“Le prisonnier voit la liberté plus belle qu'elle n'est.”

[Geôles] [Libre mais essayez d'avoir une vraie justification pour venir]

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Swann

Championne d'Aegis

Inventaire

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(vide)

Un silence de cathédrale régnait.

La révélation des intentions de Ganondorf par Swann avait jeté un froid terrible ; Llanistar restait interdit. Si la dragmire avait été dans un meilleur jour, elle en aurait probablement lâché un nouveau rictus satisfait. Elle s'en garda, cette fois, ne souhaitant certainement pas provoquer l'ennemi dans son terrier, et en subir les conséquences. Elle se contenta d'observer, attentive, les pupilles plantées sur l'Etranger. Lorsqu'il se leva pour annoncer la fin de cet interrogatoire musclé - mais bien assez court, à son soulagement -, elle ne broncha ni ne répliqua rien qui puisse la desservir, consciente qu'elle en avait déjà bien assez fait et que son corps affaibli ne supporterait pas éternellement les violents coups des soldats. Néanmoins, elle regagna un air condescendant, presque victorieux, lorsqu'on la décrocha puis qu'on la fit sortir de la pièce. Elle avait le presque-sentiment de n'avoir rien perdu sur ce coup-ci.

Les informations concernant le plan d'attaque - inaccompli - au village Cocorico n'étaient rien en comparaison de celles relatant à ses propres projets ; la pègre du Bourg, dans son ensemble, était sauve. Bien que son ennemi savait qu'elle avait participé au Tournoi d'Aegis, il n'avait pas jugé bon de se pencher davantage dessus et aucun lien n'était fait entre elle et les plus pourris des hommes et femmes des bas quartiers. Car elle ne doutait pas une seule seconde que si son "association" avec Aedelrick Foxclaw et les brigands du Bourg était démasquée, l'armée hylienne deviendrait beaucoup plus encombrante et attentive à leurs faits et gestes. Heureuse de cela, l'hispanique s'accorda un bref sourire au moment de quitter la pièce, qui la quitta bien vite en se rappelant quel traitement elle devrait encore supporter avant de sortir d'ici.

Et le temps lui parut bien long, enchaînée de toutes parts contre le mur de sa cellule. Bien qu'elle fut toujours en compagnie de son nouvel allié - l'ennemi avait, semble-t-il, décidé de la ménager un peu, à raison -, elle ne fut pas toujours en état de combler son temps libre pour discuter avec lui ; pour cause, son état empirait de jours en jours. Le Castel avait beau avoir envoyé un médecin pour soigner les blessures les plus évidentes, et les plus dangereuses, il n'avait en réalité accomplit son travail qu'à moitié devant les indispositions qu'avait eu l'assassin à se faire soigner par un hylien envoyé par le Général - ou de quiconque dans ce château. Pour ne rien arranger, Swann évitait de manger, parfois même de boire. Par fierté, peut-être ; Par peur, plus certainement, de finir empoisonnée. Bien que cette extrême méfiance l'affaiblisse considérablement, elle se refusa, jours après jours, nuits après nuits, à céder.

A l'orée de la huitième nuit, la dragmire apparaissait presque inoffensive. Fatiguée, mais dans l'incapacité de s'endormir, elle ressassait de vieux souvenirs, de vieilles pensées. A mesure que son état s'était dégradé, l'humeur des Larmes du Clan devenait de plus en plus sombre. Il lui semblait son avenir beaucoup plus incertain, alors qu'elle désespérait qu'on lui vienne en aide. Où était Songe ? Où était sa famille ? Tous, dans le royaume, étaient au courant de la capture de la Lionne Noire. Et elle qui, pensait avoir gagné de nombreux alliés au fil de ses rencontres, était toujours retenu en cage derrière les mêmes barreaux de fer depuis bientôt quatre semaines. Presque un mois entier, sans que rien ne bouge ; sans qu'elle ne reçoive un signe, infime, qu'on ne l'oubliait pas. Elle avait cru en son amie, Tristenuit, et elle y croyait encore au fond d'elle-même. Mais rien dans cette cellule ne la poussait vers une quelconque forme d'optimisme. Aussi, cette nuit-là, elle avait fait son choix. Celui de revenir à ce qu'elle était autrefois, quand tout allait pour le mieux ; quand elle était encore un Cygne en plein envol.

Elle cracha par terre, dégoûtée : « Saloperie », souffla-t-elle. Ses yeux fixaient le garde de leur cellule. Comme chaque nuit, à chaque seconde, Swann guettait inlassablement un instant pour agir. Elle se savait en grande méforme mais n'en n'avait cure ; depuis quelques jours, déjà, elle s'était résolue à l'idée de ne pas attendre qu'on vienne la chercher, et économisait au mieux le peu de forces qui lui restaient pour s'en sortir. Au bout de quelques instants, le garde se leva, et sortit de son champ de vision. « Où tu vas comme ça, garçon ? », s'interrogea-t-elle. « Eh ! Lanre ! » Lâcha-t-elle, plus fort, avant de toussoter légèrement. Un drôle de pressentiment gagna la brune, qui se redressa comme elle le put avec ses chaînes. Elle ne savait pas si elle avait réveillé le maître chasseur - ou même s'il dormait déjà -, mais elle sentait que s'ils se devaient de saisir leur chance ce soir.

Par une curieuse coïncidence, ou un heureux hasard, le Chancelier des Beaux-Arts lui-même avait décidé de passer par les prisons du Castel au même moment. La Belle de Villarreal, à l’affût, écouta la conversation qu'il avait avec le garde ; un étrange sentiment d'incompréhension la gagna alors que le garde quittait son poste et qu'Orpheos lui apparaissait enfin, derrière les barreaux de sa cage. Son sang frémit en revoyant ce visage. Le combat, les ombres, les flammes, la mort, sa sœur à l'agonie : toutes les images d'une journée qui l'avait marquée à jamais lui revenait. Son poing se serra, désireuse depuis longtemps d'une revanche, sans qu'une once de crainte ne l'effleure malgré le talent de son adversaire et l'état catastrophique dans lequel elle se trouvait. Puis, la voix du dignitaire tonna, pour briser toute les douleurs, les souffrances et les colères de la Lionne.

« Fais tes bagages soeurette, on quitte l'endroit sans tarder. »

Songe.

Lorsque les clefs ouvrirent les portes de sa cellule, l'Enfant de Ganondorf fut prit dans un tourbillon de sentiments plus ou moins contraire ; lorsque son amie s'approcha, elle sentit un profond soulagement la gagner en même temps qu'un immense regain d'énergie ; et lorsque les premières chaînes furent enlevées, elle en avait presque les larmes aux yeux. Délivrées de toutes ses entraves pour la première fois depuis quatre très longues semaines, la Championne d'Aegis en profita pour immédiatement serrer sa sauveuse dans ses bras. C'était déjà la deuxième fois que la sorcière à la chevelure blanche venait à son secours, mais cette fois-ci fut sans aucun doute la plus intense. Pour cause, tout ce qu'elle avait subit depuis son combat contre le Héros du Temps. « Merci ! » Soupira-t-elle faiblement, autant atteinte par son état que par l'émotion. Desserrant son étreinte, elle lui sourit de bonheur. « Je savais que tu viendrais », glissa-t-elle.

Rattrapée par ses nombreuses douleurs et une fatigue générale de tout son corps, la lionne s'affala contre un mur qu'elle souhaitait pourtant quitter plus que tout. « Ça va », tenta-t-elle de rassurer. Son regard glissa sur son comparse, pour que Songe s'occupe de lui avant toute chose. Malgré tout, le temps leur était compté : le garde pouvait revenir à tout instant. Sa jeune amie comprit aussitôt que le rouquin serait de la partie, et s'attela à le détacher au mieux ; pendant ce temps, l'assassin tentait de retrouver des jambes, sans succès. Quand Songe tendit lui tendit un cimeterre, ce fut avec beaucoup de mal qu'elle s'en empara. Si sa poigne était sûre et qu'elle saurait très certainement s'en servir au cas échéant, elle n'était pas bien certaine de courir bien loin avec ; et puis, Dent de Dragon lui manquait affreusement. Ses courbatures dans les bras et les épaules finir de l'inciter à céder sa place en cette nuit.

« Eh, l'ami », siffla-t-elle avec malice. Elle fit un pas dans la direction du Ceald, manqua de trébucher et se rattrapa in extremis à son épaule. Il y eut un silence durant lequel la terrifiante hylienne se désola de sa faiblesse apparente ; presque honteuse de ne pouvoir être utile dans cette évasion, elle tendit la lame à son compagnon. « Tiens », dit-elle sèchement.

Elle manqua de jurer méchamment ; elle qui, quelques minutes auparavant, se voyait s'échapper du Castel sans aide, déchantait fortement. Ses mollets et ses cuisses ne la soutenaient plus pour tout un tas de raison qu'elle connaissait évidemment. Mais, elle ,qui s'était toujours débrouillée toute seule pour se tirer des pires ennuis, devait se rendre à l'évidence que cette fois plus que toute autre, son sort dépendait de ceux qui l'entouraient. Elle échangea un regard avec le Ceald, qui l'aida à prendre une meilleure prise à son épaule pour la faire marcher, après quoi elle se tourna vers Songe.

« Maintenant, sortons de là. J'en ai assez de la puanteur de cet endroit », dit-elle, amer.


Aedelrik


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(vide)

Le frère Janir était un homme bon, à ce qu'on disait. Simple clerc du grand temple de la citadelle, sa jeunesse l'avait déjà quitté depuis longtemps lors de sa décision d'enfiler la bure sombre des frères de Farore. Cet ordre très mineur s'activait à aider les petites gens, tant pour soulager le fardeau de la misère sur leurs épaules que celui du pêché sur leurs âmes. On pouvait souvent les voir dans les bas quartiers, à distribuer de la nourriture et des vêtements aux humbles, mais ils se voyaient en fait accueillis jusqu'au château, où les soldats appréciaient leur venues. Janir, lui, se trouvait au Temple ce jour là. Son ordre s'était arrangé avec le Pontife : ce dernier les tolérait et en échange, les frères s'acquittaient de plusieurs devoirs liés à la soutane, comme la confession.
Ainsi, le vieux homme faisait le tour des cierges, veillant à ce que leur flamme reste toujours vivace, lorsqu'un homme franchit les portes de l'édifice religieux. Janir ne se retourna pas aussitôt, ne voulant donner l'impression de dévisager le nouveau venu. De plus, lorsqu'un mortel entre dans la demeure de déesses, c'est à lui de se présenter. Mais l'inconnu ne se donna pas cette peine. D'un pas pressé voire précipité, il avança droit vers l'autel et s'assit sur ses genoux devant, le front posé sur le bloc de marbre, les bras croisés en signe de repentance. Janir compris que la gravité de la situation dépassait les habituelles visites de vieilles grenouilles de bénitiers auxquelles il avait droit. Abandonnant ses bougies, il fit rapidement signe aux serviteurs du culte de quitter la salle. Celle ci se trouva alors complètement déserte à l'exception du visiteur et du clerc. Le vieux frère s'approcha alors, lentement et assez bruyamment pour que l'homme l'entende venir. Il observa de son regard myope que ce dernier était plutôt jeune, avec des cheveux roux et une tenue qui le plaçait au dessus de la majorité du bas peuple. Quand il se trouva à quelques pas de l'autel, Janir saisit des bribes de murmures et perçu un accent bizarre dans la voix de l'inconnu. Un étranger. De plus en plus intrigué, le prêtre s'avança jusqu'à pouvoir poser une main paternelle sur son épaule. Il tremblait sous le cuir de sa tunique, et semblait secouer par une forte émotion.


« Allons fils, calme toi. » lui intima doucement Janir. « Que puis je faire pour toi ? » L'homme releva la tête et leurs regards se croisèrent. Le prêtre lut sur ce visage une peur et un chagrin immense, si bien qu'il eut aussitôt un élan infini de compassion pour cette âme tourmentée. Le vieux aida le jeune à se relever et attendit sans impatience une réponse qui tarda un peu à venir, la voix du garçon visiblement enrouée par son état de choc. « Mon père... Je veux obtenir le salut. » Ca sonnait comme une expression apprise par coeur, sans doute enfant. Soucieux de ne pas rester dans le flou, Janir demanda, « La confession ? C'est ce que tu es venu chercher ? » Le visage de l'homme s'illumina un instant et il répondit aussitôt, « Oui ! Oui, c'est ça ! »

« Bien, alors suis moi. » Le rituel de la confession exigeant une parfaite intimité, ce qui ne manquait pas d'inspirer les auteurs de chansons grivoises, Janir mena sa brebis égarée dans une salle annexe, lui en tint la lourde porte pour l'inviter à entrer, puis la ferma à clé. Au fond de lui, le vieux prêtre brûlait d'entendre les aveux de cet homme, et se retourna avec un sourire de bienheureux. Il n'eut que le temps d'entendre « Pardonnez moi mon père, car je vais pécher. » avant que le gourdin ne vienne s'écraser contre son crâne.

* * *

La bure était un peu courte. Ce foutu cureton s'était avéré plus petit que ce qu'il avait cru mesurer en l'observant depuis les toits du quartier pauvre. Mais enfin, les frères de Farore n'avait pas réputation de porter du sur-mesure. Et la toile rêche et large avait au moins pour intérêt de pouvoir dissimuler beaucoup d'équipement. Qui se méfierait d'un prêtre à l'air niais ?

Aedelrik avait beau détester son propre plan et déjà regretter ce qu'il avait fait au temple, il continuait sa route. Un pas après l'autre sur le chemin de terre qui l'éloignait du bourg, il se maudissait d'avoir usé de violence dans la maison de déesses. Elles pourraient mal le prendre, ne pas chercher à connaître ses raisons, vouloir le punir... Le Renard avait largement subit son lot de châtiment divin, pour toute une vie. A cracher vers le ciel, on se prend un molard dans l'oeil, comme il disait souvent. Mais les frères de Farore étaient fort peu nombreux et les approcher seul à seul relevait de la gageure tant ils se trouvaient constamment assaillis par les fidèles. Le vieux du temple était une bonne cible. Aedelrik détestait son plan, mais il fallait se ranger à la raison : pour l'instant, tout fonctionnait.

Au détour du chemin, la silhouette majestueuse et toute aérienne du donjon d'Hyrule se révéla à lui, et il sentit un frisson lui parcourir l'échine. Depuis son arrivée, le voleur s'était soigneusement tenu éloigné du château, de ses remparts et de l'armée qui stationnait à l'intérieur. A quoi bon s'en approcher, de toute manière ? Autant jeter un renard dans un chenil. Seulement, si le goupil a un très bon instinct de survie, il possède également un vilain défaut, parfaitement malgré lui : un sens de l'amitié qui le pousse à des folies pour aider ceux à qui il s'attache.
Or, Aedelrik n'avait pas manqué, lors du retour victorieux du général Rusadir - un nom bien étrange dans ce pays - de reconnaître un ami dans la description qu'on lui avait faite d'un guerrier roux, au caractère d'ours mal léché et doté d'un accent fleuri. Un héros, lui avait on même affirmé ! Le Renard n'avait pas manqué de ricaner, jusqu'à ce qu'il aperçoive Lanre par une fenêtre du chariot-cage qui l'avait emmené jusqu'au château des culs poudrés.


« Merde ! » lâcha t'il, en trébuchant sur une pierre saillante, éraflant légèrement son pied sur le coup. En tombant, le poids de tout son équipement lui comprima la poitrine et il craignit un instant de ne pas parvenir à se relever. C'est alors qu'il entendit une voix appeler, non loin, « Hey ! Mon père ! » Ces mots agirent comme un sort magique ; se rappelant de son rôle, Aedelrik sombra complètement pour laisser place à un frère de Farore, dont la bouche était toujours entrouverte, de cette manière qu'ont les simplets de baver au lieu de parler. Patiemment, il attendit que le garde arrive. Ce dernier courrait, visiblement sans sa lance. Visiblement le crépuscule qui tombait ne le rendait pas méfiant. Une bonne chose. Le Renard eut juste le temps de se relever avant que les mains naïves du soldat ne vienne palper les sacoches dissimulées sous la toile.

« Vous allez bien, frère ? » Il avait changé de formule en constatant l'âge et l'expression du faux prêtre. Plus difficile d'appeler "mon père" un jeunot un peu débile. Aedelrik lui sourit alors béatement et répondit, « Mvoui. Les cailloux c'est dur. Et les jambes... fatiguées. » Il donnait l'air de chercher ses mots, et de les baver à moitié en les prononçant. Le garde, fut il attendri ou bien pressé de se débarrasser de lui, répondit avec empressement, « Vous êtes bientôt arrivé. Passez la première grille, et puis remontez le chemin jusqu'à la porte principale. Si on vous embête, dites que Kov se porte garant pour vous. » Un cadeau en or, merci p'tit gars.

Le reste ne fut que formalité, du moins jusqu'au castel en lui même. Car une fois dans l'enceinte, plusieurs regards se tournèrent vers le jeune frère un peu débile qui se tenait seul dans la cour, sans trop savoir quoi faire. Aedelrik n'était évidemment ni idiot ni novice en matière d'évasion ; il avait veillé à se faire renseigner sur la position de la prison royale. Mais entre les indications assez vagues et la réalité concrète... Néanmoins, le renard savait que la principale activité des frères de Farore au château consistait à visiter les nobles, et à recevoir leurs dons pour l'église. Ils confessaient aussi les soldats, mais personne ne croirait qu'un simplet pouvait se charger d'une telle tâche. En revanche, demander à un débile de convoyer de l'argent, c'était l'assurance de ne pas perdre une piécette sur la route.

Comptant bien profiter de ce prétexte pour couvrir le subterfuge, Aedelrik se dirigea vers les portes du bastion même, le corps principal du château. Une fois passé, après avoir pourtant expliqué à fort renfort de salive qu'il venait soustraire de l'argent aux riches - il parait que l'église a le droit, elle - il se dirigea vers l'entrée de la prison. Là, il changea de personnage et prit un air beaucoup plus digne, bien qu'ornementé d'yeux fuyants devant le regard inquisiteur du soldat, pour prétendre venir proposer l'absolution des derniers prisonniers. D'habitude, c'étaient les prêtres officiels qui s'en chargeaient, mais le Renard comptait sur l'ignorance d'hommes armes sur le sujet. Il ne fut pas déçu.

Lorsqu'il fut descendu, et eut passé plusieurs patrouilles, le voleur parvint devant une porte de fer, gardée par deux soldats en armes et armures. Dés que son regard croisa celui du premier garde, Aedelrik eut le pressentiment qu'un obstacle arrivait sur sa route. Le dit garde aboya alors, sa main serrée sur sa pique,
« Hé là ! Le cureton ! Tu t'es perdu ? » Le frère de farore lui répondit, tout en dignité écorchée vive, « Non... On m'a envoyé pour les derniers prisonniers. » lâcha t'il, faiblement, tout en s'approchant. « Les prêtres n'ont pas à passer. » Grogna alors le chien de garde.

A cet instant, Aedelrik prit sa décision. Tout le reste ne fut plus que du jeu pour combler, en attendant le bon moment. « Je reçois mes ordres du grand Pontife, et il m'a mandaté pour leur offrir l'absolution. Le pardon divin. » répondit il, prenant un air offensé, « Ah ouais ? Et qu'est-ce qui te fait dire qu'ils le méritent ? » A mesure qu'il s'approchait, le Renard dardait des regards furtifs vers la porte et l'ouverture qui y était percée. A travers, il lui semblait voir une tâche rouge se mouvoir. Un fin et discret sourire lui vint, alors qu'il rétorquait au soldat, « Il n'est pas affaire de mérite ici. » et le garde de ricaner avant de demander, en l'imitant grossièrement, « Et il est affaire de quoi ? »

« De ça. » Une dague avait jailli dans sa main droite, et vint se loger sous l'aisselle gauche du garde arrogant, qui mourut dans l'instant en gémissant piteusement. Prit par surprise et sous le choc, le second homme d'arme eut à peine de le temps d'ouvrir la bouche que sa voix s'étouffait dans sa gorge ouverte, d'où se déversait un flot de sang. Aedelrik récupéra alors les clés sur l'un des cadavres et, ayant vérifié son intuition, ouvrit la porte sur son ami et sa tignasse rousse adorée. « Ton chevalier blanc est arrivé, princesse ! » déclara t'il avec un grand sourire.
Il ne se retint d'aller l'étreindre qu'en se rendant compte que Lanre était accompagné par Swann mais surtout par... le chancelier Orpheos. Et voilà. Un plan complet transformé en catastrophe juste par un coup de pute des déesses. Aedelrik se maudit à nouveau. Il aurait pas dû frapper ce prêtre dans le temple. Le Renard arma sa dague et montra les crocs, prêt à frapper au coeur.


