Posté le 17/11/2025 22:35
Le bruit sourd d'une explosion l'arrête immédiatement. Sans un mot, le poing encore fermé sur les rennes de la jument, l'Hylien se tourne vers l'origine de la déflagration ; le givre de ses yeux accrochant les herbes hautes et les arêtes du Veld. Il a le temps de voir la foudre qui crépite au bout des doigt du Colosse d'Acier, dont le bras est levé en direction de la jument et ses dents grincent d'une colère silencieuse. Tandis que son vis-à-vis redirige son attention vers la ferme en contrebas, d'où monte une fumée noire et dense, il assène une tape sur la croupe d'Epona. "Va, souffle-t-il à son attention au même moment, retrouve l'alchimiste et le barde." Plus bas, d'autres voix s'élèvent déjà de la bâtisse. Des cris, essentiellement, certains appelant au secours et d'autres plus amusés au contraire. Le sang du Faux-Kokiri ne fait qu'un tour alors qu'il repense à la Citadelle Noire et aux vies brisées sur ses murs il y a de cela quelques années. Il revoit les corps qui jonchent le sol de la Forteresse Gérudo ; sœurs de Nabooru, guerriers Dragmire et soldats de la Couronne — les ruines fumantes du Ranch, la Grand-Place éventrée de Cocorico. Une part de lui ne comprend toujours pas comment, après tous ces massacres, d'aucuns peuvent encore ressentir le désir du sang. Furieux, il s'élance à la suite du soudard qui n'aurait pas hésité à s'en prendre à lui il y a un instant, sans pour autant tirer le fer au clair.
Ce n'est qu'après quelques foulées seulement qu'il distingue la lueur rouge-orangée des flammes qui rongent la chaume humide. Le mercenaire, tout d'acier bardé, ignore sans hésiter un autre homme qui l'implore de lui venir en aide. Sa démarche lourde, il poursuit sa course jusqu'à s'approcher d'un groupe de trois gens de guerre. Le fermier, lui, s'effondre de désespoir. Sur son visage buriné par l'exercice se lit la douleur et la panique, la peur, l'angoisse. Ses genoux flanchent et lâchent. Subjugué par l'émotion, le vieil homme se laisse aller aux larmes, suppliant encore et encore que l'on sauve les siens. "Je suis là", souffle Fils-de-Personne, qui entoure le pauvre ère de ses bras. "Où sont ta femme et ta fille ?", s'enquiert-il encore, décidé à lui venir en aide. De son côté, son compagnon d'infortune propulse du bout de ses doigts gantés une décharge d'électricité sur l'un des mercenaires, à la cuirasse d'acier par dessus un gambison bariolé. Il ignore les gargouillements de l'homme qui meurt cuisiné dans son armure, électrocuté et grillé par une foudre magique. Ses mâchoires se serrent, grinçantes.
Les explications du fermier manquent de cohérence, le choc et l'adrénaline ne l'aidant pas à formuler correctement ses phrases ; à poser les bons mots sur sa réalité. Du regard, l'Hylien jauge la bicoque, de pierre taillée pour l'essentiel. Son toit est en proie à des flammes mesquines, ronronnantes, tandis que l'un de ses murs est ouvert assez largement ; là où l'explosif a percuté le mortier. "Entendu", ajoute l'Enfant-des-Bois, en se relevant. "Mets toi en sécurité", poursuit-il encore, le givre de ses yeux retournant au Colosse d'acier, qui échange coup pour coup avec un deuxième gaillard. Il n'a de toute évidence pas besoin de son aide. "Je te ramène les tiens tout de suite", achève-t-il enfin avant de s'enfoncer dans la maison incendiée.
Une noirceur profonde le gagne tandis qu'il s'engage dans le trou béant laissé par la bombes. Le feu qui brûle au dessus d'eux ne l'aveugle plus exactement, mais la différence de luminosité est suffisamment importante pour qu'il n'y voit pas grand chose. "Il y a quelqu'un ?", demande-t-il d'une voix forte, qui tonne dans la maison, mais que le fracas de la bataille et le crépitement du feu étouffe sans mal. Une chaleur lourde oppresse toute la bicoque, qui ne doit son intégrité structurelle qu'a la pluie qu'il affrontait quelques instants plus tôt et à l'utilisation de pierre pour ses murs fondateurs plutôt que de bois. Ramenant l'étoffe de sa cape sur son nez pour mieux se protéger de la fumée, le Vagabond s'avance dans l'obscurité. "Je ne vous veux aucun mal, c'est votre époux qui m'envoie. Mon compagnon affronte vos assaillants en ce moment même !", clame-t-il de nouveau, conscient qu'aux yeux d'une épouse effrayée et d'une petite fille, il pourrait être n'importe qui. Mais le temps presse. "Le toit ne tiendra pas longtemps avant de s'effondrer ! Il faut partir maintenant !", insiste-t-il alors que deux silhouettes émergent à leur tour de l'ombre.
Ce n'est que tardivement qu'il réalise que la plus grande des deux est armée d'un long tison, dont l'extrémité est encore rougeoyante de l'âtre auquel elle a été extrait.
"RAAAAAAAAAAAAAAAAH !", hurle la mère en se jetant sur lui et en frappant d'estoc. Il a tout juste le temps d'un pas de côté, mais le métal brulant passe à travers la bure de sa cape usée, manquant de l'étrangler alors que son assaillante poursuit invariablement sa course. "Hmpf... —", souffle-t-il alors que la lutte l'emmène droit contre un mur et qu'une fois encore, elle se jette sur lui. D'un geste rapide et précis, il attrape les deux mains de la mère de famille et la désarme brusquement, sans pour autant la blesser. Le bâton de fer trempé tombe avec bruit au sol tandis qu'il retrouve sa respiration. "Venez...", fait-il la voix encore un peu malmené, à l'attention de la mère de famille (dont il tient encore fermement les deux poignets) et de sa fille en bas-âge. Le verglas de ses yeux s'enfonce toutefois dans le regard de frêne de la plus âgée des deux "... Allons retrouver ton compagnon. Il va bien, je le jure."
Le dernier mercenaire chute avec la lourdeur d'une pierre quand ils s'extirpent tous les trois de la maison rongée par la colère de Din. Le Colosse d'Acier emerge victorieux de l'affrontement tandis que les yeux du fermier s'illuminent d'un espoir jusqu'à présent perdu. "Voilà les tiens", fait-il à l'attention du paysan, non sans adresser un regard à l'homme-au-casque avant de balayer les alentours de l'oeil. "C'était des mercenaires, sans doute employés pendant la guerre contre les Dragmire", explique-t-il encore, en déposant la petite qu'il avait dans les bras et en lâchant finalement les mains de la mère. "Il pourrait y en avoir d'autres et ils pourront revenir. Vous feriez de mieux de ne pas vous attarder", ajoute-t-il encore, aussi bien pour les trois inconnus que pour le quatrième. S'il a semblé tout à fait capable de se défendre contre quelques hommes moins bien armés et moins bien équipés, rien ne permet d'affirmer qu'une garnison toute entière n'attend pas plus loin, au détour d'un sous-bois ou derrière l'un des plateaux du Veld. "Avez-vous quelque part ou aller ?", s'enquiert-il finalement, réalisant qu'il lui faudra sans doute les escorter. Peste ! Il aurait pu avoir besoin d'Epona dans un moment pareil.