'Hyrule à la caverne de glace, Blanche avait perdu son khépesh dans le lac gelé et son arc s'était envolé : elle n'avait aucun souvenirs d'où elle l'avait perdu. Il ne lui restait plus que sa dague faite du reste d'ossature d'un cerf. Et n’importe qui pouvait trainer une dague sur lui en Hyrule, sans savoir nécessairement comme la manier. Elle se voyait déjà bien attaquer un manoir avec sa petite dague. Ridicule.

    Blanche tenta quelques foulées sur le toit et se rendit bien compte qu’il n’était pas évidant de s’y déplacer. La jeune femme s’approcha de l’individu au nom échappé en s’aidant de ses bras pour maintenir son équilibre. Blanche posa l’une de ses mains sur son épaule, sans aucune gêne. Elle y prit ensuite son appui pour enlever une botte, puis l’autre suivit aussitôt, se retrouvant sur la charpente ardente et périlleuse nu pied. La jeune femme se débarrassa de ses bottes en les basculant du côté duquel ils venaient. Longtemps avait-elle parcouru les landes de différentes contrées pieds nus. Seulement, Blanche s’était rendu compte que les gens des villes n’hésitaient pas à laisser des ordures un peu partout sur les routes – notamment du verre. La sauvageonne n’avait pas eu autre choix que de se conformer aux chausses « modernes ». Elle se sentait toujours plus vivante et habile pieds nus.


    « Si jamais tu veux vraiment qu’on y aille, je me casserai moins la gueule comme ça. » fit-elle en lâchant finalement prise. Elle le distança - toujours en s’aidant un peu de ses bras pour garder l’équilibre – de quelques mètres, assez pour se sentir à nouveau dans une bulle inviolée par la présence d’autrui. Blanche posa l’une de ses mains en visière pour protéger ses yeux qui scrutait l’horizon : elle cru y voir un détachement de soldats en direction des maisons désirées, sans vraiment savoir s’il s’agissait d’une patrouille ou non. Elle n’en dit pas un mot : moins elle en disait, moins il aurait de chance de savoir qu’elle savait effectivement reconnaitre les types de gardes.

    Elle attendait toujours sa réponse. Après tout, il n’était peut-être pas trop tard pour descendre de ce toit, prendre ses bottes et continuer sa journée comme elle l’avait entendu depuis le début … même si tout à l’heure, avec ce sourire carnassier et avec les yeux emplis de passion sur les villas à l’horizon qu’il avait eu, Blanche se doutait bien qu’elle n’aurait pas le choix de plonger dans sa folie. Peut-être qu’au final, la promesse qu’elle avait faite à Brielle tomberait à l’eau.


    « Je tenterai de te suivre, si tu veux vraiment de moi dans tes pattes. » finit-elle en quittant des yeux les mêmes villas qu’il regardait pour venir chercher une quelconque réponse dans ses deux émeraudes.


Aedelrik


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« Appelle moi Blanche. »

Elle prit une pause, un instant, durant laquelle le Renard se demanda si elle était sincère. Aedelrik se méfiait des noms qui correspondaient trop bien à ceux qu'ils désignaient. Seuls quelques rares parents savaient, au berceau, nommer leur enfant fidèlement à ce qu'il serait toute sa vie. Or, Blanche était un nom parfait pour la jeune fille au teint d'albâtre. Un surnom, ou bien des parents clairvoyants ? Il garda cette question dans un coin de son esprit pour plus tard.

« Tu me rappelle le tien, Ilit ? »

« Aedelrik. »

Un nom approprié pour lui, bien qu'il n'ait jamais connu ses parents et qu'il ait été nommé par un homme qu'il haïssait. Le voleur se souviendrait toujours du regard que lui avait jeté cet homme quand il lui en avait demandé le sens. Un regard empli de tristesse, et une réponse marquante comme un fer rouge. Aedelrik signifiant "En guerre contre le Monde". Et c'était sans doute le nom le plus fidèle qu'on lui ait donné, le plus douloureux, aussi.

« Et qu'est ce qui te fait croire qu'une parfaite inconnue, que tu viens tout juste de rencontrer, je te le rappelle, est la solution pour rendre ta villa accessible ? Ou qu'est-ce qui te dit que j'ai tout simplement les capacités à t'aider. Peut-être que tu ne ferais que trainer un boulet à ta cheville comme un prisonnier. »

Il la considéra un instant, se posant sincèrement la question en lui même. Au delà de son physique que pouvait il bien lui trouver ? Elle frappait fort et rapidement, mais une fois sa vigilance émoussée par les boniments du voleur, celui ci aurait pu aisément s'enfuir avec sa bourse. Elle ne semblait pas particulièrement à l'aise sur un toit, n'incarnait pas un idéal athlétique... Mais voilà, il y avait autre chose, que le Renard ne croisait que rarement dans les rencontres que le destin lui envoyait. Une flamme, une lame tranchante, à l'intérieur. Quelque chose que certains appelleraient "mauvais caractère" mais qu'il préférait voir comme un instinct sauvage, libre. Elle n'avait pas attendu ses -fausses- justifications avant de le frapper. Elle avait choisit de le suivre alors que plus rien ne l'y obligeait, par curiosité, par intuition.
C'était cela qui l'intéressait, par dessus tout. Aedelrik ne jugeait pas les gens sur ce qu'ils savaient faire, car tout ce qui peut se faire s'apprend. Il regardait ce que chacun savait être. Et Blanche savait être forte, libre, vive. Assez pour le fasciner. Finalement, il répondit, son visage ayant perdu sa mine moqueuse mais conservé son sourire,


« Je vais te montrer. »

Et comme pour le contredire, elle se mis en tête d'enlever ses bottes, en s'aidant notamment du Renard dont le sens de l'équilibre ne souffrait pas de servir de point d'appui. Son orgueil, en revanche, s'en senti légèrement égratigné. Au moins confirmait elle ainsi un aspect d'elle qu'il pensait, à raison, avoir cerné : elle ne s'encombrait pas de convenances inutiles. Un instant, Aedelrik crut qu'elle avait mis ses pieds à nu pour se prélasser là, en profitant de la vue, mais il comprit dés que son regard vint se poser sur les dit pieds. Ils n'avaient rien de ceux d'une jeune fille de la noblesse qui n'a jamais connu que du carrelage ou des tapis de fourrure. Ces pieds là avaient vécu, connu la terre et la pierre, en portaient les marques. Blanche devait d'ailleurs préférer le contact de l'herbe à celui du cuir d'une semelle puisqu'elle s'empressa de s'en débarrasser, en les jetant dans la ruelle. Au regard amusé du Renard, elle répondit,