Lanre


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(vide)

Les gonds sautèrent dans un bruit sourd. Dorénavant, après des jours et des jours passés derrière les barreaux de fer noir qu'il ne pouvait plus qu'observer, il lui semblait qu'il connaissait ce son mieux qu'aucun autre. Le vent ne soufflait plus dans les arbres, les branchages ne murmuraient plus d'indices aux chasseurs. La corne ne soufflait plus, ni la guerre ni la Traque. Les tambours ne rythmaient plus les danses et le feu ne crépitaient plus pendant les rituels. L'écho des vagues lui même s'était tu, remplacé par un autre concerto, pas moins brutal. Çà et là, des dents claquaient. De temps en temps le fouet retentissait. Parfois, le marmiton trébuchait dans son tablier quand il apportait un fond de pitance puante. Il jurait alors. À chaque allée et venue, les gonds sautaient dans un bruit sourd, secouant les chaînes et effrayant les détenus les plus fragiles — ou les plus brisés. Sans un geste (il lui était de toute façon difficile de bouger), le Ceald accorda son mépris le plus profond au nouvel arrivant. Il ne dormait pas, et ne ferait pas semblant d'être assoupi ; quand bien même le peu de luminosité aurait pu tromper ses geôliers. Les deux jeunes gens leur lancèrent un regard noir. La femme avait laissé place à un balourd, et le premier balourd avait laissé place à un autre homme en armes. Régulièrement, les visages changeaient sans qu'il y prête grande importance, en apparence. En vérité, il mémorisait du mieux qu'il pouvait les faciès qui se succédaient, qui défilaient les uns après les autres. Sur certains, une barbe épaisse mangeait les joues et rongeait les lèvres. Sur d'autres, une cicatrice barrait la joue ou l'oeil. Parfois, la gueule d'un avait perdu une oreille tandis que d'autres situations, le gardien semblait avoir la peau d'un nourrisson. Toutes ces gueules resteraient marquées au fer rouge, espérait-il. Car s'il n'irait pas les traquer, il leur souhaitait de ne pas croiser sa route à nouveau, sitôt qu'il serait dehors.

La voix de Swann s'éleva, interpellant d'abord le geôlier qui s'éloignait, avant de chercher son attention à lui. « Quoi ? » S'enquit-il dans un grognement, vraisemblablement moins tendre qu'il n'avait pu l'être auparavant. La douleur qui l'accablait les jours passé l'aidait un peu à oublier qu'il était enfermé, isolé derrière une cage. Mais aujourd'hui, les fers qui lui dévoraient les poignets, ceux qui lui becquetaient les jambes, nourrissaient sa colère. La lionne toussa, sans lui apporter la moindre réponse. Les échos de la conversation de tout à l'heure s'étaient tus. Le silence ne retombait pas pour autant : la porte grinça à nouveau et des pas résonnèrent dans le couloir. À l'évidence, il ne s'agissait pas d'un garde : la démarche était légère. Celle d'un danseur plutôt que celle d'un soldat. Bientôt une silhouette se détacha dans l'ombre, à contre-jour. Il ne pouvait pas voir le visage de l'inconnu, mais devinait que la cape qui drapait ses épaules camouflait aussi une taille plus gracile, presque plus fluette. Sur sa gauche, les chaînes tintèrent clair : sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte, Swann avait bougé. De peu, certes, mais suffisamment pour que toute son animosité se devine dans ce simple poing fermé, symbole de sa résistance et de son combat. Le Vert-de-Gris glissa de la main de Swann jusqu'à la silhouette presque féminine qui les toisait derrière les barreaux et il eut la réponse à sa question. Voilà pourquoi sa compagne d'infortune combattait, à l'évidence. L'inconnu face à eux était l'une des raisons qui alimentait sa haine et ce soir il venait la narguer.

La surprise s'empara de lui autant qu'elle ne s'empara de sa camarade. Lui qui s'attendait à une séance d'insulte bien senties compris que la liberté leur tendait la main quand le loquet de la serrure grinça et que Swann laissa tomber les masques qu'elle avait maintenu jusqu'à lors. La jeune femme s'effondra dans les bras de l'éphèbe, aussi bien émotionnellement que physiquement. L'étreinte ne dura pas beaucoup plus que le temps nécessaire à stabiliser la prisonnière, mais elle ne manqua pas de trahir l'affection qui jouaient entre les deux. Alors que le jeune homme s'approchait de lui, il se présenta moins méfiant qu'avec le soignant qu'on lui avait envoyer, avant le fouet. La défiance était de mise, c'était indéniable, mais voir la Lionne si enjouée avait tendance à l'apaiser. Bientôt, les carcans qui le maintenaient immobile tombèrent et à son tour il manqua de chuter. L'épaule du bellâtre réceptionna son thorax, juste sous les plaies encore vivace qui lui fendaient les pectoraux. Il grogna doucement, encore en proie à la douleur, acceptant une aide qu'il n'avait pas demandé mais dont il ne pouvait pas se passer. S'appuyant sur la faible carrure qui le relevait tant bien que mal, le Ceald se hissa sur ses deux jambes, douloureusement. Quand il fut debout, ses mains cherchèrent l'appui rassurant des dalles qu'il maudissait depuis des jours et des nuits. Laissant les deux amis discuter ensemble, il frotta ses poignets une seconde, pour relancer la circulation sanguine que les menottes gravées avait coupé. Son regard passa une seconde sur ses deux compagnons, comme attiré par le sabre que donnait leur sauveur à Swann et il entreprit, à son tour, de trouver de quoi s'armer. Avant que l'atout du Cygne ne se retourne vers lui, Lanre s'était déjà éloigné à la recherche de n'importe qui qui aurait pu servir d'arme. Ce fut, une fois de plus, la voix de Swann qui l'arrêta. Se retournant alors qu'il se tenait dans l'embouchure de la porte, il laissa son alliée venir jusqu'à lui, s'approchant même pour mieux la soutenir quand celle-ci s'effondra. « Allez. » Siffla-t-il, tâchant d'encourager la Dragmire qui prenait appui sur son épaule. Il grimaça une seconde, quand sa main ébranla la cicatrice, mais ne dit rien. Il leur fallait s'en aller.

Ses doigts se refermèrent sur la hampe du sabre. Rapidement, il jaugea du poids mais également de l'équilibre de la lame que Swann lui confiait, avant qu'un demi-sourire n'éventre sa gueule sale et malmenée. « Allons-y. » Reprit-il à la suite de la jeune femme, initiant le mouvement. Ses yeux passèrent en revue les tables, cherchant vainement pour un fouet qui pourrait armer son apparentée, au besoin. Il ne s'attarda pas néanmoins : derrière la lourde porte, les ébats d'une querelle retentissaient. Sans saisir tout ce qui se disait, Lanre fit rouler l'acier sur sa paume, ramenant le Cygne Noir légèrement arrière, tandis qu'il présentait le flanc – et le tranchant de l'arme – à quiconque ouvrirait. Rapidement, la situation sembla dégénérer. Grinçant des dents, il finit par s'élancer, après une brève seconde de réflexion. S'il devait mener bataille, il le ferait au plus vite.

Alors qu'il s'approchait, la porte s'ouvrit une fois de plus, dévoilant une nouvelle silhouette enfermée dans une cape. Armant son bras, le paria prépara un assaut, prêt à frapper au niveau de la gorge : de toutes les armures qu'il avait pu voir sur les geôliers jusqu'à présent, aucun haubert ne remontait jusqu'au cou. La surprise retint son bras mieux qu'aucun bouclier. « Aedelrik ?! » S'étonna-t-il, avant même que le Renard n'ai l'occasion d'annoncer quoique ce soit. Rapidement, il ramena le bras contre sa cuisse, baissant l'épée qui menaçait encore son ami. Sans comprendre véritablement ce qu'il faisait-là, pas plus qu'il ne saisissait l'analogie (les chevaliers et les princesses restaient des concepts très régalien pour le Ceald qu'il était) il accueillit le rouquin d'un léger sourire, qui valait pour un merci, sans néanmoins rebondir sur la plaisanterie et de toute évidence loin d'être d'humeur joyeuse. « Content de te voir, mais... » Du menton, il désigna la sortie, invitant son ami à ouvrir la voie, sans réaliser la dague qu'il tirait. Ce n'est qu'en comprenant que son ami n'avancerait pas qu'il jeta un regard en arrière, maudissant la fatigue qui le tenaillait. Mais personne ne se tenait derrière eux. Personne, sinon l'Inconnu qui les avait tirés de là, mais dont Swann avait semblé se méfier de prime abord. « Il est avec nous. » Lâcha-t-il simplement, avant d'avancer sans attendre que Croc-de-Renard ne le fasse. Il finirait bien par suivre le mouvement.

Toisant les cadavres, Lanre n'hésita pas bien longtemps. L'un deux gardait une hallebarde entre ses doigts gourds, le second une masse d'armes. Tous deux portaient un haubert, surmonté d'un casque qui leur redescendait par le naseau. Conscient qu'il ne supporterait probablement pas le poids d'une cote de maille et que son épaule déchirée le ferait hurler au contact du fer, il ne se saisit que du fléau, passant le sabre sous la cordelette qui ceignait vaguement son pantalon de toile. Sans un mot, il fit rebondir le fer dans sa main, comme pour mieux s'adapter à son poids. Celui-ci n'excédait pas les quatre livres, à l'évidence. Suffisamment légère pour pouvoir feinter, mais assez lourde pour exploser une côte au travers d'une chemise de fer. Tandis qu'il repensait à l'utilisation qu'il aurait pu faire de cet engin face à un adversaire comme ce paladin dont il avait oublié le nom, le maraudeur se prit à sourire. « Attends moi une seconde. » Fit-il simplement à l'attention de Swann, en l'aidant à s'asseoir sur l'un des tabourets. « Viens. » Lâcha-t-il ensuite à son ami, en repassant le pas de la porte, masse de guerre en main. Les torches crépitaient et les chaînes sifflaient. Tout cela ne durerait plus bien longtemps. D'un pas assuré, il se dirigea vers la première cellule, d'où venaient régulièrement les gémissements. À l'intérieur, un homme tâchait de trouver un brin de sommeil, recourbé comme un chien dans l'ombre. « Debout. » Cracha le rouquin, en abattant violemment la masse sur la serrure, la défonçant sur le coup. « Pitié, pas le fouet... », gémit-il, craintif, se cachant plus encore dans l'obscurité qui tamisait sa geôle. « J'ai dit debout ! » S'agaça Lanre, ramassant l'homme par le bras et le hissant sur ses deux jambes. Plus que tout, il haïssait les faibles et les découragés. Son regard perça celui de l'albâtre qui, à une certaine époque, avait du présenter une certaine forme physique. Les épaules s'étaient affaissées mais témoignaient d'une gloire passée. La chevelure frisée lui descendait bien bas dans le dos et passait devant son cou. Lanre grogna, réalisant ce que le détenu s'essayait à faire chaque soir, quand il l'entendait suffoquer. Son crâne enfonça le nez du pauvre homme. « Hors de ma vue. » Grimaça-t-il ensuite, lâchant le bras de l'ancien Âme Perdue. La tête lui tournait, mais au moins ce n'était pas lui qui pissait le sang.

"Viens", lança-t-il à Aedelrik, en se retournant doucement, tandis que l'homme s'enfuyait du mieux qu'il pouvait. « Il en reste une poignée. » S'aidant parfois du mur pour avancer sans trébucher, le Ceald oeuvrait à dégonder chacune des portes qui ne résistait pas à la masse qu'il avait récupéré. Aux yeux de certains son entreprise semblerait peut-être une perte de temps, mais il ne supportait pas assez la détention pour ne pas offrir à ses co-détenus là possibilité de mourir libres. En outre, il avait l'occasion de prendre sa revanche sur ceux qui l'avaient enchaîné, ceux qui avaient cherché à le briser. Aedelrik, Swann et l'inconnu, ceux-là ne comprendraient peut-être pas. Tout au plus penseraient-ils à une diversion. Et bien que l'idée lui ait effleurée l'esprit, ça n'était pas ce qui motivait son geste, ce qui animait son bras. « Tu peux t'en charger ? » Questionna-t-il le Renard, quand la première porte blindée se dressa devant lui. Il n'était pas sans connaître les quelques talents d'Aedelrik. Le voleur s'agenouilla et s'attela à la tâche. La serrure chanta sous ses doigts, une fois, deux fois, jusqu'à s'abandonner aux mains du vaurien, et rendre son dernier soupir. Bientôt, la geôle dévoila ses secrets aux deux hommes. La lueur d'une bougie masquait partiellement la gueule du prisonnier, enchaîné d'une façon semblable à la leur. Tout un pan de son visage avait brûlé. Incapable de lutter contre les chaînes sans briser les os, Lanre se tourna vers son ami une fois de plus. Il n'eut pas besoin de poser la question : le rouquin avait déjà commencé et le Ceald se laissa retomber sur le mur, éreinté. Le feu brulait, dans ses entrailles, inébranlable et incontrôlable. « Tu as été bien sot, de croire pouvoir tuer un Wyrm. » Semblait le sermonner Brieg, dont le visage surmontait parfois celui d'Aedelrik. Si son ami lui parlait, il ne l'entendait pas. Passant la main sur sa gueule, il ferma les yeux, cherchant à chasser les illusions. La douleur le passait à tabac, la faim le tenaillait, la soif asséchait sa gorge et sa bouche. La fatigue tâchait de le jeter au sol et l'Ancien lui narrait comment il ne pourrait défier la mort éternellement.

Il ne réalisa même pas qu'Aedelrik l'aidait à se relever. « Beiddgar'... — », siffla-t-il avec difficulté tandis que ses doigts se refermaient un peu plus sur la hampe de sa masse. Aussi loin qu'il parvienne à se souvenir, ils avaient du libérer un peu plus d'une demi-douzaine de détenus. Trois d'entre eux demeuraient encore enfermés. « Terminons ce qu'on a commencé, l'ami... — » Souffla-t-il à Aedelrik en s'appuyant sur lui. S'aidant du voleur pour se stabiliser, il se dirigea vers les trois dernières cellules, avant de comprendre qu'il ne pourrait pas les ouvrir. Manifestement, ces prisonniers-là demandaient plus d'attention que ceux qu'ils avaient déjà libérés. Le chasseur laissa son camarade progresser, se négociant un instant de repos. Bientôt, ils rejoindraient Swann et son ami et il leur faudrait ensuite naviguer dans les entrailles d'un donjon qu'il jugeait d'ores et déjà trop grand. « Beiddgar'... — » Se répéta-t-il, passant encore une fois la main sur ses yeux.

Aedelrik revint après le départ des trois silhouettes qu'il avait vu passer. Incapable de dire s'il s'agissait d'hommes ou de femmes, il se releva du mieux qu'il pouvait. « Merci. » Siffla-t-il, cherchant le regard de son ami. « Partons. » Conclut-il ensuite, avant de se remettre en route. Secouant un peu la tête, comme pour dire non, il essaya encore de chasser les images qui lui rongeaient l'esprit. Son bras, peut-être plus que son torse, lui semblait s'enflammer. Ignorant tout cela comme faire se peut, Lanre progressait vers le fond du couloir où Swann l'attendait. Sans un mot, il se focalisa sur les prisonniers qu'ils venaient de sauver pour ne pas penser au reste. Onze individus s'étaient échappés. La majorité d'entre eux ne devaient pas représenter grand-chose aux yeux des geôliers, puisqu'ils n'avaient pas pris la peine de les attacher à l'intérieur même des cellules. Parmi ces sept individus, un d'entre eux – le premier – avait été fouetté chaque jour depuis leur arrivée. Le fer rougi l'avait marqué plus d'une fois et les brimades avaient été nombreuses. Enfin, quatre autres détenus étaient maintenus sous protection lourde et manifestement craints. Il doutait qu'un seul s'en sorte vivant. En vérité, il ne comptait même pas dessus à titre personnel. Mais il préférait mourrir l'arme au poing, luttant pour sa liberté que de pourrir sous un tas de chaînes. Il ne comptait pas abandonner.

Sans savoir combien de temps leur petite escapade avait prit, le maraudeur interrompit la conversation qui débutait entre Swann et l'inconnu. Sans un regard pour leur sauveur, ni se soucier d'un quelconque remerciement, il se saisit de la Lionne Noir et l'aida à se relever, suivant le même modèle que précédemment. « On se bouge ! », grimaça-t-il quand le bras de Swann passa (nécessairement) sur le souvenir que le Wyrm lui laissait. Enfin, ils s'engagèrent dans les boyaux du Castel. La garde, trompée par l'inconnu, ne semblait pas ressurgir et ne ralentit pas leur progression, à mesure que défilaient les couloirs. Ils avançaient lentement – le petit groupe comptait tout de même deux blessés – et jusqu'à présent les patrouilles semblaient presque les éviter. Grognant sans un bruit, le trappeur bifurqua sans trop savoir où menait le détour qu'il prenait. Il n'avait de toute façon pas l'intention de s'y attarder : la seule chose qui l'y attirait était l'obscurité qui y régnait. D'un geste de la main il invita ses compagnons à s'y camoufler, tout en leur intimant le silence. Le cliquetis des mailles avait toujours compté parmi ces sons capables de le mettre en alerte.


Songe Tristenuit


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Le regard de Songe suivit en silence le changement de main de l'arme qu'elle avait apportée. Elle ne s'en offusquait pas, elle s'inquiétait seulement de ce que tout cela signifiait : son amie qu'elle avait toujours connue si fière devait être particulièrement affaiblie pour confier sa sécurité à d'autres. La sorcière faisait cependant confiance à son amie sur ce point et se contenta de s'apprêter à sortir, espérant faire aussi le poids en cas de besoin.

Pour l'instant elle se reposait sur son apparence pour les sortir de situations compliquées. Toutefois alors qu'ils s'apprêtaient à sortir, après un vacarme monstre dans le couloir, un homme déboula devant eux, apparemment à la recherche d'une princesse. À sa posture en les voyant, Songe supposa qu'il s'était trompé d'endroit mais qu'il venait de comprendre que quelque chose d'inhabituel se produisait. Elle se préparait à lui indiquer la direction des appartements de la princesse tout en prétendant y amener ces deux individus de toute façon trop affaiblis pour représenter un danger, mais elle s'aperçut alors que le passager clandestin de leur petit groupe connaissait le nouvel arrivant, et il se chargea de clarifier la situation. De toute évidence c'était elle qui avait déclenché cette réaction offensive, la réputation de l'homme qu'elle incarnait le précédait. Le faux chancelier se contenta donc de croiser les bras, un sourire moqueur aux lèvres. Au moins il s'agissait d'un allié et elle n'aurait pas à sortir de numéro d'acteur tout de suite.

Ils n'avaient pas de temps à perdre et ils sortirent alors dans le couloir où gisaient encore les cadavres des gardes. Elle devina dès lors aisément ce qui avait causé ce raffut un peu plus tôt. Ils s'arrêtèrent le temps que le rouquin fasse son marché, et il sembla lui venir une idée alors qu'il faisait demi-tour, invitant son ami à le suivre. Songe pesta à haute voix, autant pour elle-même que pour son amie.

"J'espère qu'il n'en a pas pour trop longtemps, je ne vais pas garder cette tête indéfiniment, et heureusement d'ailleurs !"

Curieuse, elle fit à son tour les quelques pas qui la séparaient de la porte pour jeter un coup d’œil à ce qui se passait dans la prison. Elle eut l'occasion de voir la serrure défoncée par l'arme de fortune et le traitement quelque peu violent réservé au locataire de la cellule. Peut-être voulait-il sortir les prisonniers pour faire diversion, peu lui importait de toute façon, mais elle ne comprenait pas vraiment ce qui justifiait un tel déploiement de violence. Mieux valait ne pas l'énerver en tout cas. Songe entreprit de revenir auprès de Swann. Autant mettre ce temps à profit pour discuter, de plus elle préférait ne pas laisser seule le Cygne Noir, des gardes rodaient peut-être dans les couloirs proches.

"Je ne sais pas ce que vos voisins de cellule lui ont fait mais il n'y va pas de main morte ton ami."

C'était un bon atout tant qu'il était de leur côté, mieux valait espérer que cette situation ne change pas.

"Pas bavard, mais efficace malgré son état. Il me semble que c'est lui que j'ai aperçu dans le convoi à Cocorico ? Je n'ai pas compris ce qu'il faisait là, il a combattu contre nous... C'est vraiment pas de chance d'être l'ennemi des deux camps."

La situation était sans doute plus complexe que ça, mais de toute évidence il s'était retrouvé entre deux armées sans vraiment appartenir à l'une ou l'autre, sans quoi elle imaginait qu'il aurait été traité différemment. Bizarrement, cette situation faisait un peu écho à la sienne. Elle s'était peu à peu retirée en solitaire, mais que lui arriverait-il si au lieu de la tranquillité qu'elle cherchait elle devenait l'ennemie de tous, traître pour les uns et meurtrière pour les autres ? Elle espérait seulement qu'aucune question politique ne se dresse entre elle et son amie.

"En tout cas je vois les arguments qui t'ont séduite. Est-ce que..."

Mais alors qu'après un petit clin d’œil, elle s'apprêtait à questionner plus en détail la jeune femme sur ses liens avec celui qui avait partagé sa cellule, il débarqua pressé à nouveau de partir, accompagné de l'inconnu qui les avait rejoints.
Elle avait vu un peu plus tôt des prisonniers courir vers la sortie, et même s'ils allaient faire diversion, ils risquaient fort aussi d'attirer l'attention sur leur évasion. Elle ne protesta donc pas et s'apprêta à suivre le mouvement du petit groupe. Elle n'avait aucune intention de moisir là.
Mais alors qu'elle laissait traîner un dernier regard sur les corps étendus à terre avant de partir, un détail attira son attention.


"Attendez...!"

Ce reflet flou que renvoyait l'armure était toujours ce corps qui lui inspirait tant de haine. Mais cette fois, une mèche blanche parsemait les cheveux ébènes de l'homme, et bien vite d'autres mèches perdirent leur couleur. Elle jura en passant la main dans ses cheveux. Finalement son passé la rattrapait toujours, mais surtout son déguisement n'allait plus tenir longtemps. Elle entreprit rapidement de défaire le cadavre à la gorge béante de son armure, se tenant le ventre pour éviter les haut-le-cœur.
Récupérer son corps était moins douloureux que la première transformation mais elle avait tout de même l'impression d'être ballotée dans tous les sens. Se concentrer lui évitait de penser à la douleur. Elle eut finalement retrouvé son apparence habituelle avant d'avoir fini d'enfiler l'armure et d'y ajouter le casque.
Ceci fait, elle fit signe aux autres de se hâter, qu'elle avait terminé.


