Moi, je demeure ici à écouter leur lente agonie

Milieu du printemps - 1 mois 2 jours après (voir la timeline)

Keith Lyne


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(vide)

Son regard se perd en direction de la brume impénétrable. Assise sur une petite roche à une distance respectable, elle plisse les yeux comme si ça allait suffire à lui dévoiler les secrets cachés par la masse vaporeuse. Vue ainsi, elle pourrait sembler inoffensive mais Keith sait qu'elle n'a rien de naturel. Rien qu'à se tenir à proximité, tous ses poils se hérissent instinctivement. Elle a débarqué un beau matin alors que la chasseuse venait de camper au milieu des plaines. Par chance, elle a directement senti que quelque chose clochait et au lieu de se laisser happer par ses griffes immatérielles, elle s'est appliquée à s'en éloigner, poussée de plus en plus loin de sa position initiale. L'intimidant brouillard l'a alors repoussée peu à peu jusqu'à la laisser échouée là à l'Ouest d'Hyrule. Depuis plusieurs jours sa progression s'est heureusement ralentie mais elle ne semble montrer aucune intention de se retirer. Pire, malgré une vitesse réduite et moins facile à discerner, elle l'a surprise à grignoter encore du terrain, ce qui l'empêche de dormir sans garder un œil ouvert la nuit. Si ça continue, elle se retrouvera dans le désert.
Elle a bien tenté de contourner l'étendue brumeuse prudemment mais en vain, elle s'étendait aussi loin que ses pas ont pu la porter. Non pas qu'elle soit pressée par une quelconque affaire urgente ou n'ait pas l'habitude de dormir à la belle étoile mais elle aurait aimé prendre des nouvelles des villages où elle a l'habitude de faire étape et de ses connaissances là-bas. Sentir la terre souffrir et se faire engloutir petit à petit par cette fumée lugubre sans pouvoir intervenir ni connaître le sort de ses habitants l'irrite au plus haut point.

Keith n'est pas peureuse, juste réaliste sur le fait qu'elle n'est pas préparée à ce qui peut se tapir là-dedans, si l'air qui habite ce dense nuage en lui-même n'est pas déjà dangereux. Aucun animal non plus n'a risqué volontairement sa peau pour une triviale histoire de territoire perdu si bien qu'elle aurait eu l'embarras du choix pour chasser lors de sa fuite si elle n'avait pas été elle-même préoccupée par l'idée de s'éloigner le plus possible. De toute façon à quoi bon puisqu'elle ne risque pas d'aller troquer quoique ce soit avant un bout de temps. Mi-rageuse, mi-curieuse, elle se saisit d'une pierre pour la jeter en direction de la brume. Le silence lui répond et n'apaise ni ses craintes, ni son humeur. Elle ramasse un autre caillou avant d'entendre un bruit et de se redresser d'un bond. En apercevant le visiteur, ses épaules retombent et elle pousse un soupir exaspéré. Fallait-il vraiment qu'elle se retrouve seule au monde avec lui pour seule compagnie ?

"Manquait plus que toi." grommelle-t-elle pour elle-même sans chercher à se faire entendre. En d'autres circonstances elle aurait pu être ravie de le voir et d'avoir une nouvelle chance de lui soutirer les informations qu'elle brûle de connaître mais leur dernière rencontre lui a bien fait comprendre qu'il se montrera peu bavard. A ses yeux, il a été clair sur le dédain qu'il éprouve pour elle. La rouquine lève les yeux au ciel avant de l'ignorer pour se tourner à nouveau vers l'épais brouillard et lancer l'autre pierre à la suite de la précédente. Elle s'adresse néanmoins à lui quand elle déclare à voix haute "Si tu sais ce que c'est et que tu as retrouvé ta langue je suis toute ouïe."