« Si jamais tu veux vraiment qu’on y aille, je me casserai moins la gueule comme ça. »

« A ta convenance. »

Elle fit quelques pas, visiblement bien plus à l'aise ainsi. Aedelrik savoura le spectacle du regard, mais un regard vers le soleil lui indiqua qu'ils ne devaient plus traîner, au risque d'être en retard à son rendez vous. Or, il ne voulait pas faire attendre celui qui, le connaissant, devait déjà être en train de l'attendre. Lentement il s'approcha de Blanche tandis qu'elle observait les maisons au loin.

« Je tenterai de te suivre, si tu veux vraiment de moi dans tes pattes. »

« Oh je suis sur que tu y arriveras très bien. »

Et comme si un fantôme venait de le pousser, il se jeta en avant, dévalant les tuiles du toit avec aisance, s'arrêtant au dernier instant, alors que le vide s'ouvrait devant lui. Agile comme un chat, le voleur sauta en direction du bâtiment en face de lui, de l'autre côté de la rue. Heureusement pour Blanche, les maisons de ce quartier étaient hautes, resserrées, et assez proches à leur sommet, puisque chaque étage empiétait un peu plus sur l'espace de la rue. Chez les riches, ça serait autre chose, mais elle aurait le temps de s'y faire.
Le Renard attendit qu'elle l'ait rejoint et se remit aussitôt en route. Malgré le relief inégal des toits et le fait que sa destination n'était pas toujours visible, Aedelrik ne déviait pas de sa route, empruntant un chemin accessible à sa partenaire. A la manière d'un guide de montagne, il connaissait tous les chemins possibles, mais restait conscient que certains lui étaient réservés. Parcourir des toits peut sembler amusant, vu d'en dessous, mais ça restait aussi dangereux que de gravir une montagne : la moindre chute se payait cher. Régulièrement, il regardait en arrière et vérifiait qu'elle le suivait toujours. En vérité, le voleur craignait moins une chute ou un incident du genre, qu'une tentative de lui fausser compagnie. Oh, il ne l'en aurait pas empêchée ! Mais il préférait ne pas s'en apercevoir une fois arrivé.
Au croisement de la rue des serruriers et de celle des prêteurs sur gages, qui marquait l'entrée dans les quartiers riches, il dût néanmoins s'arrêter pour un autre motif. En gravissant un dernier toit, il avait entendu une voix de bouledogue lui aboyer, très agressive,


« Toi là ! Descends où j'te troue la peau ! »

Aussitôt, le Renard s'était planqué hors de ce qu'il pensait être le champ de vue du chien de garde. Et de fait, un regard discret lui apprit qu'une sentinelle était placée sur un toit plat et pointait son arbalète dans sa direction. Ainsi, ses escapades nocturnes avaient finies par se faire remarquer. L'estafilade sur son épaule se rappela à son souvenir, et le marchant qui lui avait infligé aussi. Aedelrik ne pouvait se permettre de les laisser organiser leur défense. Ils devaient comprendre qu'engager ce genre de sentinelles ne servait à rien. Lorsque Blanche l'eut rejoint, il lui fit signe de se taire et lui expliqua à voix basse la situation. De son poste, le garde continuait à gueuler.

« Sors d't'on trou, sale rat ! J'vais m'occuper de toi ! »

« Il faut le neutraliser pour passer. Attire son attention vers la droite, mais essaye de ne pas te dévoiler. Je le contourne dans l'autre sens, et je l'assomme. Tu marches ? »

C'était une vraie question et sans doute que le doute qui assaillait Aedelrik devait se voir sur son visage. Que Blanche accepte de le suivre était une chose. Qu'elle soit prête à prendre des risques pour ça en était une autre. Et il ne pouvait la forcer à rien.


Blanche


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    Il s’élança. Tel un compagnon du vide et tel l’amant du vent.

    Blanche le regarda défiler un instant avant d’elle-même embrasser l’atmosphère. Les tuiles chaudes sous ses pieds, exposées depuis un bon moment au soleil déjà, lui faisaient vivre de drôle de sensations, mais loin d’être désagréables. Certes, la femme de l’Ouest n’affirmerait jamais que les toits fussent mieux que de grimper aux arbres, mais c’était beaucoup plus agréable qu’à ses débuts en Cité où ses pieds se retrouvaient coupés par différents matériaux de la société. La fin du premier toit arriva bien assez vite et Blanche bondit d’une agilité qui lui était propre. Elle atterrît sur ses deux pieds et ses mains vinrent absorber le choc restant, avant de mieux pousser son corps dans un second élan, comme elle avait vu maintes fois faire les quadrupèdes de la forêt. Elle se remit sur ses deux jambes et continua ses sauts avec de plus en plus d’assurance, recréant le même trajet qu’Aelderick avait emprunté à peine quelques secondes avant – sans non plus le suivre de très très près. Au final, la jeune femme fut apte à rejoindre son coéquipier, accroupi derrière la muraille que créait une cheminée. Si ses yeux pétillaient d’aventures – voilà longtemps qu’elle ne s’était pas « amusée » de la sorte – les paroles que lui lança le Renard la refroidi rapidement. Il y avait une sentinelle.


    « Parce que j’ai l’air d’un appât, hinzaal ? » murmura-t-elle d’un ton grave, laissant percevoir son mécontentement tout en collant son dos à la paroi de la cheminée qui couvrait juste assez leur tête lorsqu’ils étaient accroupi. De quoi les protéger de cette sentinelle perchée un peu plus haut. Blanche fixa le visage d’Aedelrick sans aucune émotion, laissant ses yeux aussi froid que la glace parcourir cette émotion étampée sur ce visage qu’il aurait dû avoir il y a de cela un bon moment. Peut-être se rendait-il finalement compte qu’il avait fait un mauvais choix que de l’embarquer dans cette affaire. Elle voulu rire sincèrement, après un moment. Elle ne savait si elle riait de la situation dans laquelle le voleur s’était foutu ou si elle voulait rire de la gueule qu’il tirait, mais ce fut plutôt un sourire en coin qui naquit sur ses lèvres rosées. La jeune femme aux cheveux aussi sombre que le charbon détourna la tête et fixa le paysage droit devant elle. Il n’était ici pas question d’ignorer le pauvre détrousseur, mais bien de faire le vide à l’intérieur d’elle-même.