"C'est bon, vous avez déjà vu de la magie quand même !"

De mauvaise humeur à cause de la douleur, elle retrouva doucement son calme alors qu'ils déambulaient dans les couloirs. La chance avait l'air d'être avec eux, mais l'ex-prisonnier semblait préférer les couloirs sombres et tendre l'oreille au cas où ils croiseraient une patrouille.

"Je peux nous camoufler."

Elle avait murmuré. Elle pouvait à nouveau faire usage de ses pouvoirs ici, elle le sentait. Ses lèvres continuèrent à bouger sans son, et un épais brouillard se répandit autour d'eux, visible d'eux seuls. Le manteau d'ombre les dérobaient à la vue de ceux qui s'approchaient. Du moins elle l'espérait, il aurait fallu un magicien attentif pour le percer à jour.


Swann

Cygne Noir

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« Toi ?! » S'étonna Swann, sa voix faisant écho à celle de Lanre.

Si la jeune femme ne se rappelait pas bien de son nom, il lui était pour autant impossible d'oublier le visage de cet homme. Non seulement puisqu'elle était en affaire avec, mais surtout à cause des circonstances assez spéciales de leur rencontre. Elle fut d'abord très surprise de le voir débarquer avant de se rendre compte qu'il était venu pour secourir Lanre, qu'il semblait connaître. Passé son étonnement, se fichant royalement du lien qui pouvait exister entre les deux hommes, la dragmire soupira un bref et hautain : « Plus tard, les retrouvailles. » Elle était moins calme qu'habituellement, certainement, cela tenant particulièrement au fait de ne pas être maître de son destin. Et puisqu'elle était si proche de la liberté dorénavant, elle espérait quitter cet endroit le pus tôt possible et partir loin, très loin d'ici.

Son compagnon de cellule semblait du même avis et ne tarda guère à reprendre la route. Néanmoins, une fois que le groupe eut atteint la salle des gardes, il l'installa sur un tabouret avant de s'en retourner en direction des cachots sans aucune forme d'explication et sans laisser le temps à la lionne d'objecter quoi que ce soit. « Quoi ? » laissa-t-elle s'échapper, les yeux grands ouverts. « A quoi tu joues ?! » Grogna-t-elle alors qu'il était déjà bien trop loin pour l'entendre. Une vive douleur dans le bas du dos l'empêcha de s'indigner davantage ; la belle brune serra les dents en gémissant, avant qu'elle ne se laisse lentement pencher en arrière jusqu'à ce que la pierre ne retienne sa chute. Puis elle prit une profonde inspiration et tenta de regagner son calme, alors que sa main glissait vers la récente blessure.

Songe sembla également s'inquiéter de ce revirement de situation et alla observer de plus près ce que le Ceald allait faire. Au premier claquement de métal que Swann entendit, elle compris immédiatement ce qu'il était en train de faire ; et elle ne s'interrogea nullement sur ses intentions. Pour le peu qu'elle ne savait, il avait l'air de savoir ce qu'il avait à faire. Et puis, elle n'avait pas le choix : elle devait lui faire confiance. Et seul l'avenir lui lui donnerait tort ou non pour cela.

« Je ne sais pas ce que vos voisins de cellule lui ont fait mais il n'y va pas de main morte ton ami », lui dit Songe, qui s'en était retournée vers elle.

L'assassin répondit avec un sourire fatigué, mais amusé. Se remémorant son combat lors de la Finale du Tournoi, elle en fut presque désolée pour le pauvre homme qui venait d'être frappé. Le bougre passa, la main sur le visage, et prit sans s'attarder le chemin qu'elle espérait elle-même suivre au plus vite. Deux autres forcenés passèrent à leur tour, et Songe reprit la parole, tandis que les cliquetis de fer et d'aciers résonnaient derrière elle.

« Pas bavard, mais efficace malgré son état. Il me semble que c'est lui que j'ai aperçu dans le convoi à Cocorico ? Je n'ai pas compris ce qu'il faisait là, il a combattu contre nous... C'est vraiment pas de chance d'être l'ennemi des deux camps. »

Le regard de la lionne alla se perdre sur un mur quelques instants. Ses pensées se tournèrent exclusivement sur la dernière phrase de son amie, et un frisson lui parcourut le dos alors qu'elle imaginait la sorcière bientôt dans la même situation que celle du Ceald. Car même si elle restait encore aujourd'hui officiellement comme une membre du Trône, il ne faisait aucun doute que sa récente mise à l'écart était loin d'être anodine. Et malheureusement, Swann doutait que Ganondorf la laisse quitter la famille sans mot dire. Bien au contraire.

« Je ne sais pas », souffla-t-elle, alors que ses prunelles remontaient à la rencontre du regard de son amie. « Mais peut-être en fera-tu l'expérience prochainement ? » glissa-t-elle, amère. Si cette phrase pouvait être perçue comme un reproche, voire une menace, il n'en était rien ; c'était tout au plus une forme de fatalité que la dragmire avait un peu de mal à accepter. Mais, consciente que Songe pourrait peut-être mal interpréter ses propos et mal le prendre, la brune s'empressa de s'excuser : « Pardonne-moi, c'était maladroit » dit-elle toujours aussi faiblement. « Même si cela devait arriver, je te protégerai », conclut-elle.

La dragmire mit un moment avant de reprendre, laissant passer quelques autres prisonniers vers la sortie alors qu'elle réfléchissait à ce que disait la sorcière un peu plus tôt à propos de son compagnon de prison.

« Concernant Lanre, il n'est pas vraiment impliqué dans ce conflit : c'est un étranger. Il était juste au mauvais endroit, au mauvais moment. Et il est plutôt doué aux armes... à ce qu'on dit, il aurait tué le Dodongo. », glissa la sombre femme avec un sourire en coin. « C'est avec lui que j'ai dû batailler en finale du Tournoi. Je t'en avais parlé, je crois ? Je ne sais plus... »

Peu importait, au fond, l'essentiel étant qu'il soit de leur côté pour le moment. Et alors que Songe commençait à répondre, le guerrier revint en compagnie du voleur. Sans détours, il accrocha le bras de Swann et la redressa afin de reprendre la fuite. Ce fut le moment choisi par Songe pour reprendre son apparence, à son grand soulagement, mais aussi celui des Larmes, qui retrouvait enfin un visage plus amical. Sans rien ajouter de plus, le petit groupe s'élança dans les long couloirs du Castel.

Leur progression fut lente bien qu'ils ne rencontrèrent pas la moindre forme de résistance. Dissimulés sous un manteau d'ombre, pas un garde ne les remarquèrent ; d'autant que très vite leur attention fut particulièrement distraite par les quelques autres évadés qui rôdaient dans les couloirs à la recherche de la sortie. Les crissements des armures se firent de plus en plus nombreux, de plus en plus régulier, à mesure que les secondes défilaient. Diminués par leurs blessures, Lanre comme Swann n'avaient pas les moyens d'accélérer la cadence alors que les premiers cris des affrontements entre la garde et les prisonniers retentissaient au devant. De longues minutes s'étaient déjà écoulées depuis leur sortie des geôles, alors que leurs pas les menaient à une petite cour intérieure grouillant de soldats. Ils se réfugièrent dans des fourrées, guettant le bon moment pour traverser et atteindre la porte qui les mèneraient vers le Bourg et la liberté.

Néanmoins, à quelques mètres sur leur droite, deux autres évadés se cachaient derrière un mur, avec les mêmes intentions. La dragmire fixa l'un d'eux dans le blanc des yeux, alors qu'une fenêtre d'action s'ouvrait ; deux gardes, postés en hauteur, interpellaient la patrouille. « Attends », souffla Swann au maître chasseur alors que celui-ci semblait vouloir tenter sa chance. Les deux autres hommes agirent plus précipitamment et s'engagèrent dans cette dangereuse traversée. Et si l'obscurité les cachait si bien des yeux de la patrouille, elle se révéla être traitresse lorsque l'un d'entre-eux trébucha, son pied retenu par une racine ressortant un peu trop du sol. Le bougre s'écroula avec fracas tandis que le second, pris de panique, se lança dans une course désespérée. Arrivé à la porte, il fut surpris par l'arrivée d'une seconde patrouille jusque là dissimulée, dont l'un des membre l'embrocha avec une lance.

Avec tout ce raffut, d'autres soldats rappliquèrent, et ce passage fut quasiment condamné. L'assassin pesta en silence ; d'autres options demeuraient malgré tout, comme les égouts ou les hauteurs, mais le temps manquait. Si Aedelrick comme Songe n'auraient certainement aucun mal à rejoindre ces passages rapidement, elle doutait qu'il en ait été de même pour son compagnon et elle-même. La garde devait avoir rattrapé la plupart des fugitifs dorénavant, et ils devaient s'être rendus compte de l'absence de la dragmire dans les geôles. Ils allaient très bientôt bouclés toutes les issues, si bien qu'aucun des quatre larrons ne pourraient sortir d'ici. Et bien que tout cela ne soit que des spéculations, Swann ne voulait prendre aucun risque.

« Vous deux », siffla-t-elle en se tournant vers eux. « Partez. Il vaut mieux nous séparer, que vous puissiez au moins vous en sortir. Nous vous ralentissons trop pour que l'on puisse fuir ensemble. » L'ambre et le gris se déposèrent alors sur son allié de fortune, puis, d'un air assuré, elle déclara aussi sereinement qu'elle le put : « J'ai une idée. Fais moi confiance. »


Aedelrik


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Les retrouvailles ne furent pas plus chaleureuses que cela, entre les deux rouquins. Ils n'avaient pas besoin de faire dans le sentiment pour se réjouir d'être réunis, c'était là l'essentiel. Mais surtout, Aedelrik restait trop crispé par la présence du chancelier pour apprécier l'instant présent. Il fallut un mot de Lanre sur le sujet pour que le voleur se résigne à abaisser son arme, sans toutefois la ranger au fourreau. Il gardait l'impression que la situation lui échappait et cela le rendait tendu, nerveux. Il restait à espérer que le dignitaire-renégat saurait comprendre cela. Un coup de dague était vite parti dans des circonstances pareilles.

L'attention du Renard dériva alors sur Swann. La jeune femme lui parut fidèle à l'image qu'il en avait gardé, bien que plus amochée : aussi hautaine que belle, aussi redoutable qu'orgueilleuse. Ca semblait faire partie de son charme, de ne larder Aedelrik que de regards méprisants. Il repensa avec amusement à leur dernière rencontre, au pacte qu'ils avaient conclus. Que c'était loin, tout ça !
Faire un deal aussi déséquilibré, aussi désavantageux... Il devait vraiment se trouver au trente-sixième dessous pour avoir fait cette proposition. Au moins on ne l'y reprendrait plus. Un mourant n'a pas les mêmes exigences qu'un bon vivant, et le Renard ne s'était jamais senti aussi motivé par l'avenir. Etait ce là son sentiment ou celui du loup ? La question reste ouverte.
De toute façon, l'heure tournait sans leur laisser le temps de régler ces problèmes. Aussi, il acquiesça quand la Lionne les somma, lui et Lanre, d'abréger les retrouvailles. Au moins partageaient ils pour l'instant le même projet de faire leurs adieux à cette prison. La surprise du voleur fut d'autant plus grande quand son compagnon lui fit signe de le suivre avant de partir dans la direction des geôles.


« Pas le temps ! Oh, tu m'écoute tête d'ours ?! » Mais le Ceald se perdait déjà dans l'obscurité de la prison souterraine et Aedelrik se pressa à sa suite, bousculant volontairement le chancelier au passage, comme dans un pied-de-nez bravache à son autorité consacrée. La bure de prêtre ne l'aidait pas à tenir le rythme mais il finit par retrouver son camarade penché au dessus d'un prisonnier, en train de le malmener. Soupirant de lassitude, il se mépris d'abord sur les intentions du rouquin et lui balança, impatient, « Ta petite vengeance ne pouvait vraiment pas attendre ? » Ce fut en observant l'homme fuir et la légère satisfaction qui apparut sur le visage de son ami que le Renard compris. Il voulait offrir une chance d'évasion aux autres. Pour quel motif ? C'était déjà plus flou mais peut être y avait il là une sorte de solidarité un peu naïve entre enchaînés. Les Cealds fonctionnaient aux principes, Aedelrik l'avait appris à ses dépends tout autant qu'à son bénéfice, bien auparavant. L'expérience lui dictait aussi que tenter de dissuader Lanre d'un de ses buts revenait à se placer sur la course d'un taureau enragé, pour tenter de le stopper net, à mains nues. Lui ne tenait pas à finir encorné, aussi le suivit il de mauvaises grâce.

« Tu peux t'en charger ? » Demanda le barbare devant une porte blindée. Le Renard leva les yeux au ciel mais lui décocha un de ses sourires qui valaient à eux seuls une belle phrase copiée à l'encre dorée dans un manuscrit. Remontant sa bure jusqu'à sa ceinture, il détacha une de ses sacoches, dont il sortit plusieurs crochets de tailles et de formes variés. Puis, se penchant sur l'ouvrage, il constata que le modèle était très basique, voire archaïque selon les standards de l'Empire. Rien qui ne puisse lui poser problème. Aedelrik glissa le crochet dans la fente, joua avec les loquets, en compta quatre et ne put s'empêcher de murmura de satisfaction, « Amateurs. » Sans effort, la serrure céda et la porte s'ouvrit et dévoila une cellule où gisait, enchaîné, un autre prisonnier. A nouveau, le voleur s'approcha, examina le fermoir.
Cette fois, l'exercice fut plus long mais tout aussi fructueux. Le long du processus, l'homme n'avait pas cessé de l'observer, d'un regard torve. Craignait il un coup fourré ? Parvenait il à saisir les raisons de cet acte de charité ? Nul n'aurait pu le dire, Aedelrik moins qu'un autre. Mais - A Renard, Renard et demi - il décida d'en profiter. Le prisonnier était un criminel, tout l'indiquait. A commencer par ces cicatrices au bras et aux mains, ainsi que plusieurs phalanges manquantes. Le genre d'oiseaux dont il adorait entendre le chant, une fois relâchés hors de leur cage.
« Quand tu auras fêté ta victoire, cherche le Renard en ville. Les dettes se payent. » L'homme acquiesça alors que le cadenas cédait. Son regard brillait soudain d'une lueur d'intérêt. Il comprenait à présent pourquoi on le libérait. En l'observant se relever et tâter ses muscles en souriant, Aedelrik était déjà la tête plongé dans ses calculs. Lanre agissait peut être par gentillesse, pas lui.

Lorsqu'il eut répété l'opération auprès de tous les enfermés et qu'ils se furent tous précipités vers la sortie, sans demander leur reste mais chacun en ayant fait comprendre que les mots du Renard n'étaient pas simplement passés au travers de leur caboche, celui ci s'approcha de Lanre, et compris à quel point la situation restait merdique. Même avec un chancelier dans la poche, faire sortir deux captifs mal en point d'une forteresse pareil et parvenir à semer les chiens qui ne manqueraient pas d'être lâchés à leurs trousses... En pleine révision de ses plans, il faillit ne pas entendre le murmure de son ami,

« Merci. » Un instant, Aedelrik bloqua sur place, peu habitué qu'il était d'entendre ce mot dans la bouche de son camarade. Puis, il lui donna un léger coup dans l'épaule qui pouvait signifier tout ce qu'un gentilhomme à l'aise aurait répondu avec habileté, mais qui restait bloqué dans le fond de sa gorge. Difficile de trouver plus désarçonnant que Lanre en veine de tendresse amicale. « Allons, une dame nous attend ! »

Que ne fut pas sa surprise quand il fut confronté, une fois leurs complices retrouvés, à ce qu'il craignait le plus au monde ; la sorcellerie. Difficile d'affirmer si il fut plus heureux ou effrayé de constater que le chancelier ne l'était pas réellement. Bien sûr, cela expliquait beaucoup de choses et clarifiait la situation mais... La transformation ne fut pas de son goût et il ne put s'empêcher de reculer en arrière au cas où... Et bien, au cas où un truc tournait mal, quoi que ce fut ! La sorcière qui explose, un démon qui apparaît, une grande lumière qui le rendrait impuissant... Les possibilités ne manquaient pas avec ces choses là ! Il se maudit à nouveau et se fit une promesse : ne plus jamais s'en prendre à des prêtres dans leurs temples. Lorsque la sorcière eut finalement terminée et qu'elle s'agaça de son expression écoeurée, Aedelrik fut tenter de lui répondre, légèrement agacé, qu'il considérait sensé tout homme qui évitait de fricoter avec les puissances d'outre monde, question de principe. Mais la situation exigeait de ne plus perdre de temps, aussi suivit il ses camarades d'évasion, fermant la marche. Et bien que répugnant à profiter d'un sortilège, il dut s'avouer que l'idée d'un manteau dissimulant possédait un gros potentiel dans sa branche de métier.

Si leur avancée dans les couloirs se fit sans incidents, l'essentiel n'était pas là. Aedelrik avait un peu eu le temps d'étudier comment la défense d'un château fonctionnait, d'autant que celui d'Hyrule n'avait rien d'unique, rapport à ceux qu'il avait déjà vu. Le plus dur n'était pas de circuler dans les petits sentiers mais bien de sortir de l'enceinte. Aucune tactique n'était plus efficace contre une évasion que de s'assurer que toutes les issues étaient scellées. Ainsi, même si les cibles gambadaient hors de leur cellule, l'édifice tout entier devenait une cage dont ils ne pouvaient plus sortir. Néanmoins cette situation merdique, le Renard en avait déjà vécu des semblables ; l'avantage d'une vie à braver la loi.
Lorsqu'ils parvinrent dans la cour intérieure, fermée par l'enceinte extérieure du castel, le voleur sut que rien ne serait simple. L'alerte était déjà donnée. Les gardes patrouillaient activement, et la porte était fortement gardée. On recherchait sans doute déjà les prisonniers, surtout une belle brune mal en point. Quelque part, c'était sa chance. Son intuition fut confirmée par le geste stupide mais ô combien démonstratif d'un des prisonniers qui se jeta dans la gueule du chien. Un chien d'autant plus énervé qu'il risquait la colère de son maître en cas d'échec. Swann s'adressa alors à lui et la sorcière, leur intimant de l'abandonner, elle et Lanre, arguant qu'elle avait une idée.
« Désolé la lionne, mais tu iras pas loin dans cet état, et lui non plus... Sauf si le chaos s'en mêle. » Il afficha un de ses sourires qui n'annoncent rien de bon, car on peut y lire une pointe de folie qui affole tout esprit sensé. Il se retourna vers la sorcière, retenant pour la première fois sa méfiance envers la magie. Une fois que le Renard avait l'illusion de maîtriser la situation, toute crainte s'évanouissait rapidement chez lui. « La sorcière. Si tu peux mettre un peu de bordel en plus du mien, ça serait parfait. Lanre, on se retrouve où tu sais. Tchao les beautés ! »

Jaillissant d'un coup du buisson, Aedelrik profita de la confusion qui régnait dans la cour pour faire croire aux gardes de la porte et des remparts qu'il venait de l'intérieur du castel. Agitant les bras comme un simplet, il reprit son rôle de prêtre limité qui lui avait valu d'entrer aisément dans la citadelle. Et comme courir en robe de clerc avait tout d'un tourment, il n'eut même pas à besoin se forcer pour se donner un air franchement abruti. Prés de la porte se tenait alors l'homme qui l'avait pris plus tôt en pitié. Le Renard détestait parier sa vie sur la crédulité de ses cibles mais c'était un risque à prendre... qui s'avéra payant. En l'observant approcher, le soldat fit signe à ses camarades de relever leurs lances et s'avança vers le rouquin, visiblement inquiet. Aedelrik ne le laissa même pas placer un mot.

« Mosieu l'garde ! C'terrib ! Terrib ! Y a des cri...crimi... »
« Tu as vu les prisonniers évadés ? »
« Pour su' ! Y m'ont blessé ! Là ! »

Dans le même mouvement où il relevait sa bure, Aedelrik s'empara d'une des sphères de verres qui pendaient à sa ceinture. Au dernier instant avant de fermer les yeux, il vit que le garde avait compris. Trop tard. La sphère éclata au sol.
L'hallecin était un produit dérivé d'une belle saloperie de la nature, une plante carnivore capable de complètement détraquer le sens de la vue d'une proie à l'aide de son pollen. Une fois en contact avec les yeux, la substance atteint l'esprit et provoque des visions particulièrement effrayantes, du genre à faire soudain oublier comment retenir sa dignité. L'effet sur la patrouille fut saisissant. Les gardes, surpris par l'explosion de la sphère et la diffusion du produit, s'efforçaient d'y voir et ainsi, se condamnèrent au contraire. Et pour les autres soldats, sur les remparts, la fumée d'hallecin les empêchaient d'y comprendre quoi que ce soit. Aedelrik profita de ce léger instant de confusion pour enfin ôter son déguisement. Enfin, il retrouvait sa tenue souple et pleine de surprises. Avec délectation, il tira d'une sacoche une paire de caches pour protéger ses yeux, tira une matraque de fer avec laquelle il assomma les gardes à sa portée, avant de finalement prononcer le nom de sa rune préférée tout en la traçant sur sa tenue. Quand la fumée se dissipa, les archers sur le murs ne virent que plusieurs de leur camarades au sol et des éclats de verre sur le sol pavé.

