Les amants vrais ne devraient avoir aucun secret

Cabinet des Arts (Deuxième étage)

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Orpheos


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Il y’avait bien longtemps que le son d’une harpe n’avait pas enchanté les jardins du château au cours de la nuit. Personne n’était néanmoins là pour écouter ce récital dédié au soulagement des âmes fracturées. Les couloirs du château étaient vides, le jardin désert, et même le ciel fait d’étoiles ne comptait pas la Lune parmi ses invités ce soir. Chaque note de cristal s’envolait dans l’air de l’été, se joignant aux parfums des plantes qui égayaient par dizaines le domaine de la princesse Nohansen, donnant aux lieux un air de bosquet enchanté. Seul le flot continu et discret de la fontaine accompagnait cette musique délicate et mélancolique, tirée de quelques cordes aussi fragiles que l’homme qui en jouait.
Assis sur le rebord de la fontaine, le musicien profitait du calme que lui offrait la nuit et enchantait tout le château endormi de par sa composition venue d’une terre lointaine. Il aimait jouer dans les endroits qui auraient pu faire de lui le sujet d’un tableau, théâtral mais reposant. Orpheos était un orfèvre de la musique qui se perdait dans un monde intérieur, à la minute où ses doigts longs et fins touchaient les cordes de son instrument. Un monde troublé, fait d’un climat de blessures et de paysages abandonnés. Lui, chancelier des Arts, aurait tout fait pour n’être qu’un artiste parmi les nombreux autres qui jalonnaient ce royaume. Mais il était également un soldat. Un soldat des ombres qui, une fois de plus, avait récemment mis sa vie en danger pour une personne qu’il aimait.

La musique d’Orpheos était d’une tristesse naturelle qui contrastait avec le soulagement subtil qu’elle procurait. Il avait vu tant d’horreurs, et vécu tant de difficultés, qu’il était miraculeux que la musique soit encore son exutoire. Il y’avait bien quelqu’un depuis plusieurs mois qui balayait peu à peu ses propres ténèbres, mais aussi fort et bon soit cet homme, il ne saurait jamais débarrasser le Sheikah du fardeau qu’il portait depuis des années sur ses maigres épaules. L’enfance vécue à la dure, l’adolescence culpabilisée par un parricide, la jeunesse gâchée par une vie d’errance, la maturité trop vite atteinte par des combats menés, le cœur autrefois brisé par le départ de celui qu’il aimait, ou encore l’amitié trahie par l’un des seuls hommes en qui il croyait.
Et puis il y’avait eu les Ombres, ces entités de l’autre monde avec lesquelles il avait fait l’erreur de marchander. Depuis plusieurs mois, ces démons-là venaient également le tourmenter la nuit, et parfois la journée. Combien de temps vivrait-il avant qu’elles ne décident de l’emporter ? Méritait-il au moins de vivre après ce contrat trop vite passé ? Ne risquait-il pas d’amener à ses quelques proches un peu plus de ténèbres dans son sillage, surtout avec ce passé de douleur et de mort qu’il trainait ?

Dans un horizon bien sombre, la seule lumière venait de cette femme qu’il servait, la seule qu’il aimait d’ailleurs. Zelda lui avait offert le gîte, les soins, et surtout son amitié. De l’avis du concerné, devenir chancelier n’avait été qu’une très mince contrepartie, mais au moins, il lui était dévoué et serait prêt à faire n’importe quoi pour la voir sourire à nouveau. Preuve en était du contrat qu’il avait passé pour elle.
Peut-être que le général Van Rusadir serait lui aussi sa lumière. Llanistar résonnait plus que comme un doux nom. Llanistar représentait la promesse d’un avenir, et surtout d’un présent légèrement délesté de tous les démons qu’Orpheos maintenait enfermés dans son corps trop maigre. Il était son espoir, sa passion, sa renaissance, son meilleur allié. Depuis qu’il était entré dans sa vie pendant une nuit de pluie et de beuverie, Orpheos avait repris confiance en lui-même, et s’était décidé à devenir quelqu’un. Pour lui, pour Zelda, et pour le royaume.

Mais Orpheos avait si mal des blessures qui lui avaient été infligées… Son esprit était hanté comme son corps était abîmé. Sa peau blanche était traumatisée par des marques diverses de coups depuis qu’il avait été retenu captif dans la forteresse de l’ennemi. Un épisode dont il avait, jusqu’à présent, toujours évité de discuter avec qui que ce soit.
Sauf que dernièrement, il sentait que ceci ne pourrait plus durer. Orpheos n’avait pas revu Llanistar depuis quelques jours, et le général lui avait fait savoir par un courrier qu’il désirerait très bientôt le revoir. A ce moment-là, le chancelier devrait lui parler. Le voile sur plusieurs non-dits devrait être levé.

La mélodie portée par sa harpe s’acheva sur un mouvement vif de sa main. Un silence de plomb recouvrit dès lors tout le château, le temps que le Sheikah réfléchisse à ses secrets.