    « On devrait plutôt attendre un peu. Le destin peut parfois jouer en à la faveur des plus patients. » Ajouta-t-elle d’un chuchotement, comme un vieil ermite qui passe tout son temps au Temple du Temps. L’autre fou beuglait toujours. D’un geste assuré, Blanche laissa son avant-bras courir en dehors de leur planque improvisée. Elle n’eut le temps que de sauver ses doigts d’une flèche et en profita pour compter le temps. Une arbalète était longue à charger et ça pouvait jouer à leurs avantages. Cependant, le toit sur lequel la sentinelle se trouvait était plat. Elle devait trouver un moyen de l’emmener sur le toit en angle. La glissade ne serait que plus facile par la suite.

    À nouveau, Blanche mit sa main à la vu de la sentinelle qui envoya une autre flèche et à nouveau, elle l’évita de justesse : ces petites bêtes étaient si rapide, mais si lente à recharger. Pendant que l’homme ajustait un nouveau carreau mortel dans le mécanisme, la jeune femme resta accroupie. Elle déplaça cependant une partie de son corps au mur adjacent, de manière à ce qu’Aedelrick ne voie pas ses mains. Blanche fit danser ses doigts subtilement, un simple mouvement comme si elle tentait de dissiper le vent qui soufflait. Le soleil n’était certes pas entrain de se coucher, créant de longue ombre effilée, mais l’absence de nuages suffirait amplement a faire son petit tour.

    Le garde fini par recharger son arme. Pas une seconde ne fut perdu qu’il pointait son arme vers Blanche, mais quelque chose clochait. Le soldat baissa les yeux, les remontant contre la paroi du toit à ses côtés : son ombre n’était plus qu’une grande gueule de fauve prête à l’avaler. Il sursauta, recula de plusieurs pas et lorsque ses pieds quittèrent le toit plat, Blanche sut qu’il n’était plus qu’une question de secondes. Ses doigts mouvant et dansant comme les vagues d’un océan, contrôlant l’ombre de la sentinelle apeurée, se refermèrent en un poing : l’ombre repris une forme humaine alors qu’une plaque de glace se formait sous les pieds du malheureux. Inévitablement, l’homme perdit pieds et glissa le long de la pente du toit gelée, lâchant son arme tout en poussant des cris de surprises. Aussitôt qu’il ne fut plus visible, Blanche quitta sa cachette, agitant ses mains comme si elle voulait chasser les fourmis s’y étant logées: toutes traces de magie, de l’ombre à la glace, n’étaient plus.


    « Par la culotte enflammée de Din. À croire que les déesses sont de notre côté, kiir do hiim ! » S’enquit-elle d’un ton sarcastique à souhait, tout en s’appropriant l’arbalète du malheureux. Elle ne savait quel sort le destin avait choisi pour lui, à savoir s’il s’était fracassé la tête dans les rues du bourg ou si ses petits membres le retenaient toujours au rebord du toit d’une chute fatale. Mais ce qui était certain, c’est qu’il n’aboyait plus comme un chien enragé. Blanche se rapprocha à nouveau de son compagnon, l’arbalète sur l’une de ses épaules. Certes, elle n’avait qu’un carreau, mais c’était déjà ça.

    « Tu crois qu’il y en aura d’autres ? »

    Une question, simple. Blanche n’avait pas de réelle intention : tuer n’était pas un passe temps et elle considérait qu’elle avait laisser une bonne chance au garde de sauver sa vie si s’était le souhait des Déesses. Certes, le plan que le voleur avait en tête aurait pu aussi bien fonctionné, mais elle détestait jouer les appâts. Et les risques auraient été plus grands, elle en était sure. Elle lui fit un petit signe de tête pour lui signifier qu’elle était à nouveau prête à le suivre. Sans même attendre sa réaction – c’était surtout des questionnements auxquels elle s’attendait – la sorcière fit quelques pas dans la direction qu’ils prenaient tout à l’heure avant d’être intercepté.

    « Tu marches ? »


Aedelrik


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« Parce que j’ai l’air d’un appât, hinzaal ? »

Un sourire malicieux vint au Renard, qui ignorait le sens de ce dernier mot mais dont l'imagination travaillait à en trouver un. Décidément, à présent qu'il l'entendait depuis plusieurs minutes, il commençait à trouver quelque chose de familier à cette langue, sans pour autant la connaitre. En fait, elle lui évoquait à chaque fois la tignasse rousse et la moue boudeuse de Lanre, sa voix grave et les chants qui accompagnaient certaines de leurs soirées d'amitié. Se pouvait il que tous les Cealds aient décidés de le rejoindre dans ce bout de royaume perdu aux confins du monde ? Aedelrik repoussa cette idée, la jeune fille ne lui évoquant aucun des deux hommes de ce peuple qu'il avait connu. Un nouveau cri de la sentinelle le ramena sur terre et il risqua un coup d'oeil, tentative rapidement avortée par un nouveau beuglement, signifiant qu'il avait été repéré. Aussitôt, il revint à l'abri, jurant sur ses dieux.

