Trois années et le serpent qui se mange la queue

Rien n'a changé, n'est-ce pas?

[ Hors timeline ]

Astre


Inventaire

0,00


(vide)



Il se balançait au bout d’un arbre, triste fruit. Les yeux éteints, toujours grand-ouverts cependant, n’offraient plus qu’un terne rouge. L’intensité diminuait à mesure que les minutes passaient, car plus rien n’alimentait son regard aliéné, la haine, la rancune, l’avaient quitté avec la vie. Son corps suintait encore de quelque délicate violence, mais ce n’étaient plus que les rejets puants de son corps, en aucun cas un dernier signe de vie. Charogne gesticulante, se balançant tristement au bout d’une branche fatiguée, attirait déjà la rapine volaille. Les yeux méchants, les rires caquetants et grossiers des plumés, cristallisaient une tension orageuse. Les pores dilatés recrachaient les gaz puants d’un corps terminé, d’un corps qui expie, qui s’expurge de sa moisissure ; un corps dégoulinant et pourrissant. La sépulture de l’air était déjà bien assez pour ce maraud. Il n’avait jamais été réellement croyant ; les Déesses pour lui, trois pétasses inventées par un vieux comploteur bourgeois et riche, dans le but de gratter quelques rubis et de faire tourner le monde à sa guise.
La chair tiède était là, accrochée à une corde solide, comme un porc à son crochet de boucher. La brise faisait craquer les branches du centenaire, qui ployait sous le poids des pendus successifs. Ce corbeau-là, tignasse ébène et iris rouges, n’était pas le premier, ni le dernier. Le ciel torturé, cyclone de gris et de noir, de bleu foncé, poissait l’atmosphère, pernicieux croque-mort.

Les yeux rouges fixaient encore un horizon incertain, désespérés. La lassitude l’avait rongé, le courage de se battre encore et toujours pour une chimère l’avait fui, et à présent qu’il avait mis fin à ses jours, on se doutait, face à cette statue sinistre, que la mort ne l’avait pas libéré.
Des nuits passées à réfléchir, à comploter, manigancer, manipuler, planifier, à se soucier du bien des autres, à calculer, à penser toute cette sordide affaire phénix, lui avaient consumé son sommeil et à force, il avait fini par arrêter de dormir, fantôme insomniaque. Créature nocturne, spectre chagriné. Les cernes creusés sous ses deux lanternes rouges fumaient encore les relents des nuits ratées, canyons de tristesse ténébreux d’où rien de bon ne pouvait plus sortir.

Soldat indémontable, paladin moraliste à l’oriental, preux chevalier des nouveaux temps, invincible, sourire ironique ineffaçable de ses lèvres reptiliennes, une lueur glacée et figée dans ses yeux de tueurs, un increvable guerrier, porteur de mort, imbattable, et puis non ! il avait refusé tout ça, cet honneur, cette fierté, toute cette mascarade si précieuse pour lui ; il avait épousé ses amis, amis d’un jour, amis de profit, amis suspicieux, amis peu enclins, terrorisés. Lui-même n’était plus digne, depuis le jour où il leur avait succombés. Il n’avait pas su satisfaire sa fierté personnelle, ni même ses propres camarades. Ennemis ? Même pas… des fantômes du passé. A moins que ce ne fusse lui qui se soit pétrifié dans le leur, de passé, et non l’inverse. Etat larvaire, grosse limace débordante de fatigue et de lâcheté nouvelle. L’âme lacérée, l’esprit chamboulé, la conscience battue à mort, la force réduite à néant, qu’était-il devenu ?

« Arrêtons là », qu’il s’était dit, tout seul, car dans ces moments-là, plus d’amis, plus de conseillers, ils sont tous partis, ils te laissent à ton triste sort. Ils ne se soucient que de leur propre bien, ils ne se soucient jamais de ton ressenti, et ne voient surtout pas quand toi, tu te forces, quand toi tu combats, quand toi tu penses à eux.

Astre s’était rendu fou, perdu dans les montagnes, assis au creux d’un arbre, père songeur et silencieux, il avait écumé sa rage, il l’avait étudiée, et puis les complots sinistres avaient défilé sous ses yeux : une triple alliance pour une triforce, c’était quand même sinistre, cela remettait en question tous les principes de base. Qui sont les bons, qui sont les méchants. Le désespoir et la lassitude, les déceptions pour lui qui s’était battu pour tant de choses, lui qui n’avait jamais que brièvement baissé les bras, lui qui avait de front attaqué tout cela ! l’avaient épuisé. Quel hommage lui rendait-on ainsi ? Les Déesses, Dieu l’en préserve, lui avaient joué un bien vilain tour, si elles existaient… ou alors les humains étaient plus vils qu’il ne le pensait, plus sournois, brimant la franchise au profit de l’apparence, misant sur le clinquant plutôt que l’élégant, pariant malicieusement sur les favoris plutôt que les proscrits. Normal, sûrement, en cette époque de perdition morale. Au pied de son arbre, Astre avait pleuré les dernières larmes de son corps, petit enfant perdu ; les visages familiers de sa défunte famille, père, mère, frères, sœurs, Aline, Fred, et puis hormis ces gens définitivement partis sa vraie famille, ou plutôt avait-il été trompé par les apparences mais qu’il n’arrivait pas à renier… Arkhams, Tsubaki, Withered… et puis le dernier de la bande, Kuro, valeureux et farouche, pour qui il avait fini par s’attacher. Mais non, sens unique ; là où il y a de l’intérêt, tu trouveras des gens, disait le vieux dicton. Et dès lors qu’il l’avait tout perdu, cet intérêt, on l’avait fui comme la peste. Ah, grands dieux…

