Noyer son chagrin

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Orpheos


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Il pleuvait beaucoup ces trois derniers jours, depuis que l’expédition royale envoyée dans le désert était rentrée au château d’Hyrule, où on avait accueilli ses membres avec de biens sombres nouvelles.

La trahison du prince Dun Loireag, Orpheos ne la digérait toujours pas. Il avait quitté le château sans prévenir personne, après avoir hurlé à pleins poumons sur la princesse Zelda elle-même. Depuis, le chancelier sauvageon ne donnait plus aucun signe de vie. Il était réduit à l’état d’animal blessé : isolé au fin fond du royaume, coupé du monde extérieur… mais il n’avait pas pleuré, non, parce qu’il était trop fier et en colère pour cela. Toutefois, il revenait à des vices connus lors de son exil, dont le premier était la boisson.

Certainement indigne de son poste à la cour, Orpheos s’était retrouvé dans la taverne de NuttyK à boire comme un trou. L’ancien garde-en-chef et aubergiste, d’ailleurs, n’avait pas manqué de lui asséner quelques piques bien senties -avec son aigreur habituelle- au sujet de l’image pitoyable que renvoyait le dignitaire. Celui-ci s’en fichait ; du temps où il était encore présent, Samael avait sifflé à lui seul plus de pintes de bière que tous les soiffards de l’auberge réunis. Orpheos avait bien le droit de prendre un peu de bon temps, à son tour ! Lui aussi se sentait le droit d’être un chancelier alcoolique, nom d’un Stalfos !

La notion de "bon temps" s’appliquait très mal à cette soirée pluvieuse, pourtant. Orpheos continuait de consommer les alcools de tous les noms, et commençait à alpaguer vulgairement les autres clients de l’auberge.


-Ils sont passés où tes cheveux ? Envolés avec la tempête de cette semaine ? ricanait-il devant un client chauve au comptoir, qui le regarda avec l’intention claire d’abattre sa bouteille sur la belle tête du Sheikah. Tavernier, ressers-moi une pinte !
-Tu crois pas avoir assez bu, le troubadour ? grinça NuttyK qui essuyait un verre.
-Je n’serai jamais aussi torché ce soir que tu ne l’es tous les jours, alors sers-moi, rétorqua son client au regard devenu vitreux.
-Tu fais moins chier quand tu vas faire joujou avec ta lyre. Tiens, ta pinte.

Phrase qui, dans la bouche édentée de NuttyK, signifiait "bois et ferme-la". Orpheos était, effectivement, en train de taper sur les nerfs avinés des quelques clients qui l’entouraient. Mais ils auraient tous pu se jeter sur lui : il n’en aurait rien eu à faire. Une bagarre, du sang, des coups, des ecchymoses, ça lui aurait peut-être mieux changé les idées que la boisson seule !

Le chancelier ferma les yeux un instant, toujours assis au comptoir : un éclair de lucidité traversa son esprit embrumé par les vapeurs. Un constat soudain qu’on avait parfois au milieu d’une violente cuite, sans raison apparente, lorsqu’on cherchait à noyer son chagrin comme le faisait Orpheos.
Il était pitoyable. C’était ça, son constat. Il avait montré une piètre image du dernier représentant de la chancellerie, devant Zelda, devant Cerscastel, et même devant cet étranger de Rusadir. Il avait hurlé et perdu son calme pourtant notoire, avait insulté sa meilleure -et seule véritable- amie, pour finir par retomber dans son petit manège d’alcoolique. Seul et déprimé. Honteux et trahi.

Et en plus de cela, il ne savait toujours pas ce qui allait advenir de son âme, après son pacte passé avec les Ombres. Non, décidément, ce n’était pas une bonne soirée pour le chancelier.


Llanistar van Rusadir


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Trois jours que Llanistar était sans nouvelle du chancelier. Sa disparition n'avait, en soit, rien de surprenant. Le jeune homme avait subit un choc aussi brutal qu'inattendu et cela l'avait secoué au delà du raisonnable. Le nordique repensait avec appréhension au ton furieux qu'Orpheos avait prit contre la princesse. Il espérait fortement qu'elle ne lui en voudrait pas. Le royaume dépendait de l'entente entre ses dirigeants. Si le chaos entrait à la cour, Hyrule serait condamné. En plus de cela, sur un plan personnel, l'Artensys ne supportait pas l'idée que son sauveur ait pu souffrir et souffre encore...Pour rien. Sur ce point, la fureur du chancelier était aisément justifiée : la couronne avait à moitié gagné mais lui, il avait enduré toutes ces épreuves pour rien.

Frissonnant sous la pluie glacée, Llanistar resserra son manteau autour de lui. Après être allé cherché son canasson et ses affaires à l'auberge où il avait l'habitude de loger, il s'était mit à la recherche du blessé de coeur. Deux jours durant, il avait fouillé la ville, du meilleur quartier au plus miséreux...Personne ne l'avait vu. Le matin même, un garde avait affirmé l'avoir vu chevaucher vers le village Cocorico. Sans perdre plus de temps, le nordique avait prit la route dans cette direction, toujours sous une pluie battante. Cette tempête n'en finissais pas depuis le retour de l'expédition. Elle apportait avec elle une morosité ambiante qui nourrissait un désespoir toujours plus important. Après l'attaque sur le ranch, la Couronne avait eu une occasion en or de prouver sa force dans une grande contre attaque contre l'envahisseur...Pour un résultat très mitigé. Llanistar ne considérait pas la perte du Héros du Temps avec effroi. A dire vrai, il ne croyait plus à ces "héros" tout blancs, capables à eux seuls de sauver le monde. Si ce Link n'avait pas su se protéger, il ne méritait pas sa renommée et sa disparition ne condamnerait pas le royaume. La trahison de Dun était bien plus grave. Déjà, la rumeur avait fuité et le peuple entier connaissait la nouvelle. Rien de mieux pour le Seigneur du Malin que cette situation. Le nordique jura contre cette pluie diluvienne qui semblait s'acharner sur lui sans relâche ni pitié.

Mais il approchait enfin du village, il le savait. Lorsqu'il relevait la tête, il apercevait des lueurs devant lui, sur les contreforts de la montagne du péril. Bientôt, il arriva aux portes. Sans hésiter, il se rendit à l'auberge de NuttyK. Si Orpheos se trouvait encore à Cocorico, il y serait surement. Mais certainement pas en bon état. La vieille bâtisse décrépie de l'auberge se révéla bientôt à lui et il ne prit que quelques instants pour amener sa monture aux écuries avant de pénétrer dans le bouge immonde.
La grande salle était peu éclairée, envahie par l'humidité et une odeur nauséabonde. Pourtant, les clients étaient assez nombreux...Des gardes, des ouvriers, deux gorons surement venus vendre des bombes...Mais seul un d'entre eux l'intéressait. Llanistar le reconnu aussitôt qu'il le vit. Une grande et longue crinière noire soyeuse, ça n'aidait pas à passer inaperçu.