« On devrait plutôt attendre un peu. Le destin peut parfois jouer en à la faveur des plus patients. »

« Bien sur, qui sait ? Peut être que quand il aura fini son service, il nous invitera à aller boire un verre ? »

Le Renard affichait son plus beau sourire sarcastique, profondément amusé à l'idée que la jeune femme choisisse un tel moment pour philosopher. Néanmoins, lorsqu'elle leva sa main, il craignit un geste inconsidéré et jeta son bras vers elle pour l'en empêcher... Avant que le trait ne passe tout prés et qu'il ne comprenne finalement le sens des mots de Blanche. Une arbalète n'était pas un arc. N'importe quel paysan pouvait la manier, ce qui avait mené les nobles à la considérer comme une arme "déloyale", peu enclins qu'ils étaient à se faire percer de traits par un simple serf. Mais en contrepartie de cette puissance, il y avait le temps de recharge, très long. En somme, pour abattre le gêneur, il leur faudrait être rapides ET patient.
Aedelrik allait proposer un nouveau plan moins risqué pour sa compagne, mais celle ci s'écartait déjà de lui. Un nouveau carreau la frôla, de peu. Le Renard sentit ses tripes se tordre devant les risques immenses que Blanche prenait alors, d'autant qu'il ne parvenait à en saisir le sens. Se mouvoir dans cette direction ne la rapprochait pas de l'homme. Elle ne pourrait que faire un faux pas. Entendant le son de la corde en train d'être tendue, le voleur jura une nouvelle fois et jaillit du revers du toit, se préparant à utiliser une rune de flash.

Il ne devait jamais oublier ce que ses yeux virent alors. L'ombre de la sentinelle changea de forme, devint fauve, devint gueule de fauve. Aedelrik resta stupéfait pendant que l'homme reculait et glissait sur de la glace, fait d'autant plus étrange que l'hiver était loin. Aussitôt qu'il eut chuté, Blanche sortit de son abri, secouant ses mains. Profondément perplexe, le Renard tentait de comprendre le plus vite possible, sans avoir à poser de questions et à paraître idiot. C'était déjà bien assez le cas à son goût.


« Par la culotte enflammée de Din. À croire que les déesses sont de notre côté, kiir do hiim ! »

« Les déesses... Ou bien d'autres étrangetés. »

Blanche ramassa l'arbalète, tandis que le Renard l'observait. Ses mains tremblaient légèrement. Il n'était pas besoin d'être devin ou savant pour comprendre ce qui venait de se passer. Aedelrik se demanda un instant si il avait bien fait de se lier, même légèrement, à une magicienne. Là d'où il venait, sans être profondément détestés, les adeptes de ce genre de pratiques étaient légitimement craints. On faisait appel à eux par désespoir seulement, car on savait qu'une fois en contact avec eux, on attirait les bizarreries. Un magicien dans le hall, c'était des ennuis assurés. Quand bien même le Renard possédait des runes magiques et était ouvert d'esprit, la perspective de s'associer à Blanche en était radicalement transformée. Après tout, comment négocier avec quelqu'un capable de vous changer en rat, ou mentir quand la personne peut lire dans votre esprit : autant d'entraves à l'art des affaires.
Elle s'approcha de lui, l'arbalète sur l'épaule, comme si rien ne venait de se passer. Lui tressaillit doublement, parce qu'il ne pouvait s'empêcher de la craindre, et aussi de la trouver belle.


« Tu crois qu’il y en aura d’autres ? »

« Je... J'espère pour eux que non. »

L'allusion était grosse comme une maison mais autant qu'elle sache qu'il avait vu et compris. Peut être même le savait elle déjà, si elle pouvait lire dans ses pensées. Mais si c'était le cas... Aedelrik rosit légèrement en pensant que Blanche captait son attirance pour elle. Et puis, il ne put retenir un léger rire, nerveux, tant il se trouvait ridicule. Après tout, la jeune femme, toute magicienne qu'elle était, venait de l'aider et il ne songeait qu'au danger qu'elle pouvait représenter pour lui. Si il avait dû subir un sort, c'eut été dés qu'elle l'avait tiré dans cette ruelle sombre et sale où personne ne l'en aurait empêché. Rassuré par ces pensées, il l'observa avec un regard moins méfiant et plus digne de lui.

« Tu marches ? »

« Et comment ! Laisse moi juste un instant. »

Aedelrik se pencha au délà du rebord pour découvrir que la sentinelle avait réussit à s'agripper à une poutre dépassant au dessus de la rue et restait suspendu dans le vide, à plusieurs étages de hauteur, tout son salut reposant sur la force de ses bras. Une expression profondément choquée gravée sur son visage, il gémissait devant l'effort auquel il était forcé et pour lequel il ne semblait pas préparé. Sans doute pas un mercenaire entraîné ou un soldat royal, tout juste un pauvre hère à qui on avait donné du travail pour quelques malheureux rubis. Le Renard se devait de faire passer un message.
D'un bond souple, il sauta du toit sur la poutre et atterrit avec agilité, à la manière d'un chat. Son regard vint se planter dans celui de l'homme. Des yeux froids, sévères, vengeurs plongèrent au fond de son âme. Alors, il se redressa et avança, un pas après l'autre. Chez la sentinelle naquit une profonde panique, qui s'accentua à chaque choc des bottes cloutées d'Aedelrik sur le bois. Aux gémissements succédèrent les appels à la pitié qui furent suivis par les pleurs et les cris. Finalement, lorsque le Renard parvint à côté de l'homme, toujours suspendu, il déclara, froidement.


« Toi et tes patrons pensiez peut être pouvoir contrôler ma ville ? Amusant. Au bout du compte, te voilà, toi, au bord du gouffre. Tu seras un exemple pour les autres. Adieu. »

Aedelrik abattit ses bottes sur les doigts crispés de l'homme. Ce dernier hurla, refusa un instant de lâcher bon, puis ses mains l'abandonnèrent. Il chuta... dans une charrette remplie de fumier. Le voleur partit d'un rire franc et cria à son attention,

« Avec les compliments de Maître Renard ! »

Aussitôt, il remonta sur le toit pour rejoindre Blanche, à qui il adressa un sourire satisfait de grand enfant fier d'une bêtise particulièrement savoureuse. Il ne restait pas grand chose de ses craintes d'alors, mais son regard sur elle avait changé. Il repensa à l'instant où, plus tôt et au dessus de la foule, il avait cru voir en elle une chose fragile et facile à voler... Le voleur s'était rarement autant trompé. Finalement, il déclara,

« Allez viens, je dois toujours te montrer quelque chose. »

