Posté le 14/07/2018 13:55
"OOhéé! Gamine! On est arrivés!"
L'homme tira sur les rennes et fit faire halte a son poney. Depuis plus de trente ans, il parcourait les routes d'Hyrule, de long en large. Il transportait marchandises et passagers. Si les premiers étaient son gagne pain, les seconds lui permettaient de ne pas devenir ronchon. Non pas qu'il ai un penchant au maussade. Non, simplement que c'est bien plus agreable de partager du temps avec quelqu'un capable de vous répondre. Mais la gamine, actuellement a l'arrière de sa charette, elle ne décochait pas un mot. Le Paysan l'avait ramassée trois jours plus tot dans un trou paumé.
Décharnée et a bout de forces, Eorah était presque passée sous les sabots du poney. A un moment elle y avait vu un moyen radical de mettre fin a ses souffrances. Cependant ça aurait été trop facile et la Vie le lui fit bien comprendre. Apres avoir écopé d’ecchymoses supplémentaires sur le visage et le dos, Eorah grimpa avec l'aide du Paysan a l'arrière du véhicule. "Et t'vas où comme ça?" Lui avait-il demandé en scrutant les profondeurs du capuchon épais qu'elle arborait désormais jour et nuit. Car en effet, la seule lumière du soleil pouvait être insupportable a la Sheikah. "Bourg d'Hyrule" Avait elle croassé, éclatant les gerçures qui lui barraient les lèvres. A nouveau le gout métallique de son propre sang dévala sur sa langue. A nouveau un petit éclair de douleur lui explosa a la figure. Depuis qu'elle avait quitté Lanre, Eorah s’était lentement enfoncés dans les voies de la dégénérescence. Sa peau autrefois de porcelaine, etait aujourd'hui d'un tein gris, sillonné de veines violacées, surtout au niveau des mains; des yeux et du cou. Ses prunelles de sans semblaient éteintes et briller a la fois d'un eclat mauvais. Comme si deux personnalités se disputaient la carcasse défraîchie. Il semblait meme que ses dents avaient poussés, si cela était possible, et si on regardait bien, elle paraissaient plus pointues que quelques mois plus tot. Ses cheveux tombaient par poignées. Et elle puait, la charogne et la maladie. Eorah puait la mort. Elle était toujours sur la piste d'un médecin capable de la remettre sur pied. Mais jusqu’à maintenant impossible de trouver ce qui n'allait pas chez elle. Tout ceux que la métisse avaient rencontrés s’était acharné a cautériser, coudre et panser les plaies. Pour baisser les bras en découvrant de nouvelles blessures sur le corps de la jeune femme, alors qu'elle ne bougeait presque pas. C’était a ne rien y comprendre. Magie, médecine, rien y faisait. La jeune femme y avait laissé la plus grosse partie de son argent. Le plus dur pour Eorah c'était ce sentiment d’échec. L'amertume de la défaite lui brûlait souvent le palais depuis qu'elle s’était échappée des geôles du Désert.
Pourtant cela n'avait pas empêché le Paysan de vouloir l'aider. Malgré la frayeur quand ses mains ont frolé la carcasse fragile. Malgré le frisson désagréable quand le regard rouge s'est tourné vers lui. Il s'était beaucoup questionné sur cette enfant maladive. "T'y d'vrais manger un peu plus Gamine. Ou ton mari y risque de fiche le camps. C'est'y plus joli une fille charnue!" La Sheikah l'avait laissé parler. Une horrible migraine lui battait les tempes. Elle s’était avancée dans le tas de foin en se tenant la tête a deux mains. Elle était presque tombée dans l'or sec et depuis y comatait lourdement, a peine consciente de ce qui se tramait autour d'elle.
Et maintenant il fallait se lever et reprendre sa route. Les os de la jeune femme craquèrent de façon sinistre quand elle se redressa. Durant quelques seconde le monde tourna et elle se retint de justesse au rebord de la charette, la nausée aux lèvres. Lors de la précédente nuit Misère avait prelevé un lourd tribu sur le corps de son hôte, laissant Eorah affaiblie. Et malgré les températures en redoux, la jeune métisse s’emmitouflait dans une lourde cape, bien chaude. "T'sais, t'd'vrais t'etre aller voir un Doc'". Le ton du Paysan était doux et sans méchanceté. Eorah hocha la tête et se defit de sa bourse. Il ne lui restait que quelques piecettes de cuivre, mais la jeune femme tenait absolument a dédouaner le brave homme.
Quand il s'en alla enfin, Eorah le regarda s’éloigner jusqu'a ce qu'il franchisse une doline et devienne invisible a ses yeux.
Entrer dans Bourg d'Hyrule ne fut pas compliqué en sois. Il restait assez de bon sens a la jeune femme pour se déplace discrètement et ne pas attirer l'attention sur elle. Choisir les rues les plus sombres et vides pour y trouver refuge. Eorah ignorait que c'était Misère qui la forçait a fuir l'astre solaire. La jeune femme s’enfonça assez rapidement dans les bas quartiers de la ville. Il y régnait comme un air de deja vu. Des odeurs familières. Comme un relent de souvenir d'enfance. Eorah ignorait ce qu'elle cherchait ici. Peut être qu'il lui fallait boucler le cycle, retourner dans la contrée brûlante, se glisser a nouveau derrière les barreaux aux mains des Disciples de Ganon, purger la peine qu'ils avaient décidé pour elle? C’était peut être là une clef pour éloigner d'elle la malchance qui la poursuivait?
Puis épuisée, Eorah vint s'appuyer contre un mur. Un voile sombre dansait devant ses yeux et elle dut les frotter plusieurs fois pour le chasser. A ce moment là, le mur qui la soutenait s'avera etre une porte. Celle ci s'ouvrit a la volée et Eorah bascula en arrière, les bras tendu comme pour attraper le ciel. Un nouvel eclair de douleur illumina son regard quand la tete de la jeune femme percuta le sol avec un bruit creux."Aie ..." gémit-elle en portant une main a son crane. Dans sa chute, elle avait perdu son capuchon. En se redressant, n'importe qui pouvait voir le carnage de sa malédiction. Ses cheveux d'argents réduits a seulement quelques meches éparses, les griffures rouges qui labouraient sa peau. Eorah remonta sa protection de tissus d'un geste nerveux.
Puis elle commenca a regarder autour d'elle. Sa vision se portait un peu mieux que cette fameuse nuit ou Roshu, Lanre et elle avaient echappé a des Bourbons enragés. Tres vite elle comprit que l'endroit etait une petite boutique. Partout se trouvaient des talismans et des amulettes. La jeune femme n'en avait jamais vu de pareilles