Profitant de la confusion, conscient qu'il n'avait que quelques secondes devant lui, Aedelrik se précipita vers la porte ouverte mais au moment où la liberté semblait lui tendre les bras, le herse se ferma brusquement. Il eut beau courir aussi vite qu'il le put, la lourde entrave de fer lui barra le chemin au dernier moment. S'abstenant de tout juron afin ne pas trahir sa dissimulation, le Renard revint alors dans la cour et se dirigea vers un des escaliers qui montait vers le rempart. Occupé à observer le chaos dans la cour, il ne vit pas à temps le groupe de soldats qui descendaient les mêmes marches que lui montait. Le premier d'entre eux fut soudainement poussé dans le vide par le vent, le second fut projeté contre le mur par une force invisible, le troisième comprit.
« Il est là ! On peut pas le... » Son dernier mot se perdit dans son dernier souffle tandis que Aedelrik ressortait péniblement sa dague de son aisselle. Mais déjà, le suivant chargeait dans le vide en espérant l'emporter avec lui. Le voleur se jeta alors contre le rempart mais lança sa jambe en travers du passage, faisant lourdement chuter en avant l'homme jusqu'en bas. Cependant, au passage, la main ganté du soldat frotta l'armure de cuir du voleur, et dispersa une bonne partie de la poudre runique qui maintenait l'enchantement actif. Aussitôt, le corps du Renard ne fut plus invisible mais transparent.
Sans perdre plus des quelques instants qui lui restait pour survivre, celui ci se dépêcha de monter les dernières marches qui le séparaient du mur. En haut, plusieurs ennemis s'approchaient déjà pour le piéger.
Mais, manque de chance pour eux, Aedelrik ne mordait pas facilement à un hameçon trop voyant. Il n'hésita pas un instant et, une fois en haut, se précipita vers la section du mur qui donnait un accès direct vers son salut. D'un saut souple, il bondit sur le créneau, se redressa et, en une ultime provocation, fit un salut militaire à l'officier qui fonçait sur lui. Puis, il se laissa tomber.

Le contact avec l'eau des douves fut peu agréable, mais à tout prendre, mieux valait de l'eau sale et glacée que la dureté de la roche après une chute de plusieurs mètres. Conscient que sa survie n'était pas encore pleinement assurée, le voleur se maintint largement au fond de la douve, au milieu d'une tourbe qui devait avait fait perdre sa trace aux archers plus haut. Au final il s'en sortait bien. Quelque chose le gênait dans son dos mais il plaçait cela sur un défaut de son armure et ne s'en alarma pas. Après une bonne minute de nage, Aedelrik remonta finalement à la surface et se maintint plaqué contre le mur, guettant une tête en dessus de lui. Mais de ce qu'il vit, ils l'avaient perdu. En revanche, son dos le faisait vraiment souffrir. Remontant sur la berge, il escalada une grille et se perdit dans la nuit. Au final, il avait l'impression amère de n'avoir pas beaucoup servit. En se retournant vers le Castel, il déclara à Lanre malgré la distance,
« J'espère que t'aider valait de prendre une flèche. » Il avait sérieusement mal au dos.


Lanre


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(vide)

Une proie immobile est une proie morte. Il le savait pertinemment, et c'est pourquoi il refusait de rester installé derrières les fourrés que Swann avait choisi pour les camoufler. Les quelques branches qui venaient lui chatouiller les joues ou lui griffer le bras ne le dérangeaient pas réellement, bien sûr, mais il avait su tirer plus d'une leçon de la Traque. Grognant sourdement, trop pour être entendu par des oreilles indélicates, il jeta brièvement un œil autour de lui. Son regard croisa d'abord le duo de brigands, sur leur gauche. L'homme et le garçon semblaient fatigués de la détention, mais également de la cavale. Très vite ils se lancèrent à l'assaut des quelques hommes d'armes qui s'approchaient des fourrés et du muret qui leur servait d'abri. Les doigts du Ceald se refermèrent un peu plus sur la hampe de sa masse d'arme. Il n'avait pas délivré les prisonniers pour qu'ils se jettent sur les pieux et les piques de fer de leurs ennemis – l'idée l'avait effleuré, en vérité – mais pour rien au monde il n'aurait regretté qu'ils s'y essayent. Aedelrik affectait des diversions pleines de magie ou de poudre aux yeux. Lui restait sur des pièges beaucoup plus terre à terre.

L'acier tinta durement. Quelques cris furent poussés, sans qu'il ne parvienne à déterminer qui gémissait et qui hurlait. Bien vite, l'affrontement se termina comme il avait commencé — dans le grincement des mailles ; dans celui – plus étouffé – des dents. « Sergent ![/color] » Maugréa un homme, la voix encore un peu lointaine. À l'évidence d'autres soldats approchaient. Le va-nu-pied échangea un bref regard avec le voleur, sans un mot. « C'lui-là, c'Jean-Sans-Peur. 'Foutu malandrin... Y méritait bien de crever de toute façon. » Discrètement, le rouquin écarta quelques unes des branches du buisson, tout juste assez pour se ménager une légère ouverture. Ses genoux le lançaient de plus en plus, alors qu'il maintenait la position. Ses mâchoires grincèrent en silence, jurant pour lui. « Quant'à icelui-là... » Siffla l'homme qui semblait être le chef de troupe, plantant nonchalamment sa lame dans le cadavre du gamin, « C'est-y pas Tommy, l'écuyer qu'a tenté de violer eula gamine ? » Très vite, la lionne noire l'invita à revenir parmi eux. Tandis qu'elle incitait leurs compagnons à les laisser voler de leurs propres ailes, lui persistait à écouter les propos des gardes. « Sergent, les prisonniers sont en fuites ! Swann Dragmire s'est échappée ![/color] » Ces quelques mots résonnèrent comme la cloche qui sonne le glas. « Allons-y — », grimaça-t-il, le regard toujours tourné vers la garde qui s'approchait doucement. S'il avait conscience que ses compagnons discutaient d'un plan depuis quelques minutes, il ne l'avait pas écouté.

Dans le soudain silence des gardes, Aedelrik décida de faire montre de son talent. Sans un mot, le Ceald le suivit brièvement du regard, jusqu'à ce que le faux sacerdoce éloigne assez la troupe d'eux. La sorcière murmura rapidement un au-revoir à la Lionne, pendant lequel le vagabond jouait avec sa masse. Rien ne coûtait de s'échauffer un peu le poignet avant de marteler quelques crânes. Quand il se retourna sur sa camarade d'infortune, la femme aux cheveux d'argent avait disparu. S'il se contenta d'un regard entendu à Swann, il retenait un soupir de soulagement. La magie l'intriguait — profondément. Autant qu'il s'en méfiait, ou presque. La sorcière avait éveillé plusieurs questions, dont certaines lui brûlaient les lèvres, mais il la préférait éloignée. Si le Cygne Noir ne l'avait pas prévenu pendant l'incarcération, il savait pertinemment comment il aurait réagi, à plus d'une reprise. La macrale aurait finie rouée de coups, les os en miettes, le visage barbouillé de poussière et de sang coagulé. Du moins... S'ils en avaient eu le temps. « Très bien. » Fit-il simplement, prêt à suivre Swann là où elle souhaitait les mener. Il ignorait encore ce qu'elle envisageait, certes, mais il savait la nécessité de se remettre en mouvement. Le vert-de-gris rencontra les yeux vairons, qui semblaient presque sereins. D'un geste du menton, elle lui désigna l'une des portes qui permettait de regagner l'intérieur de la forteresse. Toujours accroupis, il s'élancèrent, quittant le repaire qu'ils avaient investi au profit du muret sur la gauche, où se terraient les deux autres brigands auparavant. La diversion du vaurien et de l'impie fonctionnait à merveille : l'espace d'un instant, les jardins semblaient abandonnés. « Monte ! » Glissa-t-il à Swann, l'aidant à escalader le mur de roche grise, qui dépassait de peu les trois pieds et demi. Sitôt qu'elle fut de l'autre côté, il se hissa à son tour, non sans un râle rauque. La montée tirait durement son épaule. « Naudir... » Siffla-t-il entre ses dents, ramenant ramenant sa main droite sur son épaule. Devant ses yeux scintillaient des étoiles dont il ne parvenait pas à discerner les formes, mais qui l'aveuglaient. Le sol lui semblait tanguer, comme une nacelle battue par les flots colériques. Bien vite – avant qu'il ne le réalise vraiment –, le grès le gifla avec violence. « Ugnf... — », grimaça-t-il, prenant appui sur sa masse d'arme pour se relever tant bien que mal. La honte le brûlait, mais les chairs déchirées de son bras le harcelaient plus encore. Sans un regard pour Swann, il la tança d'un mot, presque sec. « Continuons. » Sa propre impuissance résonnaient dans son crâne, inévitable et inépuisable. Sans vraiment le comprendre où l'accepter, son incapacité à se sortir seul, d'une situation qu'il pensait pourtant pouvoir gérer, l'obsédait assez pour l'énerver durablement. Sa colère n'était pas dirigé contre l'assassine, loin de là : c'était lui et lui seul qu'elle prenait en chasse.

Toujours sur les rotules, l'apatride s'approcha de la première –petite – porte qui ouvrait l'accès au Castel. Sans trop d'espoir, il tâcha de l'ouvrir. D'abord discrètement, avant de laisser parler son bras. « D'rall — » Son juron fut masqué par le gémissement du fer percuté par l'acier. D'un sévère coup de pommeau, Lanre enfonça le battant de bois, dévoilant l'accès aux entrailles du Castel. Repassant le bras de Swann par dessus son cou, pour mieux aider l'estropiée à se déplacer, il s'engagea dans les boyaux du château qu'il espérait pourtant quitter. Et si la lune brillait au dehors, l'ombre ne tarda guère à les engloutir ; elle qui régnait déjà dans les veines de la place-forte.

Tantôt d'un geste de la tête ou du menton, tantôt en tirant sur son bras, la Dragmire le guida petit à petit au plus profond du Palais des Rois, dans ce qui ressemblait de plus en plus à une descente aux enfers. Chaque pas lui tirait une grimace : dès que la jeune femme mettait un pied devant l'autre, son avant-bras pesait un peu plus sur la marque du Wyrm. Ils ne tardèrent pas à déboucher sur large pièce ronde, scindée d'un mur séparant cuisine et salle de repas. A l'évidence, les occupants étaient partis en vitesse puisque sur le feu mitonnait toujours un peu de ripaille. Dans les assiettes, des cuisses de poulets entamées refroidissaient doucement tandis que les chopes d'ale se réchauffaient. Sans s'attarder, les deux compagnons profitèrent de l'absence des locaux pour s'engouffrer dans l'escalier en colimaçon qui menait vers les étages supérieurs. Il était suffisamment large pour laisser passer trois hommes de front, et les laisser manoeuvrer, arme au poing. « Ça pue. — » Cracha-t-il dans un murmure à sa compagne.  Son regard balayait les alentours, cherchant à détecter la menace, sans rien repérer dans l'immédiat. Leurs blessures respectifs les obligeaient a avancer presque debout, plus visibles que deux flammes dans la nuit. Plus ils progressaient vers le deuxième étage, plus le cliquetis des mailles se faisait régulier. De temps en temps, une voix résonnait. « De veille. » Sifflait, l'homme qui patrouillait sur le chemin de ronde du Premier palier. « Fais attention à ce qu'aucun prisonnier ne passe par la tour des gardes. » Continuait-il en patrouillant, visiblement agacé par le travail qui lui était réservé. Doucement mais sûrement, les deux parias gagnèrent l'étage supérieur. La tour qu'il gravissait s'ouvrait sur une deuxième tour, plus large, murée de toute part.  Cà et là, le sang tapissait les parois et les broderies. Trois corps sans vie gisaient au sol, brisés par les assauts d'un fléau ou d'un goupillon. « Tous ceux qui sont descendus jusqu'ici, on les a butés, Raven et moi. Mais on ne peut toujours pas sortir. » Grommela à nouveau le soldat, qui demeurait invisible, de l'autre côté du beffroi. Les jointures du maraudeur pâlirent, tandis qu'il raffermissait son appui sur l'arme d'infortune qu'il avait pillé un peu plus tôt. « On monte. » Murmura-t-il à Swann, sans lui laisser l'occasion de le guider à nouveau.

Grimpant les marches tant bien que mal, les deux compagnons finirent par atteindre le palier supérieur. La porte entrouverte, vers une salle d'entrainement, dévoilait un petit massacre. Les corps de deux gardes baignaient dans leur propre sang, tandis que ceux de cinq brigands convulsaient encore. Intimant le silence à la Lionne d'un doigt sur les lèvres, l'ours tâcha de l'asseoir près de l'entrée. « J'en ai pour une seconde », murmura-t-il, plongeant ses yeux dans les siens. « Je vais m'assurer que la voie est libre. » Termina-t-il, avant de quitter Swann pour s'aventurer dans la pièce, aussi baissé que ses blessures le lui permettaient. Les sens en alerte, en dépit de l'absence de vie évidente des lieux, le fils d'Aaricia s'avança doucement vers le centre du terrain d'entrainement. « T'assurer que la voie est libre, hein ?! » Mugit-on, derrière lui. Il n'eut pas le temps de se retourner qu'un violent assaut le projeta vers l'avant. Son menton percuta brutalement les marches de pierre qui menaient au chemin de patrouille.  Dans la chute, la masse ne perdit pas l'occasion de lui glisser entre les doigts. Sans crier véritablement, le Ceald feula, de douleur. Intense et puissante, elle irradia de son épaule jusqu'à son bassin, poignardant chacun de ses muscles, chacun de ses os, embrouillant son esprit. Pas une goute de sang ne perla sur son dos mais le premier geste qu'il tenta – se relever – le jeta au sol à nouveau. « Avec un peu de chance je t'ai brisé l'omoplate, sottard ! Crève ! » L'homme leva son fléau à nouveau prêt à frapper à nouveau. Dans une tentative désespérée, le Ceald rejoua une vieille scène qui lui avait déjà sauvé la vie, il y a si longtemps. Du pied, il chercha à battre en brèche l'équilibre de son assaillant, fauchant l'une de ses jambes. L'échec fut cuisant : l'homme jouissait d'un équilibre à tout épreuve, mais manqua sa cible. La barre de fer noir s'écrasa lourdement sur la roche, fissurant celle-ci çà et là. D'instinct, Lanre agrippa la chaîne de l'arme, cherchant à la tirer à lui. Cette fois-ci, emporté par son élan, le garde s'effondra, laissant à l'apatride l'occasion de se jeter sur lui. Tout blessé qu'il était, il n'avait pas à supporter le poids d'une armure de plaques. Tirant le cimeterre de la Macrale, il ouvrit la gorge de son ennemi d'un geste. Quand il se releva, difficilement, la tête qui lui tournait, le soldat s'étouffait dans son propre sang. « Naudir... — » Siffla-t-il à nouveau, avant de réaliser que parler lui arrachait littéralement la gueule. Sa main valide chercha l'appui du mur, pour avancer, alors qu'il se sentait défaillir. Doucement, mais sûrement, il retrouva Swann, non sans remarquer le couloir qui donnait vers l'Est, et donc vers le coeur du Castel-Réal.

"Viens... —" Murmura-t-il à Swann, sans détailler ce qu'il s'était passé. La tête lui tournait, mais il s'essaya tout de même à la soulever. L'effort manqua de le ramener au sol, plus d'une fois. Leur rythme, déjà lent, diminua d'une bonne moitié. Ils parvinrent cahin-caha à gagner le coeur du Castel, par l'armurerie du deuxième étage, directement liée à celle présente dans l'ancienne tour de la Garde Royale, reconvertie en caserne pour une partie des troupes stationnées au château. Rapidement après s'être engagés dans les couloirs, une patrouille les contraints à trouver cachette. Dans un couloir où la seule intersection était celle dont arrivaient les gardes, les escaliers firent office de. Montant les marches aussi vite et silencieusement que possible, ils gagnèrent le troisième étage du Castel. D'un geste du menton, Swann l'invita à continuer dans un couloir qu'elle connaissait, à l'évidence. Peu à peu – il aurait été bien incapable de dire combien de temps s'était écoulé depuis qu'ils avaient quitté Aedelrik et la sorcière – ils progressèrent jusqu'à une pièce dont la porte entrouverte n'était pas gardée. Les deux vauriens se faufilèrent dans la salle d'archive, non sans entendre quelques protestations agacées. « Fais chier..! » Lança le rouquin, brisant le silence presque religieux qui existait par moments. Armant son bras aussi bien qu'il lui était encore possible de le faire, il s'avança au travers des rangées de livres et de rouleaux de papiers jusqu'à découvrir la silhouette qui semblait les toiser. La femme, drapée dans une robe tantôt vermillon, tantôt blanche ; brodée d'or et d'hermine, se tenait debout à quelque pas d'eux, tout juste séparée d'eux par la petite table — et le sabre que Lanre pointait droit vers sa poitrine. Ses cheveux blonds, décoiffés, retombaient en cascade sur ses épaules nues tandis que derrière elle brillait un petit soleil magique, tout juste assez puissant pour éclairer sans aveugler. « Pas un mot. » Intima-t-il alors à la Reine d'Hyrule, sans masquer sa menace.


Songe Tristenuit


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Songe ne pouvait s'empêcher de se repasser en tête les paroles de Swann alors qu'ils avançaient vers la sortie du château. Si la conclusion de son amie la rassurait, la clairvoyance de ses paroles la touchait particulièrement. Inconsciemment, et même si elle se sentait sur un fil depuis quelques temps, elle avait toujours refusé d'y penser sérieusement. Elle n'avait pas à proprement parler un pied dans chaque camp comme ça semblait être le cas pour l'ex-prisonnier qui les accompagnait, mais il était clair qu'elle marchait à la frontière et que ce jeu devenait dangereux. Savoir que son amie serait toujours là pour elle était tout de même réconfortant. Avec son commerce, c'était ce qui la pousserait sans doute à rester à Hyrule tant qu'elle pouvait, même si les choses tournaient mal pour elle.

Mais si elle était perdue dans ses pensées, elle continuait tout de même à suivre le petit groupe et ils finirent enfin par retrouver la lueur de la lune. Trouvant refuge dans les fourrés, ils n'étaient plus qu'à quelques mètres de la liberté. Pourtant ces quelques mètres allaient être difficiles à franchir. D'autres prisonniers s'y risquèrent sans grand succès alors qu'ils couraient bien plus vite que leur petit groupe n'avait su progresser jusque là avec les blessés. Songe ne put s'empêcher de jeter un regard inquiet vers Swann. Elle était toutefois décidée à tenter le tout pour le tout et réfléchissait toujours à une solution quand vint la demande de son amie.

"Mais..."

Elle en resta sans voix. Si elle était venue là c'était pour la faire sortir, pas pour l'abandonner avant. D'autant plus qu'elle venait à peine de rencontrer l'homme qui allait rester avec elle. Elle n'allait tout de même pas la laisser là pour repartir seule. Elle jeta à nouveau un regard sur les quelques enjambées qui les séparaient de la sortie avant de reporter son attention sur son amie.

Le regard de Swann et le départ de leur autre compagnon la firent malgré tout céder. Elle devait avoir confiance en son amie. La Dragmire aussi comptait sans doute bien sortir entière. Si elle avait une solution plus sûre que la sortie qui s'ouvrait devant eux, la sorcière la laisserait tenter sa chance.

"D'accord... Fais attention, hein ... ? On se retrouve plus tard."

Ses yeux se tournèrent vers Lanre. Vu l'état de son amie, c'était sur lui que reposerait sans doute leur sécurité au cas où la situation tournerait mal. Elle espérait que les prouesses dont avait parlé Swann étaient vraies. Et qu'il pourrait en reproduire malgré son état.

"Et toi, si tu ne veilles pas correctement sur elle, je te retrouverai."

Elle se hâta ensuite de les quitter avant de risquer de changer d'avis, espérant que la séparation ne serait que temporaire. Quelques minutes après, une chouette effraie s'envolait d'un fourré proche, avant de piquer en plongée sur les gardes restant dans la zone. En plein jour elle aurait eu toutes les chances de finir percée d'une flèche, si pas d'une épée quand elle approchait trop, en provoquant ainsi ouvertement les soldats. Mais à cette heure de la nuit, l'obscurité était son alliée. Elle disposait d'une bien meilleure vue qu'eux.

Régulièrement, quand elle remontait un peu plus haut, elle s'autorisait un rapide coup d'oeil vers les deux fugitifs. Dès qu'ils eurent à nouveau pénétré les murs du château, elle sut qu'elle n'avait plus besoin de prolonger son petit jeu. Elle attendit encore quelques minutes avant de cesser de distribuer des coups de griffes et de bec. Elle remonta assez haut pour disparaître de leur vue et tournoya dans les environs avant de finalement retrouver celui qu'elle cherchait. Elle ne savait pas où se trouvait "où-tu-sais" mais si c'était là qu'elle pourrait retrouver Swann elle ne tenait pas à perdre la trace de l'homme qui s'y rendait.


Swann

Cygne Noir

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La sorcière, dans un premier temps, fut réticente à l'idée d'abandonner les fugitifs.

