Posté le 10/05/2012 23:07
Son épaule supporta le poids du Spectre, alors même que l'acier avalait le tissu, scindait les mailles et déchirait sa chair. Il se plia légèrement en deux, soutenant tant bien que mal le cadavre de son ennemi, empalé sur la lame sacrée. L'étreinte mortelle qui liait les deux combattants ne l'autorisait pas à voir quoique ce soit d'autre que le corps pourri (et en lambeaux) de l'émissaire. Sublime grimace que celle qui ornait le visage du Héros. Sa main, noircie par la foudre, s'était de nouveau enroulée contre la fusée de son épée, en dépit de cette douleur austère. Son sang, chaud, coulait doucement. Il le sentait, mouillant son épaule, comme son torse, tâchant sa tunique de traces carmins, qui sur le vert-espoir, se teintaient d'un rouge plus proche du noir. Sale plaie, il le savait là.
Il avait l'impression de s'enfoncer, plus l'ectoplasme s'affalait sur lui. Comme s'il traçait un véritable sillon, à chaque centimètre qu'il reculait, ployant sous la masse de ce cadavre, pourtant supposé fantomatique. Ses pieds, en appui sur la pointe uniquement, il contenait aussi bien qu'il lui semblait possible les restes de son ennemi.
Le blond savait qu'il perdait du terrain, doucement, mais sûrement. Il était cambré, et luttait pour ne pas chuter, s'appuyant sur la Créature autant qu'elle ne s'appuyait sur lui, et profitant de la garde de son épée comme d'une poignée, pour se maintenir debout.
Le combat silencieux et quasiment immobile qui se donnait entre un mourant et un estropié était sans doute tout aussi éprouvant que le reste de leur affrontement, voir peut être même plus violent que tout ce qui avait eu lieu auparavant.
L'Hylien était déjà trempé de sueur, et dorénavant, sur son corps et ses vêtements (désormais presque guenilles) se mélangeaient en un dosage subtil, mais sans doute peu agréable à l'odorat, l'hémoglobine et le produit de cet effort associé à cette chaleur. Ses muscles bandés pour résister, il décela enfin une faille.
Celui qu'on avait parfois appelé Fils-de-Personne joua des épaules. Percutant du plus fort qu'il pouvait avec la droite, il recula la gauche, pour mieux s'arracher à cette embrassade fatale. Le sosie de Ganondorf parti vers l'arrière, avant de disparaître dans un dernier murmure que le Courage n'avait eu loisir d'entendre.
Le fer raisonna contre les mornes pavés de cette sinistre salle du trône. Ses mains n'avaient su tenir plus longtemps l'Épée de maître, comme ses jambes ne le portèrent pas plus. Il s'effondra, ses genoux heurtant avec violence la pierre, en proie à une douleur sourde. Les yeux rivés sur le sol, l'échine brisée, le dos courbé. La dextre droite tenue par la gauche comme pour soulager une souffrance qu'il ne parvenait déjà plus à supporter. Le regard vidé, et l'espace d'un instant, absent.
Le Garçon de la Forêt ne savait pas que derrière lui les trois hommes en avait fini des flammes et des ombres. Pas plus qu'ils en avait payé le prix. Il ne savait pas non plus que sous peu, Dun poserait pied à terre. Tout ça lui était visible et invisible à la fois. Sans avoir à être prisonnier du cristal, ou d'être victime de l'obscurité pour être réellement coupé du monde. Cette douleur – qui l'assaillait à la mâchoire, puis frappait à l'épaule, avant de courir jusqu'à la main opposée pour enfin attaquer sa jambe – semblait ériger entre lui et l'extérieur une sorte de mur imperméable.
Bientôt, ses chausses elle même furent imbibées de sang. Gouttant au sol, le liquide carmin rencontra la seule résistance de ses bottes de cuirs, là où tous les autres tissus ne manquaient pas de se colorer d'un nouveau ton rouge.
Un piège, hein ? Comme s'il n'avait pas compris, ça. Le Champion de Farore se surprit à sourire discrètement (quoiqu'un poil moqueur), son visage toujours pointé sur le sol, en silence. Depuis le départ c'était l'évidence même. Le Seigneur Noir n'avait d'autre objectif que d'affaiblir le Royaume et la Couronne, et c'était bien chose faite. Il n'aurait su dire combien étaient tombés pour porter secours au Prince (et peut être était-ce mieux comme ça, au vu de sa réaction dans la Grand-Salle.), mais nul doute qu'ils se comptaient par dizaines et en suffisance pour porter à la Sainte-Terre des Déesses un coup comme rarement.
Le reste des mots lui échappa magistralement, tandis que s'effaçait son sourire, au profit de cette grimace qui tordait son faciès.
Il parvenait à peine à saisir la fébrilité du Prince, dans ses propos. Tout juste à sentir son angoisse. Rien ne semblait pouvoir le tirer de cette léthargie. Pas plus la crainte du monarque que sa colère, somme toute.
« Sauvez ma FEMME ! »[/color]
Link ne releva pas la tête, mais ces trois mots surent l'atteindre mieux que n'importe quel discours. Sa main gauche eu tôt fait de lâcher la droite (toujours aussi douloureuse) pour venir chercher la poignée de l'Épée de légende. La pointe de l'acier béni posée sur le sol troubla la marre de sang, au pieds du Héros, tandis qu'il écoutait désormais sans plus rien manquer la moindre miette.
Ganondorf, dans toute sa bassesse, et toute sa lâcheté, ne put-il s'empêcher de penser, mais aussi dans son génie. Car tout aussi fou et – parfois – couard qu'il pouvait être, le Gérudo restait un stratège militaire sans équivalent. Chaque assaut était si bien préparé, que c'en était effrayant.
Et, pour autant, ce qui scotcha l'enfant de la Forêt plus encore que toute la vilenie du Seigneur Noir restait le discours que Loireag lui destinait à lui seul. Il... Il lui était impossible d'accepter... Non..! D'imaginer accepter abandonner la Princesse, sa presque-soeur, aux mains de la Force. Il ne pouvait tout simplement pas y penser, et pourtant, malgré cette fureur qui dansait au fond de son regard, force était de reconnaître que le monarque Hylien avait raison. Tout en écoutant, (encore, toujours) il contemplait dans la flaque le reflet de son impuissance, guerrier estropié, combattant affaibli, homme saigné. Rien ne pouvait contredire cette évidence, et même avec tout le Courage du monde, il n'aurait pu sauver Zelda des griffes de personne dans cet état.
"Je..." Commença-t-il, sans pouvoir terminer, interrompu par un nouvel instant de faiblesse. Les Ombres, semblerait-il, n'avaient pas supprimer la totalité du poison d'Esar...