Il remonta la bure de tissu sur son nez, tandis qu'avec le coucher du soleil se levait le vent. Et l'Hylien savait combien le désert pouvait être traître. Spécifiquement quand survenait une nuit sans lune mais accompagnée de bourrasques ensablées aussi violentes et coupantes que des fouets aux extrémités de fer. Ses yeux de givres se posèrent sur la Forteresse de Nabooru, qui sommeillait, si loin de la bute sur laquelle il se trouvait, avant de revenir à ses compagnons. Une Gérudo dont il ignorait tout, sinon qu'elle était à la recherche de sa Reine, et un sorcier qui l'avait déjà assisté au combat. La première lui avait été recommandée par Reeloru, une amazone avec qui il avait croisé l'acier plus d'une fois. Enfermée dans un plastron, parée d'une chevelure de feu, douée à la lance mais parfois un peu entêtée, lui avait-elle dit. Le second avait été mis en contact avec lui au travers de Cecilia.
Un maigre feu de camp brûlait devant ses deux partenaires. Ils étaient trop loin et la flamme était atténuée par la petite casserole qu'ils avaient accrochée par-dessus. De quoi avaler un morceau avant de reprendre la route. «
Tu sais combien de temps il nous faudra pour quitter les gorges et gagner la Forteresse ? » Souffla-t-il, la voix étouffée par le tissu aussi grossier que rudimentaire qui lui barrait la moitié du faciès, au bas-mot. Le petit sourire qui vint étirer les lèvres de la jeune femme, comme pour brosser cet air sûre d'elle qu'elle arborait dorénavant. Il n'éleva pas la voix non plus, se contentant de tourner à nouveau la tête vers le bastion, aux Portes du Désert, où en une nuit le Royaume tout entier aurait pu tomber. Dans le plus profond et le plus lourd des silences, il serra le poing suffisamment pour que celui-ci en perde toutes ses couleurs, alors qu'il revoyait les images qui avait failli marquer la fin de la guerre — mais aussi de son monde, et de l'ensemble des raisons pour lesquelles il avait jamais tiré le fer au clair.
Bientôt, néanmoins, il s'assit en tailleur avec les deux autres dans l'idée d'avaler un peu du poulet qu'ils avaient fait chauffer. La suite promettait d'être rude. Il était même probable qu'ils arrivent en retard, mais dans un cas comme dans l'autre, il refusait de rester les bras croisés à ne rien faire, comme cela avait déjà pu être le cas. Il n'avait jamais eu la moindre sympathie pour la précédente Prêtresse de Din, cependant s'il avait pu lui éviter le destin qu'elle avait connu, il l'aurait fait. Et c'était pour empêcher que l'histoire ne se répète qu'ils avaient décidé de gagner les sols où ils avaient été défaits. Avec prudence, sans nul doute, mais surtout avec l'audace dont ils auraient le plus besoin. Un instant ses pensées filèrent vers Zelda, conscient des propos qu'elle pourrait lui tenir en l'instant.
« Il faut parfois laisser la prudence de côté. C'est ta mission, ton rôle. Le mien est tout autre », pensa-t-il, comme pour répondre à ce semblant de sa voix, qui faisait écho en lui. Comme si elle était avec lui, somme toute.
Ses yeux, qui s'étaient perdus dans le ciel à mesure qu'il ne divaguait, revinrent à son morceau de volaille grillée. En silence, il s'en défit pour le laisser dans la poêle. La faim l'avait quitté, et la nuit avait déjà avancé. Or, mieux valait voyager de nuit. Pour la température, comme pour ne pas alerter les guetteurs. Ses doigts se fermèrent sur le lin qui bandait ça et là le manche de sa lame, tandis que l'autre main ramenait une lanière de cuir contre son épaule.
*
L'Enfant-des-Bois hocha la tête, confirmant à la jeune Gérudo qu'il avait compris ce qu'elle souhaitait. Il souffla la torche qu'il raccrocha à sa ceinture, au plus près de la poche de cuir qu'il portait à la hanche. La petite troupe avançait, accroupie, au travers de dédales dont il avait toujours tout ignoré jusque-là. Et si, de prime abord, les plates d'aciers qu'elle portait l'avait laissé plus que perplexe au vu de l'impérieuse discrétion qu'impliquait l'opération, il comprenait autrement mieux le choix de Reeloru. Elle con
Il grinça des dents en silence, tandis que la pulpe de ses doigts effleurait les pierres de sable. La chevelure rouge de sa guide lui évoquait celle d'une amie qu'il avait en commun avec le Général. Si l'objectif était la fille de foi, il n'avait pas oublié Tali pour autant.
Au fur et à mesure qu'ils progressaient entre les couloirs et les allées des passages secrets que savait la jeune femme, le vagabond comprenait qu'il lui faudrait s'éloigner. Chaque pas qu'il faisait lui rappelait un peu plus l'épée de Damoclès qui pesait sur l'intégralité de la petite troupe. Aussi, quand se présenta l'occasion, il saisit l'épaule de la Dame d'Acier. «
Fais attention aux pièges. » Murmura-t-il, d'abord. «
Je compte sur vous pour la sortir de là. Ne m'attendez pas. » Reprit-il sans laisser, ni à elle ni à lui, l'occasion de protester. Il glissa dans sa main une des petites billes que le Papillon d'Hiver — puisque c'est ainsi qu'il lui plaisait de se désigner ! — avait confectionné et lui avait donné à l'occasion de leurs retrouvailles, il y a peu. Si elle était restée assez évasive sur leurs effets concrets, il en avait compris assez pour saisir leur utilité.
Bientôt, le noir se referma sur lui, alors qu'il ne s'engouffrait dans une avenue plus étroite que les autres encore. Sans lumière ni berger, l'Hylien se laissa aller à ce en quoi il avait toujours fait le plus confiance : cet instinct qui l'avait mené dans les pires dangers. Et qui, sans jamais faillir, l'en avait toujours tiré. Il finit par gagner une série d'escalier, qui menaient plus que certainement vers la Cour Intérieure. En silence, il ramena sa main sur la hampe de son coutelas, tandis qu'il gardait l'autre poing fermé. Il ignorait où en était ses compagnons et ne tenait pas à le savoir dans l'immédiat : l'important était quelque part ailleurs. Un quelque part qu'il ne tarderait pas à découvrir, à en croire le demi-sourire qui étirait ses lèvres.