Swann non plus n'était guère enjouée. Mais l'urgence de la situation lui imposait cette décision ; et bien qu'il fut certainement possible de trouver un autre moyen pour s'échapper, elle ne voulait pas prendre le moindre risque pour son amie. Elle ne savait que trop bien ce que les partisans du Trône récoltaient dans les geôles pour vouloir éviter lui éviter ces supplices malsains. Longuement, leurs regards s'entrecroisèrent tandis que déjà retentissaient les premiers artifices du Renard. Là, Songe céda finalement, non sans rappeler à l'hylienne qu'elle comptait bien la revoir dans les prochaines heures. C'est sans un mot que Swann acquiesça par un léger hochement de tête accompagné d'un demi-sourire malicieux. Puis il fut temps de se séparer ; un ultime avertissement adressé à Lanre et la sorcière s'évanouissait dans l'obscurité dans la foulée d'Aedelrick. Pour les deux compagnons également, il fallait s'éclipser. Du menton, l'assassin désigna la porte la plus proche afin de réintégrer l'intérieur du Castel.

Lorsqu'il fallut franchir le petit muret qui leur faisait barrage, Swann se rendit compte à quel point le maître de chasse n'était pas tant en meilleur état qu'elle ne l'était. Ce fut avec difficulté qu'il franchit l'obstacle, grinçant les dents suite à sa mauvaise réception. Ensuite de quoi il lui intima de se remettre en route avec le même ton sec que celui qu'elle avait utilisé une fois libérée de ses chaînes, une demi-heure plus tôt. De fait, elle ne le prit pas pour elle, car elle comprenait elle aussi ce sentiment d'impuissance, cette presque rage intérieure qui brûlait en chaque loup solitaire dès qu'ils étaient obligés de s'en remettre aux autres.

Que devait-il bien penser alors que son alliée de fortune la conduisait ça et là, entre ces murs de pierre, ces couloirs parfois trop étroits, parfois assez grands pour s'y perdre dans l'obscurité ; tout droit vers l'inconnu. Swann n'était pas bien certaine d'accepter une telle situation si les rôles devaient être inversés. Aussi cette marque de confiance la touchait-elle d'autant plus. Cela l'apaisa, même, en un sens. Et alors que le Ceald se laissait conduire vers ce qui allait se révéler être une issu ou une impasse, la lionne regagnait quelques forces en toute discrétion. Ses jambes de plus en plus dégourdies, le souffle presque serein, l'esprit clair malgré les vives douleurs qui lui lacéraient le bassin, la sombre enfant du Seigneur Noir trouvait peu à peu goût à ce sentiment de liberté.
Elle ne sut pas combien de temps s'était écoulé depuis qu'ils avaient quitté leur deux compagnons ; mais à mesure qu'ils s'infiltraient de plus en plus profondément dans les entrailles du Castel, les cris des soldats devenaient plus diffus, plus estompés. La chance leur souriait visiblement : ils étaient passés à travers les mailles du filet.

Arrivés tout près d'une porte donnant sur un petit carnage, Lanre laissa sa compagne s'asseoir à nouveau afin d'inspecter la pièce qu'ils se devaient de traverser. Bien que mal à l'aise de le laisser explorer ces lieux en solitaire, Swann renonça à émettre la moindre objection. Si danger il devait y avoir derrière cette porte, elle serait un poids mort pour le maître chasseur plus que d'une grande aide.

S'il était déjà amoché en partant, c'est en bien plus piteux état qu'il lui revînt, près d'une dizaine de minutes après son départ. D'un œil distrait à travers l'encadrure de la porte, elle avait suivi avec attention la lutte qui s'était tenue entre le soldat et le rouquin sans être en mesure d'intervenir. Il la releva malgré son état pitoyable et continua de la soutenir ; presque sans broncher. Admirative de la force de sa volonté, la dragmire continua de la guider, jusqu'à un couloir étrangement familier. Elle ne put retenir un bref sourire, moitié nostalgique, moitié soulagé. « Nous y sommes presque », glissa-t-elle à Lanre, autant pour le rassurer que pour le garder conscient, tant il vacillait et avait du mal à progresser. « Nous y sommes presque... », répéta-t-elle.

Le couloir les menèrent jusqu'à une porte, entrouverte, qui débouchait sur une grande salle remplie d'étagères et de livres. Un instant, Swann contempla silencieusement la bibliothèque, où une foule de connaissances et de savoirs étaient contenus, jusqu'à ce que quelques protestations discrètes ne forcent le Ceald à s'élancer de nouveau. Avec un certain regain de vigueur, il traîna la belle brune jusqu'à la tierce personne présente dans la salle d'archives. Arrivé à sa hauteur, il la menaça de la pointe de sa lame ; l'assassin eut une bouffée de chaleur suivit d'un très long frisson qui lui parcourut l'échine.

La femme-au-félin avait beau déjà s'être préparée à cette scène, rien ne pouvait l'empêcher de repenser à cet instant à tout le chemin parcourut depuis sa dernière rencontre avec la Reine d'Hyrule. Les risques encourus, les nombreuses désillusions, les combats interminables, le sang versé... pour qu'un jour, elle puisse vivre pleinement cet instant. Longtemps, elle s'imaginait lui percer le cœur, lui fendre le crâne, la jeter du haut d'une tour ; longtemps, sa mort était restée une obsession.
Sa main gauche alla néanmoins se poser avec douceur sur la garde de leur arme, jusqu'à ce que le Ceald la rabaisse. « Non », tenta-t-elle de murmurer avec beaucoup de mal. Elle-même n'arrivait pas vraiment à croire à ce qu'elle faisait - et ce qu'elle allait faire. Pour autant, ce n'était pas le moment de changer de plan. Elle se détacha délicatement de son compagnon afin de le laisser regagner des forces ; elle, de son côté, s'était suffisamment reposée. Les yeux plongés dans les saphirs de Zelda, elle se rapprocha de deux pas, très lentement. Et un très fin sourire dessiné sur les lèvres.

« Tu es plutôt courageuse de rester », souffla la brune, alors qu'elle posait une main sur une étagère pour se maintenir debout.

Elle cessa d'avancer, bien trop faible pour le faire ; et puis, elle ne voulait pas faire fuir la jeune femme. Au lieu de cela, elle se contenta de la contempler, alors que le fait de se tenir debout l'épuisait déjà au point de lui donnait des vertiges. Elle cessa de sourire, puis rompit le léger silence qui s'installait.

« J'aurais bien fais la révérence, Princesse, mais j'ai un mal de dos terrible », glissa-t-elle nonchalamment. Autant elle était consciente de l'urgence de la situation précédemment, autant elle souhaitait savourer cet instant tant attendu. « Un cadeau du petit chaperon vert, avant ma capture. »

Les combats à Cocorico avaient beau dater de plusieurs semaines déjà, la blessure que lui avait infligé le Héros restait profonde ; autant celle en bas du dos que celle, plus générale, de la défaite.
De nouveau, un sourire se dessina au coin des lèvres de Swann. Elle reprit :

« Tu n'as pas l'air très surprise de ma visite... »


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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Comme fréquemment, la jeune femme n'était pas parvenue à trouver le sommeil. Et comme à chaque fois dans ces cas-là, la seule solution qu'elle avait trouvée pour éviter de se tourner et retourner dans son lit la tête emplie d'inquiétudes c'était d'avancer dans ses recherches.

Les archives regorgeaient de documents intéressants remontant aussi bien à quelques années qu'à plusieurs siècles. Malheureusement tous n'étaient pas scrupuleusement bien rangés ou recensés et si elle savait exactement ce qu'elle cherchait, il n'était pas toujours évident de mettre la main dessus. D'autant qu'elle ignorait si les papiers qu'elle cherchait existaient : des informations sur la Triforce conservées par ses ancêtres ou cachées dans de vieilles légendes, des registres de bibliothèque, voire des notes, indiquant quels livres avaient pu être consultés par Dun et qui auraient pu la mettre sur la piste de ce fameux rituel, ... Tant de possibilités pour si peu de réelles découvertes. Mais nuit après nuit, elle ne se décourageait pas. Ses recherches ne restaient de toute façon pas vaines : elle en profitait pour trier les documents parcourus, et si les informations glanées de ci de là n'étaient pas celles espérées, elles n'en étaient pas pour autant indignes d'intérêt.

Zelda se releva, posant sur une table l'ouvrage qu'elle venait de terminer, carnet de notes d'un vieil ancêtre qui pratiquait la magie. Elle fut suivie dans son mouvement par la petite boule d'énergie qui lui servait de lumière. Elle avait jugé préférable d'éviter d'amener une bougie dans une pièce aussi importante. Ses doigts saisirent une plume et la trempèrent dans l'encre avant de griffonner sur un parchemin pour résumer brièvement le contenu du livre. Ceci fait, elle alla le ranger à sa place sur les étagères. Elle changea de rayon pour parcourir les couvertures d'autres recueils quand elle entendit du bruit dans le couloir. Quelqu'un venait d'entrer, et au juron qu'il lui sembla entendre, la situation n'était pas habituelle.

Elle se redressa en direction du bruit, restant où elle était. Il ne fallut de toute façon pas longtemps pour que les intrus, apparemment pressés, n'arrivent face à elle. Et il n'était pas difficile de déterminer la raison de leur hâte : elle reconnut rapidement le visage de la femme, quant à l'homme si elle ne l'avait jamais croisé les descriptions des rapports qu'elle avait reçus étaient plutôt précis.

Elle fronça les sourcils lorsque l'étranger pointa une arme sur elle en la menaçant. Il ignorait sans doute qu'elle n'avait pas besoin de prononcer le moindre mot pour le désarmer, dresser un bouclier, ou même les envoyer tous deux à terre. Un instant elle se demanda même s'il savait qui elle était. S'il agissait de son propre chef ou s'il avait suffit de ce séjour en prison pour qu'il soit embrigadé par sa compagne. Elle fut toutefois encore plus surprise lorsque la femme en question sembla l'inviter à baisser la lame. Non sans guetter le moindre mouvement de la part de l'autre prisonnier, Zelda suivit des yeux la jeune femme qui s'avançait vers elle, prenant la parole d'une voix calme pour lui répondre.

"Je ne sais pas qui de nous deux est la plus courageuse."

Il n'était pas dans ses intentions de sous-estimer l'assassin, toutefois il était difficile d'ignorer que l'état des deux fugitifs laissait à désirer, et que la pièce, elle, était sans issue. Contrairement aux belles fenêtres vitrées de la chambre de la princesse, c'étaient des meurtrières qui avaient été construites ici pour laisser entrer la lumière. Et pour ce qui était de la porte, seul un faible grincement suivi d'un léger cliquetis indiqua sa fermeture. Elle ignorait même s'ils l'avaient entendu. Était-ce une mission suicide ? Une dernière tentative désespérée ? S'étaient-ils seulement perdus dans le château ? Si Zelda refusait de relâcher son attention, elle ne pouvait toutefois pas croire que la prisonnière s'imaginait pouvoir sortir du château dans cet état après s'être aventurée aussi loin.

Ce fut finalement l'assassin qui rompit le silence. Et Zelda sentit un frisson en entendant parler de Link. C'était vrai, c'était lui, avec l'aide du garde qu'elle avait convoqué plus tôt dans la journée, qui avait combattu la jeune femme. Elle le savait : elle l'avait lu, elle avait entendu le récit du garde. Mais jamais Link ne lui avait raconté en détail ses combats ou les épreuves qu'il traversait, cette fois ne faisait pas exception à la règle. Si elle n'appréciait pas de constater quels effets avaient eu le combat sur l'état de la jeune femme, elle doutait fort que cette dernière ait laissé l'occasion à son ami de faire autrement. Et la princesse elle-même, en son absence, n'aurait sans doute pas le choix non plus si l'assassin résistait. Elle se prit à se demander un instant ce que Link penserait de la situation. Du fait qu'elle ne se soit pas contentée d'appeler directement la garde et de mener les interrogatoires ensuite, une fois les deux fugitifs retournés en cellule. Il n'apprécierait sans doute pas son choix, s'il l'apprenait du moins.

"Effectivement, ce n'est pas la première fois..." Ses yeux glissèrent vers ceux du rouquin avant de revenir à Swann. Pour services rendus à Cocorico et au Royaume, il devait être libéré et remercié le lendemain lorsqu'elle aurait rendu visite aux prisonniers. Elle aurait trouvé d'autres façons d'apaiser l'ego blessé d'un de ses nobles. "Je m'attendais moins à sa présence."

Elle ne put retenir un soupir. Sans doute aurait-elle dû trouver du temps pour visiter les prisonniers plus tôt.

"Son ordre de libération est sur mon bureau, signé."

Il était toutefois possible qu'elle doive réviser la situation à présent. Inutile aussi de dire qu'il en était autrement pour la jeune femme. Mais si sa sortie n'avait jamais été au programme, la princesse avait en revanche prévu d'obtenir des réponses aux questions qu'elle se posait depuis la première visite de l'assassin. Elle n'aurait pas à attendre le lendemain finalement.

"Mais pourquoi ? Pourquoi tout ceci, au prix de vos vies ? Ce chemin est sans issue, vous devez vous en rendre compte. Qu'est-ce que ma mort vous apporterait pour compter autant ?"

Était-ce seulement sur ordre de Ganondorf ? Ou une volonté propre de cette femme ? L'envie de comprendre de la princesse était sincère. L'assassin était prête à mourir pour emporter la vie de la souveraine avec elle, et celle-ci tenait au moins à savoir pourquoi. Bien sûr elle avait aussi des questions sur Ganondorf et sur l'attaque de Cocorico, mais elles viendraient ensuite.


Lanre


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A travers les meurtrières retentissaient des cris. Le claquement des fers, les ordres vociférés, les gémissement plaintifs d'une chouette et les hurlements de douleurs qui parvenaient à percer les lourds murs de pierre contrastaient férocement avec le calme presque serein de la bibliothèque. Il fronça les sourcils, partiellement aveuglé par le petit astre qui flottait aux côtés de la silhouette qu'il menaçait. S'il n'avait pas eu à maintenir le Cygne noir, il aurait certainement ramené son deuxième bras au devant de ses yeux ; pour se protéger de la lumière — encore bien trop vive pour son regard fatigué. L'éclat de l'étoile gagnait en force chaque fois qu'il se reflétait sur une surface lisse, polie. D'une certaine clarté brillait désormais la lame du maraudeur. Le bureau de bois verni et tâché du sang qui goutait de la main du Ceald brûlait également d'une flamme nouvelle. Son poignet, irrigué de petites rigoles rougeâtre, tremblait doucement. Peut-être trop peu pour que cela se remarque, mais lui le sentait. Une nouvelle perle vermeille glissa entre ses doigts avant de s'écraser contre le mobilier. Si le sang n'avait pas été si noir, sans doute aurait-il réfléchi la scène improbable qui se jouait dans cette large pièce, aux étagères remplies d'objets dont il ignorait le sens et l'utilité. Deux vauriens, en fuite, qui s'engouffraient dans les entrailles d'une demeure fortifiée pour s'en prendre à une inconnue de plus dans une équation qu'il peinait déjà à résoudre. Ses dents grincèrent, tant de douleur que d'agacement : lui même n'aurait pas su expliquer ce qui lui avait pris d'écouter sa compagne d'infortune. Sa voix brisa le silence – et l'instant – comme pour lui rappeler qu'elle n'avait pas disparu. Doucement, sa main appuya sur son bras, l'incitant à baisser l'arme qu'il pointait sur la gorge nue de l'insomniaque. Il frissonna, non sans s'exécuter. Le moindre contact lui était d'autant plus douloureux que le travail du soignant avait été mis en pièce par son récent combat.

Sans un mot, Swann s'arracha à ses bras. C'est à ce moment qu'il réalisa combien elle lui avait servi de béquille autant qu'il n'avait été son soutien. L'espace d'un instant, l'équilibre lui fit défaut. Reculant de quelques pas, le prisonnier laissa son dos épouser l'une des bibliothèques, conscient qu'il ne pourrait pas rester debout beaucoup plus longtemps. S'il ignorait toujours pourquoi il s'était rendu jusqu'ici, il se doutait – il espérait – que Swann ne l'avait pas fait sur un coup de tête... Et bien qu'il n'aurait pas procédé de la sorte, il savait également qu'il n'avait plus d'autre choix que celui de suivre son plan. Qu'il soit pensé, volontaire et sans faille ou qu'il soit reconstruit à chaque minute. Sans qu'il ne le réalise véritablement, l'arrière de son crâne chercha appui contre le bois, bien plus solide et durable qu'il ne l'était. Lentement mais sûrement il glissa le long de l'érable, laissant derrière lui une large fresque carmin. Son poing se referma un peu plus sur la hampe de la lame en même temps que ses yeux ne s'ouvraient à un autre monde, oublié. Le voile qui couvrit le vert-de-gris l'appelait loin des pierres, loin des combats, vers les rivages. Maudits les Wyrms ! Il avait besoin de repos.

Les voix lui semblaient lointaines. Trop pour qu'il ne réalise de quoi parlaient les deux femmes. Il comprit bien vite, avant que ne tonne l'orage, qu'elles se connaissaient et fut surpris du ton qui semblait être celui de leur interlocutrice. À l'évidence, elle contrôlait la situation plus qu'il n'était prêt à l'accepter. Jouant tant bien que mal avec la fusée du cimeterre de la Macrale, comme pour se maintenir dans une réalité qu'on l'invitait pourtant à quitter, il laissa ses doigts s'aventurer jusqu'à la naissance de la lame, sans pour autant goûter au tranchant dont il savait la précision. Sa poigne se raffermit sur la hampe, tandis que la pointe s'enfonçait légèrement dans la broderie ancestrale qui tapissait le sol de pierre. Utilisant l'épée comme un vieillard utiliserait une canne, il parvint – douloureusement – à se hisser sur ses deux jambes à nouveau. Sa main chercha après un mur ou soutien similaire, mais ne trouva que quelques ouvrages qui chutèrent avec fracas, aussitôt qu'il s'appuya dessus. « Ruth ! — » Siffla-t-il, laissant sa langue claquer contre son palais, aigre et irrité. Plus que jamais, son crâne et son avant-bras le brûlaient. De ses yeux injectés de sang, il lui semblait discerner un peu de fumée grisâtre, fuyant l'un des livres qu'il avait fait tomber.


Swann

Cygne Noir

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Swann grimaça.

De douleur, en premier lieu ; se tenir debout réveillait petit à petit des blessures qu'elle avait oublié avec le temps. Chaque muscle de son corps semblait hurler tandis qu'elle se maintenait péniblement, accrochée à son étagère avec le peu de fierté qui lui restait. Ses forces l'abandonnaient et elle avait l'impression de fournir un effort surhumain pour garder un tant soi peu de crédibilité face à la Princesse. Ne serait-ce que pour son compagnon qu'elle avait embarqué dans cette galère, elle devait réussir. Ou tout du moins, tenter quelque chose. Elle se refusait elle-même à croire à son état de faiblesse, et il lui était presque insupportable de contempler son ennemie, nullement impressionnée, nullement craintive. Zelda n'avait ni reculé ni même bronché ; un instant, l'assassin crut même qu'elle se retenait de rire d'elle et de son impuissance.

« Son ordre de libération est sur mon bureau, signé. »

La lionne arqua un sourcil puis resta interdite quelques instants. Dans son état, il lui fallut plusieurs seconde pour assimiler l'information ; une fois cela fait, un rictus se leva au coin de ses lèvres.

« C'est un peu facile de dire ça maintenant. »

Elle ne la croyait pas et ne chercherait certainement pas à connaître la vérité, de toute façon. Lanre avait moisi dans les geôles en sa compagnie, un mois durant, et on voulait lui faire croire qu'il allait être libéré maintenant ? Au point où ils en étaient, ça n'avait plus aucune importance. Pour des âmes aussi sauvages, ce n'était pas un bout de parchemin qui décidait de leur sort, ils forgeaient eux-mêmes leur destinée. Il n'avait pas fallu bien longtemps à Swann pour comprendre qu'elle partageait cela avec le Ceald.
Mais la Reine d'Hyrule ne semblait pas tout à fait le comprendre. Le Cygne Noir préférait bien mourir libre que de rester aux fers durant des années, à la merci du Général et de ses pions ; voir d'autres personnes aussi mal intentionnées. Peut-être n'était-elle pas au courant des méthodes employées par Rusadir pour faire parler les captifs ? C'était même plus que probable compte tenu de la naïveté de ses interrogations.

Swann détourna le regard alors que Lanre peinait, derrière elle. Un rapide coup d'œil en arrière et elle comprit que le maître chasseur ne tiendrait plus encore bien longtemps. Autant qu'elle le pu, la dragmire chercha des mots, des bribes de phrases qu'elle s'était répétée sans cesse en prévision de ce moment. Et alors que l'ambre et le gris remontait au contact des saphirs, elle laissa échapper un faible : « Non... tu te trompes. » Elle déglutit. Épuisée comme jamais, sa hanche épousa un coin de table pour tenter de garder l'équilibre. Elle n'avait pas envie de s'étaler en longues explications ennuyeuses ; mais Zelda, pour avoir été sa cible l'espace d'un soir, méritait d'avoir quelques réponses.

« Tu aurais pu n'être qu'un nom écrit à l'encre noir sur un bout de parchemin. Un contrat comme un autre », soupira la fugitive. Elle reprit une inspiration : « Mais tu es née princesse. »

Si les questions de la jeune Nohansen concernait l'escapade de cette nuit, elles en sous entendaient d'autres beaucoup plus lointaines ; lorsque durant une nuit de tempête, elle avait manqué de se faire tuer sans aucune forme de pitié. Mais ce fut au contraire le Cygne Noir qui brava le froid mordant de l'Hiver et de la Mort, à l'époque.

