Posté le 30/03/2014 17:50
Il avait cette main tendue, odieuse et mortelle. Ces doigts aussi retors que tordus par les siècles, et aussi blancs que les os qui transparaissaient sous la chair. Je ne pouvais en détacher mes yeux. Ils étaient si... Si laids. Si horribles. Si atroces. Si disgracieux, et tellement dénués d'élégance. Si sanglants, en dépit du fait qu'ils ne faisaient jamais couler le sang. Jamais, ou presque.
La gamine hurla, et de ma prison, j'eu le loisir de l'entendre. Vriller mes tympans devait être l'unique utilité que le Traqueur lui avait trouvé, puisqu'elle n'était même pas capable de jeter un œil, même étourdi, à ses propres pieds. Le poignet de la bête s'anima à nouveau, alors qu'il se déplaçait un peu sur la liane qui l'accueillait. Ses pieds se déportèrent de quelques centimètres sur la gauche - du moins, il me semblait - puis sur la droite à nouveau, comme pour se stabiliser. Tout aussi fin qu'il était, le lierre peinait à soutenir son poids. Son bras bougeait, doucement, gentiment presque. En silence, dorénavant, il invitait sa proie à avancer. Ce que fit, encore et de nouveau, l'idiote qui avait choisi de se dresser contre nous.
Le Traqueur s'accorda un salto, ou quoique ce fut qui puisse me transformer en boulet de canon. Je ne savais pas bien ce qu'il faisait, et ne le saurait jamais, comme à chaque fois qu'il lui prenait l'envie de se balancer les pieds au-dessus de la gueule. Et ainsi se brisa le lierre.
Mais nous ne sombrions pas pour autant.
Le membre du tueur, tout entier, s'enroula autour du plus grand filin de lierre qui pendait encore. Et il nous laissa glisser. Le choc fut d'autant plus rude que la descente fut brève, et tandis que ma tête se brisait une fois de plus contre les frontières de verre de ma geôle, je me réjouissais néanmoins à l'idée que son bras arbore les mutilations et les brûlures que Mère Nature aurait certainement su lui infliger. Peut-être son bras finirait-il si aminci qu'il en viendrait à se déchirer et le laisser pendu dans quelques verts feuillages de cette douce forêt ; avant que je n'y mette le feu et qu'il voit l'incendie avancer jusqu'à le dévorer ? Douce nuit que la mienne, et doux songes qui venaient d'ores et déjà me hanter.
Il se mit alors à susurrer. Sa voix avait ce timbre si étrange que pouvaient avoir les flûtes brandies par les enfants perdus dans les Bois. Et alors qu'il chantait, nous commencèrent à nous balancer. Quand l'acier mordit ses doigts, je ne pu retenir un cri de joie. La mort approchait un peu plus à chaque fois qu'il était blessé. Et quand il hurlait, je subissais le joug si agréable du plaisir. Une jouissance personnelle qui gagnait tout mon être en même temps que mes désirs de vengeances s'exprimaient, plus violents qu'aucun sentiment d'aucune entité vivante d'Hyrule et des Saintes-Terres de ces trois salopes. La chanson ne s'arrêtait pas, mais la tonalité changeait du tout à au tout. Il étaient proie à la douleur, et j'étais heureuse pour la première fois depuis des siècles.
Sa main mutilée passa néanmoins sur le menton de cette femme, qui gagnait de tout évidence son pain à la valeur de son jolie minois et de ses courbes naissantes. A la manière du Gérudo, et comme un enfant qui cherchait à apprendre du Père, le Traqueur caressa doucement la jeune femme, comme aurait pu le faire un homme envers son amante. « Petit pourceau, au cochon pendu, veut jouer ? » Répéta-t-il alors, d'une voix plus douce que jamais. Il était encore et toujours ce roi serpent qui étouffait les autres. « Mais petit pourceau, au cochon pendu, a perdu ! — EEEERNH ! » Lâcha-t-il ensuite, avant de se balancer une fois de plus. Ciel et terre se mêlaient en une énième occasion, alors que le filet se soulevait brusquement et et se refermait sur la pauvre sotte qui s'était crue grande.
Les pieds du Traqueur se réceptionnèrent alors sur l'arche de pierre autour de laquelle le lierre poussait. « Jolies, mignonnes, doucereuses ~» Chantait-il, avant de porter sa main blessée à sa bouche. « Belles, soyeuses, nombreuses ! ~ » Fredonna-t-il à nouveau. Ses dents se refermèrent sur sa main. Il tira un coup si sec, que je fut un instant prise de sérieux doutes sur l'équilibre qui lui restait après la large plaie qu'avait ouvert la gamine. Mais quand il cracha ; un doigt — à moins que ce ne fut deux, il éclaira involontairement ma lanterne. Et le sang courrait le long de cette main qui ne compterait plus jamais autant de phalanges pour torturer.
"Mes jolies, mes tendres, jouer il faut, manger vous pouvez ~" Murmura-t-il encore. Sa voix faiblissait. A moins que ce ne fut le bruissement de dizaines et dizaines de Skultullas qui s'affairaient. Elles étaient là, partout. Sur les murs, dans les fourrées, entre les fissures des remparts, en haut des créneaux, au pieds des murailles, sur les balcons. Et il me semblait qu'il avait su se constituer l'armée la plus horrible qui soit. Ces araignées, dont la taille était celle d'un crâne d'homme, qui avançaient dans une cacophonie aussi morbide que délétère, et dont j'aurais été incapable de chiffrer le nombre. Etaient-elles cinquante ? Peut-être. Soixante-dix ? Pas moins ! Cent ? Probablement. Je n'aurais su le dire. « Jolies, mignonnes, doucereuses ~» Reprit-il, d'un ton plus joyeux. Des dizaines grimpaient déjà sur le filet, et commençaient à l'envelopper d'épaisseurs de toile. « Belles, soyeuses, nombreuses ! ~ » Le manège continuait. Les araignées enfermaient la jeune fille plus vite qu'un bretteur ne peut déferrer. Le Traqueur avait fait de ce qui était ce simple filet le tombeau de la jeune femme, mais aussi le nid de ses filles, en cela que certaines commençaient à pondre. Elle finirait rongée par les larves, avant de mourir asphyxiée. « Mais petit pourceau, au cochon pendu, a perdu ! — EEEERNH ! » Hurla-t-il alors, avant de se frapper le poitrail à la manière des singes, tandis que certaines des skultullas passaient derrière l'oreille de l'enfant, et que d'autres caressait ses jambes de leurs pattes velues, et avides. Mais bientôt elle ne sentirait plus rien, et se contenterait d'entendre. D'ici quelques secondes, en vérité, quand la toile serait trop résistante pour qu'aucun couteau puisse encore l'entailler.
Tout comme le Traqueur, fuyant, qui n'avait pas senti qu'elle nous avait dérobé l'autre fée.