Llanistar van Rusadir


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Llanistar avait perdu la notion du temps. Assis sur de l'herbe fraîche, plaqué contre un mur hors du champ de vision d'Orpheos, il l'écoutait jouer de la lyre, avec une dévotion qui ne lui ressemblait pas. Le nordique n'osait pas sortir de son coin, affronter ce regard, et rompre la douce harmonie qui jaillissait des cordes pincées. Avant, il voulait trouver les mots justes, être sûr de ce qu'il avait à dire et à demander... Ou peut être avait il juste peur. A cette pensée, il ne put s'empêcher de pouffer. Lui, le grand guerrier, l'immense général, craignait une rencontre avec son amant. C'était ridicule... Mais c'était vrai.

Et pourtant, c'était bien le nordique qui lui avait donné rendez vous au théâtre de ces fleurs et de ces fontaines. Depuis son retour, Orpheos lui avait paru distant, et de fait, tous deux avaient fort à faire et ne s'étaient que peu croisé. Seulement, dans cette tension nouvelle, il n'y avait pas que le travail ou la prudence. Protéger leur secret ne les avait jamais empêché de se retrouver, par hasard bien sur, au détour d'un couloir ou entre deux allées de la bibliothèque. Et le pire, c'était que Llanistar était en partie responsable de cette situation. Bien qu'il ne soit pas arrivé à le lui reprocher en face, il ne pouvait s'empêcher d'en vouloir, au fond de lui même, à son amant de s'être jeté dans la bataille sans le prévenir, et même en s'en cachant. Les jours et les semaines où Orpheos s'était trouvé entre les mains de Ganondorf, Llanistar s'en souvenait encore. Il se rappelait très bien les angoisses, les nuits de cauchemar, les anciennes souffrances qui étaient remontés à la surface de son esprit. L'image de Aeldis, sur sa croix, se mélangeait alors à ses pires craintes. Et l'idée de perdre un amant de plus lui était devenue insupportable. Ce soir là, assis à écouter le chancelier jouer, Llanistar ignorait à quelle extrémité  la mort de celui ci aurait pu le pousser.

Et puis il y avait le reste. Une vaste question mystérieuse que le général semblait seul à se poser mais qui lui semblait capitale. Un soupçon dont il n'avait fait part à personne mais qui devait être infirmé, ou confirmé. Et cela importait plus que des problèmes de coeur, la sécurité de Zelda en dépendait peut être.
Llanistar savait qu'il ne pouvait le faire attendre plus longtemps, tout comme il ne pouvait déroger à ses devoirs, de protecteur de la princesse...et d'amant. Lentement, il se leva, lissa sa tenue, remit une mèche de cheveux en place. Enfin, après un long soupire destiné à évacuer sa peur, il sortit à la lumière de la lune.


« Bonsoir, messire. »

Sa voix était la plus détachée possible et il affichait un sourire légèrement ironique. De fait, se saluer avec ce genre de formules protocolaires était devenu comme un jeu entre eux, depuis tout ce temps à se cacher derrière des masques. Il n'y avait rien de plus amusant, aux yeux de Llanistar, qu'une farce dont on est seul à savoir qu'on la joue. Un baiser volé lorsque personne n'observe, une main glissant furtivement sur une hanche, c'était le genre de risques à prendre qui aidaient à supporter le poids du secret. Et ce soir là, il pesait lourdement sur les épaules du Duc.

Un pas après l'autre, sans se presser, le général s'approchait de la fontaine, ses yeux gris dévorant Orpheos. Un regard à son amant suffisait pour que Llanistar sente le désir poindre. Le chancelier avait quelque chose de divin dans la beauté qui était sienne. Assis au bord de l'eau, ses mains blanches posées sur sa lyre, son visage parfait encadrant ses yeux d'émeraude. Et il y avait sa chevelure noire en cascade, sa silhouette élancée... Le nordique aurait pu continuer ainsi des heures, mais ses pas l'amenèrent finalement à la fontaine, où il s'assit lui aussi.
Un garde passa sur un rempart non loin, et le général se força au silence. Pendant plusieurs instants, les jardins n'entendirent que le doux murmure de l'eau, la lyre ayant cessé de jouer. Puis, la sentinelle disparu et Llanistar approcha ses lèvres de celles de son amant. Une main dans ses cheveux, il le tira vers lui et l'embrassa, avec la même passion qui l'étreignait depuis son retour.

Et pourtant, il ne put en profiter pleinement. Ses doutes et ses craintes le tourmentaient trop pour cela. Malgré leur intimité, le dernier des Rusadir se sentait oppressé. Non pas par des regards indiscrets, mais par des secrets qu'il ne supportait plus. Un peu plus brusquement qu'il ne l'aurait souhaité, il se détacha. Prenant son maigre courage à deux mains, il chercha un instant ses mots, puis déclara, comme on tire un coup de bombarde,


« Orpheos... Je t'ai demandé de venir parce que j'ai des choses à te dire, et des questions pour toi. »

Il s'efforçait de ne pas paraître froid, tout en masquant assez mal son angoisse. Si le chancelier jetait un regard à sa main, il la verrait tremblante comme presque jamais. Expirant profondément, ses yeux vint fixer ceux de son amant, et il poursuivit, plus fermement,

« Je veux savoir pourquoi tu es allé te battre contre les Dragmires sans m'avertir. Et pourquoi tu ne m'as pas rejoint quand tu es passé par le val ? »

Sitôt que Llanistar eut achevé sa phrase, il s'en mordit presque la langue. Révéler qu'il l'avait perçu à ce moment là, c'était trahir le secret à propos de son don. Un instant, cela amplifia sa peur, puis il réalisa sa stupidité. Si le chancelier lui demandait de dévoiler ce secret, il n'avait aucun droit de refuser. Pas à présent qu'il éprouvait de tels sentiments.