« Tu ne peux pas nier le cancer qui ronge le royaume depuis des années - et je ne te parle pas de la guerre ! Je te parle des escrocs, des charlatans, des sadiques et des profiteurs qui jouissent de leurs privilèges au détriment du peuple », cracha-t-elle. « Soyons claires : je ne suis pas une révolutionnaire. Il faut des seigneurs pour diriger, certainement, mais pas au mépris des vies qu'ils ont sous leur responsabilité. »

Swann n'avait jamais caché son agacement et sa colère à l'égard de l'aristocratie locale, et encore moins son attachement farouche pour le peuple - et tout particulièrement les plus démunis d'entre-eux. La guerre renforçant la position des puissants sur les faibles, elle avait de moins en moins de raison de fermer les yeux et faire comme si de rien n'était.

« Ta... "disparition"... était un mal nécessaire, à mes yeux », reprit-elle, pensive. « La situation chaotique qui en découlerait inévitablement m'aurait servi à identifier les plus opportunistes et les plus véreux. Ceux pour qui le pouvoir appelle à davantage de pouvoir. Et une fois cela fait, je les aurais fait disparaître à leur tour, un à un, sans aucune once de pitié ni de considération. Histoire d'éliminer les mauvaises herbes qui pullulent dans ce château », renchérit-elle avec une froideur à faire pâlir un mort.

Elle aurait pu chercher à inventer une belle histoire ; raconter qu'elle n'aurait chercher qu'à leur donner une leçon puis à les remettre dans le droit chemin. Mais la Belle de Villarreal n'était pas une manipulatrice ou une simple menteuse. Qui plus est, ç'aurait été renier ce qu'elle était et ce qu'elle semait sur son passage : la Mort. Et puis, elle n'avait aucun intérêt à mentir à Zelda.

« Tu peux bien considérer mes méthodes comme extrême. Je m'en moque éperdument ; car je fais ce qui me parait être juste », déclara-t-elle faiblement, visiblement convaincu de son bien-fondé. « En fait, je me trouve plutôt gentille : je leur offrirais une mort douce et sans douleur là où certains gens d'ici utiliseraient des méthodes beaucoup plus... douloureuses », soupira-t-elle alors que son regard décrochait de celui de Zelda pour se perdre dans le vide.

Swann n'allait pas s'étaler en long, en large et en travers sur ce qu'elle avait vécu lors des premiers jours de son incarcération. Elle n'allait même pas chercher à savoir si la reine était au courant de qui se pratiquait là-bas ou si elle le cautionnait : il s'agissait là d'une information dont elle n'aurait pas la moindre utilité dans l'immédiat.

Elle laissa un temps à Zelda pour digérer ses paroles ; lorsque perdue dans ses pensées, elle lâcha à voix basse : « Mais te tuer n'a plus de sens, maintenant ». La lionne se redressa légèrement alors que ses yeux vairons allèrent croiser de nouveau ceux de la souveraine d'Hyrule.

« Je ne suis pas un soldat, je ne l'ai jamais été. Et je n'ai pas emmener mon camarade jusqu'ici pour m'hasarder à un dernier baroud d'honneur face à toi », lâcha-t-elle avec un dédain tout particulier à l'évocation de cette idée. De nouveau, il lui fallut quelques instants pour reprendre sa respiration, et déclarer avec assurance : « Je suis là pour te proposer un marché, si cela t'intéresse.»


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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De toute évidence la jeune femme ne croyait pas à l'ordre de libération dont parlait Zelda. Cette dernière ne pouvait pas lui en vouloir. Entre sa visite à Cocorico et toutes les sollicitations à gérer à son retour, elle s'était occupée assez tardivement du cas des prisonniers, laissant cette charge entre les mains du Général. Ce n'était pourtant pas faute d'être intéressée par ce qu'ils auraient à raconter.

L'homme semblait quant à lui beaucoup trop mal en point pour faire attention à leur discussion, et Zelda se faisait mal de deviner combien tous deux pouvaient être en mauvais état. En toute autre situation, elle se serait empressée de leur porter des soins avant même de les interroger. Bien entendu ç'aurait été délicat dans le cas présent.

Zelda avait beau écouter attentivement l'assassin et ses explications, il était normal qu'elle éprouve des difficultés à la comprendre totalement. Depuis que son père lui avait laissé les rênes de la justice, et même si les lois qu'il laissait derrière lui prévoyaient la mort comme châtiment aux peines les plus graves, la princesse avait toujours essayé d'éviter d'en arriver à cette extrémité. Elle n'était pas naïve : ce n'était pas toujours évitable, et même si elle n'était pas présente sur le champ de bataille, elle s'estimait responsable de la mort qui y avait fauché nombre de gens bien trop tôt, quel que soit leur camp d'ailleurs. Elle savait depuis longtemps ce qui accompagnait ses responsabilités de souveraine : ses choix, ses actions autant que ses inactions pourraient causer la mort. La notion de moindre mal ou de mal nécessaire ne lui était pas inconnue. Sans doute la principale différence résidait-elle dans la légèreté avec laquelle l'assassin annonçait ses projets de meurtres en masse.

Si elle donnait raison à la jeune femme concernant l'existence d'individus mauvais ou ambitieux, notamment qui avaient acquis un certain poids légalement ou non, elle avait une autre façon de combattre ce mal quand il ne s'agissait pas du travail de la garde : par la politique et la diplomatie. Une méthode beaucoup plus lente, mais moins dévastatrice. Quant au chaos qu'elle devinait si elle venait à quitter ce monde trop tôt, il lui rappelait ce problème qu'elle n'avait de cesse de repousser à plus tard : tant qu'il n'y aurait pas d'héritier la stabilité du royaume ne tiendrait qu'au fil de sa vie, et l'espace d'un instant l'expression de son visage se fit moins sereine. Elle avait bien laissé des instructions écrites devant témoins pour le cas où les choses tourneraient mal, mais elle ne savait pas combien de temps ni à quel point ses paroles seraient alors respectées. C'était le risque de voir disparaître ce pour quoi elle s'était démenée depuis si longtemps ainsi que ce pour quoi Link avait si souvent risqué sa vie. Avec le recul, Zelda comprenait sa colère à la Forteresse Gerudo.

Mais quelque part, même si elle était incapable de se mettre à la place de la jeune femme, faute d'avoir reçu la même éducation, d'avoir traversé les mêmes épreuves, d'avoir le même rapport à la mort, elle ne pouvait s'empêcher en l'écoutant d'avoir le sentiment qu'elles partageaient un but commun. Elles avaient seulement pris des chemins radicalement opposés pour tenter de l'atteindre.

Sans cesser d'écouter la jeune femme, ses yeux parcouraient régulièrement la pièce, surveillant aussi l'homme qui manqua de s'écrouler à terre avec ce qui lui sembla être un juron et se rattrapa tant bien que mal. Il lui semblait prêt à tomber inconscient, pourtant il refusait de céder à sa fatigue. Son regard s'attarda néanmoins sur un livre tombé au sol quand il l'avait saisi pour se retenir à l'étagère. Elle avait l'impression de voir le livre à la couverture de cuir fumer comme s'il avait été exposé à une forte température. Elle doutait que la fièvre de l'étranger soit forte à ce point, et il n'avait pas non plus l'air - ni l'aura - d'un magicien.

La dernière phrase de l'assassin la prit toutefois au dépourvu.

"Un marché... ?"

Elle comprenait beaucoup mieux la venue des deux prisonniers si leur but n'était pas une tentative désespérée d'assassinat mais plutôt un espoir de négocier une issue différente. Même si elle restait méfiante et prête à réagir au moindre geste brusque, la réponse lui semblait logique, et elle tâcha de paraître moins sur ses gardes. S'il s'agissait d'un mensonge et que l'un des deux tentait quelque chose, elle serait rapidement fixée.

Réfléchissant à la question, elle s'avança en même temps vers l'homme qui était revenu s'asseoir non loin d'elles et elle avança sa main vers la sienne, avec un sourire pour le rassurer.

"Si vous permettez..."

Sa main menue rencontra le dos de celle du guerrier, et malgré une grande délicatesse elle vit sans tarder son gant blanc partir en fumée, se retrouvant avec la paume de sa main nue contre celle de l'homme. Si elle n'avait pas dressé immédiatement des barrières magiques, sans doute serait-elle aussi couverte de brûlures. Elle rompit le contact, non sans un regard interrogatif vers le prisonnier.

"Quelle est cette magie...?"

Elle avait presque murmuré pour elle-même, surprise. Mais il ne s'agissait pas là de la seule question qui piquait sa curiosité, et elle finit par se tourner à nouveau vers l'assassin.

"Je serais curieuse d'en savoir plus sur ce marché."

Le cas de l'étranger était simple, il était déjà prévu qu'il sorte de prison. S'il n'avait pas changé de camp, elle ne serait pas difficile à convaincre à son sujet. En revanche, elle ne voyait pas ce qui pourrait la mettre suffisamment en confiance, ou valoir le risque couru pour remettre cette femme en liberté. Et pourtant, elle tenait à savoir ce qui avait valu que la jeune femme prenne tant de risques, ce qui la rendait si sûre que la princesse accepterait. Elle avait le sentiment que si elle refusait d'écouter la jeune femme, elle regretterait sans doute d'avoir peut-être raté une occasion de faire un pas de plus vers la paix d'Hyrule. Après tout, rien ne l'obligeait ensuite à accepter, écouter n'engageait à rien.


Lanre


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Tâtonnant jusqu'à ce que son poing ne trouve un quelconque soutien plus solide que ceux qu'il avait déjà jeté au sol, le Ceald ne remarqua pas l'épaisse trace noire qu'il laissait sur l'armoire. Le bois calcina n'eut pas l'occasion de siffler, ou de craquer, mais la marque demeurait, silencieuse observatrice. Sans un mot, ignorant royalement les deux femmes qui conversaient encore, il tituba doucement jusqu'au plus proche écritoire. Derrière lui traînait l'acier de la Macrale dont il refusait catégoriquement de se séparer. Quoique pouvait manigancer Swann ; il était de ceux qui faisaient davantage confiance aux prix du fer et du sang qu'à ceux des mots et de l'honneur. Il avait appris – durement – que les premiers n'engageaient que ceux prêts à les croire. Quant à l'honneur... il savait la flexibilité des restrictions que pouvaient s'imposer les Hommes. Ses doigts se refermèrent un peu plus fermement – si jamais c'était là chose réalisable – sur la fusée du cimeterre, tandis qu'il se laissait chuter sur le secrétaire.  Sa main droite, celle qui portait encore les sévices du Dragon, plongea en avant pour le retenir. Sa paume percuta les orfèvreries sculptées du pupitre, avant que ses ongles ne griffent le vernis. Sous sa peau, brûlait un feu qu'il ne sentait plus. En vérité, tout son bras avait comme disparu. « Nau.. — dir.. », cracha-t-il non sans peine, fatigué. Lentement, comme ralentit par des poids, il se retourna jusqu'à pouvoir s'asseoir sur le bureau. Le griffon d'étain qui soutenait jadis la console de bois avait fondu, dans un vacarme aussi discret que taciturne. Inaudible.

En retour à son dédain, les deux étrangères le gratifièrent d'un mépris similaire. Peu leur importait, à tous, en vérité. Lui même peinait à s'imaginer dans la pièce qu'ils avaient pourtant gagné, avec la Dragmire. Son être – ou quoique ce fut d'autre – l’appelait, vertement et sans hésitation, à se laisser glisser vers d'autres horizons. Des rivages tantôt étrangers, tantôt fantastiques, mais toujours familiers. De ces rivages qu'on pourrait reconnaître sans y avoir jamais été. Les quelques paroles qu'échangeaient Swann et l'autre femme lui semblaient, en revanche, toujours plus lointaine. S'il avait été capable de discerner la voix de la lionne plus tôt, les deux semblaient désormais se mélanger, comme ciel et mer lors des tempêtes ; comme nuit et jour au crépuscule. Alors que, devant ses yeux, les cieux se drapaient peu à peu des fourrures de loups parsemée de flocons,  la voix de Brieg le tira à son demi-sommeil.  Il peinait à comprendre de quoi parlait l'ancien, mais il parvint à saisir quelques mots, à la volées. Des mots auxquels se raccrocher, quand le vieillard ne hurlait pas de douleur, léché par les flammes du brasier. Comme souvent, l'ancêtre parlait avec autant de respect que de crainte de ces "lieux intermédiaires" qui semblaient rythmer le cours du monde mais dont le monde savait si peu.

"Vaèste." Siffla-t-il, revenant subitement à lui. Le ton était froid et sec, comme le noroît qui bat les bras-de-mer et les océans. Sans appel. Le vert-de-gris chercha les saphirs majestueux de leur hôte, sans exprimer la moindre crainte ; la moindre hésitation. Au plus profond du regard du vagabond dansaient l'orage, la tempête et la houle — la rage de l'homme libre qu'on met en cage. Sans qu'il n'ajoute quoique ce soit de plus, l'estoc du cimeterre vint caresser le flanc de la jeune femme. L'avertissement ne pouvait pas être plus clair ; et les Wyrms savaient qu'il était généralement assez avare en la matière. Si sa comparse n'avait pas choisi de faire preuve de clémence, un peu plus tôt, si elle ne l'avait pas incité à en faire de même, sans doute aurait-il déjà passé l'imprudente par le fil de l'épée. Sa propre patience connaissait des limites que la douleur ne cessait de rapprocher.


Swann

Cygne Noir

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Swann réagit à peine lorsque la princesse s'avança vers le Ceald.

Tout mouvement semblait lui être interdit, comme si elle était paralysée. L'extrême sérénité qui se dégageait de Zelda était si étonnante et désarmante que la lionne finissait par être touchée par cela, malgré sa situation plus qu'alarmante. Alors que les gardes devaient courir dans les couloirs à la recherche des deux fugitifs, le calme ambiant avait comme arrêté la course du Temps, leur offrant ainsi un repos ô combien mérité et nécessaire. Ce n'était qu'une impression, et tôt ou tard les gardes en viendraient à retrouver leur trace et à franchir la porte de la bibliothèque à leur tour. Mais même sachant cela, l'assassin se prêta au jeu ; sa respiration gagnait en régularité, sa lucidité lui revenait peu à peu et malgré la terrible fièvre qui l’accablait elle recouvrait ses forces. Elle profitait aussi de ce moment un peu spécial pour tenter de déchiffrer ce qui pouvait bien se cacher derrière le masque de la Reine. La sombre hispanique avait beau avoir tenté de tuer sa jeune ennemie, elle ne percevait pas de colère chez elle ni le moindre ressentiment. Ce qu'une femme comme Swann, parfois très sanguine, ne pouvait pas tout à fait comprendre.

Les yeux vairons glissèrent sur le Ceald alors que la jeune Nohansen lui adressait la parole. La dragmire ne discernait pas de réaction chez son compagnon ; il semblait absent. Instinctivement, la dragmire se redressa, tournant son buste puis son bassin de façon à garder la Reine devant elle. Celle-ci osa approcher sa main jusqu'à entrer en contact avec son épaule, puis le climat d'apaisement cessa subitement : le cimeterre d'acier se dressa d'un coup entre son compagnon et Zelda comme un coup de tonnerre déchirant le ciel. La soie finissait de brûler que Swann prenait conscience de l'état désastreux du maître-chasseur.

« Qu'est-ce que tu fais ?! » Invectiva-t-elle, autant à l'intention de Lanre que l'inconsciente qui s'en était rapprochée. Par précaution, l'assassin fit l'effort de les rejoindre et s'interposa entre eux, ses yeux remplis d'une soudaine nervosité et braqués sur la Princesse. « Ne le touche plus », dit-elle clairement, comme une mère protégeant sa marmaille.

Les doigts de sa main droite allèrent délicatement - et prudemment - se poser sur l'épaule du Ceald pour tenter de l'apaiser. Elle remarqua alors la température anormalement élevée de son corps bien qu'elle ne poussa pas la réflexion plus loin ; elle ne se rendit pas même compte qu'elle devait au Feu du Seigneur Noir le fait de ne pas se brûler la paume. « Ça va aller », dit-elle avec douceur. S'il ne comprenait pas ce qu'il disait, elle espérait au moins que le ton utilisé l'inciterait à se calmer. « Je vais te sortir de là, l'ami », poursuivit-elle avant de replonger ses yeux dans les saphirs de son ennemie.

Si le Cygne Noir reconnaissait un peu plus tôt une certaine admiration à l'égard de la jeune femme, il lui était impossible de dissimuler son mécontentement suite à ce qu'il venait de se passer. Pour autant, elle était consciente de devoir se calmer et de ne pas céder à la panique et au stress après tant de chemin parcouru ; elle laissa la tension retomber tranquillement en même temps qu'elle s'affaissait péniblement contre le bureau. Elle prit quelques instants pour elle-même, pour réfléchir à ce qu'elle allait faire. Malgré avoir parue très assurée précédemment, elle restait extrêmement hésitante alors que les choses allaient devenir beaucoup plus concrètes. Et un tel accord pouvait avoir de terribles conséquences pour elle-même si il venait à être découvert par certaines personnes... mais elle était prête à risquer cela pour ne plus jamais retourner dans les geôles du Castel entre les mains du Général.

« C'était il y a quelques mois de ça », commença-t-elle enfin pendant que l'ambre et le gris tombaient sur le sol, dans les souvenirs de la sombre enfant de Ganondorf. « Je faisais rebâtir la Citadelle Noire, dans le désert. Inévitablement, en déblayant les nombreux débris, les gérudos sont tombées sur pas mal de choses, parfois intéressantes et parfois banales. Des bijoux, des armes, quelques pièces d'or... Et puis un jour, l'une d'elles tombe sur deux-trois bouts de parchemin. Du peu que j'en ai lu, il s'agissait essentiellement d'indications menant en un lieu où aurait été déposés des documents importants. » Son regard remonta au contact de Zelda. « Surtout, ces parchemins étaient signés de la main de Dun Loireag Dragmire, le Traître-Prince. »

Swann perçut l'intérêt soudain de Zelda pour son histoire, sitôt les derniers mots prononcés. Le nom de ce dragmire en particulier ne laissait jamais totalement indifférent ; la plupart semblait vouloir l'oublier, d'autres ne lui pardonnaient pas ses actes... l'histoire de Dun était très connue et suscitait beaucoup de réactions et d'avis. « Les textes parlaient de la Triforce, accessoirement », ajouta la Belle de Villarreal. De sa main gauche, elle se saisit de l'un des livres posés sur le bureau, le temps de laisser à son interlocutrice le soin de deviner où elle voulait en venir finalement. Avec un petit rictus très discret, le Cygne Noir se remémora les nombreux jours passés dans sa cellule à écouter les longues conversations de ses gardiens. Souvent très ennuyeuses, elles recelaient parfois d'informations précieuses et très utiles pour qui sache s'en servir. Comme le fait que la Princesse d'Hyrule passait le plus clair de ses soirées dans la bibliothèque, par exemple. Il n'avait pas fallu longtemps à Swann pour faire le lien avec les indications de Dun Loireag et le souvenir récent d'une salle imprégnée de magie noire et du sang séché du Héros.

« Qu'est-ce que tu en dis ? Tout ce que tu as à faire, c'est nous sortir d'ici, mon ami et moi. Ensuite de quoi je me mets en route pour le désert, je récupère les parchemins, je vais chercher les documents et je te les ramène... et en moins de temps qu'il n'en faut, tu as ce que tu cherches depuis des lustres. Le seul - et le vrai - problème, là-dedans... » Elle laissa sa phrase en suspend durant quelques longues secondes. Un rictus nerveux étira ses lèvres, puis elle reprit, pleine de malice : « C'est de me faire confiance. »

Loin d'elle l'idée de s'amuser de cette situation, bien au contraire. Après tout, elle ignorait comment Zelda lui accorder le moindre crédit après avoir tenté de la tuer, après les nombreuses attaques en son royaume, les meurtres, les combats... Tout indiquait - du point de vue royaliste - de lui accorder une seconde visite gratuite pour les prisons. L'assassin avait pourtant une parole et elle mettait un certain honneur à la respecter, la plupart du temps. En l’occurrence, elle n'avait pas spécialement de raisons de faire faux bond à la Reine.

« Pourquoi ne m'accompagnerais-tu pas ? » Demanda-t-elle nonchalamment, mais néanmoins très sérieusement. « C'est encore la meilleure chose à faire si tu ne crois pas en ma parole ; comme je te l'ai dis, je ne souhaite plus te nuire personnellement et de ce que j'en ai vu la dernière fois tu serais largement capable de me repousser en cas d'attaque. Et puis, tu saura sûrement déjouer les énigmes et les pièges de Dun mieux que moi. Après tout, tu l'as beaucoup connu. »


Zelda Nohansen Hyrule

Princesse de la Destinée. ∫ Édile de Nayru.

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Zelda ne comprenait pas ce que disait l'étranger, mais le geste était clair : même s'il n'avait pas manifesté de réaction avant qu'elle ne pose la main sur la sienne, il n'avait pas apprécié qu'elle le touche. Elle recula avant même que l'assassin n'accoure auprès d'eux pour s'interposer avec l'air inquiet. Ses yeux se détournèrent du regard de colère lancé par le prisonnier, si semblable à celui d'un homme qu'elle avait croisé jadis, tout aussi sauvage. Sans doute n'avait-il pas compris ses intentions, ou n'avait-il aucune envie de partager son secret avec elle. Savait-il seulement ce qui lui arrivait ?