Le Chevalier Noir, Roi-Phénix d’un soir, le soir de sa vie, ex-Chancelier des Propagandes de Messire Ganondorf le vendu, ex-sénéchal et bras droit de ce même seigneur corrompu, viscéralement opposé à tout ce qui n’était pas pur, à tout ce qui n’avait pas de valeur morale, le voilà misérable, qui flanchait, conscience éreintée, un amour violé, terrible, oui… Et Astrid et Lenneth, et toutes ces gens qu’il avait oubliées. C’était bien fini, l’histoire devait avoir une fin, du moins la sienne, car celle du monde continuera de tourner après sa mort. C’est le plus dur à encaisser, c’est sûr, de se dire que c’est fini pour lui, mais que tout continue mollement, tout continue à avancer, toujours plus profond dans la grisaille, et la piétaille fumante hurle et gémit, applaudit sa descente ; le chemin est libéré, marchons marchons ensemble, c’est bien fini pour lui, tout est permis maintenant. Astre se doutait bien qu’il n’avait aucune influence à grande échelle, mais il se consolait avec l’idée qu’il avait quand même marqué les esprits, autre que pour sa désinvolture et sa rébellion.
Il se redressa, déjà mort, croulant de chagrin, balbutiant la terreur. « Tout sera terminé, après cela. Ils diront ce qu’ils veulent, comme ils l’ont toujours fait, ces couards, les palabres continueront, elles ne se sont jamais arrêtées. Tu es sur le bon chemin, plus que quelques mètres. » Astre sanglotait maintenant, la tête dans ses mains ; quel avait été le sens de tout cela ?

Il déroula, larmes aux yeux, sa chaine, la jeta par-dessus la plus solide et la plus épaisse des branches de l’arbre, grimpa agilement dessus. Il attacha la corde à la branche… infaillible. Tirant la corde qui pendait dans le vide, il prépara le nœud qui lui ôterait la vie.
Il plongea son regard dans les infinités du ciel, un avenir impossible sans lui ? et si. Il n’hésita plus, terrassé par trop de pression, se passa la tête dans le cercle tressé. Mes damoiselles et messires, finie l’attente, vous voilà servi : il sauta.

Et son corps balancé, évidé de vie, silhouette criminelle perdue dans la nature : au-dessus de sa dépouille flottait un silencieux « Je vous hais. ».


Eorah Vif-Argent


Inventaire

0,00


(vide)

Elle l’avait suivit quand il avait quitté le Lac. Suivit quand il avait traversé la plaine. Suivit quand il était monté sur le mont du péril. Discrète ombre, fugueuse avec encore la laisse de son maitre sur le cou, désobéissante à peine réveillée, DoLl avait pisté cet homme qui la fascinait. Sa proie, sa victime. Son bourreau, son assassin. Mais était ce tout ce que cet homme fut pour elle ?

Elle fut l’ombre qui hanta Astre, peupla sa solitude, durant les derniers jours de sa courte vie. Elle fut l’Esprit qui assista a ses derniers instants.

Elle le regarda pleurer, sans oser s’approcher, sans oser venir le consoler, pleurant parfois avec lui, sur quoi elle n’en savait rien. Elle le regarda jeter la corde, se la nouer autour du cou. Elle le regarda alors qu’il se jetait dans le vide.

¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

J’ignore ce qui me tira du sommeil
Le claquement d’une corde, suivit du craquement particulier d’os. Je regardais alentour.
Et là je le vis. Mon corps me sembla de glace, mon cœur cessa presque de battre. Là dans le vent, gigotait quelqu’un que je connaissais trop bien. Je me relevais en titubant et trébuchait, cahin-caha, jusqu'à la dépouille de mon amant. Je levais les yeux vers lui, ne sachant pas trop bien si je rêvais ou si ce que je voyais était la réalité. Tremblante je tirais une dague –étrange, c’est pas mon arme de prédilection- et tranchait la corde sur la nuque du mort.
Doucement, je le ramenais a moi, l’allongeais sur le sol.


« Astre ? »

Mais j’avais vu, dès le premier coup d’œil, qu’il était partit. Je le voyais a son visage, enfin lisse de tout souci, presque souriant. Astre était un bel homme dans la mort. Sur le coup, je regrettais presque de ne pas l’avoir mieux connu. De ne pas avoir sut gagner sa confiance.

A cet instant, je fut submergée … D’abord je ne sut pas par quoi, puis cela vint tout seul. Larmes, sanglots, gémissements … Je pleurais sur le corps de mon amant, l’étreignant du mieux que je le pouvais. J’hurlais son nom aux étoiles, suppliant les Trois de me rendre sa vie.