Lanre


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La gueule barbouillée de terre et de sang, pour mieux masquer son odeur, caché par l'ombre du sous-bois, l'Ours observe. Le Corbeau l'attend, en amont, au camp. Elle récupère peu-à-peu ; lentement. Trop, selon elle. Trop, selon lui aussi. Elle n'est pas préparée à ce voyage, faible et fragile, mais il n'y a aucun doute sur sa détermination. Sa volonté est aussi inflexible que la glace n'est froide et maintenant qu'il l'a enfin retrouvée, il n'entend pas un seul instant l'abandonner à une quête qui finirait par la tuer. S'il leur faut mourir, ils le feront ensemble. C'est ensemble donc qu'ils retrouveront l'enfant qui sommeille dans la Maison des Trois ; quand bien même ni elle ni lui ne savent encore comment traverser la mer de craie. La brume, aussi dense que blanche, lui rapelle des terres lointaines, grises et piquées de grands-pins accrochant un brouillard comparable. Autant d'alliés, à l'époque, dans la guerre d'usure qu'il leur fallait mener contre le Fils du Freux, à lui et aux siens. Mais cette nébuleuse-là est différente, affirme la Hu’ðkonā. Elle aspire le souffle, vide la poitrine et dévore les landes. Elle effraie les animaux — et il n'ignore rien de ce que cela signifie.

Son regard vert-de-gris parcoure sans relâche le mur de lait, dont les frontières semblent désormais immobiles. En vérité, la brume est toujours aussi vorace mais elle avance de moins en moins vite et, de si près, ce n'est plus exactement perceptible. Insatiable, elle projette des ténèbres et des volutes d'angoisses sur les Dents-de-Bois et les Dents-de-Pierre de Lanelle (qui jouxtent d'ailleurs le Désert Gérudo), où elle a réussi à les piéger. Ils ont pris trop de temps à fuir les Sorcières. Ou peut-être a-t-il été trop long à la retrouver. C'est difficile à dire. Une part de lui craint encore que les deux soeurs soient sur leurs talons ; conscient que ni lui ni elle – surtout pas elle – ne sont pas en mesure de réitérer un combat qu'ils n'ont d'ores et déjà pas remporté. Sa main remonte jusqu'à son épaule, toujours brûlante du sortilège qu'elles lui ont jeté tandis que ses dents grincent sans bruit. La douleur ne passe pas. Sous la pelisse qui alourdit son échine, sous l'etoffe du tartan qui habille son poitrial, sa chair apparaît calcinée, charbonneuse et âcre.

A travers les branches et leur dais d'épine, il distingue une silhouette. La crinière rouge qui orne son crâne et l'arc qu'elle garde en bandoulière lui sont désormais suffisamment familière pour qu'il ai pu comprendre de qui il s'agissait ; mais l'espace d'un instant il a espéré qu'il ne puisse s'agir d'un survivant du vieil avant-poste de Rusadir. Le nom du général, l'officier ayant décidé de leur incarcération à la Lionne et lui, ne lui est pas étranger non plus. Pourtant, si étonnant que cela paraisse, c'est Nyttę̄́ qui s'en souvenait le mieux. C'est elle, d'ailleurs, qui a compris la première que la Brume avait avalé les soldats. Ils avaient pour projet de gagner le campement renforcé. Sans bruit, il desserre les doigts du manche de la hache qui leste son dos. Il ignore encore si les hommes du chef de guerre sont toujours à ses trousses mais il est certain qu'il ne risque rien avec la chasseresse. Discret comme un lynx, Lanre s'arrache à son couvert alors qu'elle jette une première pierre en direction du lacis voilé.