Orpheos


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-Bonsoir, messire.

Le son de cette voix électrisa le chancelier bien malgré lui. Les poils de son échine se hérissèrent et ses lèvres formèrent le début d’un sourire. Alors, lentement, il se tourna vers sa droite pour faire face au général qui venait.

-Bonsoir, général Van Rusadir. J’ignorais avoir un auditeur, sourit le musicien.

La musique était dangereuse, Orpheos s’y perdait si loin qu’il en devenait incapable de détecter la moindre présence de qui que ce soit. Pourtant, il aimait ressentir celle de Llanistar. Cette aura froide et en même temps pleine de chaleur, il n’y avait que lui qui en possédait de telle au château d’Hyrule.
Son regard croisa le sien, et Orpheos sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Son ventre s’emplit de papillons. Mélange de désir, de joie et d’apaisement. Retrouver Llanistar, après tant de temps, ne pouvait que lui procurer le plus grand bien.


-Vous ne changez pas, murmura le jeune homme lorsque son compagnon prit place à ses côtés. Vous êtes toujours aussi beau.

Une sentinelle passa non loin d’eux. Il ne dut les approcher que pour quelques secondes, et pourtant, Orpheos eut l’impression qu’il ne repartirait jamais. Cet instant de suspension entre eux, précédant la fougue, leur fit se dévisager mutuellement. Ses yeux d’émeraude tinrent bon devant ses yeux gris polaires, mais ils lui apparurent nettement orageux ce soir. Un grand doute oppressait très certainement le cœur de son aimé.
Qu’importe ! Une fois qu’ils furent assurés d’être seuls, les deux hommes  libérèrent leur passion trop longtemps étreinte. Llanistar fit le premier pas en l’amenant à lui de sa main. Ses doigts de guerrier s’emparèrent de la nuque frêle du musicien pour déposer ses lèvres sur les siennes, dans un échange silencieux.

Enfin, Orpheos se sentait revenu chez lui. Et son chez lui n’était, en cet instant, nulle part ailleurs que dans ses bras.

Mais quelque chose troubla rapidement ces retrouvailles. Llanistar remit très tôt de la distance entre eux. Pas seulement en s’éloignant de son corps, qui avait désespérément besoin de sa chaleur, mais en lui imposant un regard empreint de sévérité.


-Orpheos... Je t'ai demandé de venir parce que j'ai des choses à te dire, et des questions pour toi.

Les papillons disparurent de l’estomac d’Orpheos pour ne laisser place qu’à un horrible nœud. Il conserva le silence en attendant que Llanistar finisse d’hésiter.

-Je veux savoir pourquoi tu es allé te battre contre les Dragmires sans m'avertir, lâcha finalement le général. Et pourquoi tu ne m'as pas rejoint quand tu es passé par le val ?

Les sourcils du Sheikah se froncèrent.

-Comment sais-tu que je suis passé par le val ? Nous ne nous sommes absolument pas croisés au cours de cette bataille.

Orpheos, qui avait d’abord cru ne pas être en mesure de soutenir les yeux profondément inquisiteurs de son aimé, sentit que celui-ci venait d’en dire trop. Trop pour être honnête, trop pour prendre une position fâchée. Orpheos lui devait bel et bien des explications, c’était vrai, et il les lui devait depuis qu’il était revenu dans un état critique de la Forteresse. Néanmoins, ce ne serait pas sans contrepartie.

-En attendant la tienne, ma réponse à tes questions ne doit être entendue d’aucune oreille éventuelle. Suis-moi.

Le chancelier se releva élégamment du rebord de fontaine, et tendit une main au général pour lui faire signe de venir. Puis, comme deux ombres, ils traversèrent silencieusement le jardin pour regagner ensemble les hauts murs du château endormi.


Orpheos ne prononça pas un seul mot au cours du trajet qui les amena dans le deuxième étage de l’aile ouest du château. Toujours en silence et menant la marche à l’aide des torches qui éclairaient les murs de pierre, le Sheikah parvint avec Llanistar devant une porte en bois qui portait l’inscription « Cabinet des Arts » ; le bureau personnel d’Orpheos.
Le panneau s’ouvrit sur une pièce enténébrée que le Sheikah s’empressa d’éclairer grâce à un chandelier, posé sur un bureau encombré de papiers. Deux grandes bibliothèques recouvraient les murs de chaque côté du bureau, emplis de livres divers qui variaient des récits d’amour noble jusqu’à des recueils de sorcellerie. Orpheos était un chancelier de la Culture aux lectures et aux goûts forts diversifiés.


-Prends place, dit Orpheos en montrant à Llanistar un fauteuil devant son bureau.

Lui, pendant ce temps, prit place en s’asseyant sur ce même bureau jonché de papiers, juste à côté du chandelier à cinq cierges. La lueur des flammes mettaient d’un seul coup en valeur la fatigue qui se lisait de par les cernes sous ses yeux.


-Avant que tu m’expliques ton précédent lapsus, commença Orpheos avec gravité, je voudrais d’abord t’expliquer pourquoi je nous ai fait venir ici. Ce que je m’apprête à te révéler ne doit être su par personne, et je dis bien : personne. Pas même la princesse que nous servons.