« Sa vie pour la mienne » répétais je aux nuages et entre deux sanglots « sa vie pour la mienne !!! » Mais point de pitiés de la part des Trois Vierges d’Or. Pas de nouveau souffle ne soulevat la poitrine de mon compagnon, dont la chair se fessait plus froide au fur et a mesure que la nuit passait. Je m’étais agenouillée et laissait son dos reposer contre ma poitrine et mes genoux, comme s’il dormait. Là je lui caressait les cheveux, murmurait son nom. Mon cœur ne battais toujours plus, mais ma mémoire, elle tournait a plein régime. Durant les heures qui suivirent, je me remémorais toutes ces fois où nous nous étions croisés, depuis ce jour a Cocorico, en compagnie de Conan, jusqu'à ce moment dans la foret en flamme. Je songeais même que mes dernières pensée avant de sombrer dans l’état froid de DoLl, avaient étés pour lui.

Tout au fond de mon cœur, je me mis a maudire ce Temps et cette Vie qui m’arrachaient tout ce a quoi je tenais : D’abord mon amour de plume et d’innocence, partit les Trois savent où. Puis ce Kokiri de géniteur, disparut, remplacé par un Autre. Puis mon Chevalier de Sang et de Sarcasme. Astre, dont je n'avais jamais compris le coeur, mais qui avait sut me ravir le mien. Maintes fois, je lui embrassait ses joues froides et lisses, ainsi que son frond. Maintes fois je lui murmurais ces mots que jamais le destin ne m'avais laissé le temps de lui dire :
"Je t'aime"

Alors que l’aube commencait a se lever, je me mis doucement a chanter. Non pas cette comptine horrible qui signifiait que j’activais mon don. Mais plutôt des mots venus du plus profond de moi-même.
And I've lost who I am, (i'm waiting)
and I can't understand (and fading)
Why my heart is so broken, (and holding)
rejecting your love, (love) without, (onto these tears)
love gone wrong; lifeless words carry on (i am crying)
But I know, all I know's that the end's beginning (i'm dying tonight)
who I am from the start, (i'm waiting)
take me home to my heart (and fading)
Let me go and I will run, (and holding)
I will not be silent, (silent) all this time (onto these tears)
spent in vain; wasted years wasted gain (i am crying)
All is lost but hope remains and this war's not over (i'm dying tonight)
There's a light, there's a sun (i'm waiting...)
taking all these shattered ones
To the place we belong (i am waiting...)
and his love will conquer all

Yesterday I died; tomorrow's bleeding
Fall into your sunlight

Les rayons du soleil nous frappaient, maintenant de leur douce lumière. Je savais ce que j’avais a faire, mais ne pouvais m’y résoudre. J’essuyais cesse ces larmes qui venaient de plus en plus nombreuses, de plus en plus violente. Je ne pouvait pas offrir la dernière demeure a Astre. A nouveau je me mis a supplier les Trois. A nouveaux mes paroles restèrent non entendues.

Alors je pris mon courage a deux mains. J’allongeais mon amant, de façon a ce que chaque matin il puisse contempler l’aube – du moins c’est ce que je me figurais, pour dompter ma peine – et doucement, je le recouvrait de pierre. Je lui offrait un tertre, comme aux héros des anciens temps. Comme dans les légendes. Il me fallut beaucoup de temps, jusqu'à midi, pour accomplir cette tache.

Durant tout de temps, j’eu le loisir de réfléchir, d’entendre le murmure d’Astre dans le vent, lui répondant même.

« La gueuse. Hein ? » Comme au Lac, le jour ou mon poignard avait croisé par accident sa chair.
"Lenneth, pas la gueuse., j’ai retrouvé mon âme, grâce a toi ... Merci"

"Je ne suis pas un Phénix, je n'ai pas envie de devenir le chef d'une troupe d'amoindris qui gesticulent de peur quand il y a un peu de brouillard... quand ils sont réactifs. Je suis un tueur, même si cela fait bien longtemps que je ne m'y suis pas exercé."
M’avait il dis le jour où des Sakdoss m’avaient attaquée et qu’il m’avait sauvée.
"Tu as ete le meilleur chef que cette guilde ai connue."

"Une dette n'est jamais honnête, tu devrais le savoir. Ou alors elle suit l'honnêteté de son débiteur."

« Jamais, je ne réglerais la mienne, n’est ce pas ? Va, repose en paix maintenant. »

Pourtant, je restais là encore un long moment, a écouter les plaintes de vents, m’imaginant que le mort me parlait.
Ce ne fut que tard, dans la nuit qui suivit que je le quittais, me jurant de revenir le voir souvent, de penser a lui tout les jours. Pour garder son souvenir vivace, j’emportais son épée. Aux Ames, il y aurais bien une personne capable de m’apprendre a m’en servir. Finit l’arc pour moi.
Avant de descendre de la montagne je me tournais une dernière fois vers le tertre ….



« Adieux Astre … Repose en paix. »


1