-Tu fais moins chier quand tu vas faire joujou avec ta lyre. Tiens, ta pinte.

Le nordique s'approcha, lentement mais avec le plus de naturel possible. Orpheos devait être là depuis qu'il avait quitté le château. L'alcool restait le meilleur remèdes aux blessures du coeur, Llanistar était bien placé pour le savoir. Sans doute le chancelier ne verrait il pas son arrivée d'un bon oeil, à lui de se faire accepter.
Sans prononcer un mot et fixant l'aubergiste du regard, il prit le siège voisin d'Orpheos, posa un rubis rouge sur la table. Il ne regarda pas le chancelier un instant tandis qu'il demandait au gérant à l'oeil mauvais :


-Ce que vous avez de plus fort. Deux verres.

Lorsque NuttyK lui posa sous le nez les deux verres emplis d'un liquide à l'aspect aussi pâteux que le magma du volcan, Llanistar en prit un et le donna à son compagnon, qu'il regard alors. Les mêmes yeux verts magnifiques, le même visage de demi dieu...La chemise du chancelier débrayée laissait voir son torse et le nordique eut une pensée pour cet instant où il regardait Orpheos, endormit et aussi beau qu'un homme puisse l'être sans offenser les dieux. Il eut un sourire complice, conscient que cela ne suffirait pas à lui être sympathique.

-Vous êtes un homme difficile à trouver. Pour ma peine, vous accepterez bien un verre ?


Orpheos


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Orpheos contemplait son verre d’alcool d’un œil hagard, comme s’il tentait de déceler quelque vérité dans la liqueur. Il s’aperçut justement du risible de la situation : après une tentative d’abstinence depuis son retour, il s’était finalement retrouvé à un bar pourri, tenant de l’alcool qu’il ingérait mal entre les mains, et entouré de clients aussi torchés que lui. L’auberge de NuttyK sentait mauvais, mais peut-être cela venait-il des dits clients.

Que pouvait-il bien foutre là-dedans… ?


-Ce que vous avez de plus fort. Deux verres.

Cette voix… d’où la connaissait-il ? Orpheos, le cœur au bord des lèvres, le sentit pourtant redescendre dans son estomac lorsqu’il reconnut Llanistar Van Rusadir. Et pourtant, pourtant ! Il trouva le moyen de ne pas paraître trop surpris. Il fallait dire que son cerveau fonctionnait au ralenti. Le musicien ne sourcilla même pas lorsque l’étranger posa un autre verre sous son nez, rempli d’un très étrange liquide…

-Vous êtes un homme difficile à trouver. Pour ma peine, vous accepterez bien un verre ?

Il sembla à Orpheos que l’homme le regardait… plus que de raison. Il souriait, même. Mais cette fois-ci, contrairement à l’autre jour, le chancelier resta distant.

-J’aurais souhaité que vous ne me retrouviez pas… Surtout après vous avoir donné une si piètre image de ma personne, et du gouvernement Hylien.


Il ne parvenait pas à croire lui-même qu’il arrivait à déclamer autant de mots sensés, plein d’alcool comme il était, après toutes les idioties débitées devant les autres buveurs.
Cette réflexion en tête, ce fut à son tour d’observer Llanistar : l’expression austère et le manteau soigneusement porté sur ses épaules -contrairement à lui qui avait la chemise bien débrayée !- le différenciaient déjà du reste de la clientèle. Il inspirait d’ailleurs un certain respect, et c’était peut-être grâce à cela qu’Orpheos parvenait à mieux se tenir en la présence du nordique. Peut-être aussi grâce à la honte qu’il ressentait vis-à-vis de lui, après le mauvais spectacle de l’autre jour, et celui qu’il lui donnait ce soir.


-J’accepte le verre, reprit tout de même le dignitaire aviné. Bien que je ne sois pas sûr de tenir jusqu’au bout de la nuit après cela. Cette image du chancelier de la Culture, dont je vous parle, doit certainement vous amuser n’est-il pas ? Un sac à vin qui hurle sur sa souveraine quand quelque chose le contrarie… qui se réfugie dans les tavernes sans prévenir personne… Ah elle est belle, la culture…

Il tint le verre entre ses doigts, en se disant que non, il ne devrait pas l’accepter. Il avait déjà assez bu comme ça, et il devrait montrer encore un peu de dignité – du moins ce qu’il en restait. Pour cette raison, il ne porta pas tout de suite la drôle de liqueur à ses lèvres.

-Pourquoi m’avoir cherché, Rusadir ? Ce n’est pas pour quérir mes services au château, sinon on m’aurait envoyé un représentant, et on ne m’offrirait pas un verre… Quel intérêt pour vous d’être ici ? Surtout avec quelqu’un comme moi, qui devrait vous inspirer le mépris ?


Les yeux verts un peu perdus du Sheikah se placèrent dans ceux de Rusadir, gris comme le ciel au dehors. Un très beau gris, magnifique même, il le réalisait présentement. Mais Orpheos tentait de sauver ce peu de crédibilité qui lui restait, en essayant d’être froid comme de coutume… Néanmoins, l’alcool finirait par le rattraper.


Llanistar van Rusadir


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La froideur qui émanait du chancelier rassura Llanistar. Rien de plus normal qu'après ce qu'il ait vécu, Orpheos ne soit pas bien disposé à un intrus venu le sortir de sa torpeur. Les dépressifs connaissent bien cette émotion paradoxale qui les pousse à préférer le confort de leur tristesse à l'incertitude de la sortie de leur mélancolie...Et le nordique lui même était bien placé pour l'avoir connu. Il ne tint pas rigueur à son camarade de sa réaction, déjà satisfait que ce dernier ne lui ait pas envoyé son verre à la figure. Certains hommes désespéraient devant leur incapacité à résoudre leurs problèmes, d'autres devenaient violents. Llanistar avait autrefois subit cette violence de par son père...Il préférait la tristesse.
Le silence s'attarda entre eux quelques instants. Visiblement Orpheos avait bien bu et son esprit restait embrumé, quand bien même son regard était plus vif qu'avant qu'il ne reconnaisse l'Artensys. Puis il prit la parole.


-J’aurais souhaité que vous ne me retrouviez pas… Surtout après vous avoir donné une si piètre image de ma personne, et du gouvernement Hylien.