Son regard émeraude scintilla dans la pénombre. Il sentait qu’en l’instant même, Llanistar s’attendait au pire. Et il avait bien raison…


-Oui, c’est vrai, je n’ai expressément pas cherché à t’avertir, avoua-t-il enfin. J’ai pensé que je saurai parfaitement me débrouiller seul pendant la bataille de la Forteresse, et que je pourrai te retrouver sain et sauf une fois que j’en aurai terminé. J’ai eu la présomption de le penser grâce à un pouvoir nouvellement acquis. Un pouvoir sur lequel j’ai dû travailler pendant ma dernière absence. Lorsque j’ai su ce qui se tramait, je suis immédiatement revenu à Hyrule, et je suis arrivé en plein milieu de la bataille. Je t’ai reconnu entre mille à ce moment-là, Llanistar, et en te voyant combattre nos ennemis et diriger nos armées, si beau et brave, j’ai su qu’il serait inutile de vouloir t’aider. Alors je suis parti de mon côté, à l’intérieur de la forteresse, où j’ai mené le plus terrible de tous mes combats.

Orpheos marqua une pause. Il ne lui avait pas encore dit l’essentiel, et il lui fallait s’y préparer, comme il allait falloir ménager Llanistar.

-Mais si je ne t’ai pas rejoint, c’est aussi parce qu’il y’avait une autre raison, poursuivit-il. Je ne t’ai pas rejoint parce que… Parce qu’avec ce pouvoir que je parviens difficilement à manier, je te mettrais en danger. Et je ne veux pas te voir mourir, ou même être blessé par ma faute. Cette idée m’est insupportable.

Le chancelier contint les larmes qu’il sentit lui monter aux yeux. Pendant des jours et des nuits, enfermé et humilié dans une prison du seigneur Gérudo, il avait cru ne jamais revoir son bien-aimé. Le revoir en chair et en os lui avait fait, à nouveau, réaliser à quel point il tenait à lui.

-J’ai fait un pacte avec les ténèbres, Llanistar. J’ai lié un contrat avec les Ombres de Ganondorf lorsqu’elles se sont attaquées à nous, la première fois que nous nous sommes croisés toi et moi, lorsque nous combattions dans la salle du trône de la Citadelle noire. Je leur ai offert mon âme en échange d’une partie de leur pouvoir, et ce contrat met en danger n’importe qui se trouvant proche de moi. J’ai dissimulé cette nouvelle faculté à tout le monde, y compris Zelda. Tu sais comme la magie noire est dangereuse, et tu sais qu’on me condamnerait -à raison- pour son usage. Mais je l’ai fait pour notre princesse, pour être enfin capable de la protéger comme il le fallait, moi qui avait été absent si longtemps pour pouvoir endosser cette responsabilité.

Le dégoût qu’Orpheos ressentait pour lui-même transparaissait plus que jamais, dans sa voix et dans son regard. Son dégoût pour l’usage de cette magie des Ombres, mais surtout pour sa duplicité, et sa trop forte propension à vagabonder loin de ceux qui avaient besoin de lui.

-Pardonne-moi de te l’avoir caché. Pardonne-moi, je n’ai voulu que maintenir votre sécurité.

Orpheos eut du mal à ne pas baisser les yeux. Qui donc allait se mettre à lui répondre ? L’amant Llanistar qui comprendrait son geste et ses choix, ou le général qui opposerait son ferme refus à toute pratique de magie noire sur les terres qu’il protégeait ?


Llanistar van Rusadir


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Llanistar avait vite compris que le secret d'Orpheos allait plus loin que ce qu'il avait pu imaginer. Plus loin qu'une simple tension entre eux, qu'une volonté de se détacher du chancelier ou qu'un autre motif plus léger encore. Son intuition le taraudait depuis qu'ils avaient quitté les jardins, vides de toute autre présence que les deux amants et pourtant trop risqués selon le Sheikah. Le silence du trajet s'était fait pesant, mais le nordique en avait profité pour mettre de l'ordre dans ses idées, et réfléchir à sa propre confession. Jusqu'à ce qu'ils soient tous deux installés dans le bureau, confortés par leur intimité, il n'y eut aucune parole. Llanistar, lui, se sentait dés lors prêt à entendre, et à parler sans mentir ni tronquer la vérité. Presque serein en somme.
Et pourtant, alors que le regard du chancelier brillait à la lumière des bougies, l'intuition du nordique revint le tourmenter. Rien cependant ne le préparait à ce que Orpheos lui révéla.

