La quête de la Traître-Lionne

début du printemps - 6 jours après (voir la timeline)

Link

Héros du Temps

Inventaire

0,00


(vide)

La terre tâche la pulpe de ses bois tandis que, à l'horizon, une brume vorace avale doucement les Landes et recouvre peu à peu le Veld Austral. Son regard glisse, lentement, des traces de pas que sa proie a laissé dans la boue jusqu'à la mer blanche qui se dessine sous ses yeux de givre. La pluie battante qui tombe des cieux en nuée, comme une vague de coutelas froide et acérée, n'aide guère à y voir plus clair. Une part de lui, pourtant, s'interroge sur la nature exacte de cette mer de ouate qui habille tout ou partie des terres du Royaume depuis bientôt une septaine. Derrière ses lèvres fines, blanchies par le froid qui accompagne les derniers gels, ses dents grincent en silence alors que ses pensées gagnent le Château, lointain et invisible. Que fait-elle ? Comment va-t-elle ? Voilà des semaines qu'il n'a pas eu la moindre nouvelles — depuis qu'il lui a fallu, comme un voleur, la quitter. Ce monde lui semble aussi distant que les hauts remparts de l'enceinte royale. C'était avant la disparition du Seigneur du Malin, que d'aucuns appelaient alors le Roi Gérudo, Ganondorf Dragmire. L'homme a mené contre la Couronne une guerre sanglante des années durant, et quand bien même l'Hylien n'aimerait guère le reconnaître, était en bonne position pour l'emporter. 

C'était avant qu'il ne se volatilise du jour au lendemain. Aussi vite que ne passe la nuit, le Clan Dragmire s'est effondré. Sans chef de guerre, les "Lionnes" – comme le "Roi" se plaisait à les appeler – ont cessé l'offensive et ont commencé à battre en retraite, en rang dispersés. Battus en brèche par l'armée de la Couronne et son inflexible Gant-de-Fer, le Général Rusadir, les fidèles de Ganondorf n'ont eu d'autre choix que de prendre la fuite ; laissant derrière eux un royaume ravagé, des terres gorgées du sang d'innocents comme de gens-de-guerre, des landes striées par le conflit. La fin d'une interminable bataille, pas la paix.

Un soupir froid perce les lèvres du jeune homme qui, sans un mot, se relève. Il réajuste délicatement la cape de bure qui masque son visage et les sourcils lourds qui reposent sur ses yeux, tandis que son regard arpente les plaines méridionales que masque l'abattée, comme pour mieux accepter que la piste ne saurait être suivie. "Hmpf...", grogne-t-il seulement, laissant sa main gauche retrouver et flatter l'auge de son amie avant d'en épouser la rêne. Le barde et la vagabonde l'attendent, au camp. "Viens", souffle-t-il à l'attention de la jument, d'un ton qui trahit toute sa déception : voilà des semaines qu'il traque la Championne d'Aegis — la plus dangereuse, sans doute, des fidèles du Suzerain des Voleurs. Jusqu'à présent, elle a toujours su lui échapper au dernier moment, presque comme si elle avait été prévenue de son arrivée à chaque fois. "Notre invitée doit avoir froid, de toute façon", poursuit-il en vérifiant machinalement le harnachement d'Epona, non sans s'assurer que la Gérudo jetée en travers de la selle ne saurait se libérer. La jeune femme est ligotée solidement, maintenue en place par une chanvre aussi dense que serrée, le visage caché par une sacoche de burelle, aussi grossière que rêche et robuste, qui a au moins le mérite de la protéger de la pluie. Un gémissement colérique émane de l'étoffe, alors que l'ancienne fine-lame fait état de tout sa rancœur. "Je sais, je sais", répond-il seulement, comme s'il avait compris ce qu'elle avait tenté de dire, un chouïa railleur. Et lui de préciser, en se remettant en route : "Je te retirerais ça en arrivant."

Dans son dos, les beffrois de Nalm sonnent la première heure du jour, alors qu'un rayon de soleil faiblard perce à travers l'averse. L'éclaircie baigne le Veld d'une lumière froide, balayant la brume d'une lueur aussi glaciale que sinistre. Un frisson secouant son échine, le Fils-de-Personne se prend, une nouvelle fois, à réajuster son lourd manteau de bure – le même que celui qu'il portait au Désert, combattant alors pour sauver le Traître-Prince – fatigué par les âges et les éléments. Quelque chose de funeste se cache derrière la disparition de l'Elu de Din.