Sa voix était rêche, très éloignée de celle que Llanistar avait pu entendre au château...Mais surtout il y percevait une quantité d'émotions très fortes. Colère, tristesse, révolte...Tout cela découlait de la trahison qu'il avait vécu. Comment le nordique aurait pu le juger alors qu'il se revoyait avec précision dans ce jeune homme dont le monde s'effondrait autour de lui. Il leva son verre et le fit tinter avec celui d'Orpheos, son sourire toujours aux lèvres.

-J'ai cru comprendre en effet que vous vouliez être discret...Mais que voulez vous, on ne se débarrasse pas de moi aussi facilement que cela ! Je suis du type acharné, quand ce que je cherche en vaut la peine.

Orpheos sembla hésiter puis il s'empara du verre. Il sembla à Llanistar qu'il se détendait. Pas assez pour apprécier la situation mais assez pour être plus bavard.

-J’accepte le verre. Bien que je ne sois pas sûr de tenir jusqu’au bout de la nuit après cela. Cette image du chancelier de la Culture, dont je vous parle, doit certainement vous amuser n’est-il pas ? Un sac à vin qui hurle sur sa souveraine quand quelque chose le contrarie… qui se réfugie dans les tavernes sans prévenir personne… Ah elle est belle, la culture…

-Vous savez... Là d'où je viens la culture ne se permettrait jamais ce que vous avez fait...Malheureusement. Dans mon pays, tous les artistes sont sommés de chanter, peindre, sculpter ou mettre en musique la gloire et la majesté du Roi. L'Art y est contrôlé, détruit si trop éloigné des règles, pervertit par l'inquisition. Alors non, ce que vous m'avez montré ne m'a pas fait rire. Je me suis senti honteux de mon pays. Car au moins, dans le votre, un chancelier peut dire ce qu'il pense à la Couronne sans perdre sa tête. Et ça n'est nullement une faiblesse...Quand à votre escapade, je ne vous mépriserais jamais pour quelque chose que je connais aussi bien, Orphéos. Il plongea son regard dans celui du Chancelier et s'approcha légèrement de lui. Je vous ai parlé de mon passé au château...J'ai été trahit moi aussi. Et je sais ô combien cela fait mal. Mal à en crever...

Il but une gorgée. L'alcool lui parut un concentré de la lave du volcan tant sa gorge fut aussitôt en feu. Il ressentait comme un gout immonde de souffre et il sentit la substance attaquer sa conscience dés qu'elle passa dans son estomac. Combien de verres supporterait il ? Il doutait que ce chiffre fusse élevé mais si il voulait aider Orpheos, ca n'était pas le moment de faire la sucrée ! Il se força à reprendre une gorgée sans trop grimacer, ce qui devait être assez comique vu de l'extérieur. Le chancelier ne l'imitait pas. Il fixait son verre sans rien laisser voir de ce qui l'habitait...Jusqu'à ce qu'il finisse par demander :

-Pourquoi m’avoir cherché, Rusadir ? Ce n’est pas pour quérir mes services au château, sinon on m’aurait envoyé un représentant, et on ne m’offrirait pas un verre… Quel intérêt pour vous d’être ici ? Surtout avec quelqu’un comme moi, qui devrait vous inspirer le mépris ?

La question était sincère, l'étonnement aussi. Llanistar manqua de pouffer mais pensa que cela pouvait passer pour une marque de ce mépris imaginaire que prendrait surement mal le chancelier. Il lui semblait absurde qu'un homme doive se montrer en permanence fort et droit pour être respecté. Comme si seules les statues méritaient de l'être. Aux yeux gris de l'Artensys, les brisés, les fragiles avaient bien plus de mérite que les héros taillés dans le roc par quelque force divine. Il en était venu à haïr ces figures blanches et pures taillées dans le marbre...Tandis que les autres l'intéressaient. Il posa son verre et posa sa main droite, seule restante, sur l'épaule d'Orpheos. Il était conscient de la familiarité de ce geste et il s'en fichait. Même, il voulait que son compagnon la ressente.

-Je suis venu parce que personne dans ce château et à cette cour ne peut rien pour vous aider. Vous n'avez pas besoin d'un morceau de musique, qu'on apporte un thé ou qu'on vous récite ce que vous aurez à faire demain. Vous avez besoin de quelqu'un avec qui partager ces heures difficiles. Je suis là pour ça. Orpheos, ne baissez pas les yeux. Je n'ai aucune raison de vous mépriser. Après ce que j'ai vécu, j'ai fuit lâchement, j'ai trouvé comme vous refuge dans l'alcool et il m'a fallu entendre l'appel d'une jeune souveraine désespérée pour en sortir complétement. Le mépris est l'arme des imbéciles et des égoïstes. L'arme de ceux qui sont incapables d'aider les autres. Moi, j'ai envie de vous aider. Il s'approcha en se penchant encore un peu. Vous m'avez sauvé de la mort à la citadelle. Vous avez été capable d'un grand exploit là bas contre ce spectre. Ne soyez pas trop rude envers vous, Orpheos. A mes yeux, vous êtes un héros.

Il se redressa, le regard toujours planté dans celui d'Orpheos, et but une troisième gorgée. L'alcool commençait à lui monter à la tête...Et à lui donner chaud. Il retira sa cape et, sans trop s'en rendre compte, défit un bouton de sa chemise. Il avait bien sur ôté sa cotte de maille et le reste de son équipement guerrier la première nuit depuis leur retour et il ne portait plus qu'une longue chemise noire de lin qu'il avait conservé de son passage à Markand. Son verre fut finit en deux autres gorgées et il en commanda un autre. Il faisait décidément de plus en plus chaud.


Orpheos


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Du coin de l’œil, Orpheos regarda la main droite de Llanistar se porter sur sa maigre épaule. Le chancelier n’était pas très tactile, et de ce fait, appréciait peu lorsque les gens le touchaient. Surtout si familièrement. Mais pour une raison qui lui échappait, car trop enivré, il ne songea pas à demander au nordique de retirer cette main complice. Il écouta même avec attention -ou bien le plus possible- ce qu’il avait à lui dire.

-Je suis venu parce que personne dans ce château et à cette cour ne peut rien pour vous aider. Vous n'avez pas besoin d'un morceau de musique, qu'on apporte un thé ou qu'on vous récite ce que vous aurez à faire demain. Vous avez besoin de quelqu'un avec qui partager ces heures difficiles. Je suis là pour ça.


Orpheos tiqua par un léger froncement de sourcil. Il doutait que quelqu’un puisse lui venir en aide dans sa présente dépression, actuellement. Et il était, de toute façon, solitaire dans l’âme. Mais d’un autre côté, se sentir aidé lui faisait chaud au cœur. Aidé, il l’avait été plusieurs fois, par plusieurs personnes… En repensant à Zelda, il baissa le regard.

