Posté le 15/09/2012 22:39
On lui agrafa sur les épaules quelque vêtement autrement plus lourd que les tissus qu'il portait depuis qu'il avait rencontré Nabooru l'Exalté. La cape était lourde – imbibée d'eau – et désagréable. Le filage était grossier, fait pour résister aux intempéries de la sorte, pas pour assurer le confort de quiconque la portait. Sans doute tenait elle au sec les gens pour peu qu'ils ne soient pas déjà trempés avant de l'enfiler. Cependant, l'Hylien ne s'autorisa pas de commentaires, et se contenta d'un merci de la tête. Il lui semblait que l'eau s'infiltrait jusqu'au plus profond des eaux, tant la pluie était insistante. Comme si... Comme si elle le perçait, creusait un véritable sillon au sein de son être, et laissait la marque de son passage.
On lui amena cette chose qu'il avait d'abord cru être un centaure. L'image lui était venue d'être mi cheval-mi homme, galopant dans des landes, arc au poing et flèche contre la joue. Des cavaliers émérites, des archers précis, des guerriers dangereux. Efficace. Des êtres du passés, voir n'ayant jamais existé.
Ses yeux se posèrent sur l'animal. Un regard qui restait relativement dur, mais qui tendait à s'apaiser à mesure qu'il redécouvrait les formes de la bête. A l'évidence, puissant – plus qu'un homme – rapide, fier. La main du gamin se porta à la tête du cheval, devant ses naseaux, sans pour autant se permettre de l'y apposer. Son autre main ; la gauche ; tenait le vêtement du Capitaine fermement sur ses épaules. L'équidé expira, avant de lever la patte, légèrement nerveux, impétueux. Non pas que le blond l'effrayait, mais bien parce qu'il n'était pas le genre à se laisser dompter. Il posa sa main droite sur la tête de l'animal, affectueux, interprétant ce signe comme une invitation. La scène n'avait pas duré plus de quelques secondes et pourtant il lui avait semblé qu'il connaissait le cheval mieux que quiconque n'aurait jamais pu le faire. Et tout ce qui lui semblait si étrange quelques secondes auparavant encore lui devint naturel. Il sut ce qu'il devait faire. Avant même qu'il ne lui commande, sa jambe se porta à l'étrier et il enjamba l'animal.
Chevaucher lui semblait être qu'il faisait depuis son plus jeune âge, tant et si bien qu'il n'avait pas la moindre attention à prêter à la chose. C'était aussi naturel que de respirer, presque une seconde nature. Peut être avait-il été centaure, lui aussi ?
Ses yeux pouvaient néanmoins s'adonner à la contemplation de ce fameux Château dont avait parlé l'homme à la coiffe émeraude. Les arches de pierre grise et blanche laissaient voir d'importantes portes à doubles battants qui surplombaient la petite troupe de toute leur hauteur. Les bâtiments étaient imposants, au point de se sentir réduit à l'état de chose insignifiante. Peut être n'était-ce pas le cas pour les hommes (et la femme..!) qui l'accompagnaient, mais l'Hylien avait cette sensation étrange de n'être rien qu'un point miniature dans une histoire ou tout était broyé par les rouages sans pitié du temps. Tout. Tout sauf... Sauf des marques impérissables du génie humain. Sans doute l'aurait-on trouvé bien prétentieux s'il avait exprimé sa pensée à haute voix et hissé le Castel-Royal de la dynastie Hylienne au rang d'oeuvre de génie, mais il lui semblait que de la bâtisse émanait quelque puissance ancestrale, comme si l'on avait su l'habiter d'une force éternelle, implacable. Que quoiqu'il arrive ces lieux resterait témoins de cette action qu'il ne pouvait définir, et qu'en réalité il ne pouvait aller jusqu'à imaginer. Bien trop vaste pour être vue en entière par un oeil humain ; et qui plus est sans recul.
Ils pénétrèrent, passant ces portes sans qu'aucun ne semble réaliser ce dont le garçon ne pouvait que percevoir une infime partie. Il garda ses impressions pour lui, alors qu'il envahissait la première cour de la demeure Régine. Le capitaine démonta, ses hommes en firent de même, et l'enfant des bois en fit de même, non sans continuer de s'intriguer de ce phénomène, ressenti étrange. Il était à l'évidence venu ici. Avant que ne soient posées les premières pierres, avant que ne soit érigées les premières forteresses. Du moins... Les forteresses que l'oeil peut discerner. Il n'arrivait cependant pas à distinguer quand, et quelle était l'apparence de ces lieux. En réalité tout cela ne tenait qu'à une impression si ténue qu'il ne craignait de la perdre à tout instant. Raccroché à ce fil qui représentait quelque chose qui lui resterait vraisemblablement interdit – pour jamais.
Les deux billes de glaces qu'étaient ses yeux parcourait les murs d'enceintes autour de lui. Il était avide de connaissances, désireux de connaître cette histoire toute particulière qu'il devinait, qu'il touchait presque du doigt avant qu'elle ne se dérobe à lui.