"Tu ne devrais pas rester ici", répond-il seulement, d'une voix rauque et avec un accent plus guttural que vraiment naturel. Avisant une souche à proximité du bivouac sommaire de la jeune femme, le vagabond s'asseoit. Son épaule le brûle avec colère et son corps tout entier le lance après deux jours à porter le Corbeau. Les mois passés dans les geôles du Colosse des Sables l'ont laissée plus mince que jamais, aussi vulnérable qu'un faon, mais lui-même n'est plus aussi vaillant qu'il ne l'était avant le combat avec la Bête de Cocorico, sa fuite en compagnie de la Fille-Dragmire et finalement son affrontement avec les Mères-du-Roi. D'un oeil distrait, un soupir fatigué perçant ses lèvres sèches, il cherche après d'éventuelles provisions. A l'évidence, la Louve est est à nue. Plus que Blanche et lui ne peuvent l'être en tout cas. Plusieurs questions meurent sur sa langue alors que, silencieusement, il envisage les réponses qu'elle pourrait avancer. Sans doute a-t-elle été prise au dépourvu par la Brume, comme tant d'autres dirait Blanche. Et compte tenu de ce qu'il sait d'elle, elle devait être en train de chasser quand c'est arrivé. "Qu'est-il arrivé à Aedelrik ?", demande-t-il tout de même, après un instant. La dernière fois qu'ils se sont vus, le prince de la Pègre-en-devenir était avec elle. Les deux hommes nourrissaient alors des relations complexes.

Ses yeux ternes balaient une fois de plus le campement de Keith Lyne, puis la Brûme un peu plus loin. Sans attendre une réponse immédiate de sa part, il se décide enfin à satisfaire sa curiosité.

Une part de lui a l'impression que le monde pourrait bien s'arrêter. Il n'a jamais vu Blanche aussi... secouée, inquiète, en colère. Cette angoisse le laisse perplexe, presque démuni : elle est, à bien des égards l'ancre à laquelle se fier. Si elle ne sait pas quoi faire ou comment lutter contre une menace qu'il ne comprend pas, c'est probablement que ce n'est tout simplement pas possible.

Dans un pareil contexte, le Ke’ēlt a du mal à rester sur sa réserve.

"Je ne sais pas de quoi il s'agit. Blanche l'appelle la Mer-sans-rivage. Elle parle d'un brouillard maudit", explique-t-il à l'attention de la chasseresse. N'espère pas le traverser, pense-t-il d'ailleurs, sans pour autant le dire. Il sait la jeune femme prompt à s'emporter, mais il la suppose suffisamment perspicace pour le comprendre d'elle même. "Nous campons, en amont, dans les collines. Il y a de quoi nourrir trois personnes", ajoute encore Hjä. Le porc des montagnes qu'il a dépecé la veille au soir suffira largement à les sustanter tous les trois et une paire de bras supplémentaire pourrait s'avérer utile pour faire face à ce qui les attend.


Keith Lyne


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(vide)

"Sans blague" répond Keith agacée quand l'homme lui suggère de ne pas rester là. Et en même temps elle ne peut pas dire qu'elle soit très surprise de ne pas obtenir de réponse à sa question. Elle lève encore une fois les yeux au ciel en le voyant s'installer comme chez lui. Elle pourrait le chasser mais elle n'a vu personne depuis des jours et il finira par partir tout seul, c'est même plus étonnant qu'il n'ait pas déjà passé son chemin. Elle se désintéresse à nouveau de lui pendant qu'il réfléchit pour scruter à nouveau cette fichue brume. Elle n'a pas l'intention de rester indéfiniment à la frontière du brouillard. Elle n'en a pas envie, pas plus qu'elle n'a l'impression que ça serait une bonne idée, mais à présent que sa progression a ralenti elle s'interroge sur ce qu'elle pourrait apprendre en s'approchant un peu plus. Ce qui l'a retenue jusque là, c'est son instinct qui répugne à abandonner la distance de sécurité qu'elle a spontanément instaurée.

Ses yeux reviennent vers Lanre à l'instant où il lui pose une question. C'est nouveau, ça. Une part d'elle voudrait lui rendre la monnaie de sa pièce en se comportant avec lui comme il s'est comporté avec elle et pourtant c'est la vérité qui sort de sa bouche "Je ne sais pas." Son regard s'assombrit un peu parce que malgré tout elle aurait bien aimé savoir, et pas seulement pour lui refuser l'information. Pourtant son honnêteté semble payer. Avec étonnement, elle l'entend fournir enfin une réponse à sa première question. Du moins le peu de savoir qu'il a à lui offrir sur ce qui semble être une situation inédite. Surprise à la fois d'obtenir ce qu'elle a demandé et sans doute encore plus de l'invitation qui est venue spontanément avec, Keith reporte entièrement son attention sur lui. Sans se gêner, elle le dévisage un instant, comme s'il était un ours qui venait de parler. "Est-ce que tu as respiré cette brume ? Parce que ça expliquerait peut-être aussi ta mine affreuse." À présent qu'elle le regarde vraiment, elle peut voir combien il a l'air épuisé. Et ce n'est pas juste un effet de son visage grimé pour la chasse.