-Orpheos, ne baissez pas les yeux. Je n'ai aucune raison de vous mépriser. Après ce que j'ai vécu, j'ai fui lâchement, j'ai trouvé comme vous refuge dans l'alcool et il m'a fallu entendre l'appel d'une jeune souveraine désespérée pour en sortir complétement. Le mépris est l'arme des imbéciles et des égoïstes. L'arme de ceux qui sont incapables d'aider les autres. Moi, j'ai envie de vous aider. Vous m'avez sauvé de la mort à la citadelle. Vous avez été capable d'un grand exploit là bas contre ce spectre. Ne soyez pas trop rude envers vous, Orpheos. A mes yeux, vous êtes un héros.

Orpheos tiqua une seconde fois, mais par une expression de mépris cette fois. Le mépris était justement une arme pour lui. Pas le mépris pour autrui… mais celui qu’il avait pour lui-même. Avec cette arme-là, il se complaisait presque dans une auto-torture perpétuelle.
A l’heure actuelle, il se méprisait pour ne rien avoir vu venir. Il se méprisait pour avoir foncé si aveuglément dans le combat, alors qu’il y’avait trahison en couvée. Tout ce qu’il avait fait dans la citadelle noire ne servirait à rien, à part l’emmener dans les ténèbres…

Il contempla Llanistar déguster son verre avec difficulté ; apparemment, NuttyK planquait quelques trésors d’ivresse sous son comptoir, au vu du teint un peu plus coloré du nordique, qui venait de se dévêtir un peu. Les yeux verts du musicien s’attardèrent, malgré eux, sur la parcelle de peau qu’ils voyaient entre les plis de sa chemise en lin noir…


-Je ne suis certainement pas un héros… murmura Orpheos d’une voix dure, son attention recentrée sur son verre. Si j’en étais un, j’aurais ramené le prince au château. Je vous ai sauvé des Ombres sans savoir ce que je faisais, et je n’ai même pas combattu le spectre du roi Gérudo. Je n’ai strictement rien fait qui puisse me faire qualifier de héros.

Orpheos ne parlait volontairement pas des Ombres. Ce qui s’était passé dans les ténèbres, ce jour-là, devait rester secret…

-Vous disiez qu’à Hyrule, la Culture peut se permettre de dire ce qu’elle veut à la Couronne… Mais il y’a trois jours, devant la princesse Zelda, je n’ai pas parlé en tant que dignitaire, mais en tant qu’ami fidèle. Ne pas dire ce que je pense à Zelda revient à trahir mon devoir d’amitié envers elle, et je ne l’accepte pas. D’ailleurs, je suis venu à la citadelle Gérudo par ce devoir, mais aussi en tant que Sheikah, et en tant que soldat de l’ombre totalement dévoué à la cause royale… Aux yeux de la Couronne, je suis un serviteur armé, un troubadour, un vagabond, un ami ; tout, sauf un bête dignitaire de la Culture qui doit s’écraser dans le silence.


A dire vrai, Orpheos ne se sentait pas plus digne du titre de chancelier, donné par Zelda, que du titre de héros donné par Llanistar… Le Sheikah porta son verre au bout de ses lèvres, mais l’odeur du liquide semblable au magma le révulsa, et lui donna envie de vomir. Cette boisson lui retirerait, certainement, toute sobriété dès qu’il l’accepterait.

-Je me souviens de votre histoire, Rusadir…
évoqua le musicien en dévisageant l’étranger. C’est sans doute pour cela que je vous laisse aborder le sujet de la trahison du prince, que je prends à titre personnel, avec moi…

Un client voisin lança un regard appuyé au musicien.


-Sachez que je ne vous jugerai toujours pas pour vos actes passés… Quand on a connaissance des miens, on peut encore moins me qualifier de héros… et surtout pas se sentir redevable envers moi. Si c’est cela qui vous amène ici, parce que je vous ai "accidentellement" sauvé, vous pouvez m’oublier et repartir la conscience en paix. Sinon, je vous autorise à rester avec moi.

Cette petite pique sans méchanceté envoyée, Orpheos se décida enfin à prendre une gorgée de son verre… pour manquer de la recracher. C’était infâme ! Mais c’était offert. Alors le Sheikah fit mine de bien accuser le coup, en se concentrant sur le regard gris de Llanistar. Puis sur son visage. Celui que pouvait avoir un général fier et autoritaire ; anguleux, sévère, mais qu’Orpheos trouvait plaisir à explorer. En fait, il s’apercevait qu’il se sentait bien avec cet homme, et c’était une chose qui n’était pas arrivée depuis bien longtemps. L’alcool devait beaucoup l’aider, car il aurait même presque voulu que Llanistar le touche de nouveau.


Llanistar van Rusadir


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Quand bien même la tension descendait de plus en plus entre les deux hommes, l'atmosphère n'en était pas moins lourde. La pluie battait furieusement sur le village, la nuit faisait tomber son manteau sombre, obscurcissant de plus en plus l'extérieur. Dans la taverne, certains clients avinés s'endormaient sur leur banc tandis que d'autres montaient se coucher. Le musicien avait arrêté de jouer et négociait une boisson avec le gérant. Seuls quelques durs restaient...Dont Llanistar et Orpheos. Ce dernier n'avait pas semblé mal prendre le geste familier du nordique mais il persistait dans la morosité. Masquant du mieux qu'il pouvait un rictus de dégout, il paraissait hésiter commencer son verre entre chaque phrase, le tout avec un air profondément attristé.

-Je ne suis certainement pas un héros… Si j’en étais un, j’aurais ramené le prince au château. Je vous ai sauvé des Ombres sans savoir ce que je faisais, et je n’ai même pas combattu le spectre du roi Gérudo. Je n’ai strictement rien fait qui puisse me faire qualifier de héros.

La bonne blague, pensa Llanistar. Si les héros étaient volontaires, il n'en resteraient plus beaucoup. La plupart des héros n'avaient pas conscience de l'être. Lui même, à la bataille des Marches de Markand, après l'acte que ses légionnaires avaient qualifié d'héroïque, il n'avait pas l'impression d'avoir accomplit un exploit : juste un beau mouvement sur l'échiquier. Pas de quoi mériter la Gloire. Et pourtant, on lui avait répété partout qu'il était le sauveur d'Artensyr, le Héros venu du Nord. On n'était pas Héros parce qu'on le pensait, on l'était parce que les autres vous l'affirmait. Néanmoins il se tut sur ce qu'il pensait. Orpheos avait besoin de parler, c'était évident. L'interrompre n'apporterait rien.