Et leur course reprit de plus belle. A présent qu'ils se trouvaient dans le quartier des marchants, les rues s'élargissaient et ils devaient souvent ruser pour les traverser. De fait le bon chemin n'était pas évident à apercevoir. Heureusement l'expérience du Renard lui servait et il faisait attention à attendre sa compagne, non pas par condescendance mais parce qu'il n'avait pas envie de la perdre, et de laisser reposer une deuxième rencontre sur le hasard. Bien qu'elle ait pu l'effrayer avec ses pouvoirs, Blanche possédait quelque chose de fascinant pour le Renard. Cela piquait au vif son esprit et dépassait largement la dimension physique, ainsi que le désir animal présent en chaque être humain. Cependant, Aedelrik ne parvenait pas à mettre des mots dessus, à cerner correctement Blanche, et cela le poussait encore plus vers elle.
Finalement, ils arrivèrent à un toit qui dominait les autres et d'où on pouvait observer tous les environs. Après avoir aidé Blanche à se hisser, le Renard s'assit et laissa, silencieux, la jeune femme observer le spectacle qui s'offrait à eux. Ils étaient alors non loin du temple du temps, mais une grande partie de ce qu'ils pouvaient observer était occupé par un ensemble de grandes maisons formant un carré parfait dans la ville. En fait de maisons, il s'agissait presque de manoirs, fortifiés et très riches architecturalement, garnis de tours et gardés par des hommes en uniformes royaux. Le voleur laissa le silence s'imposer quelques secondes, puis, il parla, d'une voix las.


« Ce que tu vois, c'est la forteresse de l'avarice, la citadelle de la richesse. C'est une hydre qui garde un trésor fabuleux. Tous les personnes les plus importants de cette ville habitent dans ce château étrange, dont chacun possède une part. La plupart de ces gens sont corrompus et ils ont volé leurs richesses, comme moi, excepté que eux ont la loi avec eux. »

Aedelrik sortit d'une besace une pipe, qu'il entreprit de bourrer de tabac, et d'allumer. Cela lui arrivait assez régulièrement de venir à cet endroit et d'observer son pire ennemi, sa némesis : l'antre du dragon gardant l'or accumulé par le feu et la destruction. Bien sur, ces hommes ne tuaient pas, mais ils laissaient mourir l'affamé, ils montaient les prix du blé lors des famines, ils crachaient sur les mendiants...

« Tu vois, je ne suis pas un ange. J'ai fait des tas de choses mauvaises dans ma vie, mais j'ai toujours fini par en être puni, parce que c'est le prix qu'il faut payer lorsqu'on veut s'écarter des règles établies. Ces gens là le font mais sont trop puissants pour que la loi les punisse. Alors, moi, j'ai envie de les faire payer. Je veux les frapper là où ça leur fera le plus mal, au coffre fort. Leur prendre tout, sans demi mesure. »

Il tourna son regard vers elle, et lui tendit sa pipe comme une proposition muette, tout en ajoutant, une pointe de malice faisant naître un sourire,

« Je ne pourrais pas y arriver seul. »


Blanche


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(vide)

    Telles les serres d’un rapace, Blanche s’était saisit des yeux d’Aedelrick. Elle lui faisait peur et à cette simple idée la jeune femme se mordit les lèvres avant qu’elles ne s’élargissent en un sourire carnassier. La plupart des espèces animales dévoilaient leurs dents comme une menace, un écran d'agression et de leadership. C’était aussi un rappel que leurs mâchoires acérées pouvaient et ouvriraient une gorge insubordonnée. Blanche voulait que les gens songent à cette image quand elle souriait de la sorte. Il y avait longtemps que la jeune femme à la chevelure corbeau avait fait peur à quelqu’un involontairement. La sensation lui plaisait, ce regard lui plaisait et ce petit rire nerveux qui s’échappa du rouquin l’était tout autant. Mais elle se rappela les malheurs qu’il lui était arrivé quand les gens savaient et à cette simple idée, les émotions peinturées sur son visage s’estompèrent.

    Car Aedelrick avait vu. Blanche aurait préféré qu’il en soit autrement, mais elle était loin de posséder le don du Temps. Le rouquin lui tourna le dos et la jeune femme se permit de le fusiller du regard alors qu’il s’éloignait. Sans elle. Jusqu’à ce qu’il disparaisse du toit pour rejoindre les poutres plus basses.

    Blanche encaissa un vif pincement au cœur : ça y ait, elle l’avait fait fuir. La jeune femme pointa l’arbalète chargée sur lui, sans hésiter, tout en s’approchant du rebord du toit d’un pas pressant. Il n’était certainement pas question de laisser un pauvre voleur aller radoter qu’une femme dangereuse doter de pouvoir magique rodait dans les parages. Il n’était pas non plus question de créer une chasse à la sorcière. Certes, les Hyliens étaient doués de magie, mais combien l’était pour la magie noire ? Penseraient-ils qu’elle se rangerait du côté du Seigneur du Malin alors que la fille de l’Ouest se fichait complètement de la guerre ? Elle avait accomplie la sienne, elle n’en combattrait pas d’autres de sitôt.

    Lorsque ses orteils ne touchèrent que le vide, Blanche s’arrêta et suivit la dégringolade contrôlée du voleur en ne quittant sa mire pointée directement sur ce dernier. Habile comme un simien, le rouquin s’arrêta bien vite à la hauteur de la pauvre sentinelle qui avait réussie à s’accrocher désespérément à la vie. La sauvageonne compris rapidement et laissa l’arbalète retomber sur ses cuisses : il voulait seulement s’assurer de certaines choses qui ne la regardait pas. Elle fit dos à la scène, tendant tout de même l’oreille à ce qui se déroulait plus bas.

    Aedelrick remonta bien rapidement, au grand soulagement de Blanche qui resta de marbre, ne lui lançant qu’un bref et vague regard avant qu’il ne décide à se remettre en route. À nouveau, les deux comparses escaladèrent quelques toits et sautèrent par dessus quelques vides. Le rouquin était rapide, Blanche devait bien lui donner, mais l’arbalète qu’elle trainait ne l’aidait certainement pas à gagner en vitesse. Cependant, elle profitait de ce manque de vitesse pour jeter ses yeux une fois de temps en temps aux toits adjacents, à la recherche d’autres sentinelles.