Ses justifications à propos de la bataille n'avaient rien d'anormal et Llanistar les comprenait assez bien. Il connaissait trop la fougue qui pousse à monter au combat, à affronter l'ennemi en face et à ne pas laisser d'autre se battre pour soi. Mais lorsque le Sheikah évoque le pouvoir qu'il avait acquit, son amant sut que quelque chose clochait. Une intonation dans la voix de celui qu'il aimait, un ride soucieuse sur son front, et quelque chose de fuyant dans ses yeux. Lorsqu'il évoqua son plus terrible combat, le général ne put se retenir de frémir, son imagination lui donnant aussitôt à voir un Orpheos meurtrit dans un affrontement sanglant. Mais il resta assis, sentant que le pire allait venir,


« Mais si je ne t’ai pas rejoint, c’est aussi parce qu’il y’avait une autre raison. Je ne t’ai pas rejoint parce que… Parce qu’avec ce pouvoir que je parviens difficilement à manier, je te mettrais en danger. Et je ne veux pas te voir mourir, ou même être blessé par ma faute. Cette idée m’est insupportable. »

Llanistar vit que son amour était aux bords des larmes et il n'eut envie que de se lever pour l'éteindre dans ses bras. Sa quête de vérité lui semblait bien égoïste, bien puérile, en voyant Orpheos souffrir de devoir se confesser ainsi. Le nordique se haït en cet instant, mais il sut que le chancelier voudrait aller jusqu'au bout, et il le laissa finir de parler, aussi difficile c'était alors de rester immobile.

« J’ai fait un pacte avec les ténèbres, Llanistar. J’ai lié un contrat avec les Ombres de Ganondorf lorsqu’elles se sont attaquées à nous, la première fois que nous nous sommes croisés toi et moi, lorsque nous combattions dans la salle du trône de la Citadelle noire. Je leur ai offert mon âme en échange d’une partie de leur pouvoir, et ce contrat met en danger n’importe qui se trouvant proche de moi. J’ai dissimulé cette nouvelle faculté à tout le monde, y compris Zelda. Tu sais comme la magie noire est dangereuse, et tu sais qu’on me condamnerait -à raison- pour son usage. Mais je l’ai fait pour notre princesse, pour être enfin capable de la protéger comme il le fallait, moi qui avait été absent si longtemps pour pouvoir endosser cette responsabilité. »

Le dernier des Rusadir encaissa le choc comme il le put, tant bien que mal. C'était effectivement pire qu'il ne l'avait imaginé, et plus surprenant que tout ce à quoi il s'attendait. Et pourtant, tout prenait sens à présent : la distance d'Orpheos, son ombre qui ne le suivait plus mais qui avait été capable d'aller lui porter la lyre du chancelier capturé, la bataille... C'était comme de savoir lire d'un coup, après avoir longtemps observé des pages entières sans comprendre.
Un instant, Llanistar ne sut pas comment réagir. En quelques instants, il fut partagé, confus. Il en voulut d'abord à son amant pour son silence, puis réalisa que cela serait injuste. Puis, il réalisa le risque et eut peur de ce que les ombres pouvaient faire, avant d'avoir envie de se gifler pour sa peur bestiale de la magie. Si le pouvoir d'Orpheos ne lui avait jamais fait de mal, il n'y avait pas de raison pour que cela commence ce soir là. Et puis, tout s'envola lorsque celui ci conclut, une infinie tristesse sur son sublime visage,


« Pardonne-moi de te l’avoir caché. Pardonne-moi, je n’ai voulu que maintenir votre sécurité. »

Llanistar, refrénant une larme soudaine, se leva et se jeta dans une étreinte avec son amant. Il ne ressentait plus que la profonde affection qui les liait et une profonde compassion pour Orpheos. Ses bras entourant le chancelier, il le pressa contre lui, avec fougue mais sans brutalité. Il ne sut combien de temps ils restèrent ainsi mais lorsque le nordique fut certain de ses mots, il déclara,

« Tu es mille fois pardonné, mon amour. Tu as fait ce qui te semblait juste, avec de nobles intentions, et personne sur terre ne peut te blâmer pour ça. »

Le général se détacha du Sheikah, sans froideur cette fois. Il lui offrait un sourire empreint d'une profonde émotion, et essuya une larme qui s'apprêtait à couler le long de sa joue. Contrairement à ce qu'Orpheos devait avoir imaginé, son amant ne l'avait jamais tant estimé qu'en cet instant. Se lier à une force comme ces ombres pour protéger un être cher, c'était là un courage rare, que Llanistar admirait. Habitué à se détester, le chancelier ne le voyait pas ainsi mais il avait tord.

« Ta bravoure surpasse de très loin la mienne, Orpheos. Ne sois pas dur avec toi même, tu es l'une des plus belles âmes que j'ai rencontré. Il passa délicatement sa main dans les cheveux du conseiller de Zelda, son émotion trahissant sa sincérité. Puis, son sourire disparu et ce fut son tour de baisser les yeux. Quand à moi, je n'ai pas d'excuses à te donner pour t'avoir cacher mon propre secret, excepté celle d'avoir craint que cela t'éloignerait. »

Et de fait, Orpheos ne risquait rien du don de Llanistar, mais à chaque fois que ce dernier avait révélé son secret, il n'avait provoqué que la peur et la méfiance. Et il n'y avait rien de surprenant à cela : qui resterait de marbre en apprenant qu'un ami, depuis la première rencontre, pouvait lire ses émotions, déceler un mensonge ou même manipuler légèrement ses pensées ? Personne de sensé. Mais à présent, le nordique ne pouvait se dérober. Pas après que le chancelier lui ait ainsi fait confiance. A lui d'accorder la sienne à son amant, à lui de se mettre à nu.
Dans un premier temps, Llanistar fit silence. Le calme l'envahit et il fit le vide. Bien vite, le bureau des arts, le fauteuil, les étagères, tout disparut de son état de conscience. Alors, il ouvrit en grande les portes de son esprit, laissant le don filer vers le monde et entrer en lui. Le monde s'imposa à lui et il s'imposa au monde. Et d'un coup, il vit au delà d'avec ses yeux. Alors, il déclara, neutre,


« Un livre va tomber du bureau. Une chouette va passer devant la fenêtre. Et je peux sentir ta culpabilité. »

Alors, en quelques instants, un épais volume chuta sur le sol, un prédateur nocturne volant fila dans la nuit, et Llanistar se referma à l'aura d'Orpheos. Le général ne savait comment le chancelier allait réagir mais il ne lui mentirait sur rien.