... Je n’ai pas parlé en tant que dignitaire, mais en tant qu’ami fidèle. Ne pas dire ce que je pense à Zelda revient à trahir mon devoir d’amitié envers elle, et je ne l’accepte pas...

Llanistar reprit une gorgée tandis qu'Orpheos évoquait les raisons de sa réaction. De son côté, le nordique était stupéfié par ce qu'il entendait mais s'efforçait de ne pas le montrer. Là d'où il venait, la cour était un panier de serpents désireux de s'entre dévorer au moindre signe de faiblesse ; l'amitié y était impossible, la franchise très dangereux. Que la princesse puisse compter sur un réel et fidèle ami rassurait l'Artensys. Au moins, elle avait cet avantage sur Ganondorf. Cette fois, il manqua de sourire et il baissa la tête pour le masquer. Mais lorsqu'il se redressa, il vit qu'Orpheos le dévisageait. Le nordique ressentait quelque gène à soutenir ce regard d'émeraude si beau et si froid en même temps. Il lui semblait qu'il ne parvenait pas aussi bien que le chancelier à camoufler ses pensées.

-Je me souviens de votre histoire, Rusadir… C’est sans doute pour cela que je vous laisse aborder le sujet de la trahison du prince, que je prends à titre personnel, avec moi… Sachez que je ne vous jugerai toujours pas pour vos actes passé. Quand on a connaissance des miens, on peut encore moins me qualifier de héros… et surtout pas se sentir redevable envers moi. Si c’est cela qui vous amène ici, parce que je vous ai "accidentellement" sauvé, vous pouvez m’oublier et repartir la conscience en paix. Sinon, je vous autorise à rester avec moi.

Llanistar avait fini son verre et en commanda un second...Ainsi qu'une orange. Il ne savait pourquoi mais il avait envie d'un peu de soleil dans sa bouche. Il avait toujours aimé les oranges. Depuis que Saad les lui avait fait découvrir. Saad... Il eut une pensée pour le jeune émir tandis que NuttyK lui amenait son fruit, tranché en deux. Heureux hasard.
Il en poussa une moitié vers Orpheos en souriant avec complicité.


-Chaque homme porte sa croix. Qui est le plus coupable entre l'innocent poussé au crime par le destin ou la personne de bien qui lynche un enfant pour avoir volé une pomme ? Je ne crois pas en la justice des hommes, Orpheos. Je ne crois pas qu'un homme puisse prendre la place des Dieux et juger ses frères et soeurs. JAMAIS je ne vous mépriserais pour ce que vous avez fait...Et vous devriez cesser de le faire également. Regretter ne sers à rien. Poursuivez votre route, quelle qu'elle soit. Je vous jure que c'est un excellent remède...Il s'approcha. A présent, plus personne ne faisait attention à eux. Llanistar sentait de plus en plus l'alcool monter en lui...ainsi qu'une violente envie qui était née quatre jours auparavant. Il murmura. Je ne suis pas venu pour le chancelier qui m'a sauvé la vie. Je suis venu pour toi...Orpheos.

Il posa sa main sur l'épaule du chancelier, une fois encore. Les deux hommes étaient très proches mais quelque chose empêchait Llanistar d'aller plus avant. La peur qu'il se soit trompé sur l'objet de son désir. La peur que le chancelier ne le repousse, aussi outragé que l'avaient été les nobles qui l'avaient trahit. La peur de tout gâcher. Il guetta la flamme qui l'animait lui même dans les magnifiques yeux d'émeraude.


Orpheos


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Curieuse chose que de demander une orange dans un établissement tel que celui de NuttyK… à ce sujet, l’ancien garde-en-chef eut l’air de partager la même perplexité qu’Orpheos. Mais celui-ci ne se permettrait pas de critiquer quelqu’un qui lui offrait l’occasion de se saouler un peu plus ! Le Sheikah ne porta même pas la moitié du fruit à sa bouche : s’il avalait quelque chose, il se savait parti pour le recracher dans la minute suivante.

-Chaque homme porte sa croix. Qui est le plus coupable entre l'innocent poussé au crime par le destin ou la personne de bien qui lynche un enfant pour avoir volé une pomme ? Je ne crois pas en la justice des hommes, Orpheos. Je ne crois pas qu'un homme puisse prendre la place des Dieux et juger ses frères et soeurs. JAMAIS je ne vous mépriserais pour ce que vous avez fait...Et vous devriez cesser de le faire également. Regretter ne sers à rien. Poursuivez votre route, quelle qu'elle soit. Je vous jure que c'est un excellent remède...


Si vrai… Poursuivre sa route, n’était-ce pas ce qu’Orpheos avait fait ? Non. Ce qu’il avait fait, c’était prendre la fuite. Une fuite en avant, avec des regrets qu’il supportait encore maintenant.
Llanistar s’approcha dangereusement de lui. L’étranger paraissait jouer à un jeu dont Orpheos avait peur de déceler le principe. Il priait Farore pour qu’il ne s’agisse pas de cela…


-Je ne suis pas venu pour le chancelier qui m'a sauvé la vie. Je suis venu pour toi...Orpheos.

Farore était peut-être trop occupée à se curer le nez pour le regarder, ou alors elle n’existait tout simplement pas. Ce regard que Llanistar lui portait… Orpheos avait visé juste ; même ivre, il avait compris que le nordique ne serait peut-être pas intéressé que par une simple amitié, lui qui venait de reposer la main sur son épaule, toujours trop proche de lui.
Pouvait-il se le permettre ? Oh, sans doute que oui… Llanistar ne se doutait pas du nombre de nuits où la belle crinière noire de jais d’Orpheos avait été malmenée, tirée, pendant qu’il gémissait à quatre pattes sur la couche d’un noble de la cour. Rien ne l’empêchait de céder aux avances de l’Artensys : il n’aurait pas été le premier à lui en faire. Non, rien ne le retenait… en théorie.

Plusieurs choses l’empêchaient en fait de jouer au jeu de Llanistar : d’abord le lieu, puant et pas assez bien famé. Ensuite, le fait qu’il aurait peut-être souhaité faire du nordique un ami éventuel, plutôt qu’un amant, car on était toujours plus imprévisible dans la position d’un amant. Toujours plus dangereux, aussi, car le premier problème d’Orpheos restait le même depuis toujours : sa trop faible confiance envers autrui. Qu’est-ce qui lui disait que Llanistar ne le trahirait pas, plus tard ?
Mais dans le fond, il savait que l’ancien noble avait justement trop souffert de trahison, pour à son tour lui infliger ce mal. Surtout à lui, qui souffrait présentement de celle de Dun. Peut-être ne fallait-il pas le repousser dans l’immédiat.


-Vous me tutoyez, maintenant… ? Llanistar ?