    Finalement, ce fut grâce à la main tendue du voleur que la jeune femme parvint à atteindre le dernier toit. Ils surplombaient les demeures des nantis. Blanche pouvait voir le Temple du Temps ainsi que le Castel au loin. Les yeux rivés à l’horizon, elle marcha d’un pas souple, déliant le poids des sauts et de la course de ses chevilles alors que son cœur tentait de reprendre un rythme plus normal. D’un revers de main, elle essuya les quelques gouttes de sueurs qui perlaient sur son front tout en dégageant les cheveux noirs qui s’étaient collés à sa figure. Sur les toits, il n’y avait nul part pour se cacher de l’astre solaire et Hyrule était beaucoup plus chaud que ses terres natales. Bien que cela faisait plus d’un an qu’elle y était, la chaleur restait souvent un problème quand elle pratiquait des sports tels que la course et l’escalade.

    Aedelrick prit la parole, d’un ton bien plus grave que ce que la belle lui connaissait. Pas une fois n’eut-elle le besoin, ni l’envie de placer un mot, ni même de lui lancer un regard. Elle sentait qu’elle remplissait le rôle de confidente au voleur et c’est seulement lorsqu’il lui tendit la pipe qu’elle ressentit le besoin de s’exprimer.


    « En effet. Tu ne pourras y arriver seul. » Murmura-t-elle, répétant l’évidence même, les yeux toujours rivés sur le paysage que la cité lui offrait. La sauvageonne soupira, abaissant ses yeux sur la pipe toujours tendue dans sa direction.

    « Et que feras-tu de cet argent, Aedelrick ? » Voix douce, mais acerbe de son accent. Yeux perçants décrivant l’horizon. Ses doigts avaient agrippés la pipe qu’il lui tendait sans jeter un œil à son propriétaire. « Il y a un paradoxe associé à l’esprit de vengeance : il rend dépendant de ceux qui les ont blessés, croyant que leur libération face a la douleur ne viendra que lorsque leurs bourreaux souffriront. » La femme de l’Ouest porta la pipe a ses lèvres et inspira longuement, laissant la fumée lui bruler gorge et poitrine avant de relever légèrement le menton, laissant le nuage blanc s’échapper d’entre ses lèvres aux couleurs des baies rouges. Elle la redonna à son propriétaire. « Mais je connais ce chapitre du monde, kiir do hiim. Le pardon est la meilleure des solutions. »

    Asvald. L’homme en qui elle avait eu le plus confiance. Celui qui l’avait sauvé pour mieux la tuer. Quand il lui avait révélé ses réelles intentions, elle lui en avait voulu et même après l’avoir tué, elle lui en avait encore plus voulu. Avec le temps, Blanche avait appris : la vie devenait toujours plus facile lorsqu’on apprenait à accepter une excuse jamais reçue. Puis tout comme Aedelrick, Blanche avait été punie pour les actes de sa petite bande de justicier. Elle avait appris à fuir ce quartier en particulier et à ne point y remettre les pieds, respectant les dernières paroles de Càel avant qu’il ne l’assomme pour lui sauver la vie. La pauvre s’était éveillée dans un coffre, sous une tonne de tissu divers. Au moins avait-elle la vie sauve. Bien que pendant un moment, cette vie ne voulait plus rien dire. Elle n’avait même pas cherché à se venger et l’envie n’était toujours pas présente aujourd’hui.

    « Mais je me demande, repris-t-elle de plus bel, plongeant à nouveau ses yeux ni bleu ni violet dans les émeraudes du voleur, ne te disais-tu par prêtre de l’argent ? En volant ma bourse, n’essayais-tu pas de te hisser à la même hauteur que ces riches gens que tu détestes ? De faire ta propre loi au dépend de la liberté d’une autre personne ? »

    N’avait-il pas vu qu’elle avait besoin de cette bourse pour vivre ? N’avait-il pas vu ses maigres vêtements et ses pauvres peaux qui la couvraient ? Elle était encore plus misérable que lui et en volant sa bourse, qu’est-ce qui lui disait, à ce voleur, qu’elle ne mourait pas de faim la nuit prochaine, la panse vidé depuis des semaines ? Et cet échange de service, en échange de sa bourse, n’était-ce pas une certaine corruption en soi ? Si elle cherchait à le piéger, peut-être, mais ce n’était certes pas son but principal. Non, le principal, c’était de savoir si elle pouvait réellement s’allier à lui. Il était bien beau vouloir faire justice, mais le résultat devait bénéficier à la majorité du parti blessé et non au plus ardent de ses membres.

    «Tafiir, je te suivrai seulement si tu me fais une promesse. » Sa voix était grave, mais mordante. Promesse. Voilà un mot que la jeune femme n’appréciait guère. Le peu de promesse qu’on lui avait faites avaient été brisées. Mais n’était-ce justement pas le meilleur moment de voir si Aedelrick était un homme avec un tant soit peu d’honneur ? Blanche n’avait pas quitté ses yeux. Ils étaient le miroir de l’âme. Elle saurait s’il mentait.

    « Ce que nous prenons, nous n’en gardons qu’une faible partie. Remettons le reste au peuple. Remettons le à ta ville. »

    Oh, oui. Elle l’avait entendu parler au garde et le cri qui avait percé l’atmosphère du bourg. Toi et tes patrons pensiez peut être pouvoir contrôler ma ville ? se remémorait-elle. Il ne s’agissait pas de sa ville, ni celle de la Princesse. Avant de devenir ville, les terres appartenaient aux Déesses et aux esprits d’Hyrule. Le monde n’appartenait à aucun être mortel. « Et puis, remettre les biens à travers la population nous protègera : la piste sera froid et plus difficile à suivre. » Un argument plus logique, solide. Le voleur n’était probablement pas un homme de foie, Blanche devrait donc le convaincre avec des arguments plus palpables.


Aedelrik


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(vide)

« En effet. Tu ne pourras y arriver seul. »

Le Renard la regarda, avec un air malicieux. Elle n'avait décidément pas sa langue dans sa poche, ni de timidité à balancer sans ménagement aux gens les vérités qui lui venaient à propos d'eux. Aedelrik entrouvrit les lèvres et laissa s'échapper un filet de fumée blanche, avant de les refermer. Il commençait à apprécier la jeune femme. Elle avait le caractère bien trempée, comme une Treak'n qu'il avait un jour pris sous son aille. Son regard s'assombrit un instant.