« J'ai ce don depuis des années. Si je veux, je peux entrer en communion avec ce qui m'entoure. Je peux lire les émotions des autres, et parfois influencer leurs esprits. Le poids du don était plus lourd à porter en cet instant que jamais, et pourtant il continua. Je ne l'ai jamais utilisé contre toi, ni pour te lire ni pour te manipuler, mais j'en suis capable. Si j'ai senti ta présence durant la bataille, c'est que j'ai reconnu ton aura. Et si je ne t'en avais jamais parlé... »

Il s'approcha de son amant au point de pouvoir presque l'embrasser. Sa voix était lourde de culpabilité et de honte.

« C'est que je suis un lâche qui n'osait pas te faire confiance. Pardonne moi. »

Llanistar eut envie de presser à nouveau ses lèvres contre celles d'Orpheos, mais il ne le fit pas. Ca n'était pas à lui de décider si il en avait le droit à présent. Seul son amant le pouvait.


Orpheos


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Avant d’avoir le temps ou la présence d’esprit d’enchainer sur quelque chose d’autre à faire, ou quelque chose d’autre à dire, Orpheos fut pris de court par l’étreinte soudaine de Llanistar. Comme un automatisme, le corps du Sheikah se détendit au contact du sien, et il se laissa aller à cette embrassade. Là, au creux de ses bras, Orpheos se sentit vivant.

-Tu es mille fois pardonné, mon amour, murmura Llanistar à son oreille au bout d’un certain temps. Tu as fait ce qui te semblait juste, avec de nobles intentions, et personne sur terre ne peut te blâmer pour ça.
-…Merci, bredouilla le musicien.

Celui-ci ne savait pas quoi dire ; il était heureux d’entendre ces mots de la bouche d’un homme, le sien, qu’il aurait pensé d’un jugement plus dur. L’amant Llanistar venait de parler et surtout de faire taire le général, mais Orpheos commençait à bien le connaître. Il savait qu’une partie de lui désapprouvait les choix qu’il avait pris, au point de lui en vouloir peut-être.
En revoyant son regard polaire planté dans le sien, et son visage brut arborer une expression de tendresse sous sa barbe, Orpheos se dit malgré tout que Llanistar devait quand même l’aimer assez fort pour qu’une autre partie de lui soit fier de ces mêmes choix.


-Ta bravoure surpasse de très loin la mienne, Orpheos. Ne sois pas dur avec toi même, tu es l'une des plus belles âmes que j'ai rencontrées.
-Si tu savais, pourtant, à quel point mon âme est entachée par mes actes passés, souffla l’éphèbe pendant que Llanistar caressait sa longue chevelure ébène. Les Ombres ne pouvaient se lier qu’à une personne ayant elle-même une part de profondes ténèbres. Tu comprends pourquoi j’ai dû te cacher mon secret.
-Je n'ai pas d'excuses à te donner pour t'avoir cacher mon propre secret, répondit le général en baissant le regard, excepté celle d'avoir craint que cela t'éloignerait.

Les yeux verts du Sheikah l’observèrent avec attention. Il eut peur, tout à coup. Qu’avait-il eu à lui cacher tout ce temps ? Etait-ce quelque chose qui pourrait les mettre en danger tous les deux ? S’ils s’étaient caché tant de choses à l’un comme à l’autre, c’était bien parce qu’ils ne se faisaient pas encore assez confiance. Llanistar comptait-il leur permettre de le changer ?
Mais soudain, il déclama ses mots d’un ton monocorde :


-Un livre va tomber du bureau. Une chouette va passer devant la fenêtre. Et je peux sentir ta culpabilité.
-…Quoi ?

En voulant reposer sa main sur le bureau tout en restant face à Llanistar, Orpheos fit soudainement tomber un épais volume d’architecture. En se retournant, il put également voir une forme blanche passer devant sa fenêtre pour disparaître dans la nuit.
Orpheos interrogea vivement son ami du regard.


-J'ai ce don depuis des années, expliqua ce dernier. Si je veux, je peux entrer en communion avec ce qui m'entoure. Je peux lire les émotions des autres, et parfois influencer leurs esprits. Le poids du don était plus lourd à porter en cet instant que jamais, et pourtant il continua. Je ne l'ai jamais utilisé contre toi, ni pour te lire ni pour te manipuler, mais j'en suis capable. Si j'ai senti ta présence durant la bataille, c'est que j'ai reconnu ton aura. Et si je ne t'en avais jamais parlé... C'est que je suis un lâche qui n'osait pas te faire confiance. Pardonne-moi.

Orpheos maintint entre eux la distance que Llanistar venait de réduire en s’avançant, prêt à recueillir le baiser qui scellerait leur confiance mutuelle. Le musicien approcha lui aussi son visage du sien, jusqu’à ce que leur nez se frôle, et que leur front se touche.