Et lui de ne plus dénommer son camarade par "Rusadir". Orpheos avait réfléchi un moment, infligeant certainement un suspense insoutenable à son compagnon, avant de murmurer enfin. Il n’avait pas lâché son regard gris durant toute sa réflexion, et maintenant, il observait encore un peu mieux son visage sévère. Pas si sévère que cela, d’ailleurs ; il y décelait au final une certaine douceur.

-Ne faites pas ça… souffla-t-il, tendu, attentif à ce que pourraient entendre les clients voisins. Pas seulement parce que nous sommes ici, mais parce que vous ne savez pas à quel homme vous avez affaire. Vous parliez de mépris à l’instant, mais vous en auriez à mon égard -malgré mes récentes actions soi-disant héroïques- si vous saviez les choses que j’ai pu faire dans mon passé… Des choses que je juge plus coupables que vos anciens amours, même s’ils sont très particuliers. Croyez-moi, le chancelier est bien plus respectable que l’homme.

C’était ça… Llanistar ne devait en aucun cas savoir ce qu’il était, dans le fond. En l’occurrence, un meurtrier et un fuyard, un lâche de la pire espèce. Le contraire d’un héros.

-Je préfèrerais encore que vous ne m’utilisiez que pour votre bon plaisir…

Il avait dit cela d’un air très entendu, en restant proche du nordique. Cette phrase en disait long sur la faible estime que le Sheikah avait pour lui-même, mais en même temps, elle n’engageait à rien pour Llanistar. S’il voulait user d’Orpheos comme on usait d’un objet, jetable ensuite, qu’il le fasse ! Cela ferait moins mal au chancelier que si le nordique s’attachait à lui.

-Cela serait bien plus facile, n’est-il pas ? conclut-il en se redressant sur sa chaise, et s’éloignant donc légèrement de Llanistar, tout en fixant ses yeux gris.


Llanistar van Rusadir


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(vide)

Llanistar sut qu'il avait fait une erreur dés qu'il sentit la crispation d'Orpheos. Le nordique espérait sincèrement que son geste inciterait son compagnon à se relâcher et à oublier ses ennuis...Pas que cela le braquerait ainsi. Et pourtant...le chancelier l'appela par son prénom. En entendant son prénom prononcé par une voix si belle et chantante, il fut prit d'un léger frisson. Ca n'était qu'un murmure d'Orpheos mais cela suffit à faire monter l'envie en lui. Intérieurement, il se maudit d'avoir autant cédé face à l'alcool. Jamais il ne se serait permit pareille impudence sobre et il le regrettait. Son regard se mêlait toujours à celui de son "ami" et il n'osait plus agir, dans un sens ou l'autre, craignant d'aggraver la situation. Son compagnon eut un air qui aurait pu être inquiétant mais qui révélait plutôt un malaise.

-Ne faites pas ça… Chuchota-t-il dans un souffle avant de poursuivre. Pas seulement parce que nous sommes ici, mais parce que vous ne savez pas à quel homme vous avez affaire. Vous parliez de mépris à l’instant, mais vous en auriez à mon égard -malgré mes récentes actions soi-disant héroïques- si vous saviez les choses que j’ai pu faire dans mon passé… Des choses que je juge plus coupables que vos anciens amours, même s’ils sont très particuliers. Croyez-moi, le chancelier est bien plus respectable que l’homme.

Llanistar eut une violente envie de prendre Orpheos par le col de sa chemise et de plaquer ses lèvres contre les siennes. Il se fichait bien de ces quelconques poivrots de ce taudis merdique ! Au diable ce Nuttyk, ce mauvais barde, ces imbéciles qui riaient trop fort au fond ! Le nordique ne dut se retenu qu'à une chose : il savait que cette pulsion venait de l'alcool...Et il ne voulait pas tout gâcher. Il avait au moins vu juste sur un point : le chancelier aimait les hommes.
Il se détourna de ce regard brulant et trancha son orange en un quartier qu'il mordit à pleines dents. Le gout sucré et acide du fruit envahit sa bouche et la fraicheur descendit vers son estomac, lui faisant un bien fou.
Quelques instants, il se demanda si il n'allait pas lui même se laisser abattre. Mais se laisser aller, même sous l'influence de l'alcool, c'était abdiquer. Encore une fois. Il attendit quelques instants, le regard dans le vide. Puis, sans se retourner ni rien montrer sur son visage, il murmura.


-J'ai tué mon père. De ma propre main et en ressentant un soulagement intense. J'ai empoisonné mon frère ainé, et en ait ressentit du plaisir. J'ai brulé ma propre demeure, celle de ma famille. Je suis maudit par tous les dieux de la Terre. Crois tu que je sois meilleur que toi ? Non, Orpheos. Non, juste non. Tout ce dont tu pourras t'accuser ne fera jamais de toi un individu pire que moi. Parricide, Fratricide, général sanguinaire... J'ai trop longtemps adoré le pouvoir de tuer. Mais j'ai ouvert les yeux et j'ai changé. Alors cesse donc de te haïr ainsi ! Ca ne sert à rien ! Tu ne te rend pas service et donc pas à la princesse. Et laisse moi donc t'aider. Il posa sa main sur le comptoir et l'approcha discrètement, hors de vue du gérant, de celle du chancelier. Nous connaissons tous deux la douleur de la trahison. Tu peux penser que je ne cherche qu'un cul pour un soir, que je vais te laisser tomber...Mais si tu suis ton coeur et que tu ose me faire confiance, tu verras de tes propres yeux que mes mots ne sont pas lancés en l'air. Un grand poète de mon pays a dit que l'amitié c'était l'amour plus le respect...Et tu es mon ami.

Il s'était tourné vers Orpheos a ces derniers mots. Sa voix s'était tordue sous le coup des émotions qui le tiraillaient et il sentait une lassitude s'emparer de lui. Il abaissa toutes ses résistances spirituelles, espérant que son compagnon pourrait lire en lui sa sincérité et son désintéressement. Son coeur battait aussi vite que le vent et sa gorge s'était asséchée sous le coup de l'appréhension.
A présent, il ne supportait plus cette salle dans lequel ils se trouvaient, ces clients immondes et puants, cet aubergiste écoeurant...Tout le rebutait...Et il se sentait fatigué. Par les 3 jours de recherches, par la longue chevauchée, par les assauts de l'alcool. Il ne put s'empêcher d'avoir l'air écoeuré lorsqu'il murmura à Orpheos.


-Ne pourrions nous pas quitter ce lieu ?

Sans le dire il pensait à l'une des chambres de l'auberge et à un lit moelleux où...Mais il préférait lui laisser le choix. A dire vrai, il l'aurait suivit partout pour peu qu'il ne l'ai pas rejeté.