« Et que feras-tu de cet argent, Aedelrick ? »

Il releva le nez, la considéra un instant comme si elle venait de lui demander ce qu'il pensait du soleil et de la lune, et réprima un sourire moqueur. Après tout, que pouvait il bien répondre qui ne soit pas d'une platitude absolue ? L'argent était le nerf de la vie. C'était ce pourquoi les gens se levaient le matin, ce à quoi ils pensaient en travaillant, et ce qui les poussait à se reposer chaque nuit pour recommencer la même routine le lendemain. Les rois, les artisans, les filles de joie, tout le monde était obsédé par l'or. Pourquoi un Renard ne le serait il pas ?
Mais, en réalité, c'était un peu plus compliqué. Ca l'était toujours, avec lui. Longtemps, avoir de l'argent signifiait survivre, mais à force d'accumuler les moyens de sa survie, Aedelrik était devenu riche. Pourtant, jamais il n'avait cessé d'amasser, jusqu'à ce qu'on le prive finalement de tout. Parce qu'il se sentait motivé par autre chose. Cherchant ses mots, il s'humecta les lèvres avec sa langue, laissant le reste de la fumée s'échapper, puis finalement répondit,


« L'argent est un réconfort, le meilleur. On peut l'utiliser pour acheter de quoi oublier sa peine, mais pas seulement. Tenir un simple pièce devant ses yeux, sentir le métal précieux sous ses doigts... C'est la plus forte des drogues, la plus enivrante. Et j'y suis accro depuis longtemps. »

Elle tira sur la pipe et il en profita pour l'admirer, tâchant d'être discret. Le Renard n'écouta qu'à moitié ses mots sur la vengeance et le pardon. Sans doute était ce un discours raisonnable et sage, mais lui était plus terre à terre. Après des années à vivre dans la fosse d'une société, on en adopte les lois pour ne pas nourrir les vers. Et là où il était passé, Aedelrik avait apprit que rendre les coups était la première condition du respect, et que le pardon pouvait se révéler une arme puissante mais dont ne devait user qu'avec précaution.
Lui ne pouvait pas pardonner. Ni aux assassins de son père, ni aux enfants de putain qui lui avaient deux fois pris tout ce qu'il possédait, ni à ces riches qui condamnaient des gamins à vivre de la mendicité et du vol, au risque d'être battus à mort par la garde. Des gamins dont il avait fait partie, à une époque. La pauvreté n'était pas comme la grêle ou un ouragan : un fardeau venu des dieux. C'était le fruit de l'égoïsme et de la rapacité. Une loi immuable que des hommes imposaient aux autres : Pour que certains soient riches, il faut que les autres crèvent de faim.
Alors que le Renard tendait le bras pour reprendre sa pipe, leurs regard se croisèrent, et il baissa les yeux en premier.


« Mais je me demande, ne te disais-tu par prêtre de l’argent ? En volant ma bourse, n’essayais-tu pas de te hisser à la même hauteur que ces riches gens que tu détestes ? De faire ta propre loi au dépend de la liberté d’une autre personne ? »

La gorge d'Aedelrik se serra légèrement. Il faut imaginer combien il peut être difficile à un voleur de se justifier, moralement. Chaque mot de Blanche sonnait comme une sentence de la Justice : aussi dure que juste. En y repensant, il n'aurait pas dû chercher à la voler. C'était une envie d'enfant, de s'attaquer à une cible qui lui avait paru "facile". Si il avait su !
Néanmoins, c'était vrai que depuis son arrivée à Hyrule, il n'avait fait qu'utiliser le fruit de son labeur pour lui même... Pourtant il y avait une nuance, de taille, entre lui et ces rapaces qu'il méprisait.


« En ce moment, je vis chez un aubergiste qui m'a ramassé ivre un soir. Jamais il ne m'a demandé d'argent pour ce qu'il me donne : un toit, un lit, de quoi manger. Il est trop fier, et trop bon pour ça, alors même que son auberge va mal. Je pense qu'il me voit comme son fils, mort à la guerre. Il tira sur sa pipe, sa main tremblait et une partie de lui même se demandait encore pourquoi il racontait tout ça, Du coup... je glisse régulièrement des rubis dans sa caisse, avec l'aide de sa fille. Pratiquement tout ce que je vole depuis des mois lui est revenu. »

Le Renard sourit, nerveusement. Il avait bien sur évité d'évoquer la reconnaissance d'Allyn, et leur lien. Mais quand bien même se serait elle montrée moins farouche qu'il aurait sans doute répondu de la même manière à la générosité de son père. Aedelrik se croyait cynique, mais le vieil homme l'avait désarmé, dés le premier jour, avec sa gentillesse.
Un instant, il se maudit de s'être autant ouvert. Une faiblesse avec laquelle il cédait trop souvent à son goût.


«Tafiir, je te suivrai seulement si tu me fais une promesse. »

Le voleur se raidit. Il haïssait engager sa parole, s'enchaîner par un serment. Il préférait laisser ça à des gens bornés et peu imaginatifs, qui se rassuraient les uns les autres et pensaient se protéger par des mots "sacrés". Globalement, les promesses n'étaient que des sources de déception. Mais le regard et le ton qui avaient soutenu la voix de Blanche le poussèrent à acquiescer et à attendre qu'elle poursuive.

« Ce que nous prenons, nous n’en gardons qu’une faible partie. Remettons le reste au peuple. Remettons le à ta ville. »

Aedelrik ouvrit légèrement la bouche, les yeux grands ouverts, puis détourna la tête pour ne plus afficher ainsi son trouble. Surprit, il l'était. La jeune femme venait de frapper un grand coup, puisque la suite de leur relation serait lié à sa promesse, et qu'elle semblait ne pas prendre ça à la légère. Pour autant, l'idée restait déplaisante, voire absurde, à un voleur, de dilapider ainsi un bien durement acquis. A ce compte là, autant jeter les coffres volés sur la place du marché ! Etait ce ainsi qu'il pourrait établir sa domination sur la ville ?!
Et ce fut comme une révélation.