Il le sait.


Elia'ch


Inventaire

0,00


(vide)

"Putain de brouillard." 

Le mercenaire peste alors qu'il regarde la brume au loin. Il avait entendu de sales rumeurs à son propos et n'avait pas osé y entrer. Il ne désirait pas voir si elles étaient réelles. Il voulait traverser le Duché de Nalm et rejoindre la citadelle mais ses plans avaient été contrecarrés. Il avait donc changer d'objectifs et était reparti à la recherche des anciens partisans du dénommé "Dragmire". Il avait entendu de loin qui il était et ce qu'il avait fait. L'esclave n'en avait pas grand chose à faire, la seule chose qui comptait pour lui était que cette guerre lui avait rendu sa liberté. Le Royaume d'Hyrule ? Les Gerudos ? Ca lui importait peu. Il se préoccupait bien plus de l'argent.

Le géant était assis sur son lit, les jambes nues. Ses genoux le faisant souffrir le martyr. L'homme se pencha avec son onguent en main pour venir en appliquer minutieusement sur ses articulations de ses doigts calleux. L'onguent étant infiniment plus agréable sur sa peau que ses doigts mais il fait avec. Il fait claquer sa langue alors qu'il réalise que sa boite est vide, il sait déjà que cela va être prise de tête. Elia'ch se retourne pour prendre sa bourse et la secouer. Le cliquetis des pièces semblent suffisant pour en racheter mais c'est évident qu'il aura besoin de plus très vite. Le mercenaire lève les yeux aux ciels tandis qu'il compte sur ses doigts. Il avait apprit grossièrement à compter mais c'était encore très sommaire. Faisant de son mieux, l'inculte essaye de faire des prévisions sur ce dont il aura besoin.

Après un moment, il se relève pour saisir les quelques avis de recherches qu'il avait arrachés plus tôt sur la place de la ville et les fourre dans son sac tandis qu'il termine de se préparer.


Cela faisait maintenant deux jours qu'il était sur la piste d'une Gerudo qu'il avait repéré dans les parages. La pluie rendait la terre bien meuble sous ses bottes qui piétinaient le sol. Avec les semaines et mois, il s'était habitué à naviguer dans les terrains les plus impratiquables. Alors qu'il traquait sa proie, il commença à déceler de nouvelles traces, celle d'un humain et d'un cheval. Il grommelait déjà en s'imaginant tomber contre un autre mercenaire tout aussi intéressé par la personne recherchée.

Le guerrier passa une main sur son casque en métal pour en évacuer les dernières gouttelettes coulant proche de sa visière alors qu'il remarque soudainement un inconnu en bure au loin. Sa voix rauque perce le silence que venait de laisser planer le jeune homme pour l'interpeller alors qu'il s'approche, semblant de plus en plus grand alors qu'il ferme la distance entre eux.* "Hé." Il tourne la tête vers la personne installée à l'arrière de sa jument, très clairement étant celle qu'il recherchait depuis quelques temps. Il fit un mouvement de casque en sa direction avant de continuer. "C'est ma proie." L'homme a une main sur sa hanche, nonchalamment, tandis que l'autre est détendue, en apparence, proche de la fusée de son épée. Un guerrier avertit devinerait aisément qu'Elia'ch était prêt à dégainer au premier signe d'hostilité si besoin. Un avertissement qu'il envoyait mais aussi une menace.

Le casque de l'homme est un heaume ne laissant pas la possibilité de voir son visage et connaître son identité. Il toise l'homme de là où il est, attendant une réponse. Il avait besoin de cette prime pour ses soins et continuer de payer sa chambre. "Et les traîtres ne courent pas les rues. Enfin, les plaines" Même s'il semble nonchalant, le mercenaire est prêt à réagir selon la façon dont son interlocuteur le fera. Pacifiquement ou agressivement.