Orpheos


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(vide)

-J'ai tué mon père. De ma propre main et en ressentant un soulagement intense. J'ai empoisonné mon frère ainé, et en ait ressentit du plaisir. J'ai brulé ma propre demeure, celle de ma famille. Je suis maudit par tous les dieux de la Terre. Crois-tu que je sois meilleur que toi ?

Orpheos resta interdit, glacé. Pendant quelques instants, tous les effets de l’alcool lui semblèrent réduits à néant : il n’aurait pas cru entendre Llanistar dépeindre ce portrait-là de sa personne. Mais après tout, il ne le connaissait que depuis peu… Orpheos devait bien avouer que le nordique lui faisait concurrence, en matière de passé sanglant. Et même, il le battait largement.

-Non, Orpheos. Non, juste non, dit Llanistar comme pour répondre à ses pensées. Tout ce dont tu pourras t'accuser ne fera jamais de toi un individu pire que moi. Parricide, Fratricide, général sanguinaire... J'ai trop longtemps adoré le pouvoir de tuer. Mais j'ai ouvert les yeux et j'ai changé. Alors cesse donc de te haïr ainsi ! Ça ne sert à rien ! Tu ne te rends pas service et donc pas à la princesse. Et laisse-moi donc t'aider.

Orpheos fixa la main de Llanistar s’approcher discrètement de la sienne, mais il ne put s’empêcher de la retirer par réflexe. Et puis, une seconde après, il la remit à sa place comme pour corriger son erreur.

-Nous connaissons tous deux la douleur de la trahison, poursuivit quand même Llanistar. Tu peux penser que je ne cherche qu'un cul pour un soir, que je vais te laisser tomber... Mais si tu suis ton cœur et que tu oses me faire confiance, tu verras de tes propres yeux que mes mots ne sont pas lancés en l'air. Un grand poète de mon pays a dit que l'amitié c'était l'amour plus le respect... Et tu es mon ami.
-Dun étant devenu un traître, ma seule amie en Hyrule reste la Princesse Zelda…
répondit le chancelier. Mais les choses peuvent toujours être reconsidérées…

Orpheos vrilla Llanistar du regard. L’alcool l’aidait très certainement, ou bien le discours de l’Artensys l’avait touché, mais en tout cas, il avait envie de baisser sa garde, et de laisser le nordique s’approcher de lui. Ce dernier avait l’air sincère dans son discours.


-Je verrai bien, avec le temps, si tu dis la vérité… le tutoya finalement Orpheos en saisissant son verre pour de bon, et en le buvant d’une traite. En tous les cas, et je reviens à l’ensemble de tes confidences faites depuis l’autre jour… mais t’as vraiment un passé de merde !

Orpheos avait atteint sa limite, et le verre de "magma" qu’il venait d’ingurgiter avait pris effet sur lui en quelques secondes. Le Sheikah explosa bruyamment de rire, attirant l’attention des derniers clients avisés, ainsi que du barde qui s’arrêta un instant de jouer, certainement surpris de voir son plus haut chef se comporter de la sorte. NuttyK grogna également dans son coin. Cette ambiance déplut assez au musicien, qui commençait à céder à l’envie d’un peu plus d’intimité. Llanistar avait raison, il devait accepter la main -unique soit-elle- qu’il lui tendait.

-Moi aussi je veux quitter ce lieu,
dit Orpheos en réponse à la proposition d’un Llanistar qui avait paru soudainement fatigué. NuttyK, n’étant pas dans l’état de repartir sous la pluie… on va prendre une chambre pour cette nuit.
-Vous dégueulez sur mes lits et je vous botte le derche, pigé ?!
râla l’aubergiste devant les deux guignols titubants et plus pâles que de coutume.

Récoltant la monnaie et offrant la clef d’une chambre, à contrecœur, NuttyK observa d’un œil torve les deux compères monter les marches en bois de son escalier. Orpheos et Llanistar eurent grand peine à escalader ces marches jusqu’au premier étage, plongé dans la pénombre. Le bois craquait et collait sous leurs chaussures par endroits -des clients avaient dû renverser de l’alcool ou une partie de leurs entrailles- mais au moins, l’odeur était beaucoup moins forte ici que dans la salle.
Fébrile, le musicien se chargea d’ouvrir la porte de la chambre désignée, mais il dut s’y reprendre à trois fois dans le noir pour mettre la clef dans la serrure, saoul comme il était.


-Heureusement que tu ne prêtes guère attention à l’image que je te donne
s’amusa-t-il en poussant la porte, sur une chambre au final assez coquette par rapport au reste de l’auberge. Il y’avait certes beaucoup de poussière sur le plancher, mais les quatre lits disposés aux coins de la pièce paraissaient confortables. Attends, un instant.

La tête qui tournait et les pensées y défilant à grande vitesse, Orpheos laissa Llanistar fermer la porte, pour s’occuper de joindre les deux lits de droite l’un à côté de l’autre. Tout cela, avec le peu de forces que son dernier verre lui avait laissées.

-De cette manière, nous ne partagerons qu’une seule couche.

Orpheos ne distinguait pas très bien Llanistar dans le noir, trop ivre pour cet exercice, mais il crut déceler un sourire sur le visage froid du nordique. Il vint alors vers lui en silence, jusqu’à devenir proche, très proche. De là, ses yeux gris lui furent visibles même dans la semi-obscurité… et le fascinèrent un peu plus.

-Tu dis être venu pour moi. Je vais donc t’accorder un peu de ma confiance personnelle, et l’avenir me dira si j’ai eu raison de le faire.

Le fait de tutoyer Llanistar prouvait déjà qu’Orpheos le laissait passer des barrières, celles de la simple confiance diplomatique. Sa main, elle, s’aventurait déjà sur les pans de sa chemise noire.

-Si tu es capable de m’aider, de me faire oublier la trahison d’un ami, alors fais… murmura le Sheikah d’une voix devenue particulièrement douce. A moins que ce ne soit moi qui prenne les devants, cette fois…

Aidé d’alcool et de tourments, le musicien mit fin à l’attente de l’ancien général… Il referma sa main sur le col de sa chemise, afin d’amener le nordique contre lui.
Puis, après un ultime instant d’hésitation, de lucidité dans son ivresse, Orpheos céda à ses pulsions pour l’embrasser.