Elle ne se reprochait pas tant d'avoir cherché à aider l'homme que la curiosité, plus égoïste, qui l'avait menée là. Elle avait si longtemps étudié la magie qu'elle se laissait parfois emporter par la découverte de nouvelles formes ou de nouvelles applications qu'elle pouvait prendre. Mais c'était un homme blessé et épuisé qui lui faisait face, et il semblait avoir d'autres préoccupations. Surprise par l'interdiction de la jeune femme, elle chercha à s'expliquer avant de finalement renoncer.

"Je ne voulais pas... Je ne le toucherai plus."

Elle soupira. Il semblait entre de bonnes mains, et si elle ignorait s'il avait rejoint les idéaux de l'assassin, elle sentait en tout cas ce lien qui s'était tissé entre eux. L'homme n'avait pas l'air d'en savoir beaucoup sur l'endroit où il se trouvait et la discussion qui s'était tenue plus tôt. S'il était là, c'était sans doute par confiance, cette même confiance qui ne déclencha aucune réaction quand la jeune femme le toucha à son tour. Et elle semblait méritée au vu de la tendresse dont faisait preuve son alliée. Si la princesse avait imaginé voir un jour cette facette de celle qui avait voulu lui ôter la vie sans pitié...

"Cette chaleur... je ne sais pas ce qu'il a. C'est plus que de la fièvre... Mais ça ne me regarde pas, c'est vrai."

Le sujet semblait clos, et elle n'insista pas. Elle n'était de toute façon pas en mesure d'apporter plus d'aide tant que cette magie lui était étrangère. Qu'ils soient ou non conscients de ce qui se passait, ils devraient gérer ça seuls. Laissant le silence retomber, elle ôta le gant dont la paume était brûlée. Avec un trou pareil, elle n'en aurait plus l'usage. Elle ne put empêcher son regard de s'attarder sur les dégâts, mais elle contint sa curiosité.

Zelda releva les yeux dès que la voix de l'assassin se fit à nouveau entendre. Même si elle resta silencieuse, elle ne put retenir un frisson au nom de son ancien mari. Sa main qui à la demande du Pontife portait toujours une alliance, de peur de froisser les déesses, se resserra. Mais c'est surtout à la mention de la Triforce qu'elle eut du mal à cacher son trouble. Sans doute n'était-ce plus un secret qu'elle cherchait à en apprendre plus sur le sujet, et surtout à savoir comment un fragment avait pu être arraché à son porteur. La main de Zelda se posa sur la table où gouttait toujours le sang de l'étranger en réfléchissant à la situation.

La princesse commençait à voir où l'assassin voulait en venir. C'était étrange d'entendre parler de ces documents dans la salle d'archives où elle avait passé tant de nuits à les chercher, eux, leur source, ou toute autre information lui permettant de reconstituer les morceaux. Pour un peu elle se serait pincée pour vérifier qu'elle ne rêvait pas. Ses doigts parcourent la petite table pour tomber sur un coupe papier. Une légère pression lui confirma qu'elle était bien éveillée. La douleur n'avait pas prise dans ses rêves. Du moins les normaux.

Le problème, comme le devinait si bien l'assassin, c'était la confiance. Si l'évocation de ces documents ne pouvait manquer de tenter Zelda, elle n'en savait pas pour autant si la femme face à elle avait véritablement posé les mains dessus comme elle le prétendait. Et même si c'était le cas, si elle les lui ramèneraient vraiment. Ces informations étaient capitales, pas seulement pour elle, il ne s'agissait pas de sa curiosité personnelle cette fois, mais pour le royaume. Et pour Link. Elle souffrait de le savoir privé de la protection de Farore, même s'il avait toujours su se débrouiller seul, et n'en puisait aucune magie. Mais être en mesure de récupérer un fragment c'était aussi le meilleur moyen de mettre fin à la menace qui pesait sur Hyrule.

La proposition de l'assassin était séduisante. Qu'est-ce qui l'empêchait de la suivre, et de s'assurer par elle-même du bon déroulement des opérations ? Elle pouvait se défendre, mais même au delà des risques de trahison ou d'embuscade un autre problème demeurait.

"Si je disparais cette nuit, vous serez soupçonnés d'enlèvement..."

Et elle devinait la suite : nul doute que des moyens considérables seraient mis en place pour la retrouver au plus vite. Ils finiraient tôt ou tard par mettre la main sur le petit groupe. Et elle ne savait pas quel serait alors le pire : devoir trouver une explication probante sans reporter toute la faute sur les ex-prisonniers ou avoir provoqué une telle effervescence et dilapidé l'argent et les forces de l'armée pour rien.

En restant, elle pouvait retarder les recherches ou les orienter dans la mauvaise direction. En outre, rien ne l'empêchait de rejoindre plus tard les fugitifs, ils ne devaient juste pas lui échapper. Sa main quitta la table pour venir se poser sur le pendentif qui pendait à son cou. Tout simple, il représentait le blason de la famille Hyrule. Un oiseau aux ailes grandes ouvertes, fréquemment qualifié d'aigle, son père lui avait pourtant un jour raconté un récit intriguant qui faisait plutôt état d'une race d'oiseaux disparue depuis longtemps. Toujours était-il qu'une goutte de son sang imbiba la bête aux reflets dorés alors qu'elle détachait et retirait son collier.

Elle approcha en douceur de l'étranger.

"Du calme, je ne te toucherai pas."

Surveillant son cimeterre d'un oeil, elle attacha rapidement le pendentif autour de son cou, en prenant soin de ne pas même le frôler pour ne pas lui imposer un contact qu'il ne souhaitait pas. Se reculant ensuite, elle tendit l'oreille en entendant du bruit. Pas si loin, les recherches avaient repris dans les couloirs avoisinants et une fois les soldats arrivés dans celui-ci il ne faudrait pas longtemps avant qu'ils ne s'interrogent sur la porte verrouillée.

Pas de temps à perdre donc. Elle devait se décider, c'était maintenant ou jamais. Et elle décida de tenter le sort.

"Qu'il ne quitte pas ce collier. Je vous enverrai un homme de confiance, il vous retrouvera grâce à lui. S'il le retire, je considérerai notre arrangement comme annulé. Et je prendrai mes dispositions."

Bien sûr il aurait été plus judicieux de placer le pendentif au cou de Swann, mais c'était le sang de l'homme qui était le plus accessible. Et quelque chose lui disait qu'ils ne se sépareraient pas, ni ne prendraient le risque de se mettre l'un l'autre en danger s'ils avaient choisi de fuir ensemble. C'était ce sur quoi elle misait. Elle manquait de toute façon de temps pour réfléchir plus longtemps.

"Vous en aurez aussi besoin pour arriver jusqu'au bout du passage que vous allez emprunter. Ne vous séparez pas, sous aucun prétexte, avant d'avoir quitté le château."

Elle se tourna et rejoint rapidement le mur derrière elle pour poser la main sur une des pierres entre deux rayonnages de parchemins. L'étagère juste à côté pivota, dévoilant un escalier qui s'enfonçait vers les étages inférieurs du château. C'était son sang qui avait ouvert le passage, et celui qui avait imbibé le pendentif leur dévoilerait la sortie et leur éviterait les pièges.

"L'homme que je vous enverrai est un Sheikah, il vous rapportera les affaires qui vous ont été confisquées. Du moins ce qu'il pourra transporter."

Elle ignorait à quel point ils tenaient ou non à leurs possessions, mais elle espérait que cette promesse de sa part constituerait une raison de plus pour eux d'attendre de ses nouvelles, et d'être au rendez-vous. Elle avait conscience de prendre un risque important, mais elle se fit la promesse de veiller à réparer les dégâts par elle-même si ses choix en causaient.


Lanre


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L'acier griffa doucement le tissu, tandis que l'estoc de la lame s’affaissait. Le regard toujours plongé dans celui de leur hôte, le vagabond semblait être soudainement revenu à lui. Comme si, du monde des vivants, il n'avait fallu qu'une main pour le récupérer. Difficile à dire en quelles eaux troubles il avait nagé jusqu'à lors, mais dans l'immédiat sa conscience pleine et entière était accordée à la jeune imprudente. Avant qu'il ne réitère – autrement plus fermement – son avertissement, elle avait déjà glissé un pas en arrière. Sans même voir la Lionne qui approchait péniblement jusqu'à eux, le Ceald commença à se hisser de nouveau sur ses deux jambes, bientôt prêt à bondir. Il n'avait pas prêté la moindre attention au gant de la souveraine et c'était tout juste s'il réalisait à quel point il était chaud, quand Swann arriva et l'arrêta d'un geste, l'invitant à se rasseoir. En silence – il était de nature taciturne et sa clavicule malmenée ne lui inspirait que des grognements –, il obtempéra, réagissant simplement à la petite pression de sa camarade et trouva à nouveau place sur le pupitre qui lui avait servi de chaise jusqu'à lors.

Elle glissa ses yeux vairons dans les siens, cherchant à le rassurer, et s'armant d'une tendresse qu'i lui ignorait jusqu'à présent. Les combats comme les jours passés en geôles laissaient assez peu de place à ce genre d'attitude. Sans prendre la peine de répondre, le maraudeur se contenta d'un regard entendu, dont le vert noyait de plus en plus le gris. Parfois, certains n'avaient pas besoin de mots pour se comprendre et à l'évidence le Cygne Noir l'avait compris. Elle n'insista pas plus, se retournant sur la jeune femme et reprenant la conversation qu'il avait manifestement interrompue — tranchée d'un coup de cimeterre. L'assassin expliqua comment elle avait menée la reconstruction d'un endroit dont il ignorait tout, mais qui semblait regorger de souvenirs oubliés et de morceaux d'anciennes vies. Laissant aux deux femmes tout le loisir de discuter, le paria porta sa main armée – la gauche – jusqu'à son épaule mutilée par le Wyrm. Grognant de douleur, il entreprit néanmoins de la masser, doucement, comme il l'avait toujours fait, quelque soit la plaie. Le soignant était passé depuis plusieurs jours, déjà, et le feu sous son  échine l'incitait à croire que la cicatrisation commençait peu à peu. Déposant brièvement la lame, le vaurien s'attela ensuite à un malaxage plus conventionnel ; moins timoré. S'il fallait assouplir la cicatrice, il lui fallait d'abord la briser. « Ugnh.. » Siffla-t-il, entre ses dents serrées, prêtant plus difficilement attention à la conversation qui se jouait devant lui. La douleur qui lui lançait le haut du bras et le pectoral était bon signe, même si elle lui tirait des rictus. Ses yeux, en revanche, demeuraient attentifs et éveillés : il était hors de question qu'il soit surpris comme cela avait été le cas précédemment.

Il ne dit rien de plus quand Swann invita la jeune femme à la rejoindre, laissant à la Dragmire la conséquence de ses choix et de ses actes. Jetant néanmoins un oeil en direction de sa compagne d'infortune il crut distinguer, le temps fugace d'un éclair, une imposante chevelure d'or et d'argent. Passant la main sur son visage, il laissa son pouce et son index épouser ses paupières fatiguées. Plus d'une étrangeté lui étaient apparus ces derniers temps, aussi garda-t-il pour lui ce qui n'était qu'un excès de fatigue — et de peine. Recommençant le massage qu'il avait commencé, le va-nu-pied il ne réalisa qui était la femme que lorsqu'elle évoqua les chefs d'accusations qu'elle craignait de voir alourdir le Cygne, à leur départ. A plus d'une reprise, les deux hommes qui jouaient aux dés, plus bas dans les cachots, s'était vantée de la capture du Cygne, dont il disait « qu'elle avait presque su tuer Zelda ». Observant la jeune femme avec un intérêt renouvelé ; maintenant qu'il parvenait à faire le lien et comprendre vaguement de qui il s'agissait, Lanre suivit du regard les deux mains qui plongeaient derrière la nuque de la jeune femme, détachant un petit pendentif vermillon. Lentement mais sûrement, elle s'approcha deux. Dehors, derrière les larges fenêtres de verre, un corbeau croassa, avant de percuter les carreaux de son bec noir. S'il ignorait tout de qui était la jeune femme aux yeux bleus comme des joyaux, il comprenait déjà bien mieux pourquoi Swann l'avait tirée jusqu'ici ; le passif qui liait les deux femmes. Très vite, le maraudeur avait compris que la démarche de l'assassin n'avait rien d'anodin, mais il lui avait toujours manqué des éléments pour dresser des liens. Fermant le poing, il écrasa plus durement la cicatrice que lui laissait le Wyrm ; en cadeau. Le corbeau frappa à nouveau l'imposante lucarne. L'espace d'un instant, il lui semblait que cet instant presque hors-du-temps – qu'il avait manqué de rompre –  arrivait à son terme.

L'alliage d'or blanc embrassa sa nuque, froid, comme une chaîne de plus qui le liait à la Dragmire. Si les mots lui manquaient pour décrire ce sentiment ; si les évidences n'étaient que plus floues, tant par manque de connaissance que parce qu'il s'était laissé tirer hors de cette réalité plus tôt ; il savait. Sitôt que le petit aigle rouge-mordoré commença à reposer sur son torse, il sut qu'il n'avait plus d'autre choix que celui d'avancer avec la Lionne. Main dans la main. Sifflant à nouveau entre ses dents, en proie à une rage sourde et exacerbée, il laissa ses doigts glisser à nouveau jusqu'à l'acier de la Macrale, après que Zelda se soit déjà reculée. D'instinct, l'autre main remonta jusqu'à la chaînette, tirant doucement dessus. Il avait déjà souffert d'entraves plus lourdes, mais le simple principe de se retrouver dépossédé de tout choix nourrissait une rancœur que nul n'aurait su calmer. « Ne crois pas, commença-t-il, coupant la souveraine, ne crois jamais me tenir en laisse, ou en cage. » Siffla-t-il, comme un avertissement muet et tacite, tirant toujours doucement sur le petit pendentif. Le regard qui dériva de la princesse à sa lame était lui même éloquent, mais ne parlait pas que pour cette dernière : s'il appréciait Swann, la Dragmire avait tout intérêt à comprendre qu'en aucun cas il ne se laisserait enchaîner. La situation exigeait, pour l'heure, qu'il s'en remette à leur hôte et s'il avait déjà fait le choix de faire confiance à la Lionne, aucune des deux n'aurait été avisée de s'essayer à abuser de sa tolérance ou de son bon-vouloir.

Pour toute réponse, la jeune femme virevolta, gagnant le mur. Avec peine, il s'arracha au bureau, le fer de la sorcière toujours dans la main gauche. Ses jambes le supportèrent, un instant, le temps d'un coup de menton invitant sa partenaire à le suivre. Il ne parvint pas à rester debout plus longtemps et si l'épaule de Swann ne s'était pas intercalée, entre le sol et sa joue, la gifle du bois aurait probablement été cinglante. « Merci.. » Souffla-t-il, froissé dans l’ego et agacé par sa propre faiblesse plus que par l'aide que lui offraient la Championne d'Aegis. Lentement, mais sûrement, une des étagère pivota, emportant avec elle tout un pan de mur. Si sa vue ne se troublait pas, le Ceald n'en aurait pas cru ses yeux ; mais le temps leur manquait et ils s'enfoncèrent dans les abysses sombres.


Swann

Championne d'Aegis

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Deux doigts de sa main glissaient le long de la reliure du livre dont elle s'était emparée plus tôt.

Son regard, jusqu'alors accroché aux saphirs de la belle princesse, dérivèrent dans le vide en même temps que ses pensées se tournèrent vers son père et sa désormais ex-famille. Excepté Ganondorf, elle savait qu'elle ne regretterait guère ses anciens alliés et il était plus que probable que la réciproque soit vrai. Plus qu'aucune parole n'aurait su le faire, leur inaction suite à l'emprisonnement de leur sœur en disait long sur la place qu'elle occupait dans leurs sombres esprits malveillants. Quelques mois plus tôt, les Larmes de Clan l'auraient si mal pris qu'elles auraient cherché à leur faire payer cette effronterie ; dorénavant, Swann n'en avait plus rien à faire. Par les astres, ils peuvent tous crever si ça leur chante ! se disait-elle depuis bientôt une dizaine de jours, du fin fond de sa cellule. Elle était lasse de risquer sa vie dans une guerre fatigante, lasse de faire couler le sang pour un roi du désert ; plus que tout, elle en avait assez de ne pas décider elle-même de ce qu'elle devait faire ou non. D'abord ce fut l'Ordre, puis ce fut le Trône. Pour les objectifs qui se dessinaient, pour les futurs obstacles à franchir, elle était consciente de devoir les franchir seule, cette fois. Puis elle se mordit faiblement la lèvre inférieure lorsqu'il fut question de Ganondorf. Son cœur se déchirait à l'idée de le trahir alors qu'elle nourrissait une profonde et sincère affection à son égard et c'était avec un goût amère qu'elle s'apprêtait à venir en aide à son ennemie.

Cette dernière céda finalement à la tentation ; et ce bien que la proposition venait de celle ayant voulu l'assassiner par le passé. Si la dangereuse et urgente situation dans laquelle elle se trouvait avec son compagnon avait su faire peser une énorme pression sur ses épaules plus tôt, elle n'en demeurait pas moins bénéfique pour pousser la Princesse à prendre sa décision dans la précipitation. Sous les yeux malicieux du Cygne, celle-ci s'empara d'un pendentif qu'elle attacha avec précaution au cou du maître-chasseur avant d'en expliquer les propriétés. La Dragmire, jusque là suspicieuse, haussa un sourcil avant qu'elle n'observe avec plus d'attention les nouvelles chaînes du Ceald. Elle manqua de grimacer ; elle avait certes promis à Lanre qu'elle le sortirait des geôles mais à aucun moment elle ne lui avait fais miroiter comme paiement un voyage en sa compagnie - certes plaisante, mais l'étranger n'était peut-être pas de cet avis. « Très bien, c'est compris : ne pas toucher au collier », siffla la lionne avec un certain agacement, coupant la chique à Zelda une fois ses directives entendues. A dire vrai, la perspective d'entreprendre cette aventure aux côtés de l'étranger était loin de lui déplaire - elle savait de quoi il était capable et avait même appris à l'apprécier lors de leur emprisonnement - mais elle doutait qu'il soit disposé à l'aider dans une mission aussi périlleuse. Oh, le danger n'aurait pas su l'effrayer ! Simplement elle devinait qu'il n'avait pas de temps à perdre avec ce qui ne le regardait pas.

Et ce fut sans étonnement qu'elle entendit sa voix s'élever à la suite des derniers mots de la Reine d'Hyrule pour adresser un avertissement des plus clairs, pour ce qui semblait autant à l'attention de la souveraine qu'à celle de l'enfant de Ganondorf. Sans animosité aucune, elle soutînt néanmoins le regard lourd de sens qu'il lui envoyait ; si elle craignait la brutalité - voir la bestialité - du guerrier, elle préférait ne rien en laisser paraître avant d'y être confronté de nouveau. Si effectivement elle ne voulait pas forcer son compagnon à la suivre, il n'en restait pas moins que son refus d’obtempérer pouvait poser quelques problèmes à l'avenir. Plus que la colère du Ceald, Swann redoutait celle de Zelda et à aucun moment elle ne souhaitait se la mettre à dos... encore une fois. Voila qui allait poser un sacré dilemme ; et elle n'était pas sûr d'avoir les bons arguments pour convaincre Lanre de la suivre sans rechigner. Néanmoins, pour l'heure, il fallait songer à partir.

Le chasseur se redressa le premier alors que la Princesse ouvrait le passage secret tant espéré par la Dragmire. Immédiatement, cette dernière glissa à ses côtés pour le soutenir du mieux qu'elle le pouvait ; le bougre était de corpulence tout à fait correct mais elle-même n'était pas dans le meilleur des états. « Heureusement que tu n'as pas oublié de perdre un ou deux kilos en prison », dit-elle non sans une pointe d'ironie pour lui répondre. Rapidement, les deux fugitifs se synchronisèrent et avancèrent péniblement jusqu'à arriver au niveau de la Reine d'Hyrule ; là - et malgré l'extrême fatigue physique qui accablait le duo - Swann s'autorisa un arrêt. « Et bien, ta compagnie me manquera, belle blonde », commença-t-elle d'un ton délicieusement mielleux. Pourtant, la Lionne Noire n'était pas connu pour ses sarcasmes - et, en toute franchise, il eut été de mauvaise foi, même pour elle, de traiter la souveraine de laideron. « La prochaine fois que je me fais attrapé, pense à visiter les geôles. J'aurais peut-être encore quelques bonnes surprises à marchander contre ma libération », ajouta-t-elle. Avec un joli sourire satisfait, l'assassin s'en retourna, entamant avec son compagnon la descente dans les entrailles du Castel.

« Dis à ton homme de me rejoindre dans vingt jours précisément », dit-elle plus fort, alors qu'elle s'enfonçait dans les ténèbres. « Je l'attendrais avec tout ce que je t'ai promis », conclut-elle. Puis elle fut hors de portée des saphirs royaux.

Le passage qu'ils empruntaient était humide et particulièrement étroit ; assez pour que leurs déplacements fussent gênés alors qu'ils prenaient de l'espace pour deux en largeur là où il était initialement prévu pour une seule personne. De fait, la Dragmire prit la tête, tout en soutenant au mieux son compagnon de fortune. S'ils progressèrent très lentement pendant un temps, ils purent néanmoins accélérer la cadence lorsque Swann se saisit d'une torche pour combattre la pénombre et ses pièges. Plus d'une fois la lionne manqua de se tordre la cheville sur un morceau de dalle brisée ou mal intercalée et son sens de l'équilibre la sauva de quelques mauvais pas. Les flammes dirigées devant eux, elle fut soulagée que le passage secret ne leur impose aucun croisement ni la moindre intersection ; dans le cas contraire, il eut été très aisé de s'y perdre. « Tu suis ? » Demanda la jeune femme, revigorée par son entrevue avec la Princesse et par l'odeur de la liberté qu'elle sentait de plus en plus proche. D'un mouvement de tête, elle s'assura que le rouquin ne pique pas du nez à nouveau. « Je t'avais bien dis que je te sortirais d'ici », reprit-elle en même temps qu'ils reprirent leur progression.