« Peut être bien... »

« Et puis, remettre les biens à travers la population nous protègera : la piste sera froid et plus difficile à suivre. »

Le Renard se tourna vers Blanche, planta tes yeux émeraude dans les siens. Sans doute ne partageaient ils pas exactement le même point de vue, mais elle savait user de logique autant que lui. Seulement, là où elle voyait une protection, lui voyait de l'influence. Ce qui était pour elle un acte altruiste, il en évaluait les gains possibles. Et ceux ci lui apparurent immenses.
Non pas en espèces sonnantes et trébuchantes, mais bien en pouvoir. Au choix, préfère toujours l'amour du peuple à la crainte, disait le philosophe. Aedelrik commençait à comprendre le sens profond de ces mots et la leçon qu'il pourrait en tirer.


« Si tu donnes les biens des riches aux pauvres, les premiers persécuteront les seconds... Le voleur se releva, son regard toujours plongé dans celui de Blanche, Ils auront besoin de protecteurs. Et je connais précisément les personnes qu'il leur faudra. »

Aedelrik s'étira lentement, s'approcha de sa compagne, rangea sa pipe dans un sac à sa ceinture et lui tendit une main, comme une invitation. Il souriait en coin, non moqueur, mais complice,

« Je suis prêt à te promettre ce que tu voulais. Es-tu prêt à t'associer à quelqu'un comme moi ? »

La question ne manquait pas de sens. Sa compagnie n'était pas très réputée.


Blanche


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(vide)

    Aedelrick répondit à chacune de ses questions entre quelques sourires moqueurs et quelques bouffées de fumée. Elle était loin d’être d’accord sur chacun de ses points : l’or n’était certainement pas une drogue pour la jeune femme, mais se donnerait-il le temps d’expliquer, elle pourrait probablement comprendre son point.

    « En ce moment, je vis chez un aubergiste qui m'a ramassé ivre un soir. Jamais il ne m'a demandé d'argent pour ce qu'il me donne : un toit, un lit, de quoi manger. Il est trop fier, et trop bon pour ça, alors même que son auberge va mal. Je pense qu'il me voit comme son fils, mort à la guerre. Du coup... je glisse régulièrement des rubis dans sa caisse, avec l'aide de sa fille. Pratiquement tout ce que je vole depuis des mois lui est revenu. »

    Il avait totalement esquivé sa question par rapport aux premiers moments de leur rencontre. Il avait l’intention de la voler pour mettre ses rubis dans la caisse de quelqu’un d’autres ? Elle n’y croyait pas vraiment. Blanche aussi avait quelqu’un a remercier, quelqu’un qu’elle faisait vivre dans l’ombre. Elle était la bonne âme gardienne de quelqu’un, comme Aedelrick l’était pour cet aubergiste qui l’hébergeait. Si l’homme s’était emporté par le moment, la jeune femme devenant une confidente, Blanche restait muette à propos de l’orphelinat et se demandait comment ce même aubergiste réagirait si il apprenait que celui qu’il considérait comme fils volait les gens pour mieux l’enrichir. Il était un voleur et aux yeux de Blanche, le rouquin se voyait seulement comme tel, alors qu’il lui avait démontré une agilité et de grands potentiels sur les toits. Il devait en avoir bien d’autres pour être encore en vie : pourquoi ne mettait-il pas ses aptitudes de l’avant afin de réaliser des travaux sincères ? Peut-être préférait-il les solutions plus simple, plus lâche.

    La jeune femme renifla, déçue plus qu’ennuyée : elle n’avait certainement pas la tête à lui remettre ses défauts et ses qualités en pleine face et faire la mère poule malgré elle. Blanche l’avait déjà fait et son message semblait n’avoir heurté aucune corde chez son compagnon. Tant pis. Et puis de toute manière, avec le temps et la solitude, elle était devenue experte en monologue interne. Et qu’avait-il finit par répondre à sa promesse ?


    « Peut être bien... »

    La mendiante grinça doucement des dents : ce n’était pas une réponse suffisante. Blanche avait lâché l’horizon pour venir cueillir la paire d’émeraude qui la fixait. La jeune femme au teint cuivré supporta son regard. Elle sentait qu’il essayait de lire en elle, mais elle se faisait aussi froide qu’une tempête hivernale. Elle avait longtemps appris à atténuer les émotions qui pouvait transparaitre dans ces miroirs sur l’âme.

    Aedelrick avait pris à nouveau la parole. Il soulevait un point en disant que les riches persécuteraient les pauvres, mais le peuple possédait un plus grand nombre d’individu : les plus forts et les plus fous se rebelleraient face à ces gestes et le reste suivraient. Rien n’était sûr, mais en effet, ces soient disant « personnes qui leur faudrait » pourrait clairement supporter les idées populaires. Elle ne savait s’il parlait de lui et d’elle-même ou s’il connaissait effectivement d’autres personnes – ce qui ne l’aurait pas non plus étonnée – mais à ce niveau, il s’agissait probablement plus de son domaine que du sien.

    Blanche l’avait laisser s’approcher d’elle sans broncher, alors que plus tôt, elle aurait fait quelques pas afin de retrouver un espace suffisant propre à sa personne. Son sourire moqueur qu’elle commençait si bien à connaitre se changea en quelque chose de moins arrogant qui allait beaucoup mieux au visage du rouquin.


    « Je suis prêt à te promettre ce que tu voulais. Es-tu prêt à t'associer à quelqu'un comme moi ? »

    Blanche avait quitté les yeux du voleur pour mieux les poser sur cette main tendue. Elle détestait les poignées de main, sentant les bandages sur ses mains devenir insuffisant à cacher ses tatouages, comme si l’encre pouvait tâché la main de l’individu et que tout son savoir, toute son histoire et toute ses souffrances pouvaient être ressentis dans un moment si bref. Elle redoutait le jour ou un second Asvald se pointerait et lui ferait vivre à nouveau des géhennes. Peut-être que cette seconde fois, elle n’aurait pas la chance qu’elle avait eu la première fois. Que les Déesses d’Hyrule la protège. Elle soupira avant de relever les yeux vers le rouquin, loin de lui remettre un sourire comme il le faisait, bien trop soucieuse à l'idée de cette poignée de main.

    La jeune femme tendit finalement la main, la glissant dans celle du rouquin avant de la serrer et de la secouer légèrement. Une très brève poignée de main avant qu’elle ne s’écarte à des distances qui lui semblaient plus convenables. Blanche laissa le vent lui caresser les joues à nouveau. Elle venait d’accepter une association avec ce drôle d’individu.

    Pour le moment.
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