Llanistar van Rusadir


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Llanistar, légèrement découragé par la réaction du chancelier, frissonna quand la main de ce dernier vint reprendre la sienne. L'hésitation première avait semblé n'être qu'un réflexe et la seconde réaction, un geste réfléchit. Avait il parlé juste ? Avait il su toucher Orpheos jusqu'à ce qui était profond et essentiel en lui ? L'espace d'un instant, il n'en fut pas sur mais l'espéra de tout son être. Il mordit dans le reste de son orange et profita une dernière fois de ce gout sucré, délicieux. Puis le chancelier eut une esquisse peut être involontaire de sourire avant de répondre de sa voix douce :

-Dun étant devenu un traître, ma seule amie en Hyrule reste la Princesse Zelda… Mais les choses peuvent toujours être reconsidérées…

La confiance. L'ingrédient nécessaire à leur relation d'amitié, ou plus, venait de naître. Llanistar se fichait de savoir ce que pouvait bien regretter son compagnon. Le découvrir serait le labeur d'un autre jour. A cet instant, il goutait tous les détails de la situation dans laquelle ils baignaient tous deux. Cette soirée qui commençait à lui plaire intensément et dont il s'efforçait de capter dans son ensemble, comme on tente de profiter au mieux d'un bon vin ou d'une drogue rare. Si longtemps seul et éloigné de cette émotion d'euphorie sublime que seule une relation forte pouvait procurer, le nordique réprima sa violente envie de se saisir du visage d'Orpheos pour en embrasser fougueusement les lèvres. Cela viendrait en son temps...Bien assez tôt, selon Llanistar.

-Je verrai bien, avec le temps, si tu dis la vérité… Il s'empara de son verre qu'il vida. Il venait de le tutoyer. Pour la première fois. Que de changements comparés au "Rusadir" d'auparavant. Un grand pas avait été fait...Et la tension fondait entre les deux hommes. En tous les cas, et je reviens à l’ensemble de tes confidences faites depuis l’autre jour… mais t’as vraiment un passé de merde !

Ils éclatèrent tout deux d'un rire franc et clair qui acheva de détendre l'atmosphère pourtant lourde de l'auberge. Cela faisait du bien à Llanistar de rire, il le sentait au fond de lui. Cela faisait trop longtemps qu'il cherchait un véritable ami en ce pays sans jamais trouver quelqu'un qui puisse le comprendre. Il lui semblait enfin qu'il avait trouvé.
Orpheos reprit à l'attention de l'aubergiste, qui râlait dans son coin :


-Moi aussi je veux quitter ce lieu. NuttyK, n’étant pas dans l’état de repartir sous la pluie… on va prendre une chambre pour cette nuit.

Le coeur de Llanistar commença à battre furieusement dans sa poitrine. Il savait ce que cela signifiait...Et comme lors de la première fois avec Saad et Aeldis, il était intimidé, désireux plus que tout de faire au mieux et effrayé à l'idée de ne pas être la hauteur... Un seul regard avec Orpheos et il sentit déjà cette angoisse s'alléger. Etre naturel restait le meilleur moyen de passer une première nuit inoubliable.
Ils montèrent à leur chambre, le chancelier passant devant dans l'escalier, offrant un spectacle affriolant au nordique qui devenait impatient. L'atmosphère devint de plus en plus respirable à mesure qu'ils s'éloignaient de la salle principale. Arrivés devant la chambre, Orpheos dut s'y reprendre plusieurs fois avant d'ouvrir finalement la lourde porte de bois. Il y faisait sombre et la pluie battait furieusement contre l'unique fenêtre...Quatre lits d'allure confortable et deux amis se désirant furieusement. L'Hylien se retourna et lança dans un murmure.


-Attends, un instant.

Llanistar laissa s'échapper un soupire. Pas de lassitude mais de désir, profond. Le monde avait rétrécit, le temps s'était arrêté...Il ne restait plus à ses yeux que cette pièce, lui et cet homme si beau...Si beau qu'on eut dit un enfant de dieu. Le fils même de la beauté masculine, si il existait ! Quelque part, Llani retrouvait chez lui quelque chose du Nord, cette liberté presque sauvage d'esprit et de corps qui refusait les chaînes...Et cela l'attirait.
Il respirait bruyamment, incapable de contenir en lui ces râles langoureux. Il vit le manège de son compagnon et sourit à cette idée. Il aurait été stupide de se contenter d'un simple lit pour eux deux. Celui ci susurra avant de s'avancer lentement et avec une assurance d'expérience :


-De cette manière, nous ne partagerons qu’une seule couche...

L'Artensys n'en pouvait plus. Il ne résistait à la tentation qu'au prix d'un effort sur lui surhumain mais quelque chose le poussait à attendre qu'Orpheos ait finit de tout lui dire. De lui ouvrir son âme entièrement, ce qu'il ne manqua pas de faire.

-Tu dis être venu pour moi. Je vais donc t’accorder un peu de ma confiance personnelle, et l’avenir me dira si j’ai eu raison de le faire.

Sa main délicate vint se poser sur la chemise de Llanistar et commença à aller et venir lentement, achevant de le mettre en ébullition. Orpheos s'approcha alors encore, jusqu'à ce que le nordique puisse sentir son corps tout proche du sien et murmura de la plus belle voix que Llanistar avait entendu depuis bien des années.

-Si tu es capable de m’aider, de me faire oublier la trahison d’un ami, alors fais... A moins que ce ne soit moi qui prenne les devants, cette fois...

-Tu ne le regretteras pas...

Et Orpheos l'embrassa. Tant de pensées envahirent Llanistar à ce simple contact...Il les chassa toutes et lui rendit ce baiser avec passion. Plus rien d'autre ne comptait à ses yeux. Le monde, Hyrule, la guerre, son passé, sa main manquante...Rien n'était important excepté le gout de ses lèvres, leur fermeté...Et ce corps qui s'offrait à lui et qu'il désirait tant. Il se pressa soudain contre son amant et s'empara de sa main droite de sa jambe, le portant jusqu'au mur qu'ils rencontrèrent dans un choc doux. Pressé contre les rondins de bois, ils ôtèrent chacun les vêtements de l'autre, avec une habileté confondante pour Llanistar, qui ne pensait pas savoir aussi bien user de sa main droite seule.
Puis ils dérivèrent jusqu'au lit.

Ils s'aimèrent passionnément cette nuit là, pour la première fois. Llanistar ne pensait à rien d'autre qu'à lui, qu'à son corps, qu'à son sourire qu'il parvenait à voir parfois malgré l'obscurité qu'ils avaient conservé et...qu'à ses yeux. Ses yeux d'émeraude qui répondaient si bien à l'argent pur des siens. Lorsque, épuisé, il s'endormit, ce fut d'un sommeil bienheureux qu'il n'avait plus connu depuis des lunes.
Et à son réveil, il se surprit à se presser avec tendresse contre Orpheos, souriant presque niaisement tandis que la lumière d'une belle aube d'été emplissait la pièce. Il était heureux.


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