Se rasseyant à son tour, elle laisse échapper un grommellement agacé avant de reprendre la parole. Elle n'a pas de réponse à sa question mais puisqu'il se montre de bonne volonté, elle consent à lui donner un peu plus de renseignements sur leur ami commun. Peut-être s'inquiète-t-il sincèrement. "Pour Aedelrik, je n'étais pas avec lui quand la brume s'est levée. La dernière fois que je l'ai vu il... Il prenait une direction que je désapprouve. Je veux dire, plus que ce qu'il faisait déjà avant que je ne le rencontre." Difficile d'être plus précise sans dévoiler des détails qu'elle ne souhaite pas partager la concernant. De même, elle ne voit pas vraiment comment expliquer sa part de responsabilité dans l'affaire alors elle choisit de passer l'essentiel des détails sous silence. "J'ai essayé de lui transmettre mes valeurs sur la question, mais de là à savoir s'il fera les bons choix..."

Elle hausse les épaules, moins indifférente au sujet qu'elle ne peut en donner l'impression mais que peut-elle bien y faire, encore plus maintenant qu'elle est coupée du monde ? Elle n'est pas la mère du voleur, et on ne peut pas protéger un homme adulte de lui-même indéfiniment. "Je campais toute seule quand la brume s'est levée, alors j'ignore même s'il reste un seul village qui ne se soit pas fait engloutir." ajoute-t-elle, révélant par là-même une part de ses craintes.

D'ailleurs elle n'a sans doute pas le luxe de se montrer très sélective en matière de compagnie. C'est la première personne qu'elle croise depuis un bon bout de temps. De toute façon si l'homme qui lui fait face est généralement bougon – à part là et qui sait quelle mouche l'a piqué et combien de temps ça durera – il sait généralement s'entourer. Repensant à l'invitation, elle veut s'assurer qu'elle ne s'est pas fait des idées. "Bref, quand tu parles de trois personnes, tu veux dire... Toi..." Tout en faisant la liste elle déplie ses doigts un par un. "Blanche..." Elle ignore de qui il s'agit et à quel genre de personne s'attendre, mais si quelqu'un l'a informé sur le brouillard, cette personne est sans doute coincée avec lui à l'heure qu'il est et si elle sait quoique ce soit sur cette brume, elle revêt un intérêt qui va au delà d'une simple rencontre de courtoisie. "Et moi... ?" Sinon pourquoi aurait-il pris la peine de lui en parler ? Ce n'est d'ailleurs sans doute pas par politesse ou envie de la côtoyer, mais il a raison : ce serait idiot de rester séparés à attendre la fin alors que leur monde se fait engloutir parcelle par parcelle. Se rendre compte que malgré son air généralement impassible il est aussi impuissant qu'elle n'est pas rassurant.

Néanmoins ça la pousse à s'interroger sur un autre sujet. "Et Furet ? Vous avez fait route séparément ?" Elle croyait avoir perdu tout espoir d'obtenir quoique ce soit de ce rustre et pourtant la voilà à l'interroger de nouveau. Elle verra bien jusqu'où va sa transformation miraculeuse en personne civilisée. En vérité les derniers jours ont été tendus et ça lui fait du bien de discuter avec quelqu'un dans les circonstances actuelles, même un vieil ours borné. "La dernière fois que je t'ai croisé le moins qu'on puisse dire, c'est que tu avais l'air pressé." Ce n'est pas ouvertement une question, mais on peut sentir la curiosité qui se dégage de l'affirmation, ainsi qu'une once de reproche. Il se peut qu'elle soit un peu rancunière.