Ses pensées s'arrêtèrent net. Un homme l'observait (du moins, son profil) avant que ne claque, sèche et autoritaire, la voix de celui qu'il savait être un Général dorénavant, information capitale quand on ne savait pas ce qu'était un Général, à la vérité. Il arqua le sourcil, l'homme prit à peine le temps de penser et s'en alla. Quand à ce fameux Général, il lui fit signe de s'avancer, et les guida, Tali et lui même, à travers le Château. Une fois à l'intérieur, l'Hylien se sentit comme prisonnier. Une impression particulièrement désagréable le prit. Il lui semblait être captif d'une entité à l'ire millénaire, et comme fouillé ; inspecté dans les moindres recoins. Il ne parvenait pas à identifier quoique ce soit, mais il se savait observé, analysé. Des tentacules visqueuses (et inexistantes) s'enroulaient autour de lui, le freinaient dans ses mouvements. Il se sentait gourd.
La salle de Ban accentua son malaise. La table était immense, et les inscriptions ne lui semblaient pas si méconnues. Sans être pour autant compréhensibles, cela va de soi. A mesure qu'il avançait au sein de cette demeure, il se mettait à ne plus pouvoir la supporter. D'une part cette impression de savoir sans pouvoir se rappeler le moindre détail, d'autre part cette violence qui lui était faite l'écrasait. Link en manquait presque d'air. L'emprise qui se faisait sur lui se resserra, il abattit sur ses paupières deux voiles impénétrables, espérant échapper à la vue du bloc de pierre noire.
Il chancela.
Voix sinistres aux mélodies reptiliennes. Des mots étaient susurrés à son oreille et raisonnaient dans sa tête sans qu'il puisse en saisir le sens. D'abord de faible intensité, les voix gagnèrent en puissance, violentes, agressives. Il ne comprenait sans doute pas les mots, mais il en percevait la menace, tandis que sous ses yeux clos l'obscur se faisait, implacable. Les sifflements sournois ne cessèrent pas au sein de son crâne alors même qu'il se sentait gagné par une engeance noire et malveillante. Les écailles de l'animal compressaient sa cage thoracique, l'englobant doucement mais sûrement, le portant dans l'Ombre sans qu'il ne puisse rien faire sinon paniquer. Le volume des deux voix qui se mêlaient l'une à l'autre à la fois douces est violentes lui vrillait les tympans. Il n'hurlait pas uniquement parce que sa bouche était obstruée par un des flancs de l'animal. Chaos total. Douleur, et colère fusionnées pour créer ce monstre. Humiliation. Il ne parvenait pas à distinguer, les cris des deux entités malsaines couvraient tout.
Et le silence fut.
Une troisième remplaça les deux autres, plus calme, quoique gorgée d'inquiétude, mais dont la douceur n'avait rien de comparable à la fourbe séduction qu'exerçaient les chassées. Lentement refoulait le serpent qui l'écrasait, sans se presser descendait sa crainte, tandis qu'il se sentait presque lavé de toute cette noirceur qui le colorait auparavant. Ses yeux se rouvrirent, toujours craintif face à ce qu'il allait rencontrer, pour découvrir une jeune femme qui s'était jetée à son cou. Combien de temps tout cela avait duré ? Impossible à dire. Mais cette oppression s'éloignait de lui, comme effrayée par la lumière et la chaleur que dégageait la Dame. Il referma ses bras sur elle.
Sa voix retentit à nouveau, chaleureuse, aimante. Il connaissait cette voix. « Hylia ! » Cria son esprit. Il ne savait pas à quoi correspondait ce nom, mais d'office il l'avait attribué à la Femme-qui-repoussait-le-mal. « Hylia. » Reprit-il dans un murmure. La sonorité du mot l'apaisait. Il sentait son souffle dans son cou, chaud, tranquillisant. Une impression de sécurité le gagnait.
Elle s'éloigna de lui, et il laissa faire. Il la laissa de même s'exprimer, gardant le silence, sans comprendre pourquoi elle s'excusait réellement. Et quand sa main vint saisir la sienne, il la serra si fort qu'il pouvait, inquiet de perdre ce contact qui le rattachait au monde de la Lumière. Elle était devenue son ancre, la seule à pouvoir lui éviter une perdition totale et fatale.
Elle le guida, encore une fois, au travers des marches d'un escalier étroit sans que ne resurgisse les serpents d'auparavant. Il se sentait toujours divisé, cependant comme lorsqu'il avait rencontré l'animal au lac (ce fameux loup géant), il était apaisé. Même ce sentiment là tendait à disparaître en la présence de cette jeune femme. Elle referma la porte derrière lui, tandis que dans l'âtre crépitait le bois léché par les flammes. Une douce chaleur avait gagné la pièce bien avant qu'ils n'entrent.
"Je.. Sans doute. Je crois oui." Distrait. Son regard avait été accroché par un objet de forme ovale, et d'un bleu légèrement plus foncé que le ciel, brillant comme s'il était vernis. Il lévitait, au dessus d'un bureau, paresseusement. Protégé d'une sphère d'un bleu translucide qui intrigua particulièrement le jeune homme. Sachant son ’gardien’ dans son dos, il s'approcha de l'objet, presque timidement, avant de tapoter du doigt sur la sphère. A sa grande surprise, celle-ci se brisa. Craignant pour cette chose, et sans s'attendre à réaliser pareille action, sa main plongea, attrapant au vol ce qu'il apprendrait être l'un des biens les plus précieux de la famille royale.
"Qu'est-ce... Qu'est-ce donc que cela..?" S'enquit-il, réellement perplexe devant l'Ocarina du Temps. Mais si sa mémoire avait fuit son crâne, le souvenir ne quittait pas ses doigts si facilement. D'instinct, il sut les placer, et porta le bec à sa bouche.
L'air s'emplit de quelques notes. Et raisonna un chant oubliée.