Link

Héros du Temps

Inventaire

0,00


(vide)

Elle est rauque et étouffée, comme engoncée dans un carcan de fer ou d'acier. La voix qui s'élève dans son dos, par delà le mur glacé de la bruine, est celle d'un homme que le temps a fatigué plus que ne le voudraient les années. Rustre, froide, presque cassante, elle est à l'image d'une lame qu'on aurait utilisé jusqu'à l'abîmer — d'un outil tout à la fois fragile et potentiellement dangereux. Le regard de givre du Héros glisse sans bruit sur l'Etranger, un vagabond tout de cuir bardé. Une large cape encadre des épaules aussi amples, retombant sur une broigne usée, presque hors d'âge. Son visage est caché par un heaume – le même qui retient sa voix captive – dont le vantail, frappé d'impacts, est rabattu. Une imposante épée droite alourdit la hanche du reître, la fusée halbrenée, les quillons grignotés et le fil masqué par un fourreau vermoulu. Ses longues jambes sont guindées de bottes de cuir bouilli, mangée de la même boue qui recouvre tout ou partie du Veld. Il faut dire que l'homme est grand ; plus qu'une majorité des gens qu'il lui a été donné de rencontré mais pas davantage que certains des fidèles du roi des voleuses de Gerudo.

Sans un mot, les doigts toujours fermés sur la bride de sa jument, l'Hylien s'arrête. Partiellement retourné (suffisamment pour pouvoir observer le mercenaire derrière lui, mais pas tout à fait), il jauge son vis-à-vis d'une œillade brève et détachée. Son silence laisse l'occasion à l'autre de se faire plus explicite : l'une de ses mains épouse sa hanche quand la seconde cherche refuge près de son arme. Ce qu'il devine du regard du sicaire n'est pas plus obscure puisque, même sans apercevoir ses yeux, il est aisé de comprendre où va son attention. C'est la prisonnière, le visage enfoui sous la bure et les membres liés par la chanvre qui l'intéresse. Alors que les cieux crachent des couteaux aussi froids que larmoyants, l'Etranger décide de jouer carte sur table. « C'est ma proie », argue-t-il, monotone, nonchalant sans vraiment l'être, probablement las. Un temps, l'espace d'une seconde ou de deux, l'Hylien repense à un autre chasseur de prime que la destinée a aussi jeté sur sa route. Un homme brutal, toujours en quête du prochain combat, réputé pour son talent au sabre. Celui-là n'hésitait pas à traquer lui même son butin.

Toujours aussi mutique, Fils-de-Personne laisse involontairement au reître le loisir de se justifier. Malgré l'attitude presque adverse du mercenaire, il n'a pas bougé d'un iota et se contente encore de le darder d'un regard verglacé, austère. La jument s'impatiente doucement, sans doute consciente de la tension qui pourrait naître, et la Gerudo en travers de son rachis se fait aussi plus agitée. « Celle-là n'a trahi personne à proprement parler », lance-t-il seulement, après un instant, haussant la voix alors que ne se lève un vent méridional froid comme les dernières gelées. Le Seigneur de Tarm, qui régnait autrefois sur les Gorges de Lanelle et devant qui les femmes du Désert devait théoriquement plier genou n'apprécierait sans doute pas sa façon de voir les choses. Nabooru sans doute bien davantage et le fait est que les filles des Dunes jouissaient déjà avant le renoncement de Llanistar d'une autonomie toute particulière. Mais ce n'est pas exactement de cela dont il voulait parler, de toute façon.

"Si ce sont les traitres que tu cherches, cherche ailleurs", ajoute-t-il ensuite, sans animosité. Peu désireux de tirer l'acier, mais moins encore d'abandonner la Gerudo à d'autres mains, l'Hylien préfèrerait ne pas avoir à se battre. Trop de sang a déjà coulé, trop de vie ont été fauchées et il n'aimerait pas avoir à tuer une fois encore, particulièrement pour protéger pareille personnage. Sa mésestime à l'endroit des gens-de-guerre, de ceux que le conflit attire comme le cadavre aguiche la charogne, des maltôtiers qui vivent de la mort d'autrui, ne suffirait pas à rendre cela moins difficile. En temps normal, il n'aurait probablement pas accepté d'ainsi céder sa prisonnière à un inconnu. Il ne le fera certainement pas à l'heure actuelle, compte tenu des enjeux qui se cachent derrière la Nokhtu'aa Gerudo.

Après un bref instant, le temps de s'assurer que l'Etranger ne se résout pas à l'assaut, il incite son amie à reprendre la route d'une légère secousse sur la bride. « Viens », souffle-t-il seulement d'une voix plus faible, que la pluie couvre sûrement et que le reître ne peut probablement pas entendre. Le cuir de ses bottes s'enfonce de nouveau dans le limon ténu qui tapisse les steppes du Veld alors qu'il s'apprête à reprendre la route.