-Penses-tu vraiment qu’avec ce que j’ai fait, je serais en position de te juger ? Crois-tu que je parviendrais à ne pas te pardonner, toi qui t’es tant soucié de moi ? Je me suis jeté à moi-même une malédiction, alors que toi, tu as hérité du plus beau des dons. Celui de communier avec ce qui t’entoure.

Orpheos déposa un baiser sur les lèvres du général, lui signifiant qu’il ne trouvait rien à lui redire. Comment aurait-il pu ? Llanistar n’avait même pas usé de son don sur lui. De plus : apprendre à connaître son amant petit à petit, au gré des quelques révélations disséminées au fil d’une relation, c’était en somme une chose normale. Même pour eux, que l’opinion aurait sans doute décrété anormaux.

-Mais je comprends, maintenant, comment tu as su que j’étais présent à la bataille du vallon Gérudo. Et tu sais quoi ? Je me sens rassuré de pouvoir penser que tu peux ressentir ma présence non loin de toi.

Orpheos se plaqua contre son corps pour recoller ses lèvres contre les siennes. Jamais il ne s’était senti physiquement protégé par quelqu’un, c’était la première fois. Blotti contre Llanistar, il semblait que rien ne pourrait lui arriver.
Le chancelier se détacha lui aussi après quelques moments de retrouvailles muettes.


-Faisons en sorte que nos secrets ne nous détruisent pas, mon beau. Unissons-nous mieux grâce à eux maintenant qu’ils n’en sont plus. Protège-moi et je te protègerai. Aime-moi et je t’aimerai. Derrière ces murs ou en dehors, sur la couche ou sur les champs de bataille, accordons-nous une confiance mutuelle, et ainsi nous n’en deviendrons que plus forts. Ensemble, d’accord ?

Sa main gauche vint chercher la main de son aimé. Non pas celle en métal noir, la nouvelle qu’il s’était faite forger, mais celle qui n’avait pas été abîmée. Celle qui pouvait ressentir tout ce qu’elle touchait. Sentirait-elle tout le courant qu’Orpheos tentait de lui faire passer ? Son regard, en tout cas, était limpide.


Llanistar van Rusadir


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Llanistar aurait voulu que leur étreinte ne s'arrête jamais. Qu'ils restent collés l'un à l'autre, sans devoir se préoccuper du monde, de leurs devoirs. Parfois, et particulièrement en cet instant, il ne parvenait plus à assumer le poids qui pesait sur ses épaules. Un poids qu'il avait choisi de porter, volontairement, mais qui fatiguait son corps et son âme. Comme si la lutte de chaque instant contre l'injustice l'empêchait de vivre, de profiter pleinement de chaque jour. Lorsque Orpheos l'embrassa, il rendit ce baiser avec tant de passion qu'il faillit renverser son amant sur le bureau. C'était trop beau pour ne durer qu'un temps.
Et pourtant, le chancelier se détacha légèrement, assez pour planter son regard magnifique dans celui du général, et lui dire, avec une sincérité qui fit brûler le coeur du nordique,


« Faisons en sorte que nos secrets ne nous détruisent pas, mon beau. Unissons-nous mieux grâce à eux maintenant qu’ils n’en sont plus. Protège-moi et je te protégerai. Aime-moi et je t’aimerai. Derrière ces murs ou en dehors, sur la couche ou sur les champs de bataille, accordons-nous une confiance mutuelle, et ainsi nous n’en deviendrons que plus forts. Ensemble, d’accord ? »

Dans ses yeux brûlait une flamme que Llanistar reconnut. C'était la marque d'une passion nourrie par une volonté de se battre, et par l'amour. Un instant, le visage que vit le dernier des Rusadir ne fut pas celui d'Orpheos, mais celui d'Aeldis. L'image de son vieil amour perdu fut trop dure à supporter, et il pressa son amant contre lui, réprimant mal un brusque sanglot.
Llanistar réalisa soudainement à quel point il se trompait quelques instants plus tôt. A quel point il s'illusionnait en pensant pouvoir se cacher du monde et trouver ainsi son bonheur. La dernière fois que le nordique avait baissé la tête et refusé de se confronter au danger, il avait perdu un être cher. La simple idée de perdre Orpheos lui était tout aussi insupportable. Ce dernier avait prit place dans le coeur de Llanistar, un coeur qu'il avait longtemps pensé crevé, brisé en morceaux, vidé de son essence. Le chagrin de la perte d'Aeldis l'avait depuis toujours poussé à garder ses distances, à ne pas s'ouvrir... Et pourtant, il avait été attiré par le chancelier, dés leur rencontre. Presque comme si les dieux lui offraient une seconde chance... Et quelle chance !
Il frissonna quand les doigts de son amant vinrent caresser sa main.


