Posté le 13/09/2013 00:16
Sans tenir compte de la douleur qui irradiait dans son corps entier, Ganondorf courrait. Le souffle court, se tenant l'épaule pour éviter que la blessure de Link ne devienne insupportable, le gérudo parcourait salles, escaliers et couloirs avec une vigueur dont il se serait senti incapable. Peu lui importait sa fatigue, ou le démon qui lui hurlait de poursuivre le héros du temps, seul lui importait que l'aura du Cygne Noir ne s'éteigne pas avant qu'il l'ait rejoint. Enragé par cette idée, il puisait dans ses réserves pour parcourir au plus vite la distance, toujours trop grande, qui le séparait d'elle. Le Lion avait il déjà connu cet état ? Très rarement, et cela faisait naître en lui un sentiment méconnu : la peur.
Finalement parvenu à l'étage d'où elle l'appelait, la tension monta en lui et il renonça à la manière orthodoxe. Quitte à mettre en danger tout ceux qui s'y trouvaient, il défonça un mur de la forteresse qui l'obligeait à un détour. Puis, un autre lui barra à nouveau la route, comme pour le narguer. Toujours plus inquiet, et donc d'autant plus enragé, il l'explosa d'un nouveau coup de son poing noirci. En vérité, même l'autre poing aurait pu abattre ces murs de pierre tant Ganondorf ne se maîtrisait plus, mais le bras touché par le démon dévoilait un potentiel de destruction impressionnant. Et finalement, lorsque le cinquième mur céda sous ses assauts, le Roi parvint dans la salle de son trône. Un nuage de poussière tombé du plafond à cause du choc brutal l'aveugla un instant. Puis, Songe lui apparu, suivie par le corps étendu de ce qui devait être un serviteur de Zelda et enfin, sur le siège royal, Swann, sa fille.
"Non."
Sa voix n'était qu'un souffle lorsqu'il lâcha inconscient cet unique mot.
La vision du Cygne Noir, la tête penchée vers le plafond, baignant dans une flaque de sang, avait suffit à le tétaniser, mais un instant seulement. La seconde après, il se précipita vers le trône et en saisit Swann dans ses bras imposants. Pâle comme jamais, le regard vide mais fixe et comme terrifiée, il lui semblait néanmoins qu'elle continuait à l'appeler, par des murmures très faibles. C'est alors qu'il sentit le démon s'immiscer en lui, en rampant dans la demeure de son esprit, sa voix caverneuse teintée de malice et d'amusement,
"La mort l'approche. Elle n'en a plus pour longtemps mais... Elle peut nous être utile. Reprend le pouvoir que tu lui as confié, et retourne affronter le héros en t'en servant."
"Tais toi. Lui répondit il, sa colère à peine contenue,
"Si tu rechigne à faire le nécessaire... Je pourrais bien m'en charger."
La présence du démon se fit imposante, écrasante. Malgré la force de sa volonté, Ganondorf se sentait perdre du terrain et, du même coup, le contrôle sur le bras maudit. Ce dernier ne lui répondait plus et commençait à agir contre sa volonté. Il se dirigea vers la gorge de Swann, sa main en étau pour l'étrangler. Impuissant face au parasite qui le dominait, l'élu de Din assistait au spectacle habité par un esprit de révolte plus grand que jamais. Il était le maître du monde, le Lion qui soumettrait la terre entière ! Il n'aurait pas de maître. Jamais.
Prenant conscience d'un coup que si le démon partageait son corps, il devait en partager les sens, Ganondorf de son bras qui lui obéissait toujours, cessa de porter Swann qui s'effondra sur le trône, et plongea ses doigts dans la plaie à l'épaule que lui avait laissé l'épée de légende. Aussitôt, son esprit fut emplie d'un hurlement surhumain, celui du démon. Habitué à la douleur de l'acier béni, il l'encaissait beaucoup mieux que son invité indésirable. Reprenant le contrôle sur son bras maudit, il inspira un grand coup et plongea cette main là, dans la blessure. Le cri s'intensifia jusqu'à devenir aussi insoutenable pour son esprit que la souffrance l'était pour son corps, et le démon reflua. Lorsque Ganondorf retira sa main, la corruption noire avait quitté son bras.
Il manqua de s'écrouler, et ne se retint que de justesse à son trône. La fatigue l'envahissait. Il se sentait las, et le doux repos du sommeil réparateur avait quelque chose de très séduisant... Mais sa fille était toujours en danger. Furieux contre lui même, il se gifla violemment, et retrouva ses esprits. Avec douceur, il reprit Swann dans ses bras et plaça la tête de la jeune femme contre son coeur. Dans son état, ce qu'il s'apprêtait à faire était risqué... Mais il ne pouvait se résoudre à la perdre. Swann était sa fille aînée, et celle de ses fidèles à laquelle il s'était le plus attaché. Avant de se lancer dans l'entreprise qui leur serait peut être mortel, Ganondorf lui murmura,
"Ne me quitte pas, Swann. Reviens à moi et détourne toi de l'étreinte glacée de la mort. Je te le demande, moi qui suis ton père. Reste en vie."
Dés que le dernier mot eut franchi ses lèvres, le gérudo s'assit sur son trône et commença à insuffler sa vie en elle. Par son coeur, il envoyait dans son corps et son âme la vie qu'elle avait commencé à perdre au contact de la faucheuse glaciale. Par son énergie vitale, il remplaçait le sang versé sur le sol et la force d'âme envolée vers le ciel de sa fille, sans plus ce soucier de lui même. Rapidement, ses doigts devinrent froids, puis ses mains et ses pieds. Mais il ne s'arrêta pas. Une chose pourrait le pousser à stopper le rituel.
Sa respiration devint difficile. Il ne sentait plus la pierre du trône sous ses bras, de même qu'il ne voyait plus qu'à travers un brouillard pâle ce qui l'entourait et que les seuls sons qui lui parvenaient étaient ceux de son propre coeur. Même pour un être tel que lui, ce qu'il venait d'entreprendre pour sauver Swann était dangereux, et la peur grandit en lui à l'idée que cela ne suffise pas.
Mais soudainement, Ganondorf sentit entre ses bras sa victoire. La poitrine de Swann se soulevait au rythme de son souffle régulier. Rompant aussitôt le lien pour ne pas puiser plus sur ce qui lui restait, il retrouva la vue pour retrouver le regard vivant de sa fille. Un sourire de soulagement vint illuminer son visage et il la serra contre lui.
Et au fond de lui, remplaçant la peur, naissaient la fierté et l'espoir. Il avait arraché sa fille aux griffes de la mort elle même. Si il avait pu accomplir cela, alors il saurait la vaincre pleinement une fois la triforce en sa possession. Il ne put retenir un rire, de joie, avant de desserrer l'étreinte autour du Cygne. D'une voix affaiblie par le rituel, il lui dit,
"Tu reviens de loin, ma fille. Ne me fais plus jamais cela."
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