Mais elle se stoppa nette lorsqu'ils bifurquèrent au détours d'un couloir et qu'ils tombèrent nez-à-nez avec un mur d'acier de près de trois mètres de long. Incrédule, la Dragmire tâta le métal froid avec sa main valide ; lorsqu'elle se rendit compte qu'il n'y avait ni bouton, ni interrupteur dessus, elle en chercha vainement sur les murs qui l'encadraient. Se pouvait-il que la Princesse les ait piégés ? De l'autre côté des murs, à travers de petits interstices entre les pierres, les deux fugitifs pouvaient très clairement entendre le remue-ménage causé par leur disparition ; ordres, contre-ordres, cris, cliquetis de fer et d'acier, les dalles résonant de chacun des pas des nombreux hommes lancés à leur recherche. L'espace de quelques secondes, le battant de la brune s'emballa, alors qu'un air d'agacement lui déchirait la figure. « Fais chier », grogna-t-elle avant de frapper l'acier avec le poing. Soudain, un bruit sourd résonna ; très vite, les sonorités de nombreux engrenages gagnèrent leurs oreilles et la plaque d'acier disparut dans une fente au sol. Étonnée, le Cygne Noir se tourna vers Lanre : « C'est toi qui... ? », questionna-t-elle. Bien vite, il leur fut possible d'accéder à la suite, et Swann de réajuster sa position sous l'épaule de son compagnon pour mieux le soutenir. « Viens », Glissa-t-elle.

« Tu sais, l'ami », commença-t-elle alors que le chemin devant eux leur était tout tracé, « Une fois à l'extérieur, tu peux bien faire ce que tu veux... Je me suis engagée auprès de Zelda, mais bien évidement, ça ne te concerne pas. » Depuis un moment déjà, Swann réfléchissait à la façon de convaincre le Ceald de l'accompagner ; elle le savait trop sauvage pour le retenir de force et il était hors de question de se le mettre à dos. « Ce qui te concerne néanmoins, ce sont les gardes lancés à nos trousses. Ils ne sont pas très dangereux... malgré tout, ils sont extrêmement tenaces. » Et l'assassin savait d'expérience ce qu'elle en disait. « Si j'étais toi, je m'éloignerai de la ville pour quelques jours, le temps que ça se calme. Et j'en profiterai pour suivre la femme qui connaît toutes les bonnes cachettes d'ici à une centaine de lieux à la ronde, tant qu'à faire », glissa-t-elle nonchalamment avec un faux air concerné peint sur le visage. En réalité, Swann n'était pas très bonne actrice et probablement moins bonne encore dans l'art de la manipulation ; aussi céda-t-elle à un sourire nerveux et malgré tout sincère. « Je dis ça, je dis rien ~ », conclut-elle.


Llanistar van Rusadir


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(vide)

« Sir ! Réveillez vous ! Une évasion ! »

Llanistar van Rusadir se redressa d'un seul coup sur son lit, la vue brumeuse mais l'esprit clair comme de l'eau de roche, trop à son goût. Il dormait pourtant mieux que d'ordinaire, mais le dernier mot de son aide de camp l'avait tiré de son sommeil comme aucun autre ne l'aurait pu. Une évasion. Dans ce château. Dans cette prison. Ca ne pouvait que la concerner, elle.
Il jura, puissamment, et cracha sur le sol, une bile noire. Mauvais signe. Une mauvaise nuit l'attendait. Il fut en dehors de ses appartements, son épée à la ceinture, plus vite qu'un renard enfumé dans son terrier. Son manque de sommeil attendrait.


Dans le couloir l'attendaient déjà plusieurs hommes de son état major rapproché, à l'exception notable de Holon, sans doute occupé à se rendre utile. Le nordique espérait qu'il ne prenait aucun risque inutile. L'aide de camp s'approcha, le salua, et déclara,

« Général, les officiers attendent vos ordres ! »

« Isolement total du castel. Portes closes, sentinelles partout, aucun garde isolé. Vous quatre venez avec moi. »

Un bon soldat apprends à évacuer l'angoisse lorsqu'elle devient trop gênante. Un bon officier doit parvenir à faire de même pour tous les autres, car tous les regards sont alors portés sur lui. C'était en vertu de cette règle qu'il connaissait par coeur que Llanistar s'efforçait de ne pas trembler de rage et de la crainte d'un échec destructeur. Après tant d'efforts déployés pour capturer l'oiseau, l'imaginer s'envoler gaiement de sa cage... Il balaya cette pensée. Pas sous sa garde. Pas tant qu'il tiendrait son épée en main.
Dans les couloirs inférieurs régnait un désordre général que sa présence ne suffisait pas à enrayer. Visiblement ses ordres étaient transmis, mais sans réelle coordination. Plusieurs groupes se retrouvaient à garder le même accès et en laissaient libres d'autres. Décourageant, pensa-t-il, mais l'heure n'était pas à ces considérations.

Lorsqu'il parvint à la cour extérieure, on lui apprit que la prison avait été littéralement vidée de ses prisonniers, que la plupart étaient soit dans leurs cellules, soit dans des cercueils, mais que aucun signe n'avait été décelé de la Lionne noire comme du Tueur de Dragon. En revanche, les évadés avaient reçu de l'aide, en la personne d'un étrange mage très agile déguisé en moine.
Rien de cela ne faisait sens pour Llanistar, qui ne retint au final qu'un seul fait, le pire ; l'assassin était toujours en liberté. Le rouquin, il s'en fichait bien. Sa peine de prison ne tenait plus qu'à ce que la décision de Zelda à son égard soit appliquée. Mais elle... Il s'en voudrait toujours si elle s'échappait.

La nuit fut longue, pour le château tout entier. A mesure que les heures passaient sans qu'aucun signe des deux fugitifs ne soit découvert, le général était en proie à une angoisse croissante, à tel point qu'il ne parvenait plus à la masquer et que celle ci agissait dés lors comme une maladie contagieuse. D'un seul individu, la tension s'était répandue chez chaque soldat, chaque serviteur, jusqu'aux plus hauts nobles. Ceux ci étaient tirés de leur sommeil pour inspecter leurs appartements, on retournait jusqu'aux chaudrons des cuisines en espérant en sortir les évadés, et toute l'armée s'activait en permanence de peur de croiser leur chef qui arpentait la place d'un pas nerveux et passait ses nerfs sur le premier faignant qu'il trouvait.
Mais on ne trouva aucune trace d'eux.

Tandis que l'aube dardait ses premiers traits de lumière au dessus des montagnes, penché sur un créneau du rempart Est, Llanistar faisait tourner sa matière grise à s'en donner des maux de tête. Il visualisait chaque porte, chaque couloir, chaque poste de garde, entre la cellule de la Lionne et la nature sauvage où elle semblait bien s'être évanouie. Ses hommes avaient bien trouvé des cadavres dans la prison, mais après... Plus d'indice, hormis la sortie guignolesque de ce fameux moine qui avait su berné la garde, et ne s'en était tiré que garni d'une flèche tirée par Holon. Son second était formel à ce sujet : le moine s'était échappé mais, dans leur état, les deux évadés n'avaient sûrement pas pu en profiter pour sortir par ce côté. Et il était inconcevable qu'ils aient réussit à jouer à cache cache depuis plusieurs heures. Les mages n'avaient rien repéré d'anormal, et lui même n'avait senti l'aura de la Lionne nul part.


« Où est-ce qu'ils m'ont baisé ? Qu'est-ce qui m'échappe encore ? »

Le général en restait persuadé ; Swann Dragmire ne s'était pas envolée par la seule force de ses ailes. On l'y avait aidé, plus ou moins directement. Difficile d'imaginer, pour un non initié tel que lui, le nombre de sortilèges qui auraient pu lui servir une fois hors de la prison... Mais de toute manière, on le lui avait assuré : ce donjon annihilait toute forme de magie entre les murs de ses cellules. Quelqu'un avait dû lui ouvrir la porte. Restait à trouver qui.

Les premiers rayons du soleil le frappèrent soudainement au fond de l'oeil et il se détourna. La fatigue lui pesait, plus que jamais puisqu'il avait besoin de toute sa tête pour trouver le fin mot de l'histoire. Le vécu lui avait apprit qu'une piste se dissipe toujours très vite dans le temps, et qu'on remonte toujours mieux un limier quand on lui colle au cul.


« Aye, général. »

Llanistar secoua la tête pour tenter de chasser son épuisement tandis qu'il se retournait vers Holon. La voix de l'espion était éraillée, elle aussi. A l'évidence, il n'avait pas chômé non plus. Le nordique savait que son second voudrait partager la responsabilité de cet échec ; il ne comptait pas lui laisser l'occasion. Quand l'heure viendrait d'aller faire son rapport à Cerscastel et à la Princesse... Un frisson lui parcouru l'échine. Il préférait ne pas trop y penser.

« Aye, commandant. Alors, du frais ? »

« Du juteux, sir. Vous devriez me suivre. » Déclara t'il en repartant aussitôt,

C'était trop pour que Llanistar ne puisse contenir sa curiosité, et il lui emboîta le pas. L'espion le mena jusqu'aux cuisines, où un jeune, vraiment jeune, écuyer lapait sans trop de conviction un bol de soupe. Holon n'hésita pas un instant et s'assit en face de lui, indiquant à son supérieur de l'imiter. Le général pouvait sentir la peur émaner du garçon, son impression d'être écrasé par ce qui lui arrivait, la crainte de ne pas être cru. Il n'osait même pas échanger un regard avec eux, et gardait un silence de moine juré. L'espion demanda alors, ferme mais sans violence,

« Horin, raconte au général ce que tu as vu. »

L'enfant leva alors les yeux. Des yeux de bête terrifiée. Llanistar devina que son second ne devait pas avoir prit quatre chemins pour le faire parler la première fois. C'était dans ses méthodes, de sacrifier son humanité pour obtenir un résultat ; la raison pour laquelle il était si indispensable. La raison pour laquelle il lui arrivait de glacer l'empathe. Ce dernier posa alors sa main de chair sur celle du gamin, doucement, et lui demanda,

« Tu veux bien tout me dire ? C'est important. »

L'écuyer déglutit bruyamment mais sembla se rassembler moralement jusqu'à ce qu'enfin il entrouvre les lèvres, et qu'une voix faiblarde ne délivre enfin son terrible secret.

« Et ben sir... Hier soir, ser Delcourt, mon chevalier, m'avait ordonné d'aller lui chercher un dîner aux cuisines. Je suis passé par l'escalier de la tour nord, pour faire plus court, parce que le couloir sud de l'étage des chevaliers me fait peur, après la nuit tombée. Sur mon trajet, je suis passé prés de l'entrée de la prison... J'y ai aperçu le chancelier des arts qui y entrait. »

D'un coup, alors que Llanistar commençait à douter de l'intérêt d'un tel récit, la mention de ce rang le fit se redresser. Orpheos. Que faisait il donc là ? Il n'était pas encore rentré la veille, et personne n'avait informé le général de sa présence au cours de la nuit. Un regard échangé avec Holon lui confirma d'ailleurs cette absence. Mais déjà, l'enfant reprenait,

« Quelques minutes plus tard, quand je suis repassé, j'ai aperçu un moine qui y entrait à son tour. Je ne savais pas que c'était important mais sir Holon m'a dit que y avait quelque chose de grave alo... »

« Merci mon enfant. Tu peux retourner auprès de ton maître. »

Trop heureux d'être libéré, l'écuyer sauta sur ses pieds, salua vaguement et s'enfuit en courant vers la sortie. Llanistar resta un moment silencieux, les yeux dans le vague, la mine sombre. Finalement, il demanda à nouveau, de vive voix, pour en être sûr,

« Le chancelier Orpheos ne se trouve pas au château... »

« Non, sir. Fort heureusement, il ne fait pas non plus partie des victimes de la prison ou d'ailleurs. D'après ce témoin, il est entré dans le donjon et personne ne l'en a vu ressortir. »

Le général envoya un regard sombre à son second. Chaque mot de ce dernier semblait avoir été soigneusement choisit pour en dire assez sans émettre d'hypothèse... dérangeante. Oui, Orpheos paraissait bien être entré discrètement, ne pas être ressortit normalement. Ca pouvait déjà en dire beaucoup. Trop, aux yeux de Llanistar. Décidément cette nuit s'assombrissait d'heure en heure.

« Ca n'est pas tout. Venez. »

Cette fois, Holon le mena vers l'office du médecin royal, le même qui avait traité les blessures des deux évadés. Ce dernier, hautain et fier comme un poux, fidèle à ses habitudes donc, était en train de finir de laver ses mains d'une épaisse couche de sang. On devinait à sa mine qu'il n'avait pas non plus apprécié les dernières heures. Les deux hommes se saluèrent à peine, trop attachés qu'ils étaient tous deux à l'efficacité qui passe mieux par des actes et des mots forts que par des formules de protocole. Les dieux savent à quels titres pouvaient tous deux prétendre un médecin royal et un général en chef ! Emhyr Ströfen eut un coup de menton vers Holon et lui demanda, rhétoriquement,

« Je suppose que vous êtes là pour l'autopsie ? »

L'espion acquiesça et le médecin les mena dans un coin de la salle qui lui servait d'atelier sur chair humaine. Là, sur une table était étendu un corps sans vie, celui d'un garde. Llanistar grimaça à la vue - et à l'odeur - du cadavre. C'était une chose d'entendre un nombre de morts dans un rapport succins, c'était autre chose que de renifler l'odeur du trépas. A ce spectacle, il n'avait jamais pu s'habituer. Moins embarrassé, le médecin s'empara d'une baguette de bois et désigna la gorge du misérable absent.

« Voyez général, ce corps a peut être quelque chose à vous dire. Les évadés de cette nuit, ceux qui sont restés sur le carreau, étaient armés de surins et de masses. Les quelques pertes que nous avons subies sont donc dues à des commotions ou des blessures d'estoc. Or, ce malheureux a eu la gorge tranchée net. Une belle entaille, observez donc ! Le meurtrier ne s'en est pas reprit à deux fois. Son arme était donc largement supérieure à celle des autres, et il savait s'en servir. »

« Un des prisonniers aura trouvé une épée quelque part ? »

« On n'a trouvé d'épée sur aucun cadavre de prisonnier, et d'après le registre on a tué tous les évadés... Sauf deux. »

« De plus, vos hommes ne s'équipent par de cimeterre. Or, je pense que c'est une lame courbe qui a provoqué l'entaille. »

Llanistar se mit alors à réfléchir. Pour la première fois de la soirée, il avait une piste tangible. Quelque chose de concret, sur quoi travailler. Enfin ! D'autant que l'hypothèse d'une aide se trouvait renforcée par cette fameuse arme inhabituelle. De quoi commencer des recherches. Il demanda alors à Holon,

« Où a t'il été trouvé, ce corps ? »

« La salle d'entraînement de la tour des gardes. Non loin de la bibliothèque. »

Il ne fallut à Llanistar que quelques minutes pour être sur les lieux, essoufflé d'avoir monté tant de marches quatre à quatre, mais porté par une énergie renouvelée. Il ne pensait pas que le lieu avait dû être largement fouillé. Peut être allait enfin retrouver ses fugitifs.

Il fut déçu. La bibliothèque ne contenait rien que des livres, dans des étagères. Son regard s'attarda vers un coin de la pièce, en direction d'un point en hauteur d'un mur. Là, un trou donnait directement sur un des passages secrets qui émaillaient le château et dont Orpheos lui avait transmis la connaissance. Orpheos... Que diable pouvait il faire dans tout ce merdier ?! Au fond, Llanistar comptait bien retourner voir ce garçon une fois le chancelier de retour pour le faire disculper. L'enfant était jeune, il avait pu - dû - se tromper. Forcément.


« Sir. Venez voir. »

Le général sortit aussitôt de ses pensées et tâcha d'afficher la même attitude impénétrable que d'ordinaire, malgré le fait que l'implication de son amant le touchait bien plus qu'il ne l'aurait voulu. En s'approchant de ce sur quoi son second était penché, Llanistar ne compris pas plus ce qui l'intriguait. Il ne distinguait qu'une vague tâche au sol, et sur une étagère. Lorsqu'il fut à portée de bras, il se pencha et constata alors que le meuble avait gardé des traces de brûlures et que sur le sol gisait une flaque de métal fondu.

« De l'étain ? Fondu ? »

« Il faudrait la chaleur d'un four pour ça. »

« Dans une bibliothèque ? Ca ne colle pas. Quelque chose de plus que brûlant s'est tenu à cet endroit, à fait fondre le métal et à manquer de brûler l'étagère. »

« Quoi ? »

« Qui sait, un dragon ? » Répondit Llanistar, en haussant les épaules, un sourire un peu forcé aux lèvres. Un indice était un indice, mais celui ci ne le menait pas loin, pour l'instant. Ce fut néanmoins le mieux qu'ils trouvèrent, dans la bibliothèque et à ses abords immédiats. Aucune autre trace des évadés, ni du chemin de leur fuite. Néanmoins, le général savait qui aimait à fréquenter ce lieu. Et ramené à d'autres éléments, l'information faisait poindre une idée. Une petite idée, inconfortable, dérangeante, mais qui gagnait du terrain à mesure que les autres possibilités s'effondraient. Vers les coups de midi, un messager le somma : Le vieux Cerscastel exigeait un rapport détaillé. Aussitôt, Llanistar bannit la petit idée de son esprit et alla contenter son supérieur. Il était des soupçons que même un général ne pouvait pas décemment exprimer.


Abel Del Naja


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(vide)

Le château fut le théâtre d’une agitation inhabituelle. Des soldats effectuèrent des allées et venues toute la nuit dans chaque aile, chaque donjon et chaque tour, afin de savoir par où s’étaient évadés quelques prisonniers.
La nouvelle se répandrait comme une trainée de poudre dans toute la cité, dès lors que le soleil se lèverait sur les toits.

Dans sa suite, Abel se gaussait devant son miroir tout en admirant son (superbe) profil. Il caressait une mèche de ses longs cheveux blonds qu’il avait détachés et qui dévalaient en cascade sur son dos nu et musclé. Son masque passe-muraille était posé sur le lit derrière. Il laissa échapper un gloussement de rire en regardant le reflet de la seule torche qui éclairait sa chambre ; son moyen de communication avec le Patriarche Gérudo.


—  Papounet ne va pas être content…

Oh non, il ne serait pas content du tout. Abel ne savait pas quel visage il lui hâtait le plus de voir : celui de Ganondorf déformé par la rage, ou celui de Swann défoncé par les poings. Ça promettait d’être un très beau spectacle, et Abel s’en divertissait d’avance ! Surtout en sachant qu’il serait l’élément provocateur !

Abel avait raté la quasi-totalité du déroulement de l’évasion. Entendant du remue-ménage au cours d’une de ses promenades nocturnes, il s’était muni de son masque pour en profiter à l’insu de tous. A force de traverser les murs pour espionner la moindre conversation qui puisse être intéressante, Abel finissait par connaître le château mieux que tous les autres nobles présents à la cour. Par inadvertance, il avait entendu le bruit sourd qui s’était élevé derrière l’un des murs proches de celui qu’il traversait – celui d’une porte qui s’abaissait. Quelle n’avait pas été sa surprise en découvrant Swann et un autre guerrier roux, ensemble, dans un passage secret menant vers l’extérieur du castel !


— Tu t’es engagée auprès de Zelda, hein ? Petite salope… murmura Abel en lançant un sourire sardonique à son reflet.

C’était les mots de Swann. Il ignorait quelle était la nature de cet engagement, mais il comptait sur le Cygne Noir pour l’avouer à son papa chéri, dès lors qu’il apprendrait la nouvelle de sa forfaiture par la fidèle et honorable personne qu’était Abel. Jamais Abel n’aurait trahi celui pour lequel il se battait, ça non ! Son intérêt était bien trop grand, chez les Dragmires, pour qu’il puisse commettre une bêtise pareille. Il avait cru Swann plus intelligente que cela. Il l’avait également cru plus dévouée à Ganondorf que cela. Elle qui s’était pavanée face à lui dès leur rencontre. Abel ferait tomber cette garce pour la meilleure des raisons : le plaisir.

Derrière sa porte, Abel entendit d’autres soldats traverser le couloir au pas de course. Il repensa alors à ce général visiblement ennuyé d’un tel évènement sous sa garde. Celui qu’il avait entendu au retour de son escapade -Van Rusalyre ? Rusabeer ?- alors qu’il se demandait ouvertement par où il venait de se faire baiser… Et dire qu'il ignorait la présence d'un espion au sein même du château, en la personne du grand Del Naja que tout le monde ici connaissait pourtant.


— Cher général, pensa Abel. Vous vous faites baiser si profondément qu’à votre place, je songerais soit à l’exil, soit à la prostitution.

Et maintenant, il devait informer le Seigneur du Malin. Oh, comme cela l’amusait !
Cela dit, Abel était bien content de ne pas avoir à lui livrer cette nouvelle en face. Il s’approcha donc de la torche, en s’assurant que personne ne passait devant ses appartements, et murmura tout juste assez haut.


— Seigneur… j’ai à vous parler d’urgence.


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