« Je te protégerai. »

Llanistar baissait la tête et ses yeux, trop ému pour oser plonger dans ce regard, trop peu habitué à s'offrir ainsi, pleinement et sans défense. Orpheos n'était que le troisième homme qui le voyait ainsi, de toute une vie. Mais chaque mot était tant gorgé d'émotions que le chancelier comprendraient le poids qu'ils représentaient, pour le général. Ses doigts enlacèrent ceux du Sheikah

« Je t'aime et je ne cesserais jamais de t'aimer. »

Il releva la tête. Malgré les larmes qu'il ne pouvait retenir, Llanistar offrit à Orpheos un sourire où on pouvait lire beaucoup de sentiments, et tous découlaient d'un amour profond. Il passa sa main de métal dans la chevelure noire du chancelier. En cet instant, il lui semblait presque pouvoir ressentir la douceur de ces boucles, comme il aurait pu le faire, un an auparavant. D'ordinaire, et malgré le chef d'oeuvre qu'elle était à présent, le général ne pouvait accepter ce membre froid, tout comme il ne s'était jamais trouvé séduisant. Cette nuit là, dans cette douce intimité, il se sentait comme un dieu. Comme rendu beau par un miracle divin, et ce miracle c'était l'amour qu'il lisait dans les plus sublimes yeux du monde.

« Je te promets que la mort ne nous prendra pas l'un sans l'autre, Orpheos. Où tu iras, je serais là, fusse en enfer ! Je refuse de te perdre à nouveau. Je ne le supporterais pas. »

Llanistar fit mine d'embrasser son amant mais alla chercher son cou, et y déposa un baiser, puis un deuxième. Il colla le corps du chancelier contre le sien, brûlant. Lentement, avec douceur, il le renversa sur le bureau et grimpa sur le meuble. Dominant son amant, il se pencha contre lui et murmura à son oreille,

« Ce que tu as fait dans le passé ne m'intéresse pas. Nous aurons bien le temps de parler de nos crimes. Je veux... Je veux construire un avenir, avec toi. Pour Hyrule, pour Zelda, pour mon pays, pour nous. »

Pour la première fois, Llanistar compris que ce "nous" existait bel et bien, et pourrait durer longtemps.


Orpheos


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Qu’avait bien pu dire Orpheos pour qu’une ombre passe dans les yeux de son aimé ? Qu’avait-il bien pu lui rappeler pour qu’il vienne se presser contre lui en réprimant un sanglot ? Instinctivement, le Sheikah posa une main douce et compréhensive sur celle du générale – la main de chair, celle qui lui transmettait toute sa chaleur, aussi nordique que l’homme fut.

-Je te protégerai. Je t'aime et je ne cesserais jamais de t'aimer.


Les doigts de musicien du chancelier s’enlacèrent, tout naturellement, entre ceux beaucoup plus épais de Llanistar. Le général n’osait pas le regarder.


-Tu me voles ma réplique, mon beau. Tu le sais fort bien… que moi aussi, je t’aime.


Ses mots aidèrent le général à relever la tête. Son regard humide, son sourire douloureux, sa main hésitante qui passait dans ses cheveux… Orpheos n’aurait pas cru qu’un jour, ou une nuit plutôt, il profiterait de toutes ces douceurs après avoir lâché du bout des lèvres le plus terrible des verbes à prononcer. Il n’y avait tout simplement pas cru. Pas après le prince Efelron, qui lui avait brisé le cœur en partant loin de lui à jamais. Pas après les aventures d’un soir, où il s’était laissé utiliser comme un objet. Pas après toute cette solitude endurée. Non, il n’y avait pas cru, mais quelque chose dans les yeux de Llanistar lui donnait envie de recommencer à y croire.
Le général était tout simplement le premier à lui rendre ce qu’il ressentait. Il était le premier à le rendre heureux. Il le réalisait, maintenant. Il réalisait qu’il comblait un vide froid et obscur dans son cœur meurtri.


-Je te promets que la mort ne nous prendra pas l'un sans l'autre, Orpheos. Où tu iras, je serai là, fusse en enfer ! Je refuse de te perdre à nouveau. Je ne le supporterais pas.

-Tu ne me perdras pas. Tu ne me perdras plus.

Orpheos tendit ses lèvres pour cueillir celles du militaire, mais celui-ci vint plutôt les déposer au creux de son cou. Sa barbe bien fournie le chatouilla brièvement, mais la chaleur de son souffle sur sa peau commença rapidement à le chauffer lui-même. Bien qu’Orpheos demeura muet, son corps parla pour lui dès lors que Llanistar le renversa sur son bureau. Plusieurs livres tombèrent quand il grimpa dessus.
Le contact de la bouche de Llanistar, collée à son oreille, l’électrisa. La caresse de sa voix encore davantage.


-Ce que tu as fait dans le passé ne m'intéresse pas. Nous aurons bien le temps de parler de nos crimes. Je veux... Je veux construire un avenir, avec toi. Pour Hyrule, pour Zelda, pour mon pays, pour nous.

-Je t’y aiderai. Avec tout ce que tu me donnes, je te dois bien cela. Je te dois celui que je deviens… ou que je redeviens. C’est pour tout cela que j’y crois, en toi, et en nous.

Les mains d’Orpheos se levèrent et vinrent attraper la crinière brune du général, d’abord pour le tirer en arrière, puis pour le ramener à ses lèvres. Des soupirs rauques peuplèrent bientôt le cabinet des Arts. D’autres livres et feuilles de papier chutèrent du bureau en même temps que les vêtements. Il n’y eut bientôt plus rien sur la surface de bois pour supporter les deux corps nus qui manifestèrent leur joie et leur extase de se retrouver. Peu leur importèrent l’idée de prochaines épreuves à endurer, ils seraient bien assez forts ensemble pour